Depuis 1991, il se passe au Cameroun à propos des UPC, ce qui se passe généralement dans nos salles de classe et centres d’examens. En effet, il est courant qu’en milieu scolaire et en particulier pendant les examens de fin d’année, deux élèves (ou candidats c’est selon), portent les mêmes nom et prénoms. Pour les distinguer, on recourt généralement à leurs dates et lieux de naissance. Si jusque-là l’identité persiste, on remonte à leur filiation. Ce petit détail a échappé jusqu’à présent à tous ceux qui ont parlé des UPC, créant l’illusion qu’il y aurait sur la scène politique de notre pays, un même parti qui offrirait en spectacle ses divisions, s’éloignant ainsi chaque jour un peu plus de son « unité ». La réalité est pourtant aussi simple que l’existence à l’école de deux homonymes. Partant de ce fait banal, nous voulons jeter un regard nouveau sur la problématique globale de l’UPC dans sa formulation et son ébauche de solution.
L’UPC DES ORIGINES AU RETOUR AU MULTIPARTISME
Il existe donc au Cameroun, un parti politique dénommé Union des Populations du Cameroun (UPC). L’histoire de ce parti est du reste assez mal connue, bien que tout le monde se targue de la connaître. Nous nous bornerons juste à en évoquer quelques dates importantes.
10 avril 1948 : naissance à Douala .Son premier
Secrétaire Général s’appelle Bouli Léonard. Mais celui-ci sera
brusquement affecté à l’Est. Il sera suppléé par Libaï Etienne.
Novembre 1948, Ruben UM NYOBE est plébiscité comme Secrétaire Général au cours d’une session élargie du Comité Directeur.
Septembre 1952, UM NYOBE est réélu Secrétaire Général du parti au
deuxième Congrès à Eseka (Il avait déjà été élu à ce poste au 1er
Congrès à Dschang en 1951). Félix Roland MOUMIE, Ernest OUANDIE, Abel
KINGUE rejoignent la Direction du parti, élus respectivement président,
premier et deuxième vice-président de l’UPC.
13 juillet 1955 : l’UPC est dissoute par un décret illégal du Gouvernement français ; début de la clandestinité.
25 février 1960 : AHMADOU AHIDJO pour des raisons de politique
politicienne sur lesquelles nous ne reviendrons pas ici, signe un décret
portant abrogation du décret du 13 juillet1955. Ce décret « réhabilite »
donc l’UPC pour la forme. Précisons que jusqu’en 1991, aucun autre
décret n’a été signé modifiant ou abrogeant le décret du 25 février
ci-dessus évoqué ; ceci veut dire que l’UPC au moment où le Cameroun
revient au multipartisme, est un parti légal.
21 juillet 1961, Ernest OUANDIE en exil depuis 1957 avec MOUMIE et
KINGUE, rentre au pays par le maquis du Moungo. Il est chargé de
réorganiser le parti et l’Armée de Libération Nationale du Kamerun
(ALNK). Dans cette perspective, il convoque le 13 septembre 1962, la
première Assemblée populaire sous maquis. Le 10avril 1963, il convoque
la deuxième Assemblée populaire à l’issue de laquelle une Direction
provisoire du parti est mise sur pied. Cette Direction provisoire est le
Comité Révolutionnaire de l’UPC. Elle comprend 7 membres. :
1- OUANDIE Ernest Président ;
2 –KINGUE Abel vice-président ;
5 membres : NDOH Michel, OSSENDE AFANA, NDONGO DIYE, NJIAWE Nicanor et WOUNGLY MASSAGA.
Notons en passant, qu’OSSENDE AFANA et Abel KINGUE refusèrent leur élection au Comité Révolutionnaire. Cette dissidence qui n’eut que peu d’échos auprès des militants échoua.
Après l’abandon de NDONGO DIYE et NDJIAWE Nicanor, NDOH Michel et WOUNGLY MASSAGA dirigeront le parti dans la clandestinité après l’assassinat du Président du C R OUANDIE Ernest le 15 janvier 1971à Bafoussam.
Août 1982 : convocation du troisième Congrès de l’UPC par le Comité Révolutionnaire sous la double signature de NDOH Michel et WOUNGLY MASSAGA. Ce Congrès se tiendra dans la clandestinité.
