Monsieur le Premier Ministre,L’Association pour la Défense des Droits des Etudiants du Cameroun (ADDEC) a l’honneur de venir auprès de votre personnalité, dénoncer la mesure prise par le Gouvernement dont vous êtes le principal responsable à savoir l’augmentation du prix du litre du super passé de 569 à 650 FCFA; du gasoil de 520 à 600 F CFA et de la bouteille de 12,5l de gaz domestique, de 6 000 à 6 500 FCFA.
En effet, à la date du 1er Juillet 2014 le gouvernement, à travers le Secrétaire Général de vos services, a unilatéralement décidé et appliqué l’augmentation du prix du carburant et du gaz domestique prétextant que les subventions appliquées à ces produits constituaient des dépenses insupportables pour l’Etat du Cameroun. Ces dépenses insupportables plombaient par conséquent la productivité de ce dernier et empêchaient le financement efficace des grands projets en cours dans le pays.
Bien que les raisons suscitées semblent pertinentes à nombre d’égard, la question de leur véracité et de leur crédibilité se pose toujours avec acuité. Le Cameroun est un pays producteur et exportateur de pétrole sur le marché mondial et génère de la commercialisation du brut camerounais, de colossales recettes que l’on dit être versées au trésor public. Nous sommes nourris par la curiosité de prendre plus connaissance de ces bénéfices. Une curiosité tout à fait normale pour tout citoyen mais qui est tuée dans l’œuf par les efforts d’une communication gouvernementale qui vise à noyer le sujet à coup de ruse et de tromperie. Pourtant, les comptes de nombreuses entreprises publiques intervenant dans le circuit pétrolier comme celle de la Société Nationale d’Hydrocarbure sont toujours attendus. La preuve en est que l’ITIE a tancé le Gouvernement pour sa non-collaboration au processus de validation des rapports sur les transactions de l’année 2012 à 2014. Ceci légitime la thèse d’une opacité dans le pétrole qui ne profite qu’à un groupuscule au détriment du peuple.
En outre, la communication gouvernementale explique à maintes reprises et sans vergogne que la SONARA, entreprise publique à 82% d’actions détenues par la République du Cameroun à travers diverses entreprises publiques, existante depuis 1976 est incapable de raffiner le pétrole camerounais. Pourtant la même entreprise SONARA, malheureusement très endettée affirme qu’elle raffine du brut camerounais à travers l’EBOME et le KOLE.
Ces incohérences qui entourent ainsi la mesure prise d’augmenter le
prix des hydrocarbures légitiment nos dénonciations. Celles-ci fustigent
la gestion calamiteuse, et opaque des ressources du pays et la légèreté
avec laquelle la mesure a été prise, annoncée et implémentée. Nous
pointons du doigt aujourd’hui la gouvernance dans le secteur des
hydrocarbures à la lumière même des interpellations tant du FMI, qui
semble est le paravent utilisé par le gouvernement, et des
interpellations de nombreux économistes camerounais à l’instar de Eugène
Nyambal, unanimes sur le vrai problème dans ce domaine à savoir la
mauvaise gouvernance.
Ces économistes camerounais nous indiquent par ailleurs que la
structuration des impositions sur le carburant est la source même du
malheur des Camerounais. Le Cameroun est présentement à 21 types
d’impôts sur le carburant depuis la suppression lors de cette
augmentation du fond de lutte contre la fraude. Une suppression qui
contraste avec les annonces permanentes du gouvernement sur son
engagement ferme dans lutte contre le grand banditisme, la fraude, la
corruption…, à l’heure où les structures assermentées se plaignent d’un
manque de moyens criard.
L’argumentaire qui met en cause la structuration des impositions s’avère donc être très plausible à la lumière de ces nombreuses taxes inutiles dites subventionnées par le Gouvernement. Un exemple palpable est sa taxe spéciale imposée sur les Produits Pétroliers (TSPP) qui passe de 120 francs à 80 francs par litre pour le super, et de 65 francs par litre à 60 francs par litre pour le gasoil. Or le gouvernement est le seul à maitriser l’importance et l’utilisation des fonds qui en ressortent de là. A présent, la proportion des taxes est passée de 41,5% à 48,8% par litre de super et de 24,5% à 34,6% par litre de gasoil.
Ces différents faits remettent en cause une réelle subvention des
hydrocarbures au Cameroun et les soupçons ne pourront être évacués que
lorsque le Cameroun se décidera de faire un audit réel et indépendant de
tout le circuit du pétrole au Cameroun (SNH, CSPH, SCDP, SONARA, SNI,
le Ministère des Finances).
L’ADDEC ne nie pas la fluctuation des prix du carburant. Il est évident
que le carburant a fluctué depuis 2008 et a ainsi astreint d’autres pays
à opter pour une revalorisation du litre. Mais le Gouvernement ne peut
nous expliquer, à moins que notre pays soit profondément malade, qu’une
vraie subvention ne soit bénéfique pour la population. De nombreux pays
le font, le Cameroun n’est nullement une exception. Les USA, gros
importateur et consommateur de carburant, subventionnent le carburant de
telle façon qu’il soit le plus moins cher pour les pays développés. Ça
ne les empêche nullement d’investir au contraire même. Notre
Gouvernement ne peut pas prendre la peine de nous expliquer que la seule
possibilité pour le Cameroun de le relever de sa turpitude est de créer
l’inflation chez ses citoyens.
