Les lettres médiatisées du prisonnier du SED peuvent-elles constituer une piste d’alternance au pouvoir au Cameroun?

Les lettres médiatisées du prisonnier du SED peuvent-elles constituer une piste d’alternance au pouvoir au Cameroun?

Les lettres médiatisées du prisonnier du SED peuvent-elles constituer une piste d’alternance au pouvoir au Cameroun?Depuis un peu plus d’un mois, les Camerounais vivent au rythme des lettres de Marafa Hamidou Yaya, ancien ministre délégué à la présidence chargé de l’administration territoriale et non moins ex secrétaire général à la présidence de la République du Cameroun. Après la publication de la deuxième et la troisième lettre, les répliques ne se sont pas fait attendre par les bras armés du régime dont les plus en vue sont les ministres Jaques Fame NDONGO et Issa TCHIROMA.

L’on note également que l’ancien ministre Sali DAIROU rarement présent sur les plateaux de télévision s’est essayé avec beaucoup de peine et moins de véhémence que les deux premiers (peut être craignait-t-il lui aussi d’être le prochain cité sur un déballage sur sa gestion du temps où il occupait des postes ministériels) le week-end dernier sur une émission de débat télévisé à cet exercice qui était cette fois ci de justifier la décision de l’Assemblée nationale, pour ne pas dire de la majorité RDPC à rejeter la requête du parti SDF sur la mise sur pieds d’une commission d’enquête parlementaire qui devait avoir pour mission de faire la lumière sur le crash du Boeing 737 « Le Nyong » en 1995 à Youpwè en partant du volet relatif au contrat de maintenance avec la SAA (South African Airways) jusqu’à l’indemnisation des familles des 71 victimes de cet accident d’avion  mémorable.

Comme l’a souligné le journaliste Christophe Bobiokono présent sur le plateau, les députés RDPC ont une fois de plus raté un rendez-vous avec l’histoire et confirmé à la perfection leur rôle de boite postale des initiatives de l’exécutif dont l’inamovible président Paul Biya demeure le seul maitre du jeu législatif et judiciaire malgré ses propos à Charles NDONGO visant à faire croire à une justice indépendante lors de la pose de la première pierre de la construction du barrage hydroélectrique de Memvele. Le régime n’est pas pour le moment prêt à livrer ses généraux et alliés, même s’il pèse sur eux de très lourds soupçons de nécrophagie (allusion faite au détournement des 32 milliards reversés au Cameroun par la SAA à la suite du procès sur le contrat de maintenance SAA / Camair).

De mémoire de camerounais, depuis la première lettre ouverte de Célestin MONGA au président de la République au début des années 90, jamais des lettres ouvertes au Président de la République n’avaient jusqu’à présent autant défrayé la chronique et suscité au sein de l’opinion camerounaise une pareille vague d’indignations et de commentaires sur ces déclarations qui mettent à mal le régime au pouvoir obligé de déployer toute l’intelligentsia dont il dispose afin de noyer le poisson dans l’eau. La question que l’on est en droit de se poser est de savoir quelle pourrait être la contribution de ces lettres sur une probable alternance au pouvoir dirigé jusque-là par un régime ultra dominant? Peut-on s’attendre à une modification du paysage politique au Cameroun ? Quelles leçons en tirer pour le camerounais lambda ?

Si l’on s’attarde simplement sur les lettres de Marafa, il est légitime de penser que le régime doit avoir du souci à se faire, car pour avoir côtoyé le système au plus haut niveau pendant près de dix-sept ans durant et avoir pleinement contribué à l’élaboration et à l’exécution des plans machiavéliques dont celui visant à priver les camerounais de leur liberté fondamentale qui est le choix de leurs dirigeants aux élections présidentielles, municipales et législatifs, Marafa HAMIDOU YAYA détient bien plus de dossiers et de confidences explosifs de nature à fragiliser et à faire chuter le système qu’il a lui-même contribué à solidifier. L’on pourrait estimer qu’il n’a jusqu’alors dévoilé que bien peu de choses sur ce qu’on est en droit de penser de sa capacité de nuisance à travers ses lettres.

