Plusieurs jeunes fonctionnaires, le plus souvent fraichement sortis des grandes écoles se voient parachuter à des postes de responsabilités au mépris des textes en vigueur. Ceci créer de nombreuses frustrations au sein de nos administrations tout en pourrissant les rapports sociaux. Décryptage.
L’expérience professionnelle ne s’achète pas. Elle s’acquiert surtout sur la durée et au contact de certaines réalités de terrain qu’aucun enseignant, fut-il excellent dans son domaine, ne peut faire apprendre. C’est pourquoi, généralement, à chaque appel à candidature, même si c’est parfois pour la forme, il y est adjoint la célèbre mention : Avoir au moins 05 ans d’expérience. Seulement, les pratiques en cours dans notre fonction publique ou même dans le para public et le privé donnent du tournis. Il y a environ 06 mois, une radio privée qui s’est construit une assez bonne réputation en termes de professionnalisme depuis des années, Radio Tiemeni Siantou en l’occurrence, connaissait des défections en cascade de ses plus brillantes signatures.
Raison, la nomination de Valéry Siantou, fils du fondateur Lucien Wantou Siantou au poste d’administrateur exécutif. Le rejeton du promoteur du groupe Siantou, qui a certainement fait de brillantes études aux Etats-Unis n’a pas tardé à montrer ses lacunes en gestion des ressources humaines et à créer toutes sortes de misères à ceux-là qui ont mis cette radio urbaine sur le piédestal.
Cette gestion cavalière n’a pas tardé à provoquer des départs : les animateurs Frenzy Fantômas et Ben Benjo, le journaliste Innocent Tatchou ou encore le technicien d’écran sonore Joe Ebonda ont ainsi quitté le navire avant qu’il ne coule. Des départs qui font suite à ceux de Bouba Ngomna, chef de desk sport ; Paulin Mballa, chef de desk économie ; Emmanuel Jules Ntap rédacteur-en-chef.
Dans la fonction publique les promotions sont tout aussi surréalistes. Mohammadou, conseiller de jeunesse et d’animation et cadre au ministère de l’économie, du plan et l’aménagement du territoire se souvient d’un parcours atypique.
« Nous avons connu le cas d’un camarade du nom de Serge en 2002. Avant les soutenances alors que tous nos promotionnaires faisaient encore la pédagogie pratique, cet homme, qui est aujourd’hui promoteur culturel a été nommé comme directeur administratif et financier au Programme National de Gouvernance basé au Premier ministère sur hautes instructions d’on ne sait qui. »
Plus près de nous, en nous penchant sur la dernière cuvée des 25.000 recrutés à la fonction publique on retrouve plusieurs hérésies du même genre. C’est ainsi qu’un certain Agbor sorti tout droit du quartier est en ce moment inspecteur vérificateur au ministère du contrôle supérieur de l’Etat, titre équivalent au moins au grade de chef de service. Selon Abba, fonctionnaire, « On se pose beaucoup de questions et çà crée des frustrations parmi nous mais on endure tout cela en silence.»
Et des cas comme ceci on pourrait en citer à la pelle. Ils sont chargés d’études, chefs de service, sous-directeurs le plus souvent sur la base de leurs accointances familiales ou ésotériques. Pendant que leurs camarades se démènent dans les couloirs de la fonction publique pour suivre leurs dossiers d’intégration, ces adeptes de la facilité et du moindre effort trouvent du soutien auprès de certaines hautes personnalités ayant la même petitesse d’esprit qu’eux et sont parachutés à des postes qu’ils ne maitrisent ni d’Adam ni d’Eve.
Les textes sont pourtant clairs
Pourtant l’article 17 alinéa 1 du décret N°2001/108/PM du 20 mars 2001 fixant les modalités d’évaluation des performances professionnelles des fonctionnaires stipule que l’évaluation conditionne l’évolution de la carrière du fonctionnaire notamment pour ce qui est de l’avancement. En plus un fonctionnaire en cours de régularisation ne peut être évalué sauf cas de force majeure dument justifiée par son supérieur hiérarchique.
