Les dossiers noirs de la République: Au moins 15000 morts en 28 ans de règne (Suite et fin)
Le Renouveau catastrophique
Le très long règne de Paul Biya est marqué par de nombreuses
catastrophes. Celles-ci vont des glissements de terrain aux irruptions
volcaniques en passant par des crashs. Certaines auraient pu être
évitées si Paul Biya et ses hommes avaient intégré dans leur manière de
gouverner le pays la notion de prévision.
Après son intronisation comme chef de l'État, le 06 novembre 1982, des esprits chagrins, des superstitieux le déclaraient mal parti. Et pour cause, le règne du natif de Mvomeka'a commencait avec l'apparition des catastrophes. En 1984, alors qu'il n'est qu'à sa deuxième année à la tête de l'État du Cameroun, le lac Monoun vomit du gaz. C'est le cycle apocalyptique qui s'ouvre. Des émanations de gaz toxiques mettent en péril des vies humaines. Deux années plus tard, c'est au tour du Lac Nyos de laisser échapper son gaz très toxique. Le bilan est particulièrement lourd : 1785 morts, 874 blessés, 4500 déplacés. Pour beaucoup d'observateurs, ces catastrophes sont des signes prémonitoires d'une aventure pas très gaie. Vrai ou faux ? Toujours est-il que le cycle va se poursuivre et la liste des catastrophes va continuer à s'allonger. Elles sont plus fréquentes sur nos routes. Certaines sources affirment que les routes camerounaises tuent en moyenne deux à cinq cent personnes par an. En étalant ces chiffres sur 27 ans on peut facilement estimer le nombre de Camerounais " avaler " par ces pistes que l'on appelle routes. Certes, dans ce cas précis, les responsabilités sont partagées. Mais, il devient anormal que plus que d'une décennie après l'ouverture de celles-ci à la circulation, principalement celles qui constituent le " triangle de la mort " (Douala-Yaoundé-Bafoussam), qu'elles ne soient pas agrandies alors qu'avec la démographie galopante, le trafic devient de plus en abondant. Pour les responsables de la Fondation Jane & Justice que dirige Pius Njawé, directeur du quotidien le Messager, " nos routes sont de véritables mouroirs "
Certes, il existe au sein du ministère de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, une direction de la protection civile ayant pour mission, entre autres, de mener des études sur les mesures de protection civile en temps de guerre et de paix, d'examiner les requêtes en indemnisation et aides financières des personnes victimes de calamités, mais, au regard des observations faites sur les lieux des sinistres, on est en droit de s'interroger sur l'efficacité d'une telle direction.
Certaines catastrophes survenues ces derniers temps ont été révélatrices des faiblesses et carences des pouvoirs publics en matière de protection civile. Sinon, comment comprendre que les responsables de l'aéroport international de Douala, que les autorités publiques soient incapables de détecter le plus rapidement possible le lieu où s'était écrasé le Boieng 737 de la Kenya Airways retrouvé 5 jours plus tard à 5 km de la piste d'atterrissage et qui avait tués 114 personnes ? Des exemples comme celui-ci sont légion. Entre autres : la catastrophe de Nsam Efoulan qui a causé plus de 260 morts, les incendies des marchés et centre commerciaux dans de nombreuses villes du Cameroun.
Koumpa Mahamat
Quand Biya perd le Nord
Après son intronisation comme chef de l'État, le 06 novembre 1982, des esprits chagrins, des superstitieux le déclaraient mal parti. Et pour cause, le règne du natif de Mvomeka'a commencait avec l'apparition des catastrophes. En 1984, alors qu'il n'est qu'à sa deuxième année à la tête de l'État du Cameroun, le lac Monoun vomit du gaz. C'est le cycle apocalyptique qui s'ouvre. Des émanations de gaz toxiques mettent en péril des vies humaines. Deux années plus tard, c'est au tour du Lac Nyos de laisser échapper son gaz très toxique. Le bilan est particulièrement lourd : 1785 morts, 874 blessés, 4500 déplacés. Pour beaucoup d'observateurs, ces catastrophes sont des signes prémonitoires d'une aventure pas très gaie. Vrai ou faux ? Toujours est-il que le cycle va se poursuivre et la liste des catastrophes va continuer à s'allonger. Elles sont plus fréquentes sur nos routes. Certaines sources affirment que les routes camerounaises tuent en moyenne deux à cinq cent personnes par an. En étalant ces chiffres sur 27 ans on peut facilement estimer le nombre de Camerounais " avaler " par ces pistes que l'on appelle routes. Certes, dans ce cas précis, les responsabilités sont partagées. Mais, il devient anormal que plus que d'une décennie après l'ouverture de celles-ci à la circulation, principalement celles qui constituent le " triangle de la mort " (Douala-Yaoundé-Bafoussam), qu'elles ne soient pas agrandies alors qu'avec la démographie galopante, le trafic devient de plus en abondant. Pour les responsables de la Fondation Jane & Justice que dirige Pius Njawé, directeur du quotidien le Messager, " nos routes sont de véritables mouroirs "
Certes, il existe au sein du ministère de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, une direction de la protection civile ayant pour mission, entre autres, de mener des études sur les mesures de protection civile en temps de guerre et de paix, d'examiner les requêtes en indemnisation et aides financières des personnes victimes de calamités, mais, au regard des observations faites sur les lieux des sinistres, on est en droit de s'interroger sur l'efficacité d'une telle direction.
Certaines catastrophes survenues ces derniers temps ont été révélatrices des faiblesses et carences des pouvoirs publics en matière de protection civile. Sinon, comment comprendre que les responsables de l'aéroport international de Douala, que les autorités publiques soient incapables de détecter le plus rapidement possible le lieu où s'était écrasé le Boieng 737 de la Kenya Airways retrouvé 5 jours plus tard à 5 km de la piste d'atterrissage et qui avait tués 114 personnes ? Des exemples comme celui-ci sont légion. Entre autres : la catastrophe de Nsam Efoulan qui a causé plus de 260 morts, les incendies des marchés et centre commerciaux dans de nombreuses villes du Cameroun.
Koumpa Mahamat
Indignation du prélat
Lettre du Cardinal Christian Tumi au Gouverneur du Littoral
“Monsieur le Gouverneur,
J'ai l'honneur de vous adresser cette lettre concernant le mal que fait le "Commandement Opérationnel " dans le Littoral.
En effet, depuis la mise en place du dit Commandement, des nombreux cas de torture, de blessures graves et d'assassinats sont signalés sur des victimes innocentes ou peut-être coupables mais sans jugement.
Monsieur le Gouverneur,
Permettez-moi d'attirer votre attention sur le fait que le grand banditisme qui est à la base de la mise sur pied du "Commandement Opérationnel" a pour cause ce constat effarant :
- La vente d'armes et des munitions par les hommes en tenue aux bandits.
- La mise en location des armes, munitions et uniformes aux bandits pour des opérations spéciales par ces mêmes éléments.
- La création des groupes de gangs par les hommes en tenue à qui sont distribués les outils de travail : armes, munitions, poignards, uniformes et cartes professionnelles.
- La complicité, par la présence de certains éléments de la force de l'ordre dans le groupe des gangs pendant les opérations qui donne courage aux vulgaires bandits.
- L'aide matérielle et financière (argent et voitures) pour les opérations en changeant les plaques d'immatriculation. Toutes ces causes ont incité l'autorité de l'Etat à mettre sur pied le Commandement Opérationnel dont vous avez la charge, dans le but de palier à ces exactions qui minent la sécurité sociale, chose normale.
Or, nous constations à notre grand étonnement que le Commandement Opérationnel a inséré en son sein des anciens prisonniers pour pouvoir livrer leurs amis braqueurs et autres malfaiteurs et peuvent ainsi indexer des personnes à leur bon vouloir ; ils seront directement appréhendés et exécutés.
Le Commandement Opérationnel a recensé certains coins de la ville de Douala et en a fait des lieux d'exécutions extrajudiciaires (des abattoirs humains) tels que Youpwe, Logbessou, route de la Dibamba (brousse), Bassa, le petit Nkaki... La population de Douala vit sous torture et arrestations arbitraires, des rafles inopinées, des interpellations intempestives. On croyait que le but, du Commandement Opérationnel était de libérer la population de toute peur et inquiétude. Le contraire est vrai aujourd'hui.
A propos des rafles
Les gens sont raflés à toute heure sans sommation. On les fait descendre des cars, bus, taxis, voitures personnelles, jusqu'aux élèves que l'on fait asseoir dans la boue avant de les rouer des coups. Après ils sont déversés à la brigade de gendarmerie de Mboppi, à celle des antigangs de la gendarmerie de Bonanjo et à la base militaire de Bonanjo afin d'être torturés et ainsi obligés de faire des faux aveux.
Ce n'est qu'au petit matin que les corps sont retrouvés de part et d'autre dans certains grands axes de la ville. Jusqu'à ce jour, les camions militaires pleins de gens circulent dans la ville avec des personnes nues de jour comme de nuit et l'on ignore la destination exacte de ces convois pour constater tout simplement, à la fin, de nombreuses disparitions. Le public de Douala vit dans la peur, car, à chaque instant, les hommes chargés de " l'ordre ", font irruption dans un lieu et jettent tout le monde dans un camion et les font descendre, moyennant, parfois, la somme de 2000 ou 5000 francs cfa par personne. Qu'ont-elles fait pour s'acquitter de ces " amendes " ? Que dire des arrestations arbitraires ?
Des nombreuses familles sont victimes des arrestations et des pillages. Dans certains cas des fillettes malades et des bébés sont abandonnés à eux-mêmes. Pendant la prise d'assaut du Commandement Opérationnel dans certains domiciles, des bijoux, de l'argent et autres objets précieux sont parfois emportés.
Les occupants de certains foyers sont bastonnés, jetés dans les cars comme des objets, telle cette jeune fille presqu'à terme de grossesse qui a été brutalement précipitée dans un camion avec d'autres personnes ramassées dans les vidéo clubs et les ventes à emporter, pour se retrouver infortunée à la base militaire de Bonanjo sans aucun égard pour son état. A cette base militaire, les personnes arrêtées ont été toutes appelées à subir le châtiment d'une dame spécialisée en bastonnade et torture. Blessées et tuméfiées de partout ; ces personnes sont obligées de faire la " roulade dans la boue " y compris les femmes enceintes. Au refus de ses femmes de se rouler dans la boue, un homme en tenue ripostera : " Ne savez-vous pas qu'on peut vous enlever cette grossesse ? Ici, on enlève les enfants dans le ventre des femmes. Si vous ne faites pas la roulade, on va vous retirer ces enfants. " Heureusement que tous les hommes en tenue ne sont pas aussi cyniques ; quelques-uns pris de pitié sont intervenus pour qu'on ne fasse pas subir de telles humiliations aux femmes dans leur état avant qu'elles ne soient identifiées !
Mais à la nuit tombante et sous la pluie quand la dite dame revient, elle exige une " dose " supplémentaire de torture.
Un jeune garçon très malade est jeté dans la cellule des hommes qui ont les plaies, de suite de torture, pourrissaient et répandaient les asticots car la cellule où ils étaient enfermés est sans toiture. Ces hommes ont vécu pendant trois jours dans cette insalubre cellule pour se voir accorder la liberté, y compris les femmes enceintes, le quatrième jour. Pour certains d'autres infortunés qui sont restés, on retrouvera les corps en décomposition après deux semaines. Il s'agit de : Alain Dikanda, Badi Binam Aimé, Essolo Jacques et un certain Olivier...
Il faut signaler qu'à la base militaire, ces rescapés ont trouvé un gang conduit par un certain sergent. Celui-ci, un repris de justice qui venait à peine de retrouver la liberté après six ans d'incarcération. En dépit de son corps déchiqueté par la torture, il lui était toujours administré sa " dose " de bastonnade à outrance. Ces gens n'avaient pas droit à la nourriture. Ils en sont morts, tels que : Baba Malam, Mlle Matimba...
Pendant les nombreuses personnes tuées par le Commandement Opérationnel, bien des filles ont trouvé inutilement la mort parce que supposées êtres " copines " des braqueurs. Ces filles sont souvent battues à leur arrestation, non seulement parce qu'on les accuse de complicité avec les malfaiteurs, mais surtout parce qu'elles refusent les avances des agents du Commandement Opérationnel.
Mlle Carine Yoth, placée en garde à vue à la Prison Centrale de Douala depuis le 17/02/2000 par le Tribunal Militaire, y croupit parce que son " copain ", présumé braqueur, est en fuite et recherché. Est-ce normal dans État de droit ?
Quand les personnes arrêtées sont déférées au parquet, il n'est pas rare que le Commandement Opérationnel débarque pour identifier les suspects et les amener, Dieu sait où et les corps ne sont jamais retrouvés !
Que dire de ce jeune homme de 16 ans que sa mère, dans un excès de colère, à cause du caractère difficile de son enfant, a remis à la disposition de la police, sans doute pour lui faire peur et qui a été tué parmi les exécutés du Commandement Opérationnel au mois de mars ?
Ousmane Diallo a reçu une balle par la bouche un début d'après-midi ; ne pouvant plus parler, il a été jeté en prison où il est mort le 18 mai 2000 car il ne pouvait ni parler, ni manger.
Il faut également noter les cas d'ordre de mise en liberté mitigée. Une fois libérés, ceux-ci sont directement filés et abattus par les éléments du Commandement Opérationnel. Les libérations elles-mêmes, se font en fonction d'une certaine somme d'argent versée sans reçu.
Monsieur le Gouverneur,
A ce jour, on a tendance à croire que le Commandement Opérationnel a baissé les bras, mais il est à retenir qu'il fait plus de mal. Depuis un temps, au large du cours d'eau Nkam qui sépare les provinces du Littoral et de l'Ouest, des corps sont découverts là-bas au jour le jour, ce n'est ni plus ni moins l'œuvre d'un système meurtrier.
Le Jeudi Saint de cette année, pendant que les chrétiens de la Paroisse Notre-Dame des Sept Douleurs (à Douala) allaient faire l'adoration du Saint Sacrement, les éléments de votre Commandement ont fait irruption sur le lieu et ont emmené des fidèles qui attendaient leur tour pour l'adoration. Ils sont mis à tabac sans motif apparent, ce qui a provoqué la panique pour la plupart. A la Prison centrale de Douala, des espions du Commandement Opérationnel sont présents pour dénoncer les prévenus afin de leur faire subir des sévices.
Par ce manque de justice au Cameroun, le Commandement dont vous avez la charge se livre à des exécutions extrajudiciaires où bon nombre d'innocents sont tués. La population profite de ce climat d'insécurité pour assouvir, qui ses vieilles rancunes contre les voisins, qui, sa haine contre un tel ou un tel qu'il aimerait voir souffrir. C'est ainsi que des règlements de compte sont signalés parce que tout le monde peut appeler le Commandement Opérationnel et raconter ce qu'il veut.
Il y a le cas de ce jeune homme, photographe de son état, qui a été exécuté sous le regard de sa femme indexée par son beau-frère malfrat évadé de la prison de Kribi sous le prétexte que cette dernière refusait son union avec sa petite sœur à cause de sa " vocation " de braqueur. Comment peut-on parler d'un jugement équitable lorsque nous savons que tous ces grands bandits ont été tués sans aucun jugement au préalable ?
Des nombreux parents ont été exécutés à la place de leurs fils recherchés par le Commandement Opérationnel, à ce jour un chiffre exact ne peut pas être publié.
Beaucoup de familles n'ont pas retrouvé les corps de leurs fils. Plus de cinq cents personnes exécutées, hommes et femmes confondus, jeunes filles et garçons.
Est-il vraiment possible, Monsieur le Gouverneur, que l'on exécute les hommes à base de simples présomptions dans un État de droit ? Sur quelle base agit le Commandement Opérationnel et quel texte régit son champ d'opération ? Pouvez-vous le publier pour éviter les équivoques ? Quelles sont les limites du Commandement Opérationnel et peut-il garantir la sécurité sociale à l'allure où vont les choses ? Ne peut-on pas mettre hors d'état de nuire ces grands bandits sans les tuer ? Le monde civilisé aujourd'hui est contre la peine de mort même pour un meurtrier.
J'ai l'honneur de vous adresser cette lettre concernant le mal que fait le "Commandement Opérationnel " dans le Littoral.
En effet, depuis la mise en place du dit Commandement, des nombreux cas de torture, de blessures graves et d'assassinats sont signalés sur des victimes innocentes ou peut-être coupables mais sans jugement.
Monsieur le Gouverneur,
Permettez-moi d'attirer votre attention sur le fait que le grand banditisme qui est à la base de la mise sur pied du "Commandement Opérationnel" a pour cause ce constat effarant :
- La vente d'armes et des munitions par les hommes en tenue aux bandits.
- La mise en location des armes, munitions et uniformes aux bandits pour des opérations spéciales par ces mêmes éléments.
- La création des groupes de gangs par les hommes en tenue à qui sont distribués les outils de travail : armes, munitions, poignards, uniformes et cartes professionnelles.
- La complicité, par la présence de certains éléments de la force de l'ordre dans le groupe des gangs pendant les opérations qui donne courage aux vulgaires bandits.
- L'aide matérielle et financière (argent et voitures) pour les opérations en changeant les plaques d'immatriculation. Toutes ces causes ont incité l'autorité de l'Etat à mettre sur pied le Commandement Opérationnel dont vous avez la charge, dans le but de palier à ces exactions qui minent la sécurité sociale, chose normale.
Or, nous constations à notre grand étonnement que le Commandement Opérationnel a inséré en son sein des anciens prisonniers pour pouvoir livrer leurs amis braqueurs et autres malfaiteurs et peuvent ainsi indexer des personnes à leur bon vouloir ; ils seront directement appréhendés et exécutés.
Le Commandement Opérationnel a recensé certains coins de la ville de Douala et en a fait des lieux d'exécutions extrajudiciaires (des abattoirs humains) tels que Youpwe, Logbessou, route de la Dibamba (brousse), Bassa, le petit Nkaki... La population de Douala vit sous torture et arrestations arbitraires, des rafles inopinées, des interpellations intempestives. On croyait que le but, du Commandement Opérationnel était de libérer la population de toute peur et inquiétude. Le contraire est vrai aujourd'hui.
A propos des rafles
Les gens sont raflés à toute heure sans sommation. On les fait descendre des cars, bus, taxis, voitures personnelles, jusqu'aux élèves que l'on fait asseoir dans la boue avant de les rouer des coups. Après ils sont déversés à la brigade de gendarmerie de Mboppi, à celle des antigangs de la gendarmerie de Bonanjo et à la base militaire de Bonanjo afin d'être torturés et ainsi obligés de faire des faux aveux.
