Les leçons de la nomination des 30: Des caciques et fossiles, jetés dans l’arène

Douala, 10 mai 2013
© Souley ONOHIOLO | Le Messager

En portant son choix sur des hommes du passé, pour écrire l’avenir du tout premier sénat de l’histoire du Cameroun, le chef de l’Etat Paul Biya entend aller jusqu’à la gare, avec des forces «irréductibles» qui l’ont aidé à tuer le rêve de réussir le pari de conduire les Camerounais à la victoire contre la pauvreté et la misère.

Ils sont là… Les 30 oiseaux rares de Paul Biya. Très attendus depuis dix jours, le tout premier sénat de l’histoire de la démocratie camerounaise, affiche complet, avec la nomination mercredi, des 30 sénateurs dont l’exclusivité de la «promotion» était détenue par le président de la République, chef d’Etat Paul Biya. Entre leurre et utopie, ceux qui croyaient encore à la renaissance de Paul Biya à travers une sélection des personnes capables d’apporter un plus à l’épanouissement du pays, se sont effondrés dans un lourd sommeil.

Au petit matin d’hier jeudi, date de célébration de la fête de l’Ascension, qui rappelle aux chrétiens la montée du Christ au ciel, les Camerounais étaient en larmes, croyant à une malédiction. La mine patibulaire, le visage buriné par l’indignation, c’est à peine, s’ils n’ont pas affirmé sortir d’un cauchemar. Mais pourtant, il faut faire face à la triste réalité. Les 30 sénateurs nommés par Paul Biya, ne sont rien d’autre, qu’un acte de générosité, une récompense à des «amis» d’une même génération en pleine décadence ; mais une «race» d’hommes coriaces qui s’accrochent aux affaires jusqu’à la mort. Par la promotion des 30 sénateurs, Paul Biya choisit volontairement d’être «otage» d’une autocratie capturée par la «politique du ventre». Le «messie» de 1982 redonne espoir à des apparatchiks qui ne peuvent lui garantir un nouveau «contrat social» avec le peuple camerounais.

«La vieillesse, ni même la gérontocratie, ne sont pas le réservoir de la sagesse. En nommant des hommes dont l’avenir est derrière eux dans le Sénat, Paul Biya confirme le choix de son camp et dit explicitement aux jeunes qu’il n’y a rien à attendre de lui» martèlent en chœur des vendeurs de beignets et les «calls boxeurs». Parmi les heureux élus, ils sont pour la plupart d’un certain âge ; le Sénat est une occasion sinon, un « asile » de retraite ; ou encore une sorte d’enclave qui va leur permettre de « pomper » des soins de santé aux frais du contribuable camerounais. Tous ou presque, ont été aux affaires ; ils ont occupé des postes de pouvoir importants ; mais ils n’ont pas fait avancer la République. Avec leur comeback, le chef de l’Etat ne peut pas impulser ses ambitions lointaines, de faire franchir les Camerounais, le cap de l’émergence. Non plus qu’ils ne peuvent aider le peuple camerounais à sortir du désespoir et de l’incurie. Les «hommes nouveaux» du Sénat nouveau de Paul Biya ont passé plusieurs années dans des fonctions stratégiques, sans vaincre la mal vie, la misère et la galère ; sans apporter la prospérité au Cameroun. Ils ont comploté contre la jeunesse, en plombant et en plongeant le Cameroun dans le stress permanent d’un régime du renouveau, indolent, inerte, stérile, éreintant, économiquement « constipé », socialement instable, politiquement désagrégé et culturellement désincarné.


Un Sénat, juste pour la forme

" Après avoir laminé ses adversaires politiques, Paul Biya n’avait plus une seule raison de se faire peur. Il pouvait entrer dans l’histoire en injectant du sang neuf dans le Sénat. Il pouvait faire un clin d’œil à une certaine génération des personnes qui écument les espaces publics et qui se tueraient pour le régime. Malheureusement, le président Paul Biya a choisi de ressusciter un passé qui ne lui a pas réussi depuis trente ans» explique un exégète du Rdpc, sous anonymat. En scrutant déjà le visage des 56 sénateurs du Rdpc, après la proclamation des résultats du scrutin du 14 avril dernier, l’on voyait déjà, une haute chambre du parlement, s’annonçant encombrante, alourdie et improductive. L’entrée dans l’arène des 30 caciques et fossiles du régime du Renouveau, n’augure pas d’une nouvelle performance politique et démocratique. Pris à partie, régulièrement tancé pour le blocage de certaines dispositions de la Loi fondamentale, dont le sénat, Paul Biya a cédé. Tel un roseau qui plie, mais ne rompt pas, il a crée une institution « fantôme », « hantée » et taillée au rythme et à la cadence de ses calculs et ambitions politiques ; un sénat faire-valoir ; juste pour exister.

«Vous avez demandé sénateurs… Voilà sénateurs », rigole un analyste politique. A le croire, Paul Biya, tout en réglant le problème de la mise en fonctionnement d’une institution créée depuis 17 ans, y place des amis et confidents, qui à leur âge ne peuvent plus être correctifs, à la lecture d’un projet de loi ; des gens qui ne peuvent plus lire deux feuilles de textes de loi, sans piquer un sommeil; des hommes du passé qui se contenteront du titre de « vénérables »; mais dont la préoccupation ne sera pas celle de préparer une bonne transition politique et démocratique ; d’aseptiser et d’assainir les mœurs ; ni même de travailler pour la gouvernance économique et socioculturelle. Ceux qui attendaient des sénateurs capables de remettre les choses à plat ; de susciter une émulation certaine; faite de compétitivité, d’alternance et de fair-play ; ceux qui espéraient d’une institution requinquée de forces et hommes nouveaux peuvent continuer à attendre. Circulez… Il n’y a rien à voir ici. Salut Vénérables!

Souley ONOHIOLO



10/05/2013
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