Au sens du présent décret, est considéré comme stagiaire et soumis à un stage probatoire : L’agent nouvellement recruté à un poste de travail, mais non encore titularisé dans un grade de la hiérarchie des administrations de l’Etat ; Le fonctionnaire qui, en cours de carrière est admis à un concours professionnel permettant l’accès à un cadre supérieur. L’Article 3.- (1) ajoute que Tout fonctionnaire stagiaire nouvellement recruté est soumis à une période de stage d’un an, au cours de la quelle il doit prouver sa valeur professionnelle, sa bonne moralité, ainsi que son aptitude physique à assumer les fonctions auxquelles il aspire. Le fonctionnaire stagiaire nommé dans un cadre de la Fonction publique n’est évalué qu’à la fin de la période normale de son stage. Cette évaluation doit intervenir au cours de deux (2) mois qui suivent la fin du stage.
Mais au lieu de respecter les textes en vigueur qu’ils ont euxmêmes mis en place, ces hautes personnalités se mettent sciemment en devoir de compromettre la cordialité, l’harmonie et la cohésion qui doivent en principe régner dans toute administration pour parvenir à des résultats efficients. L’expérience ne peut s’acquérir qu’au contact de certaines réalités. C’est pourquoi l’Etat a prévu aussi au moins un stage ou une session de formation au Cameroun ou à l’étranger tous les cinq(5) ans pour les fonctionnaires. Et selon l’article 4 alinéas 2 et 3 du décret N°2000/697/PM du 13 septembre 2000 fixant le régime de la formation permanente des fonctionnaires, les stages de formation et de perfectionnement conduisent, suivant le cas, à l’acquisition d’un titre nouveau ou à l’amélioration des connaissances professionnelles du fonctionnaire. Ils peuvent donner droit à une intégration, à un reclassement, à un changement de corps ou à une bonification d’échelon, conformément aux dispositions des statuts particuliers ou spéciaux.
Les lobbies occultes sévissent
Ils vont de missions en missions, aux frais du contribuable camerounais, se singularisent par l’ostentation dans l’acquisition des véhicules, terrains, immeubles et chapeautent le tout par un mépris et un dédain innommable à l’endroit de ceux qu’ils ont trouvé dans la boite et qui sont en réalité mieux outillés qu’eux. L’un de ces fanfarons, sorti de l’Institut de la Jeunesse et des sports comme conseiller de jeunesse et d’animation en 2002 et propulsé du coup au poste de chef de service au Fonds spécial d’équipement et d’Intervention intercommunale « N’osait même plus prendre le téléphone » selon un de ses promotionnaires qui a requis l’anonymat.
Il est redescendu sur terre, lorsque son parrain, un ancien ministre de l’administration territoriale et ancien gouverneur jadis Pca de cette structure n’était plus aux affaires et qu’il a été viré par la nouvelle équipe. C’est aussi le cas de plusieurs autres. Selon Eric Oyono, cadre commercial d’assurances à Yaoundé « Ceux qu’on nomme en brulant les étapes oublient le droit d’ainesse et méprisent les autres qu’ils prennent pour des idiots et des incapables. Ils deviennent le plus souvent inhumains. C’est pourquoi il faut barrer la voie à de telles pratiques maintenant. Sinon quand on aura besoin de ministres ils seront éligibles alors qu’ils ne méritent pas.» Leurs tares ne sont mises à nu que lorsque leurs soutiens sont ébranlés ou quand la mésentente s’installe entre le parrain et le protégé. Serge cité plus haut, prématurément directeur administratif et financier au PNG, n’aurait jamais été en difficulté s’il n’avait pas résolu de viser le siège d’une section du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais(RDPC) occupé par son parrain dans sa Mefou et Akono natale.