Ce n'est qu'au petit matin que les corps sont retrouvés de part et d'autre dans certains grands axes de la ville. Jusqu'à ce jour, les camions militaires pleins de gens circulent dans la ville avec des personnes nues de jour comme de nuit et l'on ignore la destination exacte de ces convois pour constater tout simplement, à la fin, de nombreuses disparitions. Le public de Douala vit dans la peur, car, à chaque instant, les hommes chargés de " l'ordre ", font irruption dans un lieu et jettent tout le monde dans un camion et les font descendre, moyennant, parfois, la somme de 2000 ou 5000 francs cfa par personne. Qu'ont-elles fait pour s'acquitter de ces " amendes " ? Que dire des arrestations arbitraires ?
Des nombreuses familles sont victimes des arrestations et des pillages. Dans certains cas des fillettes malades et des bébés sont abandonnés à eux-mêmes. Pendant la prise d'assaut du Commandement Opérationnel dans certains domiciles, des bijoux, de l'argent et autres objets précieux sont parfois emportés.
Les occupants de certains foyers sont bastonnés, jetés dans les cars comme des objets, telle cette jeune fille presqu'à terme de grossesse qui a été brutalement précipitée dans un camion avec d'autres personnes ramassées dans les vidéo clubs et les ventes à emporter, pour se retrouver infortunée à la base militaire de Bonanjo sans aucun égard pour son état. A cette base militaire, les personnes arrêtées ont été toutes appelées à subir le châtiment d'une dame spécialisée en bastonnade et torture. Blessées et tuméfiées de partout ; ces personnes sont obligées de faire la " roulade dans la boue " y compris les femmes enceintes. Au refus de ses femmes de se rouler dans la boue, un homme en tenue ripostera : " Ne savez-vous pas qu'on peut vous enlever cette grossesse ? Ici, on enlève les enfants dans le ventre des femmes. Si vous ne faites pas la roulade, on va vous retirer ces enfants. " Heureusement que tous les hommes en tenue ne sont pas aussi cyniques ; quelques-uns pris de pitié sont intervenus pour qu'on ne fasse pas subir de telles humiliations aux femmes dans leur état avant qu'elles ne soient identifiées !
Mais à la nuit tombante et sous la pluie quand la dite dame revient, elle exige une " dose " supplémentaire de torture.
Un jeune garçon très malade est jeté dans la cellule des hommes qui ont les plaies, de suite de torture, pourrissaient et répandaient les asticots car la cellule où ils étaient enfermés est sans toiture. Ces hommes ont vécu pendant trois jours dans cette insalubre cellule pour se voir accorder la liberté, y compris les femmes enceintes, le quatrième jour. Pour certains d'autres infortunés qui sont restés, on retrouvera les corps en décomposition après deux semaines. Il s'agit de : Alain Dikanda, Badi Binam Aimé, Essolo Jacques et un certain Olivier...
Il faut signaler qu'à la base militaire, ces rescapés ont trouvé un gang conduit par un certain sergent. Celui-ci, un repris de justice qui venait à peine de retrouver la liberté après six ans d'incarcération. En dépit de son corps déchiqueté par la torture, il lui était toujours administré sa " dose " de bastonnade à outrance. Ces gens n'avaient pas droit à la nourriture. Ils en sont morts, tels que : Baba Malam, Mlle Matimba...
Pendant les nombreuses personnes tuées par le Commandement Opérationnel, bien des filles ont trouvé inutilement la mort parce que supposées êtres " copines " des braqueurs. Ces filles sont souvent battues à leur arrestation, non seulement parce qu'on les accuse de complicité avec les malfaiteurs, mais surtout parce qu'elles refusent les avances des agents du Commandement Opérationnel.
Mlle Carine Yoth, placée en garde à vue à la Prison Centrale de Douala depuis le 17/02/2000 par le Tribunal Militaire, y croupit parce que son " copain ", présumé braqueur, est en fuite et recherché. Est-ce normal dans État de droit ?
Quand les personnes arrêtées sont déférées au parquet, il n'est pas rare que le Commandement Opérationnel débarque pour identifier les suspects et les amener, Dieu sait où et les corps ne sont jamais retrouvés !
Que dire de ce jeune homme de 16 ans que sa mère, dans un excès de colère, à cause du caractère difficile de son enfant, a remis à la disposition de la police, sans doute pour lui faire peur et qui a été tué parmi les exécutés du Commandement Opérationnel au mois de mars ?
Ousmane Diallo a reçu une balle par la bouche un début d'après-midi ; ne pouvant plus parler, il a été jeté en prison où il est mort le 18 mai 2000 car il ne pouvait ni parler, ni manger.
Il faut également noter les cas d'ordre de mise en liberté mitigée. Une fois libérés, ceux-ci sont directement filés et abattus par les éléments du Commandement Opérationnel. Les libérations elles-mêmes, se font en fonction d'une certaine somme d'argent versée sans reçu.
Monsieur le Gouverneur,
A ce jour, on a tendance à croire que le Commandement Opérationnel a baissé les bras, mais il est à retenir qu'il fait plus de mal. Depuis un temps, au large du cours d'eau Nkam qui sépare les provinces du Littoral et de l'Ouest, des corps sont découverts là-bas au jour le jour, ce n'est ni plus ni moins l'œuvre d'un système meurtrier.
Le Jeudi Saint de cette année, pendant que les chrétiens de la Paroisse Notre-Dame des Sept Douleurs (à Douala) allaient faire l'adoration du Saint Sacrement, les éléments de votre Commandement ont fait irruption sur le lieu et ont emmené des fidèles qui attendaient leur tour pour l'adoration. Ils sont mis à tabac sans motif apparent, ce qui a provoqué la panique pour la plupart. A la Prison centrale de Douala, des espions du Commandement Opérationnel sont présents pour dénoncer les prévenus afin de leur faire subir des sévices.
Par ce manque de justice au Cameroun, le Commandement dont vous avez la charge se livre à des exécutions extrajudiciaires où bon nombre d'innocents sont tués. La population profite de ce climat d'insécurité pour assouvir, qui ses vieilles rancunes contre les voisins, qui, sa haine contre un tel ou un tel qu'il aimerait voir souffrir. C'est ainsi que des règlements de compte sont signalés parce que tout le monde peut appeler le Commandement Opérationnel et raconter ce qu'il veut.
Il y a le cas de ce jeune homme, photographe de son état, qui a été exécuté sous le regard de sa femme indexée par son beau-frère malfrat évadé de la prison de Kribi sous le prétexte que cette dernière refusait son union avec sa petite sœur à cause de sa " vocation " de braqueur. Comment peut-on parler d'un jugement équitable lorsque nous savons que tous ces grands bandits ont été tués sans aucun jugement au préalable ?
Des nombreux parents ont été exécutés à la place de leurs fils recherchés par le Commandement Opérationnel, à ce jour un chiffre exact ne peut pas être publié.
Beaucoup de familles n'ont pas retrouvé les corps de leurs fils. Plus de cinq cents personnes exécutées, hommes et femmes confondus, jeunes filles et garçons.
Est-il vraiment possible, Monsieur le Gouverneur, que l'on exécute les hommes à base de simples présomptions dans un État de droit ? Sur quelle base agit le Commandement Opérationnel et quel texte régit son champ d'opération ? Pouvez-vous le publier pour éviter les équivoques ? Quelles sont les limites du Commandement Opérationnel et peut-il garantir la sécurité sociale à l'allure où vont les choses ? Ne peut-on pas mettre hors d'état de nuire ces grands bandits sans les tuer ? Le monde civilisé aujourd'hui est contre la peine de mort même pour un meurtrier.
Monsieur le Gouverneur,
Les exécutions extrajudiciaires constituent une violation des droits fondamentaux de l'homme et sont un outrage à la conscience universelle. Ces homicides illégaux perpétrés sur un ordre d'un Gouvernement ont été toujours condamnés par les Nations Unies et le demeurent.
Puisque les plus hautes autorités de l'État se veulent non coupables, elles doivent montrer leur totale opposition en réagissant aux exécutions extrajudiciaires.
Pour ce faire, elles doivent clairement faire savoir à tous les membres de la Police et de l'armée ainsi qu'à d'autres forces de sécurité sociale, que les exécutions extrajudiciaires ne sauront être tolérées en aucune circonstance sans qu'un jugement équitable et impartial soit fait au préalable et communiqué conformément aux normes de la législation en vigueur.
Les articles 8 et 10 de la Constitution de la République disent clairement : " Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui leur sont reconnus par la Constitution ou par la loi. " (art. 8). " Toute personne a droit en pleine égalité à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un Tribunal indépendant et impartial, qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. " (art. 10).
Au terme de cette lettre, vous pouvez avoir l'impression que je défends l'impunité et le mal, ce qu'à Dieu ne plaise. Mon souci pastoral est de venir au secours des innocents et de demander que la justice soit faite. Celui qui mérite le châtiment sera puni en fonction de son crime après avoir été jugé d'une façon équitable et impartiale. J'ai la tentation très forte de publier cette lettre si les tueries arbitraires par le Commandement Opérationnel continuent.
Avec l'assurance de mes prières pour que vous meniez à bien votre lourde mission, je vous prie, Monsieur le Gouverneur, de croire en mes sentiments patriotiques, en ma foi en l'homme et en la valeur inestimable de la vie, le plus grand don que Dieu a fait à tout homme même aux grands bandits. "
Source: Christian Tumi, Les deux régimes politiques d’Ahmadou Ahidjo, de Paul Biya et Christian Tumi (Eclairage), Douala, 2006, pp 53-60
Les exécutions extrajudiciaires constituent une violation des droits fondamentaux de l'homme et sont un outrage à la conscience universelle. Ces homicides illégaux perpétrés sur un ordre d'un Gouvernement ont été toujours condamnés par les Nations Unies et le demeurent.
Puisque les plus hautes autorités de l'État se veulent non coupables, elles doivent montrer leur totale opposition en réagissant aux exécutions extrajudiciaires.
Pour ce faire, elles doivent clairement faire savoir à tous les membres de la Police et de l'armée ainsi qu'à d'autres forces de sécurité sociale, que les exécutions extrajudiciaires ne sauront être tolérées en aucune circonstance sans qu'un jugement équitable et impartial soit fait au préalable et communiqué conformément aux normes de la législation en vigueur.
Les articles 8 et 10 de la Constitution de la République disent clairement : " Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui leur sont reconnus par la Constitution ou par la loi. " (art. 8). " Toute personne a droit en pleine égalité à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un Tribunal indépendant et impartial, qui décidera soit de ses droits et obligations, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. " (art. 10).
Au terme de cette lettre, vous pouvez avoir l'impression que je défends l'impunité et le mal, ce qu'à Dieu ne plaise. Mon souci pastoral est de venir au secours des innocents et de demander que la justice soit faite. Celui qui mérite le châtiment sera puni en fonction de son crime après avoir été jugé d'une façon équitable et impartiale. J'ai la tentation très forte de publier cette lettre si les tueries arbitraires par le Commandement Opérationnel continuent.
Avec l'assurance de mes prières pour que vous meniez à bien votre lourde mission, je vous prie, Monsieur le Gouverneur, de croire en mes sentiments patriotiques, en ma foi en l'homme et en la valeur inestimable de la vie, le plus grand don que Dieu a fait à tout homme même aux grands bandits. "
Source: Christian Tumi, Les deux régimes politiques d’Ahmadou Ahidjo, de Paul Biya et Christian Tumi (Eclairage), Douala, 2006, pp 53-60
Quand Biya perd le Nord
L'action des forces de l'ordre est disproportionnée
face aux agissements des coupeurs de route dans les provinces
septentrionales
Entre 1995 et 1998, on démontre plus de 200 attaques de coupeurs de
routes dans l'Extrême Nord du Cameroun. Le bilan est tout aussi
éloquent : 49 morts, 88 blessés, 167 bœufs volés, une somme de 45 457
355 F Cfa emportés, plus de 16 armes et 20 obus ramassés selon des
sources. Le journal L'œil du Sahel paru, le 23 juin 2008, affirme que
entre janvier et juin 2007, plus de 341 milliards de francs de rançons
ont été payées aux coupeurs de route et autres ravisseurs. Le journal
relève également 13 morts, 179 personnes séquestrées et 36 097 bovins
disparus. Une situation qui créée la panique dans la région et fait fuir
les éleveurs. "On enregistre des grands déplacements de troupeaux
d'un département à un autre et hors de nos frontières, en direction du
Tchad et du Nigeria ou les éleveurs pensent trouver la sécurité ",
écrit le journal du Nord. De sources concordantes, les ravisseurs et les
nombreux coupeurs de route qui sèment la terreur dans cette partie du
pays sont des rebelles Tchadiens. Selon L'œil du Sahel, le 03 décembre
2005, des rebelles Tchadiens ont tiré une balle dans la jambe de Alhadji
Gadjéré. Celui-ci avait seulement donné 200 000 francs, des quatre
millions de francs de rançon qui lui étaient demandés pour la libération
de douze otages. Les ravisseurs assassineront cinq otages et seront
arrêtés deux jours plus tard.
En décembre 1998, Amnesty International, publie un rapport intitulé "Cameroun : exécutions extrajudiciaires dans les provinces du Nord et de l'Extrême-Nord". Ce document met à nu, les agissements du Groupement polyvalent d'intervention de la gendarmerie (Gpig). Ce document dénonce les agissements d'une unité spéciale des antigangs dirigée par le colonel Pom et chargée de lutter contre les coupeurs de routes, bandes armées qui sévissent sur les routes du nord du pays en attaquant, dévalisant et tuant des voyageurs. Ces antigangs détiendraient arbitrairement, tortureraient et exécuteraient sommairement les personnes qu'elles soupçonnent être des coupeurs de routes ou d'avoir des renseignements sur ces derniers. Les membres de la principale organisation non gouvernementale à Maroua, qui recueillaient les renseignements sur les exactions qui seraient commises par cette unité, auraient été à plusieurs reprises l'objet de menaces et d'intimidations de la part des antigangs. Le 7 mai 1999, ils auraient appris qu'une embuscade avait été dressée sur une route dans le but de les empêcher de se rendre sur les lieux où avaient été découverts les corps d'une quinzaine de personnes vraisemblablement exécutées par les antigangs. Par ailleurs, un photographe de Maroua qui travaillait pour cette Ong en fournissant des photos des corps des personnes retrouvées exécutées aurait également disparu au début de 1999.
En décembre 1998, Amnesty International, publie un rapport intitulé "Cameroun : exécutions extrajudiciaires dans les provinces du Nord et de l'Extrême-Nord". Ce document met à nu, les agissements du Groupement polyvalent d'intervention de la gendarmerie (Gpig). Ce document dénonce les agissements d'une unité spéciale des antigangs dirigée par le colonel Pom et chargée de lutter contre les coupeurs de routes, bandes armées qui sévissent sur les routes du nord du pays en attaquant, dévalisant et tuant des voyageurs. Ces antigangs détiendraient arbitrairement, tortureraient et exécuteraient sommairement les personnes qu'elles soupçonnent être des coupeurs de routes ou d'avoir des renseignements sur ces derniers. Les membres de la principale organisation non gouvernementale à Maroua, qui recueillaient les renseignements sur les exactions qui seraient commises par cette unité, auraient été à plusieurs reprises l'objet de menaces et d'intimidations de la part des antigangs. Le 7 mai 1999, ils auraient appris qu'une embuscade avait été dressée sur une route dans le but de les empêcher de se rendre sur les lieux où avaient été découverts les corps d'une quinzaine de personnes vraisemblablement exécutées par les antigangs. Par ailleurs, un photographe de Maroua qui travaillait pour cette Ong en fournissant des photos des corps des personnes retrouvées exécutées aurait également disparu au début de 1999.
Cette unité spéciale envoyée dans les provinces du Nord et de
l'Extrême-Nord en mars 1998 est composée d'une quarantaine de membres de
l'armée et de la gendarmerie, habillés en civil et fortement armés,
elle aurait pour rayon d'action les trois provinces septentrionales. Ces
anti-gangs commandés par le colonel Pom, agiraient en dehors du cadre
de la loi en toute impunité. L'action des antigangs de Maroua, qui
faisaient partie de ce qui est appelé la "réserve ministérielle" ou le
Groupement polyvalent d'intervention de la gendarmerie (Gpig), était
directement supervisée par le ministre d'État à la Défense et le
président de la République. Cette "réserve ministérielle",
basée à Yaoundé, a pour fonction de renforcer les forces de l'ordre
lorsque les troubles publics dépassent la capacité locale, ce qui est le
cas au nord du pays en raison de la présence des coupeurs de routes. En
2002, la liquidation des bandits décapite le grand banditisme. La
plupart des commanditaires et des capitaines perdent la vie ou
traversent la frontière, quelques-uns croupissant en prison. Malgré les
récriminations au sujet de la violation des droits de l'homme, les
actions du Groupement polyvalent d'intervention de la gendarmerie
donnent une impression de sécurité retrouvée aussi bien en ville qu'en
campagne. A partir de 2001, le Groupement polyvalent d'intervention de
la gendarmerie sera remplacé par le troisième Bataillon d'Intervention
Rapide (3è Bir), dans la lutte contre les coupeurs de route dans les
provinces septentrionales.
Lourdement armé, le Bir patrouille jour et nuit sur les axes à risques et n'hésite pas à abattre le moindre suspect. Acculés par les défenseurs des droits de l'homme, le Bataillon se garde de divulguer des statistiques en la matière... Le Bir escorte désormais les véhicules en partance pour les différents marchés à bétail de la région.
Maheu
Lourdement armé, le Bir patrouille jour et nuit sur les axes à risques et n'hésite pas à abattre le moindre suspect. Acculés par les défenseurs des droits de l'homme, le Bataillon se garde de divulguer des statistiques en la matière... Le Bir escorte désormais les véhicules en partance pour les différents marchés à bétail de la région.