C’est maladroit à notre sens et d’autant plus étonnant que le
Gouvernement n’a pas semblé apprécier à sa juste mesure les nombreuses
implications de cette décision dans la vie de ses populations en général
et des étudiants en particulier.
Sur ces derniers, l’ADDEC a pu une fois de plus constater leur mise à l’écart pourtant la classe estudiantine est réellement indigente. Le Ministre de la Communication indiquait pour motif du statu quo du prix du litre de pétrole lampant à 350 francs CFA, que celui-ci est plus utilisé par les populations les plus défavorisées. C’est un geste de considération envers une partie de la population que nous saluons. Néanmoins, l’ADDEC voudrait savoir ce que sont les étudiants au Cameroun si ce n’est des populations également défavorisées.
Car, notons en plus des différentes augmentations du litre d’essence et le litre de gasoil qui ont été le catalyseur de l’augmentation des tarifs de transport et des denrées alimentaires de première nécessité, celle également de la bouteille de 12,5 kg de gaz naturel de 500 F. Ce n’est qu’un début puisque les économistes nous préviennent des flambées de prix plus terribles et les étudiants compte tenu de leur paupérisation n’en seront que des proies. Toute chose qui contribue d’avantage à l’accroissement de l’anxiété de l’étudiant et suscite par ricochet un réel malaise au sein de la communauté estudiantine qui, faudra-t-il le rappeler ne bénéficie d’aucune mesure dite d’accompagnement prise par le gouvernement.
Avant même ces augmentations, les étudiants étaient déjà astreints aux affres du quotidien. Après ces augmentations, l’étudiant devra débourser pour le taxi au minimum 30 000 F CFA par mois, sans compter l’augmentation des denrées qui se ressent déjà. En regardant du côté de l’Université de N’Gaoundéré par exemple où l’usage de moto est monnaie courant et même indispensable, nous nous questionnons sur le devenir des conditions de vie des étudiants. Surtout que les conditions d’étude ne s’améliorent réellement pas. Le dernier classement des Universités Camerounaises par Academic Ranking of World Universities, dans lequel la première Université camerounaise à savoir l’Université de Yaoundé I vient au 124e rang africain et 7288e rang mondial le démontre à suffisance. Cependant, l’ADDEC a qu’à même pu observer et apprécier le maintien du prix du transport pour Soa à 250 F et espère que ces prix ne seront pas variés.
Toutefois des mesures d’accompagnement annoncées, l’ADDEC observe que celle du SMIG désormais à 36 000 F CFA, n’est pas toujours à la hauteur des Droits Universitaires instaurés en 1993, qui s’élèvent à 50 000 F CFA pour les étudiants dans les institutions universitaires publiques et beaucoup plus pour les privés. Ce SMIG toujours dérisoire demeure discriminatoire pour l’accès à l’Université publique. Cela confirme que l’Université en général et la classe estudiantine en particulier sont des secteurs jetés à l’oubliette.
Fort de ce qui précède et en considérant de plus, les économies de
plus de 150 milliards que réalisera désormais le gouvernement,
L’ADDEC réclame la suppression totale des droits universitaires pour
atténuer les coups de ces augmentations sur les étudiants. Un calcul
élémentaire montre que cette suppression, totale pour les étudiants de
l’Enseignement Supérieur public et partielle pour les étudiants du privé
coûtera au maximum 15 milliards F CFA. Ce qui n’est pas de nature à
nuire aux investissements prévus par le gouvernement.
Au finish, l’ADDEC propose :
- L’instauration d’une cellule de concertation avec la communauté
estudiantine afin que soient discutées et prises en compte d’autres
préoccupations de cette dernière relativement à la mesure en question.
Sur le plan national, nous jugeons important :
- D’inviter le gouvernement à la considération réelle du dialogue social qui est un devoir républicain.
- De Revoir la structuration des impositions sur le carburant qui
pourrait faire du bien à de nombreux camerounais. Certains économistes
ont même montré leur disponibilité à faire des propositions dans ce
sens.
- De revoir à la hausse les mesures accompagnatrices de l’augmentation des prix des hydrocarbures
- De mettre un accent conséquent sur la gestion des ressources
énergétique au Cameroun par le choix des personnes méritantes et la
lutte contre la corruption dans le milieu.
- De Dispenser certains secteurs fragiles des taxes comme l’a fait la
RDC en exemptant le transport en commun donc en protégeant les plus
pauvres. Telle pourrait être une réponse à une « subvention » tout
azimut qui ne profite vraisemblablement qu’aux plus nantis.
Le Ministre de la Communication porte-parole du Gouvernement, disait: « Nous devons tous garder à l’esprit que le développement et le salut de chaque Nation nécessite, à un moment donné, une dose de sacrifices à laquelle il faut se consacrer. Le Cameroun ne saurait échapper à cette contrainte ». Etant porte-parole du Gouvernement, nous pouvons estimer que ce Ministre parlait donc également en votre nom. Mais Monsieur le Premier Ministre ne dit-on pas en Afrique que l’exemple vient d’en haut ? Or jusqu’à présent, aucune mesure n’a été prise par le Gouvernement au moins comme trompe–l’œil pour compatir à la souffrance du peuple et des étudiants. Alors dans notre si cher pays, le Gouvernement veut il transmettre comme message que le peuple et les étudiants souffrant sont condamnés à payer seuls des erreurs des autres dans la souffrance éternelle ? Nous espérons vraiment que non.
Sur ce, nous vous prions d’agréer Monsieur le Premier Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.