La Direction du parti qui s’appelle désormais
Comité Central dirigé par WOUNGLY MASSAGA, intègre en son sein de jeunes
cadres dont ALBERT KONDI, AFO AKOM et ELENGA MBUYINGA. Deux ans plus
tard (1984), le deuxième Congrès se tient en clandestinité et élit outre
des membres de la Direction de 1982, deux nouvelles figures à savoir
KAMGAING Alexandre et MANGA Edouard.
(pour plus de détails, lire Samuel MACK-KIT MOUKOKO PRISO in L’Unité de l’UPC est un combat 2011 pp120-121).
Le 03 octobre 1990, WOUNGLY MASSAGA pour des raisons non encore élucidées, annonce sa démission de tous les postes de responsabilité et déclare qu’il se met à la disposition de M. BIYA Président de la République.
Le 14 octobre de la même année, le Comité Central
Direction du parti entre deux Congrès, désigne Me NDOH Michel, membre du
Bureau Politique, Secrétaire Général par intérim à la place de WOUNGLY
MASSAGA démissionnaire.
Avril 1991, une loi d’amnistie générale concernant tous les délits
politiques est adoptée par l’Assemblée Nationale. C’est ce qui permet à
des exilés politiques dont beaucoup de membres de la Direction
clandestine de l’UPC, d’effectuer leur retour au pays.
C’est notamment le cas de : Me NDOH Michel Secrétaire Général par
intérim, du Professeur MOUKOKO PRISO alias ELENGA MBUYINGA Secrétaire
National chargé de la presse, de la propagande et de la formation des
cadres, du Dr Samuel MACK-KIT alias MANGA Edouard Secrétaire National
aux finances - Trésorier Général, du Dr KUISSU Siméon alias AFO AKOM
Secrétaire Général adjoint, ABBO A BEYECK alias KAMGAING Alexandre
Secrétaire National à l’organisation, du Dr OYONO Samuel membre du
Bureau Politique.
Ils rejoignent ainsi dans le pays d’autres membres de la Direction et
cadres du parti qui s’y trouvent déjà. parmi eux on peut citer : NDEMA
SAME Alexis alias Albert KONDI, EKANE Anicet , ABANDA KPAMA ,EKWE
Henriette alias NYANGON, NONO Théophile alias NJAMI, MENDOMO Elisabeth
,BOUM Jean-Pierre, LOUKA Basile , MBANGA Paul et j’en oublie
certainement.
C’est l’ensemble de ces hauts Responsables et cadres de l’UPC auxquels se sont ajoutés d’anciens et jeunes militants sincères ,qui s’engageront corps et âme dans l’organisation du premier Congrès unitaire qui se tiendra les 19, 20, 21 et 22 décembre 1991 à Bafoussam-Bamougoum , dans la concession du camarade NKWETCHE Jean Bosco de regrettée mémoire. Voilà pour l’essentiel, quelques grandes dates de l’histoire de l’UPC, des origines à 1991. Qu’en est-il de l’homonyme de l’UPC ?
LE POUVOIR CREE UN HOMONYME A L’UPC.
Le 12 février 1991, le même jour que la DIC (Démocratie Intégrale du Cameroun) de feu Gustave ESSAKA , le Gouvernement de M. BIYA à travers le MINAT (Ministère de l’Administration Territoriale) où pontifie M. Gilbert ANDZE TSOUNGUI , en violation flagrante de la loi ,légalise un parti politique dénommé ( oui vous avez bien lu ),Union des Populations du Cameroun (UPC) avec comme Président le prince DIKA AKWA NYA BONAMBELA et comme Secrétaire Général M. Augustin Frédéric KODOCK.
Aux élections législatives de 1992 boycottées par l’UPC, ce pari s’en sort avec 18 députés. Avec l’UNDP (Union Pour la Démocratie et le Progrès) de M. BELLO BOUBA MAÏGARI et le MDR (Mouvement pour la Défense de la République) de M. DAKOLE DAÏSSALA, « L’opposition parlementaire » a la majorité et peut donc renverser le Gouvernement et changer le pays si telle avait été sa préoccupation. Mais manifestement, telle n’était pas sa préoccupation.