Maheu
La faim justifie les moyens
Le Cameroun a toujours été secoué par de multiples
émeutes sociales violemment réprimées par le pouvoir en plus. Ce
manifestations se sont généralement soldées par des morts
"Février 2008" aurait pu rester gravé dans la mémoire collective des Camerounais comme étant leur "mai 68"
si au lendemain de ces émeutes le régime de Biya, au pouvoir depuis 27
ans, n'était pas resté égal à lui-même face aux revendications d'une
jeunesse dont les aspirations, du reste légitimes, sont d'avoir accès à
un mieux être social. Malheureusement, menaces, intimidations,
arrestations et autres discours démagogiques à la " virtuosité creuse "
ont été servis par les gouvernants, en dépit de la clarté, de la
précision et de la pertinence des messages que cette jeunesse arborait
sur les pancartes. Une jeunesse si justement qualifiée par le
politologue Bouopda Pierre Kamé de " génération du Renouveau ", c'est-à-dire cette "
génération de la crise économique et de la régression sociale " dont
les plus âgés " ont eu l'opportunité de voter, pour la première fois,
aux élections législatives et municipales du 22 juillet 2007 ".1
En effet, les émeutes du mois de février commencent de manière anodine avec l'interdiction, par la plus haute autorité administrative locale, de deux évènements politiques qui rentraient dans la dynamique quasi générale de protestation contre le projet présidentiel de la révision constitutionnelle : d'une part, la marche organisée par le Programme social pour la liberté et la démocratie (Psld), le parti du " combattant " Mboua Massok et prévue pour se tenir à Douala le 16 février 2008 et, d'autre part, d'un meeting politique annoncé par le Social democratic front (Sdf) qui devait avoir lieu dans la même ville le 23 février 2008. Aucun des deux évènements n'avait eu lieu, en dépit de la témérité des organisateurs qui devaient faire face à une escouade de bidasses qui quadrillaient le périmètre du lieu de l'évènement, armés jusqu'aux dents et prêts à tuer. Et c'est sans surprise que les forces de l'ordre usaient de leurs véhicules lourds pour pulvériser de puissants jets d'eaux souillées, des matraques et des grenades lacrymogènes pour disperser la foule nombreuse en délire. C'est le début d'un climat de vives tensions et de confusion qui gagnent presque tous les coins de la capitale économique. Résultat : un poste de police, un engin anti-émeute des forces de l'ordre, un bus de transport interurbain, etc., sont incendiés ; des kiosques du Pari mutuel urbain camerounais (Pmuc) et deux stations d'essence sont saccagés et systématiquement pillés. Cette atmosphère insurrectionnelle met face à face des bandes de jeunes et les éléments des forces de l'ordre. Comme il fallait s'y attendre, ces violents affrontements nocturnes se sont soldés, en plus des dizaines de blessés et d'importants dégâts matériels, par la mort de deux jeunes gens, tués par balles ; il s'agit d'Alex Raoul Pelo, mécanicien, et Gingay Louvert Fouambouh, vendeur de porc braisé. Ainsi, enregistre-t-on, les deux premières victimes mortelles des émeutes de février 2008. Seulement, loin de tempérer les ardeurs, les images de ces martyrs qui font le tour des quatre coins de la république constituent un véritable déclic d'un embrasement qui devait enflammer quatre autres provinces et 31 villes, pendant 7 jours, c'est-à-dire du samedi 23 au vendredi 29 février 2008. De Douala à Kumba en passant par Njombé, Nkongsamba, Bafang, MBouda, Batibo et Mutenguéné, les révendications qui au départ étaient d'ordre politique, deviennent aussi sociales : " Non à la vie chère et à la clochardisation des Camerounais ! ", " Non à la fermeture des radios et des télévisions privées ! ", " Paul Biya, la jeunesse avant la Constitution ! ", " Hungry man is angry man ! ", etc., pouvait-on lire sur les banderoles et les banderoles que brandissaient courageusement une jeunesse qui en avaient marre de la cruauté d'un régime qui avait tué en eux tout espoir. Même la jeunesse de la capitale Yaoundé qui s'est si souvent illustrée comme une citadelle imprenable, n'avaient pas loupé l'occasion de crier leur ras-le-bol. Dans chacune de ces villes, la réaction des éléments des forces de l'ordre était brutale, ce qui situe globalement, d'après le bilan controversé du ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd), le nombre de personnes tuées à 40 morts.
Point culminant
Avec les émeutes de la faim de l'année dernière donc, le Renouveau venait là d'atteindre le point culminant des crises sociales enregistrées sous son régime. Car en fait, l'histoire des revendications sociales en 27 ans de biyaisme est fortement entachée de sang. Les exemples sont nombreux qui illustrent cette triste réalité.
De 1990 à 2005, le Cameroun à connu près d'une demie dizaine de grèves estudiantines à l'origine desquelles, les mauvaises conditions de formation à l'université. Mais à chaque fois, la réponse qui leur a été servie était celle d'une répression sauvage des forces de l'ordre. Mais en dépit de la violence de la répression, le ministre Augustin Kontchou Kouomegni, toute honte bue, dresse un bilan de " zéro mort " ; pourtant, reste encore fraîche dans les mémoires l'image des étudiants calcinés dans leurs chambres ou celle des étudiants se jetant dans le lac de Ngoa Ekéllé pour fuir les balles aveugles de l'armée.
Autre lieu mais même atmosphère : l'université de Buéa. En avril 2005, deux étudiants, Ufeanei Ivo et Mouma Benet, respectivement étudiants en 3ème et 2ème année à la faculté des Sciences économiques, tombent sous les balles des troupes. A l'origine du drame, la protestation des étudiants de cette université contre les tripatouillages par le ministre de l'enseignement supérieur (Minesup) des résultats du concours d'entrée à la faculté de médecine. Un an et demi plus tard, cette institution universitaire devait connaître à nouveau des rixes entre les voleurs " en uniforme " et les étudiants, avec malheureusement presque le même bilan.
Martyrs malgré eux
Loin de Buéa et deux ans plus tôt, le 21 décembre 2003, les éléments des forces de l'ordre ouvrent le feu au domicile du président national de l'Union démocratique du Cameroun (Udc) à Foumban, à l'Ouest du pays. Du coup, la ville s'est embrasée et la riposte des éléments des forces de l'ordre a fait au moins un mort.
Plus proche de nous, en 2007, certaines villes camerounaises enregistrent une succession d'émeutes les unes aussi sanglantes que les autres. D'abord, le 27 août, à Bafoussam, les benskineurs (conducteurs de mototaxi) affrontent la gendarmerie, suite à la décision des autorités administratives qui impose à ces conducteurs de peindre leurs motos en jaune. Ici, aucun décès n'est signalé, mais quatre jours pus tard, à Nkongsamba, le jeune Tookoh Jean Titan, moto taximan, meurt dans des conditions troubles, suscitant le courroux de ses collègues ; ceux n'hésitent pas à descendre dans les rues pour réclamer la tête du présumé assassin de la victime. Casses et interpellation constituent le bilan de ces échauffourées.
Alors que l'on croyait que cette culture de la revendication se limitait dans des régions réputées fiefs de l'opposition, voilà qu'une région du " pays organisateur ", à savoir l'Est entre dans la danse et de la plus tragique des manières. En effet, le lundi 17 septembre 2007, Abong-Mbang, le Chef-lieu du département du Haut Nyong, inscrit son nom sur le registre des villes rebelles. Ce jour là, à cause des délestages intempestifs et récurrents d'électricité, les populations de cette localité ont entrepris, à l'entrée de la ville, une manifestation sauvagement réprimée dans le sang faisant plusieurs blessés et deux morts, les jeunes Charles Mvogo et Jean Shimpe Poungou Zock, tous deux élèves au lycée technique, tués par balles. Comme le dit M. Bikidik Paul Gérémie, Président du Réseau associatif des consommateurs de l'énergie (Race), dans un communiqué de presse, publié le 22 septembre 2007, ces deux lycéens " sont devenus, malgré eux, les premiers martyrs du droit à l'énergie "2.
Dans cette mouvance contestataire, Yaoundé fait figure de proue puisqu'une fois de plus, le 5 octobre 2007, les commerçants du marché Mokolo à Yaoundé descendent dans la rue pour protester contre une casse nocturne de leurs comptoirs. Sur leur chemin, ils croisent les forces de l'ordre. Bilan : deux manifestants sur le carreau et plusieurs blessés.
Ces quelques moments de détonations, loin d'être exhaustifs, sont symptomatiques de l'atmosphère sociale qui a caractérisé le régime de M. Biya, surtout depuis le retour du multipartisme dans notre pays, et les méthodes bolchéviques de la gestion des crises sociales. " Chaque fois que le régime au pouvoir se trouve un rien menacé, il se défend en payant quelques salauds (policiers et soldats illettrés) prêts à tuer et à assassiner à vil prix "3, s'indignait d'ailleurs, en décembre 2005, le politologue Achille Mbembé.
Le 6 novembre 2009, Paul Biya totalise 27 ans de règne, et à l'heure du bilan, il ne serait pas exagéré de dire que ses "salauds" auront plongé leurs plumes dans le sang des camerounais, jeunes pour la plupart, pour écrire l'histoire des revendications sociales qui n'honore pas ce régime, si l'on s'en tient aux dizaines de morts dont le seul délit est d'avoir demandé un minimum de bien-être.
Simon Patrice DJOMO
1- Bouopda Pierre Kamé : Les émeutes du Renouveau. Cameroun-février 2008, coll. Etudes africaines, Harmattan, Paris, 2008
2- Bikidik Paul Gérémie, Président du Race, in " communiqué de presse ", 22 septembre 2007
3- Moussa Ka, " Gueules de Buea ", 27 décembre 2006
Emeutes
Cameroun, un volcan en activité
En effet, les émeutes du mois de février commencent de manière anodine avec l'interdiction, par la plus haute autorité administrative locale, de deux évènements politiques qui rentraient dans la dynamique quasi générale de protestation contre le projet présidentiel de la révision constitutionnelle : d'une part, la marche organisée par le Programme social pour la liberté et la démocratie (Psld), le parti du " combattant " Mboua Massok et prévue pour se tenir à Douala le 16 février 2008 et, d'autre part, d'un meeting politique annoncé par le Social democratic front (Sdf) qui devait avoir lieu dans la même ville le 23 février 2008. Aucun des deux évènements n'avait eu lieu, en dépit de la témérité des organisateurs qui devaient faire face à une escouade de bidasses qui quadrillaient le périmètre du lieu de l'évènement, armés jusqu'aux dents et prêts à tuer. Et c'est sans surprise que les forces de l'ordre usaient de leurs véhicules lourds pour pulvériser de puissants jets d'eaux souillées, des matraques et des grenades lacrymogènes pour disperser la foule nombreuse en délire. C'est le début d'un climat de vives tensions et de confusion qui gagnent presque tous les coins de la capitale économique. Résultat : un poste de police, un engin anti-émeute des forces de l'ordre, un bus de transport interurbain, etc., sont incendiés ; des kiosques du Pari mutuel urbain camerounais (Pmuc) et deux stations d'essence sont saccagés et systématiquement pillés. Cette atmosphère insurrectionnelle met face à face des bandes de jeunes et les éléments des forces de l'ordre. Comme il fallait s'y attendre, ces violents affrontements nocturnes se sont soldés, en plus des dizaines de blessés et d'importants dégâts matériels, par la mort de deux jeunes gens, tués par balles ; il s'agit d'Alex Raoul Pelo, mécanicien, et Gingay Louvert Fouambouh, vendeur de porc braisé. Ainsi, enregistre-t-on, les deux premières victimes mortelles des émeutes de février 2008. Seulement, loin de tempérer les ardeurs, les images de ces martyrs qui font le tour des quatre coins de la république constituent un véritable déclic d'un embrasement qui devait enflammer quatre autres provinces et 31 villes, pendant 7 jours, c'est-à-dire du samedi 23 au vendredi 29 février 2008. De Douala à Kumba en passant par Njombé, Nkongsamba, Bafang, MBouda, Batibo et Mutenguéné, les révendications qui au départ étaient d'ordre politique, deviennent aussi sociales : " Non à la vie chère et à la clochardisation des Camerounais ! ", " Non à la fermeture des radios et des télévisions privées ! ", " Paul Biya, la jeunesse avant la Constitution ! ", " Hungry man is angry man ! ", etc., pouvait-on lire sur les banderoles et les banderoles que brandissaient courageusement une jeunesse qui en avaient marre de la cruauté d'un régime qui avait tué en eux tout espoir. Même la jeunesse de la capitale Yaoundé qui s'est si souvent illustrée comme une citadelle imprenable, n'avaient pas loupé l'occasion de crier leur ras-le-bol. Dans chacune de ces villes, la réaction des éléments des forces de l'ordre était brutale, ce qui situe globalement, d'après le bilan controversé du ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd), le nombre de personnes tuées à 40 morts.
Point culminant
Avec les émeutes de la faim de l'année dernière donc, le Renouveau venait là d'atteindre le point culminant des crises sociales enregistrées sous son régime. Car en fait, l'histoire des revendications sociales en 27 ans de biyaisme est fortement entachée de sang. Les exemples sont nombreux qui illustrent cette triste réalité.
De 1990 à 2005, le Cameroun à connu près d'une demie dizaine de grèves estudiantines à l'origine desquelles, les mauvaises conditions de formation à l'université. Mais à chaque fois, la réponse qui leur a été servie était celle d'une répression sauvage des forces de l'ordre. Mais en dépit de la violence de la répression, le ministre Augustin Kontchou Kouomegni, toute honte bue, dresse un bilan de " zéro mort " ; pourtant, reste encore fraîche dans les mémoires l'image des étudiants calcinés dans leurs chambres ou celle des étudiants se jetant dans le lac de Ngoa Ekéllé pour fuir les balles aveugles de l'armée.
Autre lieu mais même atmosphère : l'université de Buéa. En avril 2005, deux étudiants, Ufeanei Ivo et Mouma Benet, respectivement étudiants en 3ème et 2ème année à la faculté des Sciences économiques, tombent sous les balles des troupes. A l'origine du drame, la protestation des étudiants de cette université contre les tripatouillages par le ministre de l'enseignement supérieur (Minesup) des résultats du concours d'entrée à la faculté de médecine. Un an et demi plus tard, cette institution universitaire devait connaître à nouveau des rixes entre les voleurs " en uniforme " et les étudiants, avec malheureusement presque le même bilan.
Martyrs malgré eux
Loin de Buéa et deux ans plus tôt, le 21 décembre 2003, les éléments des forces de l'ordre ouvrent le feu au domicile du président national de l'Union démocratique du Cameroun (Udc) à Foumban, à l'Ouest du pays. Du coup, la ville s'est embrasée et la riposte des éléments des forces de l'ordre a fait au moins un mort.
Plus proche de nous, en 2007, certaines villes camerounaises enregistrent une succession d'émeutes les unes aussi sanglantes que les autres. D'abord, le 27 août, à Bafoussam, les benskineurs (conducteurs de mototaxi) affrontent la gendarmerie, suite à la décision des autorités administratives qui impose à ces conducteurs de peindre leurs motos en jaune. Ici, aucun décès n'est signalé, mais quatre jours pus tard, à Nkongsamba, le jeune Tookoh Jean Titan, moto taximan, meurt dans des conditions troubles, suscitant le courroux de ses collègues ; ceux n'hésitent pas à descendre dans les rues pour réclamer la tête du présumé assassin de la victime. Casses et interpellation constituent le bilan de ces échauffourées.
Alors que l'on croyait que cette culture de la revendication se limitait dans des régions réputées fiefs de l'opposition, voilà qu'une région du " pays organisateur ", à savoir l'Est entre dans la danse et de la plus tragique des manières. En effet, le lundi 17 septembre 2007, Abong-Mbang, le Chef-lieu du département du Haut Nyong, inscrit son nom sur le registre des villes rebelles. Ce jour là, à cause des délestages intempestifs et récurrents d'électricité, les populations de cette localité ont entrepris, à l'entrée de la ville, une manifestation sauvagement réprimée dans le sang faisant plusieurs blessés et deux morts, les jeunes Charles Mvogo et Jean Shimpe Poungou Zock, tous deux élèves au lycée technique, tués par balles. Comme le dit M. Bikidik Paul Gérémie, Président du Réseau associatif des consommateurs de l'énergie (Race), dans un communiqué de presse, publié le 22 septembre 2007, ces deux lycéens " sont devenus, malgré eux, les premiers martyrs du droit à l'énergie "2.
Dans cette mouvance contestataire, Yaoundé fait figure de proue puisqu'une fois de plus, le 5 octobre 2007, les commerçants du marché Mokolo à Yaoundé descendent dans la rue pour protester contre une casse nocturne de leurs comptoirs. Sur leur chemin, ils croisent les forces de l'ordre. Bilan : deux manifestants sur le carreau et plusieurs blessés.
Ces quelques moments de détonations, loin d'être exhaustifs, sont symptomatiques de l'atmosphère sociale qui a caractérisé le régime de M. Biya, surtout depuis le retour du multipartisme dans notre pays, et les méthodes bolchéviques de la gestion des crises sociales. " Chaque fois que le régime au pouvoir se trouve un rien menacé, il se défend en payant quelques salauds (policiers et soldats illettrés) prêts à tuer et à assassiner à vil prix "3, s'indignait d'ailleurs, en décembre 2005, le politologue Achille Mbembé.
Le 6 novembre 2009, Paul Biya totalise 27 ans de règne, et à l'heure du bilan, il ne serait pas exagéré de dire que ses "salauds" auront plongé leurs plumes dans le sang des camerounais, jeunes pour la plupart, pour écrire l'histoire des revendications sociales qui n'honore pas ce régime, si l'on s'en tient aux dizaines de morts dont le seul délit est d'avoir demandé un minimum de bien-être.
Simon Patrice DJOMO
1- Bouopda Pierre Kamé : Les émeutes du Renouveau. Cameroun-février 2008, coll. Etudes africaines, Harmattan, Paris, 2008
2- Bikidik Paul Gérémie, Président du Race, in " communiqué de presse ", 22 septembre 2007
3- Moussa Ka, " Gueules de Buea ", 27 décembre 2006
Emeutes
Cameroun, un volcan en activité
Somme
de réactions collectées dans les rues de Douala, Abong-Mbang, Yaoundé,
Bamenda, Douala…Les rues et les quartiers du Cameroun ressemblent
désormais à des poudrières, prêtes à exploser à la moindre occasion. La
réaction des populations voisine du collège La Maturité à Douala
mercredi 17 octobre 2007 est un signe qui ne trompe plus désormais. "
C'est le manque d'emploi. Parce que si les gens étaient occupés, ils ne
risqueraient pas de se faire tuer de la sorte. C'est le chômage ", dit Philippe, conducteur de moto taxi à Douala. Pour Pascal, son collègue, "
c'est la pression, les gens vivent constamment sur les nerfs. Moi par
exemple, je suis titulaire d'un Bac D depuis 1998, j'avais vingt-et-un
(21) ans à l'époque. Je suis conducteur de moto taxi, vous croyez que
c'est un métier que je mérite ? ", s'interroge-t-il. Pour lui, les gens sont au quartier, oisifs. Ils n'attendent plus que des occasions pour se venger. " Mon frère, c'est le pays qui va mal, voilà pourquoi la population se fâche tout le temps ", renchérit Pascal. Omer, un militant politique, pour sa part, pense que "
ces réactions violentes sont des indices que les populations veulent
que les choses aillent mieux. Mais comme il n'y a pas de perspectives,
ils sont obligés de se prendre en charge de manière désorganisée, et les
conséquences sont imprévisibles. "
D'autres voient en cela la pauvreté, le ressentiment, la frustration. " On ne permet pas aux gens d'exprimer leur mécontentement, le droit de grève n'est pas accordé, dès que vous manifestez un peu, même pacifiquement, on vous dit que vous êtes en infraction. Les gens retiennent ce ressentiment, à la moindre occasion, ils se défoulent ", dit René Nyou, technicien.
