Le tintamarre présidentiel dans le Septentrion n’avait rien à voir avec les sinistrés de Lagdo à l’origine. Il avait pour but de noyer l’effet Marafa.
Quelqu’un se souvient-il d’une précédente visite « spontanée » du chef de l’État camerounais, M. Paul Biya, partout où il y eu une catastrophe naturelle dans une région au Cameroun, comme cela fut le cas récemment à Lagdo suite aux crues y provoquées par les pluies diluviennes? En trente années de pouvoir à Yaoundé, le locataire d’Etoudi avait habitué son monde au scénario de l’indifférence apparente en de telles occasions, laissées généralement à des membres du gouvernement ou, simplement, à des administrateurs civils…
On ne s’y est pas trompé
De source exclusive, la visite présidentielle dans le septentrion n’avait rien à voir, à l’origine, avec les crues qui ont fait des dizaines de morts et des centaines de sinistrés sur les rives de la Bénoué. Les crues ne furent qu’une aubaine supplémentaire ayant contribué à donner une connotation humanitaire à une simple offensive politique.
« La visite dans l’Extrême-nord était prévue depuis plusieurs semaines », nous avoue un proche du Palais. « Et comme le chef de l’État est toujours si ‘chanceux’, les inondations sont venues nous aider ». En peu de temps, il y a donc eu le « retour triomphal » d’Europe de la première Dame, Chantal Biya » et les crues « qui sont venus relancer l’image du chef de l’Etat et faire oublier un peu la débâcle des Lions indomptables ».
Selon la même source, la visite prévue au départ dans le seul Diamaré avait, ainsi, pour but de contrebalancer la fronde pro-Marafa à Garoua. Le Palais avait envisagé de surfer sur le subtil antagonisme entre les élites peulhe et kirdis de l’Extrême-nord contre les apparatchiks de la Bénoué… Il se peut que, sur le timing, la descente ait, du reste, permis d’anticiper sur d’éventuelles manifestations de colère de militants locaux du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (Rdpc) suite au verdict prévisible dans l’affaire opposant le Ministère public à l’ancien secrétaire général de la Présidence de la République, Marafa Hamidou Yaya, coupable d’avoir lorgné sur le fauteuil présidentiel…
En fait, il y a mieux. Le plausible désamour entre le Palais et l’essentiel du glacis électoral nordiste n’aurait pas échappé aux apparatchiks de la Bénoué qui, à l’occasion, n’ont pas hésité à rouspéter et à demander des explications au chef de l’État sur son passage éclair dans leur ville, M. Paul Biya ayant plutôt choisi la résidence présidentielle de Maroua dans le Diamaré pour la nuit. Pour ce « lapin », la raison fut toute préparée par le Palais. La résidence présidentielle de Garoua demeure dans un état exécrable au plan des équipements, n’ayant subi aucune rénovation véritable depuis l’époque de la rupture d’avec l’ancien président Ahmadou Ahidjo. Surtout, il y a eu si peu de temps, « dans l’urgence de la crise des crues » (sic), pour réaliser d’éventuelles rénovations. Ce n’est pas le cas de la résidence présidentielle de Maroua qui est considérée à Étoudi comme « l’une des meilleures du Cameroun après le Palais de l’Unité ». L’information sur l’état de la résidence de la Bénoué est exacte et vérifiable. Mais la raison du choix inconditionnel de Maroua est une petite menterie politicienne.
Officiellement donc, la visite a eu plus que l’effet escompté : elle a résonné comme l’extraordinaire élan de solidarité du Palais, idée qui a été tant célébrée dans les médias gouvernementaux. De plus, elle a permis d’oublier un peu Marafa Hamidou Yaya qui, urbi et orbi, ne s’est pas avoué vaincu… Ambiance.