Les pygmées en colère contre Paul Biya

Cameroun : Les pygmées en colère contre Paul BiyaLa révolte des pygmées de Lolodorf contre Paul Biya

Exclus et ignorés dans les différentes listes communales et législatives, lors des investitures des candidats au Rdpc, les pygmées « Bakola » de Lolodorf entendent manifester leur colère et le mécontentement généralisés par l’abstention et au pire, le vote sanction contre le Rdpc de Paul Biya.

« Les caciques et les dinosaures du Rdpc, ont fait fort. Même les pygmées sont fâchés et révoltés contre le mode des investitures adopté par Paul Biya ». Alors que l’attention de tous les acteurs des prochaines échéances électorales, est dirigée vers la fiole qui sortira d’Elecam, ce refrain revient dans toutes les couches sociales. On croyait que l’indignation et la contestation de la sélection des candidats du Rdpc aux prochaines élections municipales et législatives du 30 septembre 2013, se sont limitées seulement dans les circonscriptions électorales des personnes « civilisées ». Que non.

La pagaille, le braquage et le hold-up, ont troublé et traversé les eaux de l’océan, au point de provoquer le soulèvement et la révolte des pygmées. Poussées au bout, ces populations autochtones considérées comme des personnes de petite taille, sont sorties de leur réserve pour condamner les pratiques d’exclusion, du monnayage, du trafic d’influence perpétrés par les prébendiers du Rdpc, spécialistes pour la majorité, du chantage alimentaire, de la gestion des comptoirs de commerce et de divers marchandages qui ont pourri et plombé tout le processus des investitures.

Après les investitures, à Lolodorf, les pygmées bougonnent de colère et d’amertume. Deux listes Rdpc étaient en compétition ; celle conduite par Nguiamba Nloutsiri dans laquelle faisait partie la jeune Amban Nkoro Catherine Fleur, comme conseillère sortant ; et celle qui avait comme tête de liste, Mballa Félicien. « On a avancé la notion du consensus ; laquelle voulait dire à notre compréhension, que les deux listes devaient être fusionnées pour qu’à la fin sorte à l’issue d’une entente et des négociations, une liste consensuelle » s’indignent les populations autochtones. A les croire, à Lolodorf, rien de la circulaire du président national du Rdpc n’a été pris en compte. Les émissaires ont fait selon leur entendement. Le consensus n’a pas été constaté. D’où le clash qui se dessine entre les pygmées et leurs compatriotes bantous. « Les pygmées de Lolodorf, sont en colère et en ont après le directeur du Labogénie, en la personne de M. Nouanga Philip. « C’est lui l’auteur de tout le désordre observé à Lolodorf. Ce qu’il a fait est inadmissible » serine un notable pygmée.

12 villages parmi 28, écartés

L’arrondissement de Lolodorf  compte 28 villages ; mais au terme du casting des conseillers, seuls ceux venant de 16 villages  ont été retenus dans la liste, prétendue consensuelle. Par conséquent, 12 villages sont exclus du conseil. « On nous a toujours balancé sur la figure, la protection des minorités sociologiques. Cette disposition figure dans la constitution du Cameroun, mais d’où sort-il que les pygmées qui sont des Camerounais à part entière, eux à qui on demande d’aller aux urnes, mais qu’ils ne soient pas éligibles ? », s’interroge un autre pygmée. Visiblement vexé.  Estimant que la circulaire du président national du Rdpc a été trahie, foulée aux pieds et même mise de coté dans certaines circonscriptions électorales, la communauté pygmée, composée en majorité des militants de base, piaffe d’impatience. Pour les échéances électorales à venir, ils proclament leur fermeté et détermination à opérer le vote sanction le 30 septembre prochain.

De nombreux couacs et irrégularités pour la majorité ont émaillé le processus des investitures. A écouter les populations autochtones, elles n’accordent plus d’estime et de crédit aux commissions des investitures et au secrétariat du Comité central du Rdpc. « Ce sont des instances qui ressemblent étrangement à des « confréries » regroupant des « militants » qui ont fait leur lit dans l’enrichissement illicite, le pillage, la gabegie, l’affairisme, la démagogie et les trafics multiformes » dénonce-t-on.
 

Entretien. Amban Nkoro Catherine Fleur :  « Le vote sanction est la réponse à l’exclusion dont nous sommes victimes »
 
Militante Rdpc, ancienne conseillère municipale de la commune de Lolodorf, la jeune représentante de la communauté pygmée Bakola, sur qui reposaient les espoirs, a été exclue sans façon de la liste.
 