La faute au gouvernement
" La responsabilité politique est clairement établie ; ce qui arrive incombe au gouvernement ", dit Omer. Conducteur de moto taxi, Antoine est lui aussi tranché : " tout ça parce que le gouvernement gère mal. Quand les populations cassent, c'est pour que les dirigeants comprennent que ça ne va pas, qu'il faut que les choses changent. " Pour Hilelela, on est dans une situation insurrectionnelle, où la moindre bûchette d'allumette peut tout enflammer, à cause des " conditions impossibles de vie des Camerounais. " A l'en croire, " le gouvernement est entièrement responsable, il a programmé, organisé et créé les conditions de cette insurrection. "
Le gouvernement semble lui aussi avoir pris la mesure de la situation. Les autorités de la ville de Douala ont géré avec beaucoup de prudence les actes de violence au collège la Maturité. Aucun manifestant n'a été interpellé. On a pourtant constaté que une personne sur dix, parmi les casseurs, était un élève. Les principaux acteurs étaient ceux qui, de prime à bord, n'avaient rien à voir avec les transes dont les élèves étaient victimes. Même le véhicule du Samu, venu au secours des victimes, n'a pas échappé à la furie.
Source: Le Messager
Pierre Mila Assouté : Le régime du Président Ahmadou Ahidjo était un régime autoritaire et policier, un régime de grande peur, mais en même temps, c'était un régime responsable, sécuritaire.
Quant au Président Paul Biya, son régime est une autocratie oligarchique corrompue, autoritariste et irresponsable. C'est un régime de jouisseurs à la fois pernicieux et insidieusement violents. La libre expression et la ploutocratie sont pratiquées comme des alibis de persuasion internationale en matière de démocratie.
Que diriez-vous, s'il vous était demandé de comparer, au fond, le système Ahidjo et celui de Paul Biya en termes de vision politique, de gouvernance, de gestion des hommes et des biens?
Le régime de Biya est fondamentalement la continuité du régime Ahidjo, notamment aux plans néocolonial et de la perception des processus de reproduction du pouvoir. Seulement, le premier, M. Ahidjo était un homme d'État fier de lui tandis que le second M. Paul Biya, ne l'est pas vraiment. Le président Ahidjo avait une bonne vision politique, ce qui n'est pas le cas chez Paul Biya. Il a créé un État dont il garantissait le respect à l'intérieur et à l'extérieur, parfois par des méthodes fortes et loin de l'orthodoxie républicaine. Mais par son sens élevé de l'intérêt général et des affaires publiques de son pays, il avait le respect de l'occident. Cependant, le pays était bien gouverné, on sentait une présence ; les Camerounais étaient moins divisés et moins tribalisés qu'aujourd'hui. Les tentatives de détournements étaient immédiatement sévèrement réprimées. D'ailleurs, on ne parlait pas de détournements en termes de milliards mais de millions. Sous M. Ahidjo personne n'a pu détourner 100 millions F.Cfa sans être rattrapé et jeté en prison. Les plans quinquennaux permettaient un développement planifié et équilibré du pays. La gestion des finances publiques était rigoureuse et moins passéiste. Le choix des investissements productifs était observé. D'ailleurs, en quittant le pouvoir, le Président Ahidjo a laissé les caisses pleines, des finances saines, après avoir investi positivement dans tous les domaines : Éducation, santé, diplomatie, secteur industriel, Hôtellerie, routes, stades, bâtiments publics, habitat social, pouvoir d'achat des paysans et des salariés etc. Le Président Ahidjo tenait des conseils de ministre au moins une fois par mois.
Avec le Président Biya, on note une gestion chaotique d'un héritage politique inattendu. On assiste à un pilotage à vue du Cameroun par une présidence en vacances perpétuels. Une situation de surendettement de l'État pour un niveau d'investissements des plus médiocres. Le Cameroun se pilote d'ailleurs tout seul comme un cerf volant. La comparaison saute à l'œil : injustice croissante, arbitraire administratif et judiciaire, premier pays parmi les plus corrompus au monde, insécurité chronique, disparition de l'embryon industriel du pays, déclassement international du pays, chute de 60% des revenus salariés; abandon des producteurs paysans, disparition des bourses d'études, chômage chronique, violences démocratiques etc. A comparer les deux régimes, nous avons l'impression de parler du jour et de la nuit. Personnellement, je me demande ce que le Président Biya va laisser comme souvenir au peuple du Cameroun. Les gens le perçoivent de plus en plus comme un vacancier au pouvoir dans un pays qui se meurt. Il souhaitait pourtant être celui qui a apporté la démocratie au Camerounais. J'y avais cru avant de réviser ma position et d'avoir le courage de changer d'avis. Je sais qu'il y en a beaucoup de Camerounais comme moi, mais ils ne sont pas libres comme je l'ai été en décidant de critiquer les méthodes du Rdpc dès 2002 et de démissionner alors que j'étais membre du comité central.
Partagez-vous l'idée selon laquelle le régime de Paul Biya s'est écrit et continue de s'écrire en lettres de sang ?
Le sang a commencé en avril 1984. Il s'est poursuivi dès 1990. En février 2008, les émeutes, dit-on, de la faim, alors que tout le monde sait que c'était des émeutes contre la révision au forceps de la constitution, ont fait tuer autant que le coup d'État du 6 avril 1984. Les crimes de sang ont marqué le régime de manière indélébile. Vous savez que le Vatican en a parlé ouvertement et demande des comptes sur certains crimes. La France aussi veut savoir à propos d'une de ses citoyennes. Il y a la famille du jeune Pokam défenestré au Hilton qui veut savoir! Il est difficile de parler d'Ahmadou Ahidjo et de Paul Biya, sans que ne viennent à l'esprit, les événements survenus le 06 avril 1984 et le décès, à l'exil, du premier président de la République du Cameroun.
Que vous rappellent ces événements qui continuent de structurer les rapports entre les fils du Cameroun ?
Je suis témoin de cette période. Je venais d'accéder au parlement comme le plus jeune député, à 24 ans. Ahidjo était blessé par le traitement qu'il a eu après avoir cédé le pouvoir. C'est un remaniement ministériel qui a mis dehors de ministres soupçonnés proches d'Ahidjo qui va mettre le feu aux poudres. Ahmadou Ahidjo tente une manœuvre dans le parti qu'il conservait après avoir cédé l'État à Biya. Il y a bicéphalisme de fait. Bien sûr, en pareille situation, des camps de partisans se forment. Le système qu'il avait mis en place a eu raison de lui et l'a broyé. Sa déclaration sur Rfi en avait fait l'instigateur du coup d'Etat et un jugement s'en est suivi...Il y a eu évidemment beaucoup de morts à Mbalmayo dans l'armée et pour la plupart originaire du grand nord. Ça laisse forcément des blessures profondes. Le déni d'État à Ahidjo ne panse pas (plus) ces blessures...Il faut pourtant réconcilier les Camerounais du nord au sud, de l'est à l'ouest.
En quoi le retour des restes d'Ahmadou Ahidjo peut-il constituer un facteur de réconciliation nationale ? Quels peuvent être les autres facteurs pouvant contribuer à la réconciliation des Camerounais ?
Le retour des restes du Président Ahidjo, au-delà de toute réconciliation, est un devoir national. Évidemment, le retour de ses restes va renforcer la cohésion nationale et apaiser les ressentiments. On ne peut pas parler de réconciliation nationale, s'agissant seulement de Monsieur Ahidjo, sans exagération. À ma connaissance, il n'y a pas de guerre entre le Nord et le Sud du Cameroun sur la question du rapatriement des restes d'Ahidjo. Il y a cependant, un parricide indécent entre un fils politique et un parrain politique que vit mal l'ensemble du peuple du Nord au Sud. Si Monsieur Biya quitte le pouvoir, la dépouille du Président Ahidjo sera ramenée au Cameroun avec l'avis ou non de sa famille ; des obsèques officielles seront organisées et ses restes placés au panthéon de la Nation. Monsieur Ahidjo, ancien chef de l'État du Cameroun, ayant servi fièrement avec plus ou moins de patriotisme son pays, est devenu un patrimoine national. Cela est inscrit dans le programme politique du Rdmc de ramener immédiatement ses restes, si nous étions élu à la tête du Cameroun.
Par contre, la réconciliation nationale en elle-même est nécessaire pour faire oublier la période pré-indépendance qui avait conduit le pays à un embrasement général, en arrachant à la vie, des compatriotes, des patriotes tels que MM. Um Nyobe, Osende Afana, Ouandjié Ernest, Félix Moumié, etc. Vous savez que les régions de l'Ouest et du Littoral gardent des séquelles de cette période qu'il faut exorciser. C'est l'une des raisons des multiples complexes du rejet bamiléké qui persiste dans certains esprits de nos compatriotes.
On peut également évoquer la question anglophone quand on parle de réconciliation nationale. Notre pays doit se réconcilier avec son histoire, ses peuples, son passé et son présent. Évidemment, les frustrations du grand Nord ne peuvent être balayées du revers de la main dans la question de réconciliation. Il en existe réellement. On ne peut pas vivre dans la suspicion permanente de coup d'État avec pour seul faute d'appartenir à la région géographique de l'ancien régime. Il faudra vider ce contentieux historique.
Le retour des restes du Président Ahidjo peut apaiser des tensions au nord. Dans la Sanaga maritime, ce n'est pas très sûr. Mais Ahidjo, Foncha, Muna, seront au panthéon avec Um Noybé et les autres patriotes morts pour leur pays, y compris nos soldats tombés pour le Cameroun. Ce sera la réconciliation de nos morts qui fera celle des vivants. Nous devons nous réconcilier avec notre histoire. Que nous soyons francophones ou anglophones.
Certains observateurs avertis affirment, au regard de l'âge avancé de Paul Biya, des maux qui minent la société camerounaise, des clivages et tensions qui opposent certains clans, que l'avenir du Cameroun est très sombre et que nous nous acheminons vers le chaos si rien n'est fait. Êtes- vous de cet avis ?
L'avenir du Cameroun est chaotique si rien n'est fait. C'est un postulat qui tombe sous le coup du sens. Il n'y a qu'à voir l'organisation institutionnelle pour s'en convaincre. S'il y a vacance subite de pouvoir, il faut extrêmement craindre pour notre pays. On ne peut comparer notre situation à aucun autre pays en Afrique, même pas les plus proches ou certains pays en Afrique de l'Ouest. Ce serait pire.
Que faut-il faire pour éviter ce chaos ?
Pour éviter le chaos, il y a deux solutions:
- Le Président Biya doit s'abstenir de se présenter aux élections prochaines et organiser des vraies élections. En contre partie, on peut lui assurer une retraite paisible.
- Le Président Biya met en place une véritable commission électorale indépendante, composée de religieux, des représentants des partis politiques, de la société civile, des membres des nations unies pour organiser des élections libres et transparentes auxquelles il prend part. Mais tous les Camerounais doivent être inscrits tant à l'étranger que dans le pays sans exclusive. One man One vote. Si Monsieur Biya procède comme d'habitude avec l'anti-chambre du Rdpc appelée Elecam, on va droit dans le mur. S'il y a exclusion des Camerounais de la course pour la présidentielle de 2010 ou 2011, notre avenir n'en sera que plus sombre encore.
Le biyaïsme et le Renouveau national, des erreurs originelles ou des vastes malentendus ?
Le Biyaïsme est en fin de compte, toute analyse faite, un mauvais accident de l'histoire de notre nation. Il faut tourner la page sereinement avec sagesse et détermination. C'est de la responsabilité du peuple du Cameroun d'écrire une nouvelle page de son histoire, après ce long métrage abracabrantesque et cauchemardesque qui dure depuis 27 ans.
Entretien mené par:
Jean-Bosco Talla
D'autres voient en cela la pauvreté, le ressentiment, la frustration. " On ne permet pas aux gens d'exprimer leur mécontentement, le droit de grève n'est pas accordé, dès que vous manifestez un peu, même pacifiquement, on vous dit que vous êtes en infraction. Les gens retiennent ce ressentiment, à la moindre occasion, ils se défoulent ", dit René Nyou, technicien.
La faute au gouvernement
" La responsabilité politique est clairement établie ; ce qui arrive incombe au gouvernement ", dit Omer. Conducteur de moto taxi, Antoine est lui aussi tranché : " tout ça parce que le gouvernement gère mal. Quand les populations cassent, c'est pour que les dirigeants comprennent que ça ne va pas, qu'il faut que les choses changent. " Pour Hilelela, on est dans une situation insurrectionnelle, où la moindre bûchette d'allumette peut tout enflammer, à cause des " conditions impossibles de vie des Camerounais. " A l'en croire, " le gouvernement est entièrement responsable, il a programmé, organisé et créé les conditions de cette insurrection. "
Le gouvernement semble lui aussi avoir pris la mesure de la situation. Les autorités de la ville de Douala ont géré avec beaucoup de prudence les actes de violence au collège la Maturité. Aucun manifestant n'a été interpellé. On a pourtant constaté que une personne sur dix, parmi les casseurs, était un élève. Les principaux acteurs étaient ceux qui, de prime à bord, n'avaient rien à voir avec les transes dont les élèves étaient victimes. Même le véhicule du Samu, venu au secours des victimes, n'a pas échappé à la furie.
Source: Le Messager
Pierre Mila Assouté, président du Rdmc
" Le Biyaïsme est un mauvais accident de l'histoire de notre nation "
Germinal : Quel qualificatif pouvez-vous donner aux règnes Ahmadou Ahidjo et de Paul Biya ? Pierre Mila Assouté : Le régime du Président Ahmadou Ahidjo était un régime autoritaire et policier, un régime de grande peur, mais en même temps, c'était un régime responsable, sécuritaire.
Quant au Président Paul Biya, son régime est une autocratie oligarchique corrompue, autoritariste et irresponsable. C'est un régime de jouisseurs à la fois pernicieux et insidieusement violents. La libre expression et la ploutocratie sont pratiquées comme des alibis de persuasion internationale en matière de démocratie.
Que diriez-vous, s'il vous était demandé de comparer, au fond, le système Ahidjo et celui de Paul Biya en termes de vision politique, de gouvernance, de gestion des hommes et des biens?
Le régime de Biya est fondamentalement la continuité du régime Ahidjo, notamment aux plans néocolonial et de la perception des processus de reproduction du pouvoir. Seulement, le premier, M. Ahidjo était un homme d'État fier de lui tandis que le second M. Paul Biya, ne l'est pas vraiment. Le président Ahidjo avait une bonne vision politique, ce qui n'est pas le cas chez Paul Biya. Il a créé un État dont il garantissait le respect à l'intérieur et à l'extérieur, parfois par des méthodes fortes et loin de l'orthodoxie républicaine. Mais par son sens élevé de l'intérêt général et des affaires publiques de son pays, il avait le respect de l'occident. Cependant, le pays était bien gouverné, on sentait une présence ; les Camerounais étaient moins divisés et moins tribalisés qu'aujourd'hui. Les tentatives de détournements étaient immédiatement sévèrement réprimées. D'ailleurs, on ne parlait pas de détournements en termes de milliards mais de millions. Sous M. Ahidjo personne n'a pu détourner 100 millions F.Cfa sans être rattrapé et jeté en prison. Les plans quinquennaux permettaient un développement planifié et équilibré du pays. La gestion des finances publiques était rigoureuse et moins passéiste. Le choix des investissements productifs était observé. D'ailleurs, en quittant le pouvoir, le Président Ahidjo a laissé les caisses pleines, des finances saines, après avoir investi positivement dans tous les domaines : Éducation, santé, diplomatie, secteur industriel, Hôtellerie, routes, stades, bâtiments publics, habitat social, pouvoir d'achat des paysans et des salariés etc. Le Président Ahidjo tenait des conseils de ministre au moins une fois par mois.
Avec le Président Biya, on note une gestion chaotique d'un héritage politique inattendu. On assiste à un pilotage à vue du Cameroun par une présidence en vacances perpétuels. Une situation de surendettement de l'État pour un niveau d'investissements des plus médiocres. Le Cameroun se pilote d'ailleurs tout seul comme un cerf volant. La comparaison saute à l'œil : injustice croissante, arbitraire administratif et judiciaire, premier pays parmi les plus corrompus au monde, insécurité chronique, disparition de l'embryon industriel du pays, déclassement international du pays, chute de 60% des revenus salariés; abandon des producteurs paysans, disparition des bourses d'études, chômage chronique, violences démocratiques etc. A comparer les deux régimes, nous avons l'impression de parler du jour et de la nuit. Personnellement, je me demande ce que le Président Biya va laisser comme souvenir au peuple du Cameroun. Les gens le perçoivent de plus en plus comme un vacancier au pouvoir dans un pays qui se meurt. Il souhaitait pourtant être celui qui a apporté la démocratie au Camerounais. J'y avais cru avant de réviser ma position et d'avoir le courage de changer d'avis. Je sais qu'il y en a beaucoup de Camerounais comme moi, mais ils ne sont pas libres comme je l'ai été en décidant de critiquer les méthodes du Rdpc dès 2002 et de démissionner alors que j'étais membre du comité central.
Partagez-vous l'idée selon laquelle le régime de Paul Biya s'est écrit et continue de s'écrire en lettres de sang ?
Le sang a commencé en avril 1984. Il s'est poursuivi dès 1990. En février 2008, les émeutes, dit-on, de la faim, alors que tout le monde sait que c'était des émeutes contre la révision au forceps de la constitution, ont fait tuer autant que le coup d'État du 6 avril 1984. Les crimes de sang ont marqué le régime de manière indélébile. Vous savez que le Vatican en a parlé ouvertement et demande des comptes sur certains crimes. La France aussi veut savoir à propos d'une de ses citoyennes. Il y a la famille du jeune Pokam défenestré au Hilton qui veut savoir! Il est difficile de parler d'Ahmadou Ahidjo et de Paul Biya, sans que ne viennent à l'esprit, les événements survenus le 06 avril 1984 et le décès, à l'exil, du premier président de la République du Cameroun.
Que vous rappellent ces événements qui continuent de structurer les rapports entre les fils du Cameroun ?
