Les services secrets du Cameroun sont convaincus que les lettres adressées par Marafat Hamidou Yaya à Paul Biya sont écrites en son nom par des personnes tapies dans l’ombre.
Depuis son incarcération à la prison centrale de Yaoundé, l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation a, en moins de deux semaines, adressé deux lettres incendiaires au Président Paul Biya. La fréquence de ces courriers intrigue de nombreux observateurs, d’autant plus que, selon certains de ses anciens collaborateurs, Marafat Hamidou Yaya n’aurait pas une aisance avérée en matière de rédaction.
La conclusion qui en est tirée est que ces lettres sont écrites non pas par lui-même, mais plutôt par des personnes mobilisées pour sa cause à qui il donnerait juste des éléments de rédaction. C’est donc pourquoi les services de renseignements sont mis en branle pour chercher à découvrir qui écrit ces lettres pour Marafat Hamidou Yaya.
Une enquête discrète dont les résultats sont attendus avec impatience par la haute hiérarchie policière a été ouverte à cet effet. Selon des sources bien introduites, la première piste à explorer conduit vers les journaux qui ont publié au même moment, et en exclusivité, les deux lettres ouvertes de Marafat Hamidou Yaya à Paul Biya. La police voudrait avoir des réponses sur trois questions essentielles : qui leur a remis ces courriers ? Par quel canal les ont-ils reçus ? Et quels objectifs vise la publication simultanée desdits courriers dans certains journaux, alors que le destinataire était le Président Paul Biya et non le public ?
En réalité, le casting des journaux qui ont publié les deux lettres ne s’est pas fait au hasard. En effet, du temps où il officiait comme tout puissant ministre de l’Administration territoriale, Marafat Hamidou Yaya, tout comme certains autres ministres camerounais, avait à sa solde, des journaux grassement payés pour le défendre ou pour descendre ses adversaires politiques. Il est donc facile de comprendre que les liens entre les deux parties ne sont guère coupés, malgré son incarcération. La main qui écrit ces lettres, se trouverait donc à coup sûr dans cette fourchette, estiment certains analystes.
Mais, un journal intéresse particulièrement les services de renseignements. Il s’agit de l’œil du Sahel, un hebdomadaire d’informations régionales du Nord Cameroun, dont le directeur de publication n’est autre que Guibaï Gatama, originaire du Nord tout comme Marafat Hamidou Yaya. Il est fortement suspecté d’être le lien entre l’ex ministre et une certaine presse. Selon des sources introduites, quelques indices plausibles font peser de lourds soupçons sur ce journal.
D’abord, quelques jours avant l’arrestation de Marafat Hamidou Yaya, L’œil du Sahel avait publié dans son édition No 477 du 23 avril 2012, une lettre confidentielle de René Sadi, actuel ministre de l’Administration territoriale, alors Secrétaire général du RDPC, parti au pouvoir au Cameroun. Cette lettre qui date de l’année 2007, demandait au ministre de la Justice de lui transmettre l’état judiciaire et comptable de Marafat Hamidou Yaya.
Ensuite dans son édition No 478 du 2 mai 2012, il a publié en exclusivité, la première lettre de Marafat à Paul Biya. Puis, dans l’édition No 480 du 14 mai 2012, il a publié une autre lettre de l’ex ministre sous le titre : « Nouvelle lettre de Marafat Hamidou Yaya à Paul Biya ».
Ce, d’autant plus que ce dernier a clairement affirmé dans sa deuxième lettre qu’il n’était plus tenu par l’obligation de réserve et de solidarité. On peut donc croire qu’il n’hésiterait pas à mettre sur la place publique, certaines affaires gênantes de l’Etat.
A l’observation, Marafat Hamidou Yaya ne manque pas de soutiens politiques dans sa région du Nord du Cameroun, au sein de l’appareil d’Etat, et même parmi les fonctionnaires qu’il a fabriqués de toutes pièces du temps où il avait la haute main sur l’administration camerounaise. Les services de renseignements espèrent démanteler ces réseaux dont la capacité de nuisance ne saurait être négligée, pour la préservation de la paix sociale, la sécurité, la stabilité des institutions et l’unité nationale.