Malgré les restrictions absolues apportées sur sa liberté de mouvement et de communication même avec sa famille nucléaire par son transfert au SED, le pouvoir carcéral a eu surement à se poser mille et une questions lors de la publication de la quatrième lettre dans les médias. Tout porte à croire que leur prisonnier a plus d’un tour dans son sac et il serait fort plausible que ces lettres aient été écrites avant son arrestation et son incarcération à la prison centrale de Kodengui. L’hypothèse d’une prochaine lettre sur la gestion de l’or noir donne des insomnies aux caciques du pouvoir et pourrait être la goutte d’eau qui va faire déborder le vase ; la gestion des revenus pétroliers camerounais n’a –t-il pas toujours été un sujet tabou ? Supposons par exemple que sur la base des révélations de Marafa, il est établis que les revenus pétroliers soient en mesure de subventionner le prix de l’essence à la pompe et faire chuter celui-ci par exemple à hauteur de 450 FCFA le litre ; imaginez les effets bénéfiques par effet mécanique sur le quotidien des camerounais si une mesure pareille venait à se concrétiser. 

Ceci n’est pas une utopie mais une hypothèse qui pourrait s’avérer applicable si cette probable cinquième lettre venait à voir le jour. Car avec l’absence de communication par l’état sur ce sujet, l’on est en droit de s’imaginer qu’une bonne partie des revenus issue du pétrole servent à des fins autres que la lutte contre la pauvreté des camerounais malgré l’adhésion du Cameroun à initiative internationale de transparence sur la gestion des revenus des produits pétroliers et miniers. L’objet de la probable cinquième lettre de Marafa sur la gestion des revenus pétroliers pourrait être une véritable bombe qui mettrait le pouvoir actuel à mal, celui-ci cherchera comme toujours à décrédibiliser les déclarations issus d’un prisonnier n’étant plus soumis à l’obligation de réserve que lui conférait ses fonctions passées ; même si l’on parie que sur un sujet aussi sensible, rares sont les personnalités du système RDPC qui pourront être en mesure d’apporter des informations digestes pour les camerounais car n’étant pas eux-mêmes avisés sur le mécanisme occulte de gestion de l’or noir; le stratégique et très discret Directeur Général de la SNH Adolphe Moudiki ne se prêterait  surement pas à ce jeu de communication car presqu’aussi médiaphobe que son patron de président.

L’absence de communication efficace aidant, l’on assisterait à une récupération de l’opposition et à une montée des mouvements de la société civile et particulièrement des syndicats de transporteurs pour une revue à la baisse du prix du carburant après cette probable  publication d’une cinquième lettre. La posture du pouvoir déterminerait la suite des évènements, une réponse positive à ces protestations confortera Marafa sur sa capacité à faire plier le pouvoir grâce à ses lettres incendiaires, une réponse défavorable conduira à coup sûr au scénario de février 2008 avec des grèves généralisées et une paralysie de l’activité dans le pays, situation propice à un renversement du pouvoir par un coup d’état après au moins 30 ans de règne sans partage de Paul Biya.

Ceci n’est qu’un scénario sur plusieurs scénarios plausibles dont nous en faisons l’économie. L’information récente publiée par le journal l’œil du Sahel sur la transmission du dossier sur le crash d’avion en 1995 par la présidence de la république au ministère de la justice vient de donner raison à Marafa et les jours à venir pourraient nous conforter sur l’occurrence des évènements cités plus haut. Le souhait de la grande majorité des camerounais souffrant encore des effets de la mauvaise gouvernance de notre pays est l’avènement d’une alternance pacifique afin que notre pays retrouve ses couleurs rayonnantes d’antan sur le plan économique, culturel et sportif. Les évènements actuels sont les prémices d’une fin de règne d’un système à court de vision et de légitimité et il est du devoir de chaque camerounais d’en tirer des leçons pertinentes pour l’avenir et la construction de cette nation qui nous est chère.

© Correspondance de : WANGHUIA Jules Prosper


23/06/2012
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