Je suis témoin de cette période. Je venais d'accéder au parlement comme le plus jeune député, à 24 ans. Ahidjo était blessé par le traitement qu'il a eu après avoir cédé le pouvoir. C'est un remaniement ministériel qui a mis dehors de ministres soupçonnés proches d'Ahidjo qui va mettre le feu aux poudres. Ahmadou Ahidjo tente une manœuvre dans le parti qu'il conservait après avoir cédé l'État à Biya. Il y a bicéphalisme de fait. Bien sûr, en pareille situation, des camps de partisans se forment. Le système qu'il avait mis en place a eu raison de lui et l'a broyé. Sa déclaration sur Rfi en avait fait l'instigateur du coup d'Etat et un jugement s'en est suivi...Il y a eu évidemment beaucoup de morts à Mbalmayo dans l'armée et pour la plupart originaire du grand nord. Ça laisse forcément des blessures profondes. Le déni d'État à Ahidjo ne panse pas (plus) ces blessures...Il faut pourtant réconcilier les Camerounais du nord au sud, de l'est à l'ouest.
En quoi le retour des restes d'Ahmadou Ahidjo peut-il constituer un facteur de réconciliation nationale ? Quels peuvent être les autres facteurs pouvant contribuer à la réconciliation des Camerounais ?
Le retour des restes du Président Ahidjo, au-delà de toute réconciliation, est un devoir national. Évidemment, le retour de ses restes va renforcer la cohésion nationale et apaiser les ressentiments. On ne peut pas parler de réconciliation nationale, s'agissant seulement de Monsieur Ahidjo, sans exagération. À ma connaissance, il n'y a pas de guerre entre le Nord et le Sud du Cameroun sur la question du rapatriement des restes d'Ahidjo. Il y a cependant, un parricide indécent entre un fils politique et un parrain politique que vit mal l'ensemble du peuple du Nord au Sud. Si Monsieur Biya quitte le pouvoir, la dépouille du Président Ahidjo sera ramenée au Cameroun avec l'avis ou non de sa famille ; des obsèques officielles seront organisées et ses restes placés au panthéon de la Nation. Monsieur Ahidjo, ancien chef de l'État du Cameroun, ayant servi fièrement avec plus ou moins de patriotisme son pays, est devenu un patrimoine national. Cela est inscrit dans le programme politique du Rdmc de ramener immédiatement ses restes, si nous étions élu à la tête du Cameroun.
Par contre, la réconciliation nationale en elle-même est nécessaire pour faire oublier la période pré-indépendance qui avait conduit le pays à un embrasement général, en arrachant à la vie, des compatriotes, des patriotes tels que MM. Um Nyobe, Osende Afana, Ouandjié Ernest, Félix Moumié, etc. Vous savez que les régions de l'Ouest et du Littoral gardent des séquelles de cette période qu'il faut exorciser. C'est l'une des raisons des multiples complexes du rejet bamiléké qui persiste dans certains esprits de nos compatriotes.
On peut également évoquer la question anglophone quand on parle de réconciliation nationale. Notre pays doit se réconcilier avec son histoire, ses peuples, son passé et son présent. Évidemment, les frustrations du grand Nord ne peuvent être balayées du revers de la main dans la question de réconciliation. Il en existe réellement. On ne peut pas vivre dans la suspicion permanente de coup d'État avec pour seul faute d'appartenir à la région géographique de l'ancien régime. Il faudra vider ce contentieux historique.
Le retour des restes du Président Ahidjo peut apaiser des tensions au nord. Dans la Sanaga maritime, ce n'est pas très sûr. Mais Ahidjo, Foncha, Muna, seront au panthéon avec Um Noybé et les autres patriotes morts pour leur pays, y compris nos soldats tombés pour le Cameroun. Ce sera la réconciliation de nos morts qui fera celle des vivants. Nous devons nous réconcilier avec notre histoire. Que nous soyons francophones ou anglophones.
Certains observateurs avertis affirment, au regard de l'âge avancé de Paul Biya, des maux qui minent la société camerounaise, des clivages et tensions qui opposent certains clans, que l'avenir du Cameroun est très sombre et que nous nous acheminons vers le chaos si rien n'est fait. Êtes- vous de cet avis ?
L'avenir du Cameroun est chaotique si rien n'est fait. C'est un postulat qui tombe sous le coup du sens. Il n'y a qu'à voir l'organisation institutionnelle pour s'en convaincre. S'il y a vacance subite de pouvoir, il faut extrêmement craindre pour notre pays. On ne peut comparer notre situation à aucun autre pays en Afrique, même pas les plus proches ou certains pays en Afrique de l'Ouest. Ce serait pire.
Que faut-il faire pour éviter ce chaos ?
Pour éviter le chaos, il y a deux solutions:
- Le Président Biya doit s'abstenir de se présenter aux élections prochaines et organiser des vraies élections. En contre partie, on peut lui assurer une retraite paisible.
- Le Président Biya met en place une véritable commission électorale indépendante, composée de religieux, des représentants des partis politiques, de la société civile, des membres des nations unies pour organiser des élections libres et transparentes auxquelles il prend part. Mais tous les Camerounais doivent être inscrits tant à l'étranger que dans le pays sans exclusive. One man One vote. Si Monsieur Biya procède comme d'habitude avec l'anti-chambre du Rdpc appelée Elecam, on va droit dans le mur. S'il y a exclusion des Camerounais de la course pour la présidentielle de 2010 ou 2011, notre avenir n'en sera que plus sombre encore.
Le biyaïsme et le Renouveau national, des erreurs originelles ou des vastes malentendus ?
Le Biyaïsme est en fin de compte, toute analyse faite, un mauvais accident de l'histoire de notre nation. Il faut tourner la page sereinement avec sagesse et détermination. C'est de la responsabilité du peuple du Cameroun d'écrire une nouvelle page de son histoire, après ce long métrage abracabrantesque et cauchemardesque qui dure depuis 27 ans.
Entretien mené par:
Jean-Bosco Talla
3 Crimes politiques capitaux d'Ahmadou Ahidjo dans l'histoire du Cameroun
Selon Enoh Meyomesse, les trois crimes capitaux
d’Ahmadou ahidjo sont: Les accords de coopération du 31 décembre 1958 :
l'indépendance vidée de son contenu avant sa proclamation, L'éradication
du bel esprit patriotique des années 1950, L'introduction de l'esprit
tribaliste au Cameroun : le discours sur l'unité nationale.
La
faillite du régime de Paul Biya a fini par faire en sorte que les
Camerounais se mettent à glorifier, systématiquement, Ahmadou Ahidjo. A
entendre un grand nombre d'entre eux, sous le " père de la nation ",
il y avait ci, il y avait ça. Tout était merveilleux. Tout était beau.
Tout était lumineux. Le Cameroun était un Eden où le peuple vivait dans
des réjouissances infinies. En fait, Paul Biya est victime de sa propre
turpitude. Il a systématiquement refusé de réaliser un audit de la
gestion de ce personnage qu'il appelait pompeusement " mon illustre
prédécesseur ". Il ne savait pas que cela allait lui coûter cher par la
suite. En tout cas, il trinque aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, le bilan
d'Ahmadou Ahidjo est plutôt loin d'être aussi reluisant que ne
s'évertuent à le présenter soit ses propagandistes d'aujourd'hui, soit
les Camerounais qui, par simple ignorance, affabulent sur son régime et
son règne. Il importe de présenter ce bilan sous différents aspects.
Pour l'heure, nous nous intéressons aux crimes politiques d'Ahmadou
Ahidjo. Il ne s'agit guère de revenir sur la litanie des assassinats
politiques qui ont émaillé son long règne commencé dans la contestation
générale et que connaissent, désormais, parfaitement les Camerounais.
Rappelons-en quelques uns : Ruben Um Nyobè, 13 septembre 1958, Félix
Moumié, 3 novembre 1960, Ossendé Afana, 15 mars 1966, Ernest Ouandié, 15
janvier 1971, sans oublier l'incendie du quartier congo, le 24 avril
1960, le train de la mort au début du mois de février 1962, etc. Il
s'agit plutôt d'évoquer des décisions politiques prises par Ahmadou
Ahidjo et qui ont hypothéqué l'avenir du Cameroun pour des années.
Les accords de coopération du 31 décembre 1958 : l'indépendance vidée de son contenu avant sa proclamation.
C'est le 31 décembre 1958, qu'Ahmadou Ahidjo a signé les tout premiers accords de coopération avec la France, alors même que la date de la proclamation de l'indépendance n'était même pas encore arrêtée. Celle-ci ne le sera qu'au mois de mars 1959 à New York, soit trois mois plus tard, au cours de la session spéciale des Nations Unies consacrée au problème camerounais. A travers ces " accords de coopération ", véritables traités inégaux entre un maître doublé d'un suzerain, le gouvernement français, et un vassal, Ahmadou Ahidjo, le " père de la nation " a accepté de totalement vider notre indépendance de son contenu, bien avant que celle-ci ne soit proclamée. C'était la condition pour qu'il soit maintenu comme futur premier président du Cameroun " indépendant ". Par sa plume, il a transformé notre pays en une colonie française d'un type nouveau, dans laquelle la décision continue, jusqu'à ce jour, à provenir de Paris, les choix stratégiques, à supposer qu'il en ait, etc. Ainsi, tout au long du règne d'Ahmadou Ahidjo, toutes les décisions importantes qu'il a eu à prendre, pour le compte du Cameroun, étaient, soient dictées de Paris, soit agréées par Paris. Il en est de même pour Paul Biya. Ces " accords de coopération " ont ainsi placé le gouvernement camerounais sous le contrôle total de Paris, jusqu'aujourd'hui. Par exemple, la toute première constitution du Cameroun, celle du 4 mars 1960 avait été rédigée à Paris et confiée à Ahmadou Ahidjo au mois de septembre 1959, afin qu'il la fasse appliquer au Cameroun. Les députés camerounais ont eu beau crier, protester, s'insurger contre cette pratique, au cours de la mémorable cession au cours de laquelle Ahmadou Ahidjo avait exigé et obtenu les " plein pouvoirs " le 29 octobre 1959, rien n'y fit. C'est cette constitution qui avait été adoptée par le référendum truqué du 21 février 1960. De même, c'est à la faveur de ces " accords de coopération ", que l'armée française s'était mise à massacrer les Camerounais, notamment dans l'Ouest du pays, qui protestaient contre l'instauration du néocolonialisme dans leur pays. On se souvient que des bombardements avaient été effectués au napalm, une arme chimique interdite par les conventions internationales. C'est à la faveur de ces " accords de coopération " également, que le Sedoc, Service de Documentation, confié au sinistre Jean Fochivé, a vu le jour. Simple rappel, le Sedoc était l'officine de torture des opposants au néocolonialisme en gestation au Cameroun. On y pratiquait différents types de torture. La balançoire : les patients, tous menottés les mains derrière le dos et entièrement nus, dans une pièce à peine éclairée, sont, tour à tour, attachés, la tête en bas, par les deux gros orteils, avec du fil de fer qu'on serre avec des tenailles, et les cuisses largement écartées. On imprime alors un long mouvement de balançoire, sur une trajectoire de 8 à 10 mètres. A chaque bout, un policier ou un militaire, muni de la longue chicotte rigide d'un mètre, frappe, d'abord les fesses, puis le ventre, visant spécialement les parties sexuelles, puis le visage, la bouche, les yeux. Le sang gicle jusque sur les murs et se répand de tous côtés. Si l'homme est évanoui, on le ranime avec un seau d'eau en plein visage. L'homme est mourant quand on le détache. Et l'on passe au suivant. Le bac à ciment : les prisonniers, nus, sont enchaînés accroupis dans des bacs en ciment avec de l'eau glacée jusqu'aux naines, pendant des jours et des jours. Un système perfectionné de fils électriques permet de faire passer des décharges de courant dans l'eau des bacs. Un certain nombre de fois dans la nuit, un des geôliers, " pour s'amuser ", met le contact. On entend alors des hurlements de damnés, qui glacent de terreur les habitants loin à la ronde. Les malheureux, dans leurs bacs de ciment, deviennent fous… ". C'est également à la faveur de ces accords de coopération que le Cameroun est passé d'un Etat fédéral à un Etat unique, le 20 mai 1972 (voir plus loin). C'est enfin à la faveur de ces accords de coopération " que lui-même, Ahmadou Ahidjo, a été limogé par François Mitterrand au début du mois de novembre 1982, et remplacé par quelqu'un d'autre, Paul Biya. Jusqu'à ce jour, à cause d'Ahmadou Ahidjo et de son continuateur Paul Biya, le Cameroun continue à demeurer un Etat vassal de la France.
L'éradication du bel esprit patriotique des années 1950
Une des grandes missions confiées à Ahmadou Ahidjo par ses protecteurs français, a été l'éradication de l'esprit patriotique qui avait caractérisé les Camerounais tout au long des années 1950, et qui avait mis le gouvernement français en difficultés au point où celui-ci a été contraint de proclamer, à contrecoeur, l'indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960, bien avant tous les autres territoires que dominait la France en Afrique noire. Même le Togo qui jouissait du même statut international que nous, à savoir un territoire sous tutelle des Nations Unies, n'a obtenu son indépendance que grâce et après le Cameroun, soit le 27 avril 1960. Pour tout le reste, les indépendances ont été proclamées tout au long du mois d'août 1960, les Senghor, (Sénégal), Houphouët-Boigny, (Côte d'Ivoire), Modibo Keita, (Soudan français), Maure Yaméogo, (Haute-volta), Hubert Maga, (Dahomey), etc, ayant finalement eu le courage de demander à De Gaulle, le président français, d'accorder à leurs pays respectifs également, ce qu'il venait d'accorder au Cameroun. En clair, après les Guinéens avec Sékou Touré, les Camerounais ont été le second peuple d'Afrique noire à coincer véritablement les Français, à les acculer au point où ils étaient obligés d'envisager une nouvelle forme de domination et d'exploitation de l'Afrique noire. Et cette nouvelle forme de domination est ce que l'on appelle aujourd'hui la " Françafrique ". Celle-ci est issue du combat intrépide et téméraire des Camerounais, à la suite des Guinéens. Pour mettre fin à cet esprit au Cameroun, Ahmadou Ahidjo et les Français ont instauré dans notre pays une terrible dictature sanguinaire où la torture était pratiquée de manière systématique, à travers les méthodes décrites plus haut. Ce n'est pas tout, ils ont doté le Cameroun d'un réseau impressionnant de mouchards et indicateurs qui épiaient, à longueur de journée, les Camerounais, les traquait, les dénonçait. Les mouchards au Cameroun étaient si nombreux que toutes les ambassades çà l'étranger en étaient remplis. Les hôtesses et stewards de la Cameroon Airlines étaient aux trois-quarts des agents du CENER, nouvelle appellation du Sedoc. Ceux-ci épiaient les conversations des passagers dans le but de détecter les " subversifs " et les " ambitieux ", ainsi que l'on qualifiait toute personne soupçonnée de ne guère faire allégeance au régime. Dans toutes les délégations sportives se trouvait un agent du Cener chargé de surveiller les sportifs et de les dénoncer une fois de retour au pays, si jamais ceux-ci avaient contacté les " rebelles " à l'étranger. Naturellement, pour sortir du pays, il fallait en demander, au préalable, l'autorisation à la police, à travers la délivrance d'un visa de sortie du territoire. Bref, Ahmadou Ahidjo avait fait du Cameroun une vaste prison dont il détenait la clé, une vaste prison où il était interdit de poser la moindre question sur la conduite des affaires publiques, de réfléchir sur le devenir du Cameroun, etc. Au bout de quelques années, l'esprit patriotique qui avait caractérisé les Camerounais tout au long des années 1950 était mort. La mission assignée à Ahmadou Ahidjo par ses protecteurs français était remplie avec brio.
L'introduction de l'esprit tribaliste au Cameroun : le discours sur l'unité nationale.
Auprès des prisonniers qu'étaient devenus les Camerounais " indépendants ", il fallait parachever leur lavage phénoménal de cerveaux commandité depuis Paris, afin qu'ils cessent de penser leur progrès, leur devenir, mais qu'ils se mettent plutôt à se culpabiliser, à se rendre responsables de leur propre situation, à innocenter l'exploitation coloniale française des années durant, à ne point dénoncer le néocolonialisme, cette terrible chose qu'est la " Françafrique ". Comment Ahmadou Ahidjo et ses protecteurs ont-ils procédé ? A travers Jean Ramadier, Haut-commissaire de la République française au Cameroun, dépêché spécialement de Paris pour venir limoger André-Marie Mbida au mois de février 1958, ils ont inoculé dans la tête des Camerounais l'idéologie venimeuse de " l'unité nationale ". En quoi celle-ci consistait-elle ? " Si vous êtes sous-développés, c'est parce que vous êtes constitués de 250 ethnies, que vous parlez 250 langues diverses. Pour espérer sortir de la misère, il vous faut donc vous unir, c'est-à-dire vous transformer en une tribu unique appelée Cameroun. Le jour où vous serez unis, vous serez développés. La France ne vous a fait aucun mal. Elle n'a pas exploité votre pays. Elle n'a guère égorgé vos grands parents. Elle vous a apporté l'instruction, la santé, a éradiqué des fléaux tels que la maladie du sommeil qui vous décimait. Elle vous a construit des routes, des hôpitaux. Elle a réalisé une ouvre importante chez vous que vous devez reconnaître, plutôt que de vous lancer dans de l'ingratitude. Tous ceux qui ont prétendu le contraire, n'étaient rien moins que des bandits, des assoiffés de sang, à savoir ces rebelles qu'étaient les Um Nyobè, les Félix Moumié, les Ossendé Afana, les Ernest Ouandié, qui passaient le clair de leur temps à égorger les propres compatriotes sous couvert de réclamer l'indépendance que le sage et modéré Ahmadou Ahidjo, pour sa part, a obtenu sans faire couler la moindre goutte de sang. Si vous voulez vous développer, il faudrait qu'aucune tribu ne dépasse une autre, que toutes contribuent à l'effort national, qu'aucune ne se croit supérieure à une autre ". Pendant 24 années qu'aura duré son règne Ahmadou Ahidjo aura inlassablement ressassé aux Camerounais ces balivernes. Et, à force de répétition, il est parvenu à braquer les Camerounais contre eux-mêmes. Aujourd'hui, même parti, un grand nombre de Camerounais continuent à croire à ces sottises, tellement elles ont été intériorisées. Résultat, le Cameroun est l'un des pays d'Afrique où la question tribale est extrêmement aiguë, où tout est " équilibré ethniquement ", où tout doit être fait sur la base de cet " équilibre ", où l'effort individuel est relégué au second plan, au bénéfice de " l'équilibre ethnique " de " l'équilibre régional ". Un cancre est préféré à un compétent, un médiocre est placé à la tête d'une lumière, au nom de " l'équilibre ethnique ". L'administration est ainsi, au Cameroun, une sorte d'" assemblée générale ethnique ", au sein de laquelle la compétence n'a aucune valeur, aucune importance. Seule compte l'appartenance ethnique. Ce n'est pas tout, Ahmadou Ahidjo a inoculé dans la tête de nombreux Camerounais l'idéologie pernicieuse de " régions favorisées par le colonialisme, et de régions défavorisées par celui-ci ". Il fallait donc réparer une injustice coloniale, en favorisant, cette fois-ci, les régions qui auraient été " défavorisées " par le colonialisme. Mais, ce faisant, il s'est bien gardé de montrer de quelle manière cette " défavorisation " s'est produite. Sur ce point, il est demeuré particulièrement muet. En tout cas il l'a affirmé, et les Camerounais n'avaient plus qu'à l'accepter. Quiconque aurait posé la question de fournir la preuve de cette politique de défaveur au détriment de certaines régions du Cameroun, se serait retrouvé immédiatement entre les mains de Jean Fochivé.
