Où comment Maurice Kamto s’est ensablé dans « L’Arène »
Le but de la manœuvre était double. D’abord, il fallait essayer de propulser la campagne de recrutement de militants et de structuration du parti, jugée terne et peu prometteuse à six mois des élections législatives et municipales où le MRC entend présenter des listes de candidats. Ensuite, dans la perspective de la présidentielle de 2018 au plus tard, Maurice Kamto voulait se poser en leader et en homme d’Etat à l’étoffe présidentielle. Sur ces deux points, le fiasco est total et sans appel. Même ses thuriféraires les plus enthousiastes n’ont pas crié victoire. Comme les Camerounais et quelques étrangers qui se sont rués sur le petit écran, ils ont été refroidis par le personnage qu’ils ont découvert ou retrouvé à la télévision, après la campagne savamment orchestrée par des médias proche de lui au lendemain de sa démission du gouvernement. Une campagne qui le présentait comme le Messie que le Cameroun attendait pour sa rédemption.
L’interview était pourtant bien arrangée. L’un des
interviewer n’était autre que Xavier Messe, le rédacteur en chef du
journal Mutations dont Maurice Kamto est copropriétaire. Il était donc
interrogé par son salarié. L’autre, Marie-Noëlle Guichi, est de son «
village », rattachée au journal Le Messager, naguère dirigé par
Jean-Baptiste Sipa, un ami personnel et de longue date de Maurice Kamto.
Le plateau eût été plus équilibré et exemplaire si, à côté d’un
journaliste proche, le leader du MRC avait accepté un second journaliste
moins accommodant.
Pas étonnant alors que le principal sujet qui fâche, la scabreuse
affaire du plagiat qui accable Maurice Kamto, n’ait été abordé ni par
l’une, ni par l’autre. Elle a subrepticement été ramenée par le
modérateur au titre de question de téléspectateur. Maurice Kamto y a
alors réagi, plus qu’il n’a répondu, sans nier les faits (un dossier de
preuves en béton armé lui a été transmis par mes avocats), en invoquant
les abimes de la conscience et les péripéties procédurales ayant conduit
à la saisine du juge. Sans la moindre relance de ses interviewers
complaisants ni du modérateur visiblement d’intelligence avec eux.
Double mensonge sur le plagiat
Il n’en demeure pas moins que, dans sa réaction, Maurice Kamto a menti
par omission, en prétendant qu’après des accusations de plagiat, son «
jeune collègue » de Douala ne le poursuivait plus que pour vol et pour
escroquerie. La plainte qui lui a été servie le 14 mars 2012 mentionne
pourtant quatre chefs d’accusation : la contrefaçon et la violation de
la propriété artistique (termes juridiques correspondant au plagiat),
puis l’abus de confiance et l’escroquerie qui qualifient le modus
operanti de l’enseignant de Yaoundé II. Faits prévus et réprimés par de
Code pénal camerounais et pour lesquels il encourt entre cinq et 10 ans
de prison.
L’on devrait également signaler un second mensonge ou une révélation
accablante. « En 30 ans de carrière a-t-il affirmé, ce jeune collègue
est celui que j’ai le plus porté ». Si on le prend au mot, dès lors
qu’il ne m’a pas « porté » du doctorat à l’agrégation, son propos
revient à dire qu’en trente ans de carrière, il n’a formé aucun Maître.
En outre, puisqu’il n’est que mon directeur de thèse apparent, cela
signifierait aussi qu’il n’a vraiment dirigé aucune thèse d’étudiant en
trente ans de carrière. Convenons qu’il vaut mieux considérer que son
assertion est un mensonge éhonté et qu’il a sans doute été un vrai
directeur de thèse pour certains et qu’il en a accompagné d’autres au
concours d’agrégation, ce qui a pour effet de neutraliser l’ingratitude
qu’il m’impute implicitement, moi qui n’a pas bénéficié de telles
attentions de sa part. C’est le lieu de se demander : pourquoi a-t-il
accompagné d’autres dans des étapes décisives et non pas James Mouangue
Kobila auquel il prétend s’être tant dévoué ?