C’est ce qui explique que ces trois partis, l’homonyme de l’UPC en tête, iront se prosterner devant le RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais) au pouvoir, pour signer des alliances alimentaires avec lui. M. KODOCK entrera quelques temps après au Gouvernement avec 4 Ministres, tous Bassa comme lui. Le caractère tribaliste de cet homonyme sera ainsi mis en exergue.
Un autre haut fait de ce parti survint au cours de l’adoption de la constitution du 18 janvier 1996. Alors que la tendance majoritaire des Députés de « l’opposition » penchait pour un scrutin à deux tours pour l’élection présidentielle, M. KODOCK et son parti votèrent contre, privant ainsi le Cameroun d’une avancée démocratique considérable.
On voit donc que ni la date de naissance, ni l’histoire de ces deux partis, ni leurs dirigeants ne s’identifient de quelque façon ni sous quelque forme que ce soit. C’est pourquoi nous les appelons : l’UPC pour l’un, et l’homonyme de l’UPC pour l’autre.
Cette précision faite, la problématique de l’existence de ces deux UPC sur la scène politique camerounaise n’est cependant pas encore explicitée. Pourquoi le pouvoir néocolonial de M.BIYA et ses conseillers français éprouvent- ils le besoin au moment où le Cameroun renoue avec le multipartisme, de créer un homonyme à l’UPC alors même qu’une telle confusion est interdite par la loi ? C’est pour une raison simple : la stratégie de bannissement de l’UPC inaugurée par le Décret illégal du 13 /7/ 1955, doit se poursuivre tout en s’adaptant au nouveau contexte international. Il faut donc maintenir l’UPC dissoute, en faisant croire à l’opinion Nationale et Internationale que le parti d’UM NYOBE est réhabilité. De plus, la méthode brutale faite d’assassinats, d’emprisonnements, de tortures a montré ses limites. En tout cas, elle n’a pas pu effacer l’UPC du souvenir des Camerounais. Si bien qu’au moment où le Cameroun revient au multipartisme , l’UPC demeure le parti le plus aimé des Camerounais, celui qui symbolise la légitimité politique du peuple Camerounais, en même temps qu’il incarne le souvenir de sa lutte héroïque pour son unité et son émancipation. Mais en même temps, et précisément pour cette raison, l’UPC reste le parti le plus redouté du régime néocolonial. L’enjeu consiste donc pour ce pouvoir à essayer d’extirper ce parti des cœurs des Camerounais. Pour ce faire, Il faut en contrôler le cigle et le salir au maximum. Le pouvoir n’hésitera donc pas à fouler aux pieds sa propre loi comme on ferait d’un chiffon de papier, en créant une UPC bis pour créer la confusion et atteindre son objectif à savoir, détourner le peuple camerounais de son parti et par conséquent, de la politique. Treize ans après, quel est le bilan de cette stratégie ?
Il faut tout de même reconnaître que la stratégie du pouvoir pour l’essentiel a fait mouche. Le « retour » annoncé de l’UPC sur la scène et la perspective d’une possible prise du pouvoir par elle, a poussé des centaines de milliers de militants et de sympathisants de l’UPC dont beaucoup étaient sincères ,à se jeter tête baissée dans la nébuleuse créée, sans s’apercevoir de la supercherie qui était à l’œuvre, malgré de nombreux avertissements de la direction du parti, bien au fait de ce qui se tramait. Tous les témoins de la période 91-92 se souviennent des meetings de l’UPC à Douala, à Yaoundé, à Bafoussam, à Nkongsamba, Edéa, Eséka ou ailleurs dans le pays, où le crabe noir sur fond rouge vous en donnait plein la vue. Mais le gros de ces troupes enthousiastes se réclamant de l’UPC était en réalité embrigadé par l’homonyme qu’elle prenait pour l’UPC. L’effet escompté par le pouvoir ne tardera pas à se produire.
En effet le peuple camerounais commence à observer de nombreux paradoxes entre ce parti qui a toutes les apparences du parti de leurs amours , et les propos et prises de position de ses principaux dirigeants, en particulier de M. Augustin Frédéric KODOCK son Secrétaire Général . Ces propos et attitudes rapprochent l’homonyme du RDPC et finissent par le confondre avec le parti des flemmes. La similitude entre l’homonyme et le RDPC sera scellée, avec la signature de l’alliance entre les deux partis survenue le 28/9/92 à Yaoundé.