Malgré tout, les Camerounais se plaignaient, en murmurant, de cette politique " d'équilibre ethnique " d'Ahmadou Ahidjo, au point où, ne pouvant jeter ces innombrables contestataires en prison, il a avait dû s'en expliquer au cours d'une conférence de presse qu'il avait donnée le 17 mai 1982, soit six mois avant son éviction du pouvoir. " Question d'Henri Bandolo : M. le président, le souci bien compréhensible d'un développement équilibré avait paru imposer des dispositions particulières en ce qui concerne le recrutement des cadres nationaux originaires des régions défavorisées sur le plan de l'instruction par l'épisode colonial. Et, plus de 20 ans après l'indépendance du Cameroun, ces dispositions vous paraissent-elles encore s'imposer ? Ne risquent-elles pas, si elles sont maintenues plus longtemps, de créer au contraire plus de problèmes que des solutions, aussi bien dans la psychologie des bénéficiaires de cette politique, que dans leurs contacts professionnels quotidiens avec leurs homologues camerounais ?
Réponse d'Ahmadou Ahidjo : Je vous remercie de me poser cette question qui me permettra de mettre les points sur les " i ". De quoi s'agit-il ? En 1960, quand nous avons accédé à l'indépendance, il s'est trouvé qu'il existait - ou qu'il existe encore d'ailleurs - des disparités importantes dans le développement économique, social et culturel de notre pays. Puis que vous parlez des concours et de l'enseignement, je voudrais profiter de l'occasion pour citer quelques chiffres qui, je l'espère, vous feront réfléchir et feront réfléchir ceux qui liront ou écouteront cette conférence.
Au point de vue du chiffre de la population, au Cameroun, vous savez que nous sommes 8 millions - officiellement. Au point de vue pourcentage, la province du Nord (elle englobait les trois du Nord du pays actuelles) a 30% de la population. La province du Centre-Sud qui suit, a 20% de la population ; je crois, au point de vue de la scolarisation, la moyenne nationale de la scolarisation est de 66%. Dans le Nord, la scolarisation dans le primaire - les chiffres que j'ai donnés pour la moyenne nationale, c'est dans le primaire - c'est 31% Dans le Centre-Sud, le taux de scolarisation est, dans le primaire, de 94%. Dans l'Ouest, 90%, etc. Dans le secondaire, le taux de scolarisation dans le Nord, par exemple, est de 4%. Dans le Nord-Ouest, de 5%, etc. Ce qui fait donc que dès le départ, il y a une grande disparité dans ce domaine. Or, nous pensons, je continue à penser qu'un pays qui s'édifie en tant que nation doit, autant que possible, avoir une administration, une armée et une police qui soient à l'image de la nation. Ça veut dire que toutes les provinces, toutes les réions du pays, autant que possible, doivent être représentées dans les corps de l'Etat, dans l'armée et dans la police. Et nous nous trouvons maintenant devant cette situation où une province comme le Nord-Ouest où une province comme elle du Nord, et au départ comme la province de l'Est ou le Nord-Ouest étaient très en retard au point de vue de l'enseignement. Nous avons estimé qu'il fallait, par certaines mesures transitoires, et donc temporaires, essayer d'associer, dans la mesure du possible, les ressortissants de ces provinces l'administration d pays, à la défense du pays, etc. Et c'est ainsi que, par exemple, nous avons décidé, pour les concours, et seulement pour les cadres B, C et D, d'instituer ce qu'on a appelé " Concours A ", " Concours B ", étant entendu, et ça, il faut qu'on le sache, que lorsqu'on veut concourir pour être adjoint administratif ou infirmier, il est exigé le Certificat d'Etudes ou le Brevet Elémentaire. Il faut que tous les candidats, aussi bien ceux des régions insuffisamment scolarisées ou non, aient de diplôme. Tout simplement, étant donné que le nombre très importants des candidatures, on réserve un certain nombre de places aux régions non scolarisées : Nord, Nord-Ouest, Est. Puisque l'Est a, actuellement, près de 72% de taux de scolarisation, il y a donc des régions non scolarisées et insuffisamment scolarisées. On leur réserve un certain nombre, mais, il faut que les candidats aient le même diplôme. Si nous avons pris un certain nombre de mesures transitoires qui font que dans certaines éco-les préparatoires - infirmiers, assistantes sociales - où l'on exige la baccalauréat par exemple, pour qu'un ressortissant du Nord ou d'une autre région insuffisamment scolarisée puisse concourir, il faut il faut un diplôme inférieur tel que le probatoire […]
Ces explications d'Ahmadou Ahidjo naturellement, appelaient quelques commentaires :
Les accords de coopération du 31 décembre 1958 : l'indépendance vidée de son contenu avant sa proclamation.
C'est le 31 décembre 1958, qu'Ahmadou Ahidjo a signé les tout premiers accords de coopération avec la France, alors même que la date de la proclamation de l'indépendance n'était même pas encore arrêtée. Celle-ci ne le sera qu'au mois de mars 1959 à New York, soit trois mois plus tard, au cours de la session spéciale des Nations Unies consacrée au problème camerounais. A travers ces " accords de coopération ", véritables traités inégaux entre un maître doublé d'un suzerain, le gouvernement français, et un vassal, Ahmadou Ahidjo, le " père de la nation " a accepté de totalement vider notre indépendance de son contenu, bien avant que celle-ci ne soit proclamée. C'était la condition pour qu'il soit maintenu comme futur premier président du Cameroun " indépendant ". Par sa plume, il a transformé notre pays en une colonie française d'un type nouveau, dans laquelle la décision continue, jusqu'à ce jour, à provenir de Paris, les choix stratégiques, à supposer qu'il en ait, etc. Ainsi, tout au long du règne d'Ahmadou Ahidjo, toutes les décisions importantes qu'il a eu à prendre, pour le compte du Cameroun, étaient, soient dictées de Paris, soit agréées par Paris. Il en est de même pour Paul Biya. Ces " accords de coopération " ont ainsi placé le gouvernement camerounais sous le contrôle total de Paris, jusqu'aujourd'hui. Par exemple, la toute première constitution du Cameroun, celle du 4 mars 1960 avait été rédigée à Paris et confiée à Ahmadou Ahidjo au mois de septembre 1959, afin qu'il la fasse appliquer au Cameroun. Les députés camerounais ont eu beau crier, protester, s'insurger contre cette pratique, au cours de la mémorable cession au cours de laquelle Ahmadou Ahidjo avait exigé et obtenu les " plein pouvoirs " le 29 octobre 1959, rien n'y fit. C'est cette constitution qui avait été adoptée par le référendum truqué du 21 février 1960. De même, c'est à la faveur de ces " accords de coopération ", que l'armée française s'était mise à massacrer les Camerounais, notamment dans l'Ouest du pays, qui protestaient contre l'instauration du néocolonialisme dans leur pays. On se souvient que des bombardements avaient été effectués au napalm, une arme chimique interdite par les conventions internationales. C'est à la faveur de ces " accords de coopération " également, que le Sedoc, Service de Documentation, confié au sinistre Jean Fochivé, a vu le jour. Simple rappel, le Sedoc était l'officine de torture des opposants au néocolonialisme en gestation au Cameroun. On y pratiquait différents types de torture. La balançoire : les patients, tous menottés les mains derrière le dos et entièrement nus, dans une pièce à peine éclairée, sont, tour à tour, attachés, la tête en bas, par les deux gros orteils, avec du fil de fer qu'on serre avec des tenailles, et les cuisses largement écartées. On imprime alors un long mouvement de balançoire, sur une trajectoire de 8 à 10 mètres. A chaque bout, un policier ou un militaire, muni de la longue chicotte rigide d'un mètre, frappe, d'abord les fesses, puis le ventre, visant spécialement les parties sexuelles, puis le visage, la bouche, les yeux. Le sang gicle jusque sur les murs et se répand de tous côtés. Si l'homme est évanoui, on le ranime avec un seau d'eau en plein visage. L'homme est mourant quand on le détache. Et l'on passe au suivant. Le bac à ciment : les prisonniers, nus, sont enchaînés accroupis dans des bacs en ciment avec de l'eau glacée jusqu'aux naines, pendant des jours et des jours. Un système perfectionné de fils électriques permet de faire passer des décharges de courant dans l'eau des bacs. Un certain nombre de fois dans la nuit, un des geôliers, " pour s'amuser ", met le contact. On entend alors des hurlements de damnés, qui glacent de terreur les habitants loin à la ronde. Les malheureux, dans leurs bacs de ciment, deviennent fous… ". C'est également à la faveur de ces accords de coopération que le Cameroun est passé d'un Etat fédéral à un Etat unique, le 20 mai 1972 (voir plus loin). C'est enfin à la faveur de ces accords de coopération " que lui-même, Ahmadou Ahidjo, a été limogé par François Mitterrand au début du mois de novembre 1982, et remplacé par quelqu'un d'autre, Paul Biya. Jusqu'à ce jour, à cause d'Ahmadou Ahidjo et de son continuateur Paul Biya, le Cameroun continue à demeurer un Etat vassal de la France.
L'éradication du bel esprit patriotique des années 1950
Une des grandes missions confiées à Ahmadou Ahidjo par ses protecteurs français, a été l'éradication de l'esprit patriotique qui avait caractérisé les Camerounais tout au long des années 1950, et qui avait mis le gouvernement français en difficultés au point où celui-ci a été contraint de proclamer, à contrecoeur, l'indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960, bien avant tous les autres territoires que dominait la France en Afrique noire. Même le Togo qui jouissait du même statut international que nous, à savoir un territoire sous tutelle des Nations Unies, n'a obtenu son indépendance que grâce et après le Cameroun, soit le 27 avril 1960. Pour tout le reste, les indépendances ont été proclamées tout au long du mois d'août 1960, les Senghor, (Sénégal), Houphouët-Boigny, (Côte d'Ivoire), Modibo Keita, (Soudan français), Maure Yaméogo, (Haute-volta), Hubert Maga, (Dahomey), etc, ayant finalement eu le courage de demander à De Gaulle, le président français, d'accorder à leurs pays respectifs également, ce qu'il venait d'accorder au Cameroun. En clair, après les Guinéens avec Sékou Touré, les Camerounais ont été le second peuple d'Afrique noire à coincer véritablement les Français, à les acculer au point où ils étaient obligés d'envisager une nouvelle forme de domination et d'exploitation de l'Afrique noire. Et cette nouvelle forme de domination est ce que l'on appelle aujourd'hui la " Françafrique ". Celle-ci est issue du combat intrépide et téméraire des Camerounais, à la suite des Guinéens. Pour mettre fin à cet esprit au Cameroun, Ahmadou Ahidjo et les Français ont instauré dans notre pays une terrible dictature sanguinaire où la torture était pratiquée de manière systématique, à travers les méthodes décrites plus haut. Ce n'est pas tout, ils ont doté le Cameroun d'un réseau impressionnant de mouchards et indicateurs qui épiaient, à longueur de journée, les Camerounais, les traquait, les dénonçait. Les mouchards au Cameroun étaient si nombreux que toutes les ambassades çà l'étranger en étaient remplis. Les hôtesses et stewards de la Cameroon Airlines étaient aux trois-quarts des agents du CENER, nouvelle appellation du Sedoc. Ceux-ci épiaient les conversations des passagers dans le but de détecter les " subversifs " et les " ambitieux ", ainsi que l'on qualifiait toute personne soupçonnée de ne guère faire allégeance au régime. Dans toutes les délégations sportives se trouvait un agent du Cener chargé de surveiller les sportifs et de les dénoncer une fois de retour au pays, si jamais ceux-ci avaient contacté les " rebelles " à l'étranger. Naturellement, pour sortir du pays, il fallait en demander, au préalable, l'autorisation à la police, à travers la délivrance d'un visa de sortie du territoire. Bref, Ahmadou Ahidjo avait fait du Cameroun une vaste prison dont il détenait la clé, une vaste prison où il était interdit de poser la moindre question sur la conduite des affaires publiques, de réfléchir sur le devenir du Cameroun, etc. Au bout de quelques années, l'esprit patriotique qui avait caractérisé les Camerounais tout au long des années 1950 était mort. La mission assignée à Ahmadou Ahidjo par ses protecteurs français était remplie avec brio.
L'introduction de l'esprit tribaliste au Cameroun : le discours sur l'unité nationale.
Auprès des prisonniers qu'étaient devenus les Camerounais " indépendants ", il fallait parachever leur lavage phénoménal de cerveaux commandité depuis Paris, afin qu'ils cessent de penser leur progrès, leur devenir, mais qu'ils se mettent plutôt à se culpabiliser, à se rendre responsables de leur propre situation, à innocenter l'exploitation coloniale française des années durant, à ne point dénoncer le néocolonialisme, cette terrible chose qu'est la " Françafrique ". Comment Ahmadou Ahidjo et ses protecteurs ont-ils procédé ? A travers Jean Ramadier, Haut-commissaire de la République française au Cameroun, dépêché spécialement de Paris pour venir limoger André-Marie Mbida au mois de février 1958, ils ont inoculé dans la tête des Camerounais l'idéologie venimeuse de " l'unité nationale ". En quoi celle-ci consistait-elle ? " Si vous êtes sous-développés, c'est parce que vous êtes constitués de 250 ethnies, que vous parlez 250 langues diverses. Pour espérer sortir de la misère, il vous faut donc vous unir, c'est-à-dire vous transformer en une tribu unique appelée Cameroun. Le jour où vous serez unis, vous serez développés. La France ne vous a fait aucun mal. Elle n'a pas exploité votre pays. Elle n'a guère égorgé vos grands parents. Elle vous a apporté l'instruction, la santé, a éradiqué des fléaux tels que la maladie du sommeil qui vous décimait. Elle vous a construit des routes, des hôpitaux. Elle a réalisé une ouvre importante chez vous que vous devez reconnaître, plutôt que de vous lancer dans de l'ingratitude. Tous ceux qui ont prétendu le contraire, n'étaient rien moins que des bandits, des assoiffés de sang, à savoir ces rebelles qu'étaient les Um Nyobè, les Félix Moumié, les Ossendé Afana, les Ernest Ouandié, qui passaient le clair de leur temps à égorger les propres compatriotes sous couvert de réclamer l'indépendance que le sage et modéré Ahmadou Ahidjo, pour sa part, a obtenu sans faire couler la moindre goutte de sang. Si vous voulez vous développer, il faudrait qu'aucune tribu ne dépasse une autre, que toutes contribuent à l'effort national, qu'aucune ne se croit supérieure à une autre ". Pendant 24 années qu'aura duré son règne Ahmadou Ahidjo aura inlassablement ressassé aux Camerounais ces balivernes. Et, à force de répétition, il est parvenu à braquer les Camerounais contre eux-mêmes. Aujourd'hui, même parti, un grand nombre de Camerounais continuent à croire à ces sottises, tellement elles ont été intériorisées. Résultat, le Cameroun est l'un des pays d'Afrique où la question tribale est extrêmement aiguë, où tout est " équilibré ethniquement ", où tout doit être fait sur la base de cet " équilibre ", où l'effort individuel est relégué au second plan, au bénéfice de " l'équilibre ethnique " de " l'équilibre régional ". Un cancre est préféré à un compétent, un médiocre est placé à la tête d'une lumière, au nom de " l'équilibre ethnique ". L'administration est ainsi, au Cameroun, une sorte d'" assemblée générale ethnique ", au sein de laquelle la compétence n'a aucune valeur, aucune importance. Seule compte l'appartenance ethnique. Ce n'est pas tout, Ahmadou Ahidjo a inoculé dans la tête de nombreux Camerounais l'idéologie pernicieuse de " régions favorisées par le colonialisme, et de régions défavorisées par celui-ci ". Il fallait donc réparer une injustice coloniale, en favorisant, cette fois-ci, les régions qui auraient été " défavorisées " par le colonialisme. Mais, ce faisant, il s'est bien gardé de montrer de quelle manière cette " défavorisation " s'est produite. Sur ce point, il est demeuré particulièrement muet. En tout cas il l'a affirmé, et les Camerounais n'avaient plus qu'à l'accepter. Quiconque aurait posé la question de fournir la preuve de cette politique de défaveur au détriment de certaines régions du Cameroun, se serait retrouvé immédiatement entre les mains de Jean Fochivé.
Malgré tout, les Camerounais se plaignaient, en murmurant, de cette politique " d'équilibre ethnique " d'Ahmadou Ahidjo, au point où, ne pouvant jeter ces innombrables contestataires en prison, il a avait dû s'en expliquer au cours d'une conférence de presse qu'il avait donnée le 17 mai 1982, soit six mois avant son éviction du pouvoir. " Question d'Henri Bandolo : M. le président, le souci bien compréhensible d'un développement équilibré avait paru imposer des dispositions particulières en ce qui concerne le recrutement des cadres nationaux originaires des régions défavorisées sur le plan de l'instruction par l'épisode colonial. Et, plus de 20 ans après l'indépendance du Cameroun, ces dispositions vous paraissent-elles encore s'imposer ? Ne risquent-elles pas, si elles sont maintenues plus longtemps, de créer au contraire plus de problèmes que des solutions, aussi bien dans la psychologie des bénéficiaires de cette politique, que dans leurs contacts professionnels quotidiens avec leurs homologues camerounais ?