Contradictions
Lorsque certaines questions et certaines relances n’étaient pas
absentes, les questions étaient trop souvent accommodantes, permettant à
Maurice Kamto de parler de lui sans avoir l’air d’y toucher, de tenter
de promouvoir son parti politique, d’indiquer où et comment acheter une
carte de militant, de parler de la longévité du président Biya au
pouvoir qu’il ne conteste nullement et de le signaler à l’opinion comme
un « spécialiste du droit public ». La tentative d’atténuer la trahison
vis-à-vis du chef de l’Etat était ostensible. La maladresse aussi. Car
comment peut-on admirer un homme tout en combattant le système politique
qui le maintien au pouvoir ? Autrement dit, comment peut-on s’extasier
sur le feuillage d’un arbre tout en dévorant ses racines ? Maurice Kamto
n’est pas à une contradiction près.
Après avoir ainsi soutenu que Jean-Marie Atangana Mebara a été un excellent ministre de l’Enseignement supérieur et un brillant Secrétaire général de la présidence de la République avec qui il a eu une collaboration fructueuse et d’excellents rapports, le juriste de Baham n’en a pas moins sidéré les téléspectateurs en avouant qu’il ne lui a jamais rendu visite depuis son arrestation dans le cadre de l’opération dite « épervier ». Les interviewers, eux-mêmes éberlués par tant de cruauté et de manque de loyauté, ont exigé des explications. « Je n’étais pas obligé », a alors sèchement lâché Maurice Kamto, avant de se taire, toute honte bue, au grand étonnement des journalistes sidérés pas un tel manque de mansuétude. Ils lui ont alors demandé : « c’est tout ? », et l’interviewé de rester court, en haussant piteusement les épaules. Son naufrage moral est ainsi consommé avec cette infidélité de trop en amitié, après ses filouteries politiques et académiques répétées.
L’on pourrait au reste lui opposer que, si le Ministre Atangana Mebara a pu exercer de manière excellente sous le Renouveau, le ministre délégué à la Justice qu’il était aurait aussi pu briller là où le Prince d’Etoudi a bien voulu le placer. Ce qui n’a absolument pas été le cas, de l’avis de tous. Ses collègues de l’Université de Soa retiennent surtout de son long bail à la Justice le vorace et l’égocentrique qui, non content d’avoir raflé tous les contrats d’élaboration de nouveaux codes juridiques du ministère de la Justice, s’est engagé à expliquer le code de procédure pénale sans associer les plus éminents pénalistes de sa propre université, dont certains sont pourtant agrégés, au même titre que lui.
Offre politique balbutiante
En tout état de cause, Maurice Kamto doit beaucoup culpabiliser, car
Canal 2 a surtout donné à voir un homme craintif et stressé par la
lumière des projecteurs du studio de télévision, hésitant et cherchant
souvent ses mots dans une articulation parfois laborieuse. En lieu et
place de sourires avenants d’un politique triomphant, il a multiplié des
rictus à donner la chair de poule à ses admirateurs les plus transis,
autant que les esquives, comme sur la question de l’homosexualité,
qualifiée de difficile et sur laquelle il n’a pas courageusement pris
parti. On l’a entendu des dizaines de fois avouer : « je ne sais pas ».
Les atermoiements étaient également au rendez-vous avec les prix des
cartes du MRC qui ne sont plus à 2000 francs Cfa pour tous, mais dont le
prix sera désormais fixé à la tête du client.
Répondant à la question en or sur le programme politique de son parti, il a montré aux Camerounais que son offre politique est encore balbutiante à six mois des législatives et des municipales. «Nous essayons encore de mettre en place un parti capable de formuler une offre politique », a-t-il confessé, avant de laisser les téléspectateurs sur leur faim en les renvoyant à un discours antérieur long et pénible à lire ou il n’en dit pas vraiment davantage sur son programme politique (nous y reviendrons). Peu convaincu lui-même de ses propos, il a tragiquement manqué de convaincre les téléspectateurs.