Quel est le ressentiment de la communauté pygmée de Lolodorf, une fois que vous avez appris qu’il n’y a pas un des votre dans le prochain conseil municipal ?
Nous sommes véritablement en colère. Nous nous sentons exclus des affaires publiques. C’est pour cela que nous interpellons le président national du Rdpc, pour qu’il rectifie le tir ; au besoin qu’il annule les résultats des investitures aux municipales dans la commune de Lolodorf. Personnellement pour le compte de la communauté pygmée que je représente, j’ai composé mon dossier, mais il a disparu au niveau régional sans qu’on nous explique pourquoi.  Les pygmées sont absents tant à la députation qu’au sein du conseil. La circulaire du président Paul Biya, parle de l’intégration des minorités et de l’approche genre. Je fais partie des minorités et je suis dans le genre.

Nous avons accepté militer dans le Rdpc, non pas pour chercher des postes de responsabilité au gouvernement, au sein de l’administration centrale ou dans les directions générale. En accédant au Rdpc, nous voulions servir la nation camerounaise. Nous aimons le président de la République Paul Biya, qui a toujours dans ses discours, martelé et demandé la prise en compte à tous les niveaux des minorités. Mais comment expliquer les exclusions et les mises à l’écart des minorités et particulièrement, les populations autochtones ? Est-ce que Elecam va publier les listes venant de Lolodorf  lorsqu’on sait que celles-ci sont truffées de fraudes et de plusieurs irrégularités ?
 
Qu’est-ce qui peut expliquer l’absence de représentants dans ce conseil, de la communauté pygmée des Bakola de Lolodorf qui pourtant, est composée de plusieurs petits villages ?
Il est difficile de donner une explication à cela. Voilà pourquoi, nous insistons sur la disqualification de la liste qui vient de Lolodorf ; pour non prise en compte des composantes sociologiques. J’étais le seul représentant des pygmées ; mais j’ai été sortie de la liste comme un vulgaire bout de papier, au vu du désordre et de la pagaille orchestrés par ceux-là qui voulaient avoir le monopole du contrôle des affaires politiques sur le terrain. Les pygmées de Lolodorf sont regroupés en 23 petits villages, qui ne sont pas représentés à la liste actuellement déposée à Elecam. Cette communauté a formulé des requêtes ; je les ai portées au ministre de l’Administration territoriale, au Comité central du Rdpc et même à Elecam où, j’ai été chassée comme une pestiférée.

Si rien n’est fait, nous populations pygmées, promettons un vote sanction sans précédant. Si nous nous rendons compte que nos voix ne comptent pas, qu’on peut voter à notre place ou changer notre choix après les dépouillements comme le pensent les caciques et les hommes forts du régime, nous allons rester dans les cabanes et les huttes dans nos forêts en refusant d’aller aux urnes le moment venu.

Pensez-vous que si vos requêtes ne sont pas prises en compte, la meilleure solution est le boycott des urnes ?
La seule riposte à l’exclusion dont nous sommes victimes, c’est la révolte, l’indignation ; par le vote sanction ou par l’abstention. Nous sommes rejetés, méprisés et vomis de façon notoire. A Elecam, on m’a chassée comme une mouche ; que le Comité central que nous avons saisi, reste silencieux, sourd à notre requête, cela prouve davantage que nous restons aux yeux de tous, des sous hommes, des gens de moindre importance et de peu de valeur. Notre seul refuge en ce moment, reste nos forêts.  Les minorités pygmées, veulent être représentées dans le conseil municipal de la commune de Lolodorf.

Il est inadmissible que non seulement la communauté pygmée ne soit représentée ; pire encore, ce sont douze villages sur les 28 de l’arrondissement de Lolodorf qui ne sont pas représentés. C’est grave d’où notre insistance sur la disqualification de la liste Rdpc des municipales du 30 septembre prochain, au cas où, elle est maintenue dans sa composition déposée à Elecam. Tout le monde est en colère ; car alors que certains des 16 villages, ont un peu plus de trois, voire quatre conseillers, il y en a douze qui n’ont pas été pris en compte. C’est révoltant.  Surtout quand on sait qu’il s’agit d’une élection de proximité. Qui mieux que nous-mêmes peut poser nos problèmes et défendre nos intérêts ?

© Le Messager : Souley ONOHIOLO


30/07/2013
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