Réponse d'Ahmadou Ahidjo : Je vous remercie de me poser cette question qui me permettra de mettre les points sur les " i ". De quoi s'agit-il ? En 1960, quand nous avons accédé à l'indépendance, il s'est trouvé qu'il existait - ou qu'il existe encore d'ailleurs - des disparités importantes dans le développement économique, social et culturel de notre pays. Puis que vous parlez des concours et de l'enseignement, je voudrais profiter de l'occasion pour citer quelques chiffres qui, je l'espère, vous feront réfléchir et feront réfléchir ceux qui liront ou écouteront cette conférence.
Au point de vue du chiffre de la population, au Cameroun, vous savez que nous sommes 8 millions - officiellement. Au point de vue pourcentage, la province du Nord (elle englobait les trois du Nord du pays actuelles) a 30% de la population. La province du Centre-Sud qui suit, a 20% de la population ; je crois, au point de vue de la scolarisation, la moyenne nationale de la scolarisation est de 66%. Dans le Nord, la scolarisation dans le primaire - les chiffres que j'ai donnés pour la moyenne nationale, c'est dans le primaire - c'est 31% Dans le Centre-Sud, le taux de scolarisation est, dans le primaire, de 94%. Dans l'Ouest, 90%, etc. Dans le secondaire, le taux de scolarisation dans le Nord, par exemple, est de 4%. Dans le Nord-Ouest, de 5%, etc. Ce qui fait donc que dès le départ, il y a une grande disparité dans ce domaine. Or, nous pensons, je continue à penser qu'un pays qui s'édifie en tant que nation doit, autant que possible, avoir une administration, une armée et une police qui soient à l'image de la nation. Ça veut dire que toutes les provinces, toutes les réions du pays, autant que possible, doivent être représentées dans les corps de l'Etat, dans l'armée et dans la police. Et nous nous trouvons maintenant devant cette situation où une province comme le Nord-Ouest où une province comme elle du Nord, et au départ comme la province de l'Est ou le Nord-Ouest étaient très en retard au point de vue de l'enseignement. Nous avons estimé qu'il fallait, par certaines mesures transitoires, et donc temporaires, essayer d'associer, dans la mesure du possible, les ressortissants de ces provinces l'administration d pays, à la défense du pays, etc. Et c'est ainsi que, par exemple, nous avons décidé, pour les concours, et seulement pour les cadres B, C et D, d'instituer ce qu'on a appelé " Concours A ", " Concours B ", étant entendu, et ça, il faut qu'on le sache, que lorsqu'on veut concourir pour être adjoint administratif ou infirmier, il est exigé le Certificat d'Etudes ou le Brevet Elémentaire. Il faut que tous les candidats, aussi bien ceux des régions insuffisamment scolarisées ou non, aient de diplôme. Tout simplement, étant donné que le nombre très importants des candidatures, on réserve un certain nombre de places aux régions non scolarisées : Nord, Nord-Ouest, Est. Puisque l'Est a, actuellement, près de 72% de taux de scolarisation, il y a donc des régions non scolarisées et insuffisamment scolarisées. On leur réserve un certain nombre, mais, il faut que les candidats aient le même diplôme. Si nous avons pris un certain nombre de mesures transitoires qui font que dans certaines éco-les préparatoires - infirmiers, assistantes sociales - où l'on exige la baccalauréat par exemple, pour qu'un ressortissant du Nord ou d'une autre région insuffisamment scolarisée puisse concourir, il faut il faut un diplôme inférieur tel que le probatoire […]
Ces explications d'Ahmadou Ahidjo naturellement, appelaient quelques commentaires :
1/- il n'est pas exact de déclarer que le Cameroun était un " pays
neuf qui se construit ", car en 1982, année de sa conférence de presse,
le Cameroun en était à sa 98ème année d'existence, donc à presque un
siècle de vie, le Cameroun existe, en effet, depuis le 12 juillet 1884 ;
en fait, Ahmadou Ahidjo n'a eu de cesse, pendant toute la durée de son
règne, de marteler à la population l'idée selon laquelle, le Cameroun
avait vu le jour avec son arrivée au pouvoir, à savoir le 18 février
1958 ; avant lui, c'était la nuit, le genre de nuit dont parle la Bible
dans le livre de la Genèse ;
2/- Ahmadou Ahidjo ne se rendait pas compte du fait qu'il n'y avait
pas meilleur aveu d'échec de sa politique que celui-là ; au bout de 22
années de celle-ci, il existait encore des régions au taux de
scolarisation avoisinant les 4% !!!; il existait encore des régions " insuffisamment " scolarisées ; pourquoi, dans ces conditions, persister à poursuivre une politique qui avait si lamentablement échoué ?
3/- Ahmadou Ahidjo démontrait combien il manquait de ressources
intellectuelles, il ne parvenait pas à se rendre compte du fait qu'il
faille utiliser la coercition, et non le favoritisme, pour élever le
taux de scolarisation du Nord, sa région natale, qu'il faille légiférer
sur cette question en rendant l'école obligatoire, dans tout le
Cameroun, jusqu'à un certain âge, et en interdisant le mariage précoce
des jeunes filles, il aurait, dès 1960, édicté des lois dans ce sens,
qu'en 1982, date de cette conférence de presse, il n'y aurait plus eu de
région " insuffisamment " scolarisée au Cameroun, il ne
percevait guère la résistance de la tradition dans le Nord, la
résistance de la féodalité, lui qui, malheureusement, pour asseoir son
pouvoir, s'était allié justement aux féodaux du Nord, écartant,
systématiquement, toute personne qui désirait insuffler un esprit
nouveau et moderne dans cette partie du Cameroun ;
4/- enfin, Ahmadou Ahidjo mettait à nu ses carences intellectuelles
; sa réponse, comme tout le reste de la conférence de presse, n'était
faite que de répétitions, de répétitions, de répétitions, de redites, il
ne progressait pas dans sa pensée ; le lecteur découvre ainsi, un
énorme gap, un fossé monumental, entre les discours généralement bien
enrobés qu'il lisait habituellement à la radio, et la platitude des
réponses ci-dessus ; on ne reconnaît guère le personnage ; pis encore,
les questions posées, tout au long de cette conférence de presse,
avaient été distribuées, par avance, aux journalistes, et les réponses
qu'il devait y apporter avaient été également préparées ; mais, étant
donné qu'il lui fallait donner, au public, l'impression de répondre
spontanément, il ne pouvait lire des documents rédigés d'avance par ses
collaborateurs, c'est ce qui explique les répétitions qui émaillent ses
réponses, du début de la conférence de presse à la fin.
Mais, dès lors que cette politique d'" équilibre ethnique " est toujours en vigueur au Cameroun, il importe de poser cette ultime question : quel bilan ? Ce n'est pas tout, Ahmadou Ahidjo en l'initiant, avait pris pour prétexte le retard de certaines régions et des peuples de celles-ci à cause du colonialisme. En conséquence, cette politique était appelée à être appliquée de manière transitoire. Elle était appelée à "équilibrer" le pays, autrement dit, à corriger une injustice coloniale. En 2009, le problème se présente en ces termes :
Mais, dès lors que cette politique d'" équilibre ethnique " est toujours en vigueur au Cameroun, il importe de poser cette ultime question : quel bilan ? Ce n'est pas tout, Ahmadou Ahidjo en l'initiant, avait pris pour prétexte le retard de certaines régions et des peuples de celles-ci à cause du colonialisme. En conséquence, cette politique était appelée à être appliquée de manière transitoire. Elle était appelée à "équilibrer" le pays, autrement dit, à corriger une injustice coloniale. En 2009, le problème se présente en ces termes :
1/- il faudra véritablement combien d'années pour que cette " correction " prenne fin ?
2/-Une politique transitoire est-elle appelée à s'éterniser ?
3/- les Français sont supposés avoir appliqué leur " injustice "
coloniale pendant 44 ans, ils ont achevé leur invasion du pays le 4 mars
1916, et ont proclamé son indépendance le 1er janvier 1960, 1960 - 1916
= 44 ; mais, dans le même temps, le Cameroun, quant à lui, en 2009, se
retrouve indépendant depuis 49 ans. Autrement dit, depuis plus longtemps
que la durée de la période " d'injustice " coloniale française. Comment
cela se peut-il que la période de " réparation " devienne plus longue
que celle de " l'injustice " ? De deux choses l'une, soit cette
politique n'est pas efficace, alors il faudrait l'abolir et en imaginer
une autre, soit alors, la " réparation " devient un prétexte, voire
même, l'a été depuis le départ. En clair, c'était du tribalisme, en
1960, et cela continue à l'être, en 2009.
Quoi qu'il en soit, cette politique comporte, d'emblée, deux grandes faiblesses :
Quoi qu'il en soit, cette politique comporte, d'emblée, deux grandes faiblesses :
1/-elle nivelle par le bas ;
2/- elle ne peut tenir compte de tous les cas.
On ne le stigmatisera jamais assez, et les bénéficiaires de cette politique le savent fort bien, " l'équilibre régional " planifie l'intelligence, la nivelle, par le bas. Les meilleurs en sont automatiquement victimes. Pour peu que cinq lumières proviennent d'une même région, deux, voire trois, parmi elles, seront éliminées, au profit de médiocres d'ailleurs.
L'objection des Camerounais, face à cette évidence, est connue :
On ne le stigmatisera jamais assez, et les bénéficiaires de cette politique le savent fort bien, " l'équilibre régional " planifie l'intelligence, la nivelle, par le bas. Les meilleurs en sont automatiquement victimes. Pour peu que cinq lumières proviennent d'une même région, deux, voire trois, parmi elles, seront éliminées, au profit de médiocres d'ailleurs.
L'objection des Camerounais, face à cette évidence, est connue :
1/- le nombre élevé de membres de certaines communautés accroît, de manière automatique, la quantité de " meilleurs " de celles-ci ;
2/- la corruption qui sévit au Cameroun est telle que, certaines
communautés se retrouvent, curieusement, toujours avec un nombre
supérieur de " meilleurs ".
Sans désirer se lancer dans quelle que polémique que ce soit, il importe, malgré tout, de relever certaines évidences :
Sans désirer se lancer dans quelle que polémique que ce soit, il importe, malgré tout, de relever certaines évidences :
1/- l'intelligence n'est point liée au nombre ; la quantité de
savants d'origine juive est impressionnante, bien que les Juifs ne
soient pas particulièrement nombreux sur terre ; 2/- il faudrait
rechercher les causes du " retard " de certaines de nos communautés
nationales dans le propre passé de celles-ci, dans leurs mœurs, leur
histoire personnelle ; pourquoi, au 20ème siècle, certaines d'entre
elles continuaient-elles à pratiquer l'anthropophagie (le fait de
manger de la chaire humaine) ; pourquoi, au 21ème siècles, certaines
d'entre elles continuent-elles à ne pas comprendre l'importance de
l'école, le rôle de l'école comme ascenseur social ; pourquoi, certaines
d'entre elles, continuent à brimer leurs filles au point de les marier à
l'âge de 8 ans ; pourquoi certaines d'entre elles continuent-elles à
pratiquer l'esclavage au 21ème siècle ?
La réponse à toutes ces questions, plutôt que de se draper dans la " préservation de la culture ", fournirait, à n'en pas douter, des réponses satisfaisantes aux objections que soulèvent les uns les autres.
La deuxième faiblesse de la politique de " l'équilibre régional " est, tout naturellement, son incapacité à véritablement " équilibrer régionalement " tout le Cameroun. En effet, pourquoi n' " équilibrer " que les régions, et pas les départements, les arrondissements, les villages au sein des régions, et pourquoi pas de tout le pays ? Cette politique s'arrête bel et bien en cours de route, et c'est pourquoi elle est suspecte. Les innombrables Camerounais qui crient à " l'injustice régionale ", demeurent curieusement sans voix devant le " déséquilibre " qui se produit à l'intérieur de leurs propres régions. Ce sujet leur est totalement tabou. Quiconque ose le soulever, se voit aussitôt considéré comme un traître, un judas qui dévoile les faiblesses, les inégalités, les injustices locales. Face aux Fulbé, tout " Kirdi " qui osait s'insurger contre le mauvais traitement qui leur était réservé, était un homme à abattre. Le ministre Vroumsia Tchinaye, un " Kirdi " bon teint, avait commis la maladresse de remettre, en sa qualité de ministre de la fonction publique, en cause cette politique, au cours d'une cérémonie de remise de diplômes de l'Enam. Toute l'assistance s'était sauvée, et le ministre Sadou Daoudou, un Fulbé bon teint, lui avait arraché le micro et avait poursuivi la cérémonie, malgré le fait que les fauteuils étaient déjà vides. Peu de temps après, il avait été retrouvé mort dans son domicile, à la suite d'une audience d'explications houleuses avec Ahmadou Ahidjo.
De même, sous Paul Biya, nul ne s'émeut des " déséquilibres " flagrants qui existent entre les départements d'une même province, tout comme entre les arrondissements d'un même département. Nul n'ose véritablement évoquer cette question. Les fameuses "élites" camerounaises, si promptes à crier à la marginalisation de leurs régions à la suite d'une nomination, ne posent guère ce problème, au sein de celles-ci. Et pourtant, ce même "déséquilibre " y est permanent.
C'est le lieu, ici, de reproduire un extrait du Mémorandum des montagnards chrétiens et animistes du département du Mayo-Sava : " Pourquoi toutes les infrastructures de développement sont concentrées en milieu musulman ? Les montagnards sont-ils définitivement condamnés à n'être que des parias d'un bastion féodal fonctionnant dans une République ? Quand va sonner le glas de la tutelle musulmane sur les communautés chrétiennes et animistes dans le département du Mayo-Sava ? Les montagnards d'ici doivent-ils mener une vie politique et sociale par procuration ? A quand la fin de la servitude des peuples montagnards ? Sommes-nous décidément citoyens de seconde zone ? Méritons-nous vraiment une telle affliction après l'événement de la démocratie, des libertés publiques et des droits de l'homme ? Où est la République ? Où est la justice sociale ? Et la protection des minorités sociologiques consacrée par la constitution du 18 janvier 1996 ? Le Rdpc, parti de rassemblement ou d'exclusion ? Parti démocratique ou parti aristocratique au service d'une féodalité despotique ? Parti du peuple ou d'un clan ? Le Rpdc comme l'Unc d'antan ? Parti hégémonique, parti religieux, parti des puissants ? […] Tous les projets réalisés en matière d'adduction d'eau se sont concentrés dans la ville de Mora où résident pour l'essentiel les Mandara et autres musulmans. […]”
Le temps de la rupture et de la renaissance nationale
En fait, il est possible de résumer tout ce qui précède sous ce terme : " l'esprit d'Ahmadou Ahidjo ". Celui-ci, quoi qu'on dise, continue à marquer profondément les Camerounais. Ils en sont même quasiment prisonniers. La fête du 20 mai de " l'unité nationale ", par exemple, où les appellations " grand Nord " par rapport au reste du Cameroun, sont autant de manifestations de la survivance de cet esprit plus de 20 années après la disparition d'Ahmadou Ahidjo, et 27 années après son limogeage à la Présidence de la République. En vérité, nous nous retrouvons-là, devant une pauvreté conceptuelle caractérisée de la classe politique camerounaise, avec en tête de celle-ci, Paul Biya. Le second président de la République, jusqu'à ce jour, n'a véritablement pas pu innover, ni en terme de discours politique, ni en terme de pratique politique. S'il a abandonné les arrestations de contestataires, il n'a néanmoins aucunement intégré dans son esprit le fait qu'il lui revenait, en sa qualité de chef d'Etat, donc de responsable suprême du pays, d'opérer une véritable révolution politique au Cameroun, afin de propulser véritablement ce pays en avant. Et c'est vraiment dommage…
Enoh Meyomesse.
Ecrivain, homme politique.
La réponse à toutes ces questions, plutôt que de se draper dans la " préservation de la culture ", fournirait, à n'en pas douter, des réponses satisfaisantes aux objections que soulèvent les uns les autres.
La deuxième faiblesse de la politique de " l'équilibre régional " est, tout naturellement, son incapacité à véritablement " équilibrer régionalement " tout le Cameroun. En effet, pourquoi n' " équilibrer " que les régions, et pas les départements, les arrondissements, les villages au sein des régions, et pourquoi pas de tout le pays ? Cette politique s'arrête bel et bien en cours de route, et c'est pourquoi elle est suspecte. Les innombrables Camerounais qui crient à " l'injustice régionale ", demeurent curieusement sans voix devant le " déséquilibre " qui se produit à l'intérieur de leurs propres régions. Ce sujet leur est totalement tabou. Quiconque ose le soulever, se voit aussitôt considéré comme un traître, un judas qui dévoile les faiblesses, les inégalités, les injustices locales. Face aux Fulbé, tout " Kirdi " qui osait s'insurger contre le mauvais traitement qui leur était réservé, était un homme à abattre. Le ministre Vroumsia Tchinaye, un " Kirdi " bon teint, avait commis la maladresse de remettre, en sa qualité de ministre de la fonction publique, en cause cette politique, au cours d'une cérémonie de remise de diplômes de l'Enam. Toute l'assistance s'était sauvée, et le ministre Sadou Daoudou, un Fulbé bon teint, lui avait arraché le micro et avait poursuivi la cérémonie, malgré le fait que les fauteuils étaient déjà vides. Peu de temps après, il avait été retrouvé mort dans son domicile, à la suite d'une audience d'explications houleuses avec Ahmadou Ahidjo.
De même, sous Paul Biya, nul ne s'émeut des " déséquilibres " flagrants qui existent entre les départements d'une même province, tout comme entre les arrondissements d'un même département. Nul n'ose véritablement évoquer cette question. Les fameuses "élites" camerounaises, si promptes à crier à la marginalisation de leurs régions à la suite d'une nomination, ne posent guère ce problème, au sein de celles-ci. Et pourtant, ce même "déséquilibre " y est permanent.