A ceux qu’il n’a pas enseignés et qui le découvrent peu après le tintamarre médiatique consécutif à sa démission du gouvernement, l’homme est apparu banal, avec quelques idées plus ou moins saugrenues dans le contexte camerounais.
Ses anciens étudiants disent l’avoir trouvé trop vieilli et n’avoir pas retrouvé la verve, l’assurance et le clinquant du raisonnement qu’ils connurent autrefois dans les amphithéâtres. Bref, le « Maître » d’hier leur est apparu dégénéré, au lieu de se bonifier. Des chauffeurs de taxis qui affirment s’être regroupés pour le suivre en espérant que son interview « fera boum », se déclarent si déçus qu’ils sont allés se coucher les uns après les autres, sans attendre la fin du programme. Pire, cet agrégé du concours français a gavé les téléspectateurs de mensonges et d’inepties que l’on ne retrouve généralement que dans les copies des cancres de l’école primaire et de l’enseignement secondaire.
Inepties aberrantes
L’on a en effet distinctement entendu Maurice Kamto déclarer
que son « parti est déjà implanté dans trois sur les quatre départements
que compte la ville de Douala ». Alors que la ville de Douala, qui
coïncide avec le Département du Wouri, est distribuée en six
Arrondissements. Cette méconnaissance de la carte administrative de la
plus grande ville du Cameroun est singulièrement étonnante de la part de
celui qui prétend conduire la destinée de la nation camerounaise. L’on
remarquera par ailleurs qu’il ne s’est nullement trompé en mentionnant,
avec une rare délectation, ses donations dans les huit Départements de
la Région de l’Ouest…
Défendant le bilan de sa campagne électorale foireuse en faveur du candidat du SDF, Ni John Fru Ndi pendant la présidentielle d’octobre 1992, l’ex-ministre délégué a prétendu que c’est à la dynamique de cette campagne que l’on doit la victoire de l’opposition aux législatives de 1992. Oubliant que les législatives se sont déroulées le 1er mars 1992 et que la présidentielle a suivi au mois d’octobre, ce qui rend chronologiquement et logiquement impossible toute influence de la campagne présidentielle sur les résultats des législatives intervenues sept mois plus tôt. Cette méconnaissance de l’histoire politique récente du Cameroun est révélatrice de la déconnection d’un homme qui vit plus dans les espaces éthérés des recherches juridiques menées dans les bibliothèques des pays occidentaux que dans la glaise des réalités que partagent les Camerounais qu’il prétend diriger.
Mensonges politiques
Contestant les constats froids du Professeur Augustin Kontchou Koumegni,
sur sa proximité passée avec le SDF, Maurice Kamto a prétendu, contre
l’évidence la plus aveuglante, n’avoir jamais été proche de ce parti. Il
n’aurait battu campagne que pour le compte de l’Union pour le
Changement. Soit. Mais qui était le candidat de l’Union pour le
changement à la présidentielle de 1992 ? N’était-ce pas le leader du SDF
? Pour qui donc Maurice Kamto avait-il appelé à voter en 1992 lors d’un
meeting public à Bafoussam ? N’était-ce pas le candidat du SDF ?
Comment peut-on battre campagne pour quelqu’un et se défendre d’être «
proche » de son parti politique ? De qui Maurice Kamto se moque-t-il ?
Sa stature d’intellectuel lui fait-elle prendre tous les autres
Camerounais pour des demeurés ?
Répondant à une question sur les circonstances de
l’accession de Paul Biya au pouvoir le 6 novembre 1982, il a qualifié la
succession entre Ahidjo et Biya de monarchique. Or, il a écrit l’exact
contraire dans son livre intitulé Déchéance de la politique. Décrépitude
morale et exigence éthique dans le gouvernement des hommes en Afrique
(Yaoundé, éd. Mandara, 2000, p. 191). Sollicitant le Doyen Léon Duguit
et Georges Vedel, deux Grands Maîtres du droit public français, pour
définir la Monarchie, le Professeur Maurice Kamto y a écrit que «
[l]’on doit cependant reconnaître qu’il existe un certain nombre de
critères qui permettent de distinguer la République de la Monarchie
absolue ou constitutionnelle, dans la théorie constitutionnelle moderne.