La deuxième chose qu’observent les Camerounais vis-à-vis de l’homonyme de l’UPC, c’est son refus catégorique, en particulier de son Secrétaire Général, à rejoindre la dynamique unitaire que les dirigeants de l’UPC mettent en place sitôt rentrés d’exil en 91, et plus tard en 96, quand , en perte de vitesse, l’écrasante majorité de la bande à KODOCK suivra certains de ses dirigeants en rupture de ban avec leur leader, obligés de jouer en apparence la carte de l’unité, avec le secret espoir que la manœuvre leur sera bénéfique. C’était d’ailleurs la condition de la tenue de ce Congrès. La suite, on la connaît. Plus de 90% de la Direction élue composée par les dirigeants de l’UPC avec au poste de Secrétaire Général, NDOOH MICHEL, au Secrétariat National à l’organisation MOUKOKO PRISO, au Secrétariat National à la Formation LOUKA BASILE, à la Trésorerie Nationale SAMUEL MACK-KIT pour ne citer que ceux –là. Tout sera mis en œuvre pour casser cette Direction par NTUMAZAH, KODOCK et d’autres membres de l’homonyme déçus, dont l’ancien Ministre ESAÏ TOKOMANGAN et compagnie, en complicité évidente avec le pouvoir RDPC. Le coup sera perpétré au cours d’un pseudo Comité Directeur, les 5 et6 juillet 1997 au foyer Njo Njo à Douala. Après ce forfait, personne du côté de l’homonyme ni du pouvoir, ne fera plus allusion à ce méga Congrès qui réunit au Palais des Congrès à Yaoundé les 13, 14, 15, et 16 septembre 1996, plus de 10 mille délégués (selon les estimations de la presse), venus de tous les coins du pays et de l’étranger. Il faut faire comme si ce Congrès n’avait jamais existé.
La troisième chose qui caractérise l’homonyme de l’UPC et que le peuple camerounais constate, c’est son fractionnement. Les premiers signes de ce fractionnement apparaissent au cours des élections présidentielles de 1992, lorsque le PR Henri HOGBE NLEND, pourtant toujours membre du RDPC, se déclare candidat de l’homonyme à la présidentielle. Il sera investi par les militants au détriment de M.KODOCK. Son dossier sera cependant rejeté pour défaut de preuve de résidence permanente au Cameroun. Il va alors négocier un accord avec BELLO BOUBA MÏGARI de l’UNDP qui lui promettra le poste de Premier Ministre en cas de victoire. Après les élections, le Professeur reprendra l’avion et rentrera tranquillement à Bordeaux. Il y restera un temps dans un mutisme complet.
Cette « élection » scelle la division de l’homonyme de l’UPC en deux principales factions dont chacune a son Secrétaire Général : la faction HOGBE NLEND et la faction KODOCK. Depuis le décès de M. KODOCK, l’homonyme de l’UPC s’est encore fractionné en plusieurs ramifications : il ya pour le moment le groupe LOUKA-PAPI NDOUMBE, le groupe BAPOO LIPOT, et le groupe WANDJI. On ignore encore ce que mijote le Dr SENDE un fidèle de KODOCK qui n’est pas prêt à accepter de jouer les dindons de la farce.
C’en était trop. Les Camerounais déçus par l’effet conjugué des fraudes électorales de plus en plus sophistiquées du régime RDPC et le comportement équivoque auquel s’ajoutent les divisions du parti qu’ils prennent pour l’UPC et que le régime s’évertue à présenter comme tel, se désintéressent de plus en plus de la politique. Le régime se frotte les mains. Son coup a porté. Il a réussi à détourner le peuple du parti qu’il croyait être son « âme immortelle » mais qui l’a trahi. Son désintérêt de plus en plus affirmé vis-à-vis de la politique trouve là son origine. Le pouvoir a le temps de tout verrouiller pour s’assurer un séjour perpétuel aux affaires. C’est là que nous en sommes aujourd’hui. Mais avant de continuer dans la ligne de notre analyse, disons un mot non pas sur les divisions, mais sur les désertions dans l’UPC. (A suivre)