C'est le lieu, ici, de reproduire un extrait du Mémorandum des montagnards chrétiens et animistes du département du Mayo-Sava : " Pourquoi toutes les infrastructures de développement sont concentrées en milieu musulman ? Les montagnards sont-ils définitivement condamnés à n'être que des parias d'un bastion féodal fonctionnant dans une République ? Quand va sonner le glas de la tutelle musulmane sur les communautés chrétiennes et animistes dans le département du Mayo-Sava ? Les montagnards d'ici doivent-ils mener une vie politique et sociale par procuration ? A quand la fin de la servitude des peuples montagnards ? Sommes-nous décidément citoyens de seconde zone ? Méritons-nous vraiment une telle affliction après l'événement de la démocratie, des libertés publiques et des droits de l'homme ? Où est la République ? Où est la justice sociale ? Et la protection des minorités sociologiques consacrée par la constitution du 18 janvier 1996 ? Le Rdpc, parti de rassemblement ou d'exclusion ? Parti démocratique ou parti aristocratique au service d'une féodalité despotique ? Parti du peuple ou d'un clan ? Le Rpdc comme l'Unc d'antan ? Parti hégémonique, parti religieux, parti des puissants ? […] Tous les projets réalisés en matière d'adduction d'eau se sont concentrés dans la ville de Mora où résident pour l'essentiel les Mandara et autres musulmans. […]”
Le temps de la rupture et de la renaissance nationale
En fait, il est possible de résumer tout ce qui précède sous ce terme : " l'esprit d'Ahmadou Ahidjo ". Celui-ci, quoi qu'on dise, continue à marquer profondément les Camerounais. Ils en sont même quasiment prisonniers. La fête du 20 mai de " l'unité nationale ", par exemple, où les appellations " grand Nord " par rapport au reste du Cameroun, sont autant de manifestations de la survivance de cet esprit plus de 20 années après la disparition d'Ahmadou Ahidjo, et 27 années après son limogeage à la Présidence de la République. En vérité, nous nous retrouvons-là, devant une pauvreté conceptuelle caractérisée de la classe politique camerounaise, avec en tête de celle-ci, Paul Biya. Le second président de la République, jusqu'à ce jour, n'a véritablement pas pu innover, ni en terme de discours politique, ni en terme de pratique politique. S'il a abandonné les arrestations de contestataires, il n'a néanmoins aucunement intégré dans son esprit le fait qu'il lui revenait, en sa qualité de chef d'Etat, donc de responsable suprême du pays, d'opérer une véritable révolution politique au Cameroun, afin de propulser véritablement ce pays en avant. Et c'est vraiment dommage…
Enoh Meyomesse.
Ecrivain, homme politique.
Lettre à Sa Majesté Paul Biya, Roi du Cameroun
Par Jean-Bosco Talla
Sa Majesté Monsieur le président,
Pour une fois, je me permets de vous faire une lettre que vous ne lirez probablement pas. Peut-être cela vaut-il mieux que vous ne la lisiez pas. Elle pourrait vous faire avoir les nerfs en boule. Peut-être un de vos conseillers officiels et officieux ou les services de renseignement vous feront une économie de son contenu, bien sûr en ménageant votre susceptibilité. En tout cas, il vaut mieux que l'on vous fasse parvenir une note de synthèse.
Si j'ai choisi ce procédé, c'est simplement parce que dans d'autres circonstances, après avoir été une des victimes du trafic d'influence qu'exercent, très souvent, certains proches collaborateurs de votre épouse sur certains ministres, dont notamment Jean-Stéphane Biatcha, secrétaire exécutif de Synergies africaines et Christophe Foé Ndi, intendant principal du Palais, je vous avais fait parvenir une correspondance qui est restée lettre morte. Aussi suis-je d'autant plus fondé à m'adresser à vous de cette manière que vous affirmiez, il y a quelques années, que la société nouvelle que vous ambitionnez de construire est celle au sein de laquelle aucun Camerounais n'a besoin, pour exprimer ses idées et opinions, de prendre la clé des champs. J'avoue que dans le domaine de la liberté d'expression, même s'il reste énormément de choses à faire, vous nous laissez dire ce que nous pensons. Vous n'avez d'ailleurs pas de choix à partir du moment où vous avez choisi, peut-être à contrecœur, la démocratie comme système politique. Et pour voiler les yeux des véritables détenteurs du pouvoir, vous vous présentez comme un démocrate. Nul doute, pour paraphraser votre conseiller spécial, Luc Sindjoun, que vous êtes conscient du fait que la promotion et la consolidation d'un régime de concurrence partisane et d'un État respectueux des droits humains sont des éléments de votre désacralisation, de votre démystification, puisqu'ils vous exposent à la critique, à la défaite et aux attaques diverses.
Il me souvient aussi que dans l'ouvrage Pour le libéralisme communautaire écrit par certains intellectuels camerounais et qui porte votre nom, il est mentionné: " Tous ensemble nous devons chercher à bâtir une société saine, c'est-à-dire une société constituée d'hommes qui se plaisent dans la compagnie les uns des autres, au lieu de se percevoir plutôt comme des loups, les uns pour les autres " et qu'il "ne saurait y avoir de développement véritable pour l'homme qui vit sous l'emprise de la peur et de l'ignorance ".
Je sais que des courtisans, flagorneurs et autres bandits en col blanc qui peuplent votre galaxie atténuent très souvent les clameurs émises par les hères faméliques, les zombies que vos compatriotes sont devenus du fait de la mauvaise gouvernance et de la confiscation de notre patrimoine commun en vous faisant écouter une suave musique dictée par le souci de préserver leur place autour de la mangeoire. Il est pourtant bon que quelqu'un vous dise tout haut ce que des Camerounais (la majorité) pensent ou murmurent tout bas. Vous comprenez le sens de mon adresse.
Sa Majesté Paul Biya, Roi du Cameroun
J'imagine déjà votre réaction et celles de vos partisans falots, quand vous vous rendrez compte que je persiste à dire que vous êtes un monarque et le Cameroun une monarchie élective. Sur ce sujet, votre position et celles de vos thuriféraires hypocrites sont déjà connues. Vous l'avez affirmée, sans convaincre les Camerounais, à France 24, le 30 octobre 2007. Je dis sans convaincre parce que vos faits et gestes au quotidien font de vous un monarque, même si vous avez fait de notre cher et beau pays une République bananière.
Ne vous fiez surtout pas aux motions de soutien, rédigées au comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), que l'on fait endosser par de nombreux caméléons, soi disant élites, membres des sections et sous sections du Rdpc et populations du Cameroun. Ne vous fiez pas aux déclarations publiques de certains de vos proches collaborateurs. Comme je le disais il n'y a pas longtemps, ils vous soutiennent le jour et complotent contre vous la nuit. Certains n'hésitent pas à dire que vous trainez, depuis une dizaine d'années, un cancer qui peut vous emporter à tout moment. C'est ce qui justifierait vos trop nombreux courts séjours privés en Europe. C'est aussi la raison pour laquelle vous ne voyagez plus sans votre épouse à vos côtés. A plusieurs reprises, des scénarii ont été échafaudés dans l'optique de vous déposséder de votre trône. Car, disent ces comploteurs lugubres, vous êtes aussi atteint d'amnésie. Du fait de l'âge.
Pour avoir affirmé qu'au cours de votre trop long règne vous avez pris des libertés avec notre patrimoine commun pour faire plaisir à certains amis et vous offrir quelques plaisirs terrestres, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (Ccfd-Terre solidaire) et les gratte-papiers de Germinal ont été abreuvés de la condescendance, c'est-à-dire du mépris de vos soi-disant partisans. Ils ont voulu stigmatiser une outrance. Ils sont devenus outranciers. A tort. Vos courtisans ne se sont pas rendu compte qu'ils se sont trompés de stratégie et d'époque. Et depuis qu'ils ont voulu réfuter le contenu du rapport du Ccfd, les soupçons qui pèsent sur vous se sont répandus comme une trainée de poudre et ils sont devenus, pour la majorité des Camerounais ou de l'opinion nationale et internationale, une sorte d'évidence : vous avez pris des libertés avec l'argent de l'État. Les marches et les motions de soutien ne sont pas des preuves que vous ne vous êtes pas enrichi sur le dos de l'État. Les faits sont têtus. A travers les mobilisations, les motions de soutien, votre parti apporte une réponse politicienne et folklorique là où il faut apporter des preuves.
Souffrez aussi, Majesté, que je commette une autre impertinence qui consiste à définir votre trop long règne après l'avoir nommé. Je ne vais plus me contenter de dénoncer votre méthode de gouvernement. Je vais essayer d'en saisir le sens global. Permettez que je me pose la question suivante : qu'est-ce que le biyaïsme? Cette question, beaucoup de Camerounais se la posent. Source de curiosité au début de votre règne, le 06 novembre 1982, vos écarts de comportement vis-à-vis de la chose publique, vos silences qui parlent, votre attitude secrète cachent mal votre incapacité à incarner le pouvoir suprême, même si, à travers des subterfuges, le trucage des élections, la répression sauvage et barbare, des assassinats, vous (l’oligarchie gloutonne) avez réussi à passer 28 ans à Etoudi. Je n'irai pas jusqu'à dire que vous êtes un jouisseur impénitent ou que vous êtes un vacancier au pouvoir, mais vous conviendrez avec moi que le biyaïsme, dont les maîtres mots sont rigueur, moralisation et intégration nationale, stade suprême de l'unité nationale, est peut-être un vaste malentendu, une erreur originelle. Il n'est pas exagéré de dire que beaucoup de Camerounais avaient pris des vessies crevées pour des lanternes. C'est dire si le biyaïsme est synonyme de gabegie, corruption, vol, détournement des deniers publics, assassinats, népotisme, tribalisme, braquage, bradage du patrimoine commun, inertie, etc.
Remémorez-vous ce très bon discours prononcé, le 21 juillet 2006, devant les militants de votre parti réunis au palais des congrès en congrès extraordinaire. Vous y aviez aménagé un temps fort, sur un ton de confession qui dévoile le fond de votre âme et votre être profond. "Je n'ai pas changé ", aviez-vous dit. Avant cette confession, les Camerounais avaient cru, à tort, que les épreuves vous avaient métamorphosé. Non, le jeu de la vérité auquel vous vous êtes adonné mécaniquement lors de vos campagnes électorales n'était que factice. D'ailleurs, change-t-on vraiment à plus de 70 ans ? Vos habits neufs ne durent que le temps d'une campagne électorale. Dès l'élection, votre nature profonde reprend le dessus. Chassez le naturel, il revient au galop. Et même l'opération dite "Épervier" que les Américains et les bailleurs de fonds vous ont contraint d'engager n'est qu'un trompe-l'œil, un jeu de massacre politique. Nous savons tous que ce rapace diurne n'attrape que les poussins, jamais les mères-poules et les coqs. Je vous admire, mais je ne vous envie pas.
Comme l'émotion est nègre, célébrons ensemble vos victoires épiques qui nous conduisent inexorablement dans l'abîme et qui ont fait de notre pays aux énormes potentialités, un Pays pauvre très endetté. Chantons ensemble avec Francis Bebey :
Pour une fois, je me permets de vous faire une lettre que vous ne lirez probablement pas. Peut-être cela vaut-il mieux que vous ne la lisiez pas. Elle pourrait vous faire avoir les nerfs en boule. Peut-être un de vos conseillers officiels et officieux ou les services de renseignement vous feront une économie de son contenu, bien sûr en ménageant votre susceptibilité. En tout cas, il vaut mieux que l'on vous fasse parvenir une note de synthèse.
Si j'ai choisi ce procédé, c'est simplement parce que dans d'autres circonstances, après avoir été une des victimes du trafic d'influence qu'exercent, très souvent, certains proches collaborateurs de votre épouse sur certains ministres, dont notamment Jean-Stéphane Biatcha, secrétaire exécutif de Synergies africaines et Christophe Foé Ndi, intendant principal du Palais, je vous avais fait parvenir une correspondance qui est restée lettre morte. Aussi suis-je d'autant plus fondé à m'adresser à vous de cette manière que vous affirmiez, il y a quelques années, que la société nouvelle que vous ambitionnez de construire est celle au sein de laquelle aucun Camerounais n'a besoin, pour exprimer ses idées et opinions, de prendre la clé des champs. J'avoue que dans le domaine de la liberté d'expression, même s'il reste énormément de choses à faire, vous nous laissez dire ce que nous pensons. Vous n'avez d'ailleurs pas de choix à partir du moment où vous avez choisi, peut-être à contrecœur, la démocratie comme système politique. Et pour voiler les yeux des véritables détenteurs du pouvoir, vous vous présentez comme un démocrate. Nul doute, pour paraphraser votre conseiller spécial, Luc Sindjoun, que vous êtes conscient du fait que la promotion et la consolidation d'un régime de concurrence partisane et d'un État respectueux des droits humains sont des éléments de votre désacralisation, de votre démystification, puisqu'ils vous exposent à la critique, à la défaite et aux attaques diverses.
Il me souvient aussi que dans l'ouvrage Pour le libéralisme communautaire écrit par certains intellectuels camerounais et qui porte votre nom, il est mentionné: " Tous ensemble nous devons chercher à bâtir une société saine, c'est-à-dire une société constituée d'hommes qui se plaisent dans la compagnie les uns des autres, au lieu de se percevoir plutôt comme des loups, les uns pour les autres " et qu'il "ne saurait y avoir de développement véritable pour l'homme qui vit sous l'emprise de la peur et de l'ignorance ".
Je sais que des courtisans, flagorneurs et autres bandits en col blanc qui peuplent votre galaxie atténuent très souvent les clameurs émises par les hères faméliques, les zombies que vos compatriotes sont devenus du fait de la mauvaise gouvernance et de la confiscation de notre patrimoine commun en vous faisant écouter une suave musique dictée par le souci de préserver leur place autour de la mangeoire. Il est pourtant bon que quelqu'un vous dise tout haut ce que des Camerounais (la majorité) pensent ou murmurent tout bas. Vous comprenez le sens de mon adresse.
Sa Majesté Paul Biya, Roi du Cameroun
J'imagine déjà votre réaction et celles de vos partisans falots, quand vous vous rendrez compte que je persiste à dire que vous êtes un monarque et le Cameroun une monarchie élective. Sur ce sujet, votre position et celles de vos thuriféraires hypocrites sont déjà connues. Vous l'avez affirmée, sans convaincre les Camerounais, à France 24, le 30 octobre 2007. Je dis sans convaincre parce que vos faits et gestes au quotidien font de vous un monarque, même si vous avez fait de notre cher et beau pays une République bananière.
Ne vous fiez surtout pas aux motions de soutien, rédigées au comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), que l'on fait endosser par de nombreux caméléons, soi disant élites, membres des sections et sous sections du Rdpc et populations du Cameroun. Ne vous fiez pas aux déclarations publiques de certains de vos proches collaborateurs. Comme je le disais il n'y a pas longtemps, ils vous soutiennent le jour et complotent contre vous la nuit. Certains n'hésitent pas à dire que vous trainez, depuis une dizaine d'années, un cancer qui peut vous emporter à tout moment. C'est ce qui justifierait vos trop nombreux courts séjours privés en Europe. C'est aussi la raison pour laquelle vous ne voyagez plus sans votre épouse à vos côtés. A plusieurs reprises, des scénarii ont été échafaudés dans l'optique de vous déposséder de votre trône. Car, disent ces comploteurs lugubres, vous êtes aussi atteint d'amnésie. Du fait de l'âge.
Pour avoir affirmé qu'au cours de votre trop long règne vous avez pris des libertés avec notre patrimoine commun pour faire plaisir à certains amis et vous offrir quelques plaisirs terrestres, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (Ccfd-Terre solidaire) et les gratte-papiers de Germinal ont été abreuvés de la condescendance, c'est-à-dire du mépris de vos soi-disant partisans. Ils ont voulu stigmatiser une outrance. Ils sont devenus outranciers. A tort. Vos courtisans ne se sont pas rendu compte qu'ils se sont trompés de stratégie et d'époque. Et depuis qu'ils ont voulu réfuter le contenu du rapport du Ccfd, les soupçons qui pèsent sur vous se sont répandus comme une trainée de poudre et ils sont devenus, pour la majorité des Camerounais ou de l'opinion nationale et internationale, une sorte d'évidence : vous avez pris des libertés avec l'argent de l'État. Les marches et les motions de soutien ne sont pas des preuves que vous ne vous êtes pas enrichi sur le dos de l'État. Les faits sont têtus. A travers les mobilisations, les motions de soutien, votre parti apporte une réponse politicienne et folklorique là où il faut apporter des preuves.
Souffrez aussi, Majesté, que je commette une autre impertinence qui consiste à définir votre trop long règne après l'avoir nommé. Je ne vais plus me contenter de dénoncer votre méthode de gouvernement. Je vais essayer d'en saisir le sens global. Permettez que je me pose la question suivante : qu'est-ce que le biyaïsme? Cette question, beaucoup de Camerounais se la posent. Source de curiosité au début de votre règne, le 06 novembre 1982, vos écarts de comportement vis-à-vis de la chose publique, vos silences qui parlent, votre attitude secrète cachent mal votre incapacité à incarner le pouvoir suprême, même si, à travers des subterfuges, le trucage des élections, la répression sauvage et barbare, des assassinats, vous (l’oligarchie gloutonne) avez réussi à passer 28 ans à Etoudi. Je n'irai pas jusqu'à dire que vous êtes un jouisseur impénitent ou que vous êtes un vacancier au pouvoir, mais vous conviendrez avec moi que le biyaïsme, dont les maîtres mots sont rigueur, moralisation et intégration nationale, stade suprême de l'unité nationale, est peut-être un vaste malentendu, une erreur originelle. Il n'est pas exagéré de dire que beaucoup de Camerounais avaient pris des vessies crevées pour des lanternes. C'est dire si le biyaïsme est synonyme de gabegie, corruption, vol, détournement des deniers publics, assassinats, népotisme, tribalisme, braquage, bradage du patrimoine commun, inertie, etc.
Remémorez-vous ce très bon discours prononcé, le 21 juillet 2006, devant les militants de votre parti réunis au palais des congrès en congrès extraordinaire. Vous y aviez aménagé un temps fort, sur un ton de confession qui dévoile le fond de votre âme et votre être profond. "Je n'ai pas changé ", aviez-vous dit. Avant cette confession, les Camerounais avaient cru, à tort, que les épreuves vous avaient métamorphosé. Non, le jeu de la vérité auquel vous vous êtes adonné mécaniquement lors de vos campagnes électorales n'était que factice. D'ailleurs, change-t-on vraiment à plus de 70 ans ? Vos habits neufs ne durent que le temps d'une campagne électorale. Dès l'élection, votre nature profonde reprend le dessus. Chassez le naturel, il revient au galop. Et même l'opération dite "Épervier" que les Américains et les bailleurs de fonds vous ont contraint d'engager n'est qu'un trompe-l'œil, un jeu de massacre politique. Nous savons tous que ce rapace diurne n'attrape que les poussins, jamais les mères-poules et les coqs. Je vous admire, mais je ne vous envie pas.
Comme l'émotion est nègre, célébrons ensemble vos victoires épiques qui nous conduisent inexorablement dans l'abîme et qui ont fait de notre pays aux énormes potentialités, un Pays pauvre très endetté. Chantons ensemble avec Francis Bebey :
Nous vous aimons bien
Nous vous aimons bien
Quand vous êtes-là,
Nous sommes contents
Nous vous aimons bien
nous vous aimons bien
quand vous partirez nous serons heureux.
Très hautes et fraternelles considérations.
Source: Germinal n°037
Très hautes et fraternelles considérations.
Source: Germinal n°037