Divers constitutionnalistes contemporains se sont attachés à les
dégager. Léon Duguit schématise en disant qu’entre la République et la
Monarchie, le seul critère distinctif est le caractère héréditaire ou
non héréditaire du chef de l’Etat : dans le premier cas on est en
présence d’une Monarchie ; dans le second, c’est la République. C’est
une approche aussi simplifiée que l’on retrouve chez Georges Vedel pour
qui, dire que la France est une République signifie qu’elle `ne connaît
pas de gouvernement et spécialement de chef d’Etat désigné par
l’hérédité.´ » La monarchie correspond donc bien à un pouvoir transmis
par hérédité, c’est-à-dire par un géniteur à sa progéniture, après le
décès du premier. Laissons parler les faits. Ahidjo était-il mort à
l’accession de Paul Biya au pouvoir ? Non. Paul Biya est-il le fils
biologique ou adoptif d’Amadou Ahidjo ? Non derechef. D’où vient-il donc
que, se fourvoyant en politique, l’universitaire d’hier en perde son
latin au point d’affirmer avec aplomb que la dévolution du pouvoir à
Paul Biya en 1982 fut monarchique ?
Tout bien pesé, c’est moins par ignorance que par mauvaise foi que le
promoteur du cabinet Braintrust Consulting & Business Inc a qualifié
la dévolution du pouvoir entre Ahidjo et Biya de monarchique.
L’on doit surtout s’interroger sur la sincérité du
pourfendeur de l’équilibre régional hier qui s’en déclare désormais le
fervent partisan. Pendant l’émission L’Arène, il a soutenu le bien-fondé
de l’équilibre régional en tant que vecteur de participation des
différentes communautés nationales à la gestion des affaires publiques
et gage de la légitimité du pouvoir où tous sont représentés, tout en
apportant des restrictions. Hier partisan de la « séparation stricte de
l’Etat et de l’ethnicité », jugeant alors que « toute tentative de
représentation politique de l’ethnie, en l’occurrence des groupes
considérés comme des minorités ethniques [lui] paraît à la fois
hasardeuse et périlleuse », ce pourfendeur acharné de la cause
minoritaire et autochtone soutenait, avec la rage qu’on lui connaît, que
« la constitutionnalisation du fait ethnique ou la consécration
juridique de leurs droits politiques consistant notamment en des
artifices de représentation au sein des assemblées démocratiquement
élues constituent […] une solution de facilité en Afrique ». « On
aboutirait ainsi à une démocratie tribale ou ethnique fondée sur la
représentation de chaque groupe-peuple et non sur le libre choix de
chaque individu-citoyen au moyen de l’élection », a-t-il conclut dans
une publication récente, écartant ainsi toute idée de droit politique
des groupes et rejetant d’un bloc l’ensemble des droits collectifs des
minorités et des peuples autochtones. Or, voici qu’il se dit aujourd’hui
adepte de la représentation de toutes les composantes de la nation au
sein des instances dirigeantes, comme gage de la légitimité du pouvoir.
Infidélité à lui-même ou manœuvre démagogique ? Au vu de ce qui précède,
c’est assurément les deux. Ceux qui observaient ce nouveau chef de
parti avec quelque intérêt savent désormais à quoi s’attendre.
Son interview était bien arrangée… Trop sans doute, avec les responsables de son parti politique en fan club dépourvu de figure de poids autour de lui. L’entretien devait à l’évidence se réaliser entre soi. Mais même si bien entouré de journalistes proches et de cadres de son parti, interviewé sans péril, il n’a pas vaincu, il n’a pas convaincu. Nul ne parle de gloire.