Plus d’une dizaine de hauts responsables sont aujourd’hui en prison pour détournement de fonds publics. Avec le groupe Marafa accusé d’avoir distrait « entre 2001 et 2004 », plus de 14 milliards Cfa « une somme destinée à l’achat d’un avion pour les déplacements du chef de l’Etat », au total plus de 200 milliards FCfa ont été puisés dans les caisses de l’Etat. Qui va rembourser ?
Le pouvoir a tout essayé pour récupérer cet
argent, parfois en recourant à toutes sortes d’escrocs internationaux
bombardés experts de quelque chose. On se souvient aussi d’un certain
Dooh Collins, que Amadou Ali, l’ancien Garde des Sceaux avait commis
pour reconstruire la traçabilité des fonds perdus, en vain. On se
souvient de Me Verges qui a fait un petit tour tant à la chancellerie
qu’à la présidence, avant de s’en aller vers d’autres horizons, sans
rien rapporter au contribuable camerounais dont l’argent est mangé à
toutes les sauces. Toutes ces gesticulations politico-médiatiques n’ont
rien donné.
Comment donc faire pour récupérer cet argent ? Personne ne croit plus au
retour officiel de la cagnotte spoliée. D’autres en sont même à se
demander si cela n’est pas voulu ainsi. Car les personnes aujourd’hui
poursuivies ou condamnées pour détournement de fonds publics ont
longtemps été pointées du doigt avant leur embastillement. Même l’idiot
de la famille a eu le temps de planquer son butin et quand on sait que
les « éperviables» ne sont pas pour la plupart des enfants de chœur…
Fortement écornée, l’Opération Epervier a perdu de sa crédibilité, non
seulement au regard de la manière dont les enquêtes ont été conduites,
avec une dose d’amateurisme que certains vont jusqu’à qualifier de
complaisance, malgré le mépris affiché parfois contre certains détenus
qui ont subi des interpellations spectaculaires et de mauvais
traitements dénoncés et décriés. Des mauvais traitements indignes d’un
Etat de droit autoproclamé.
Si des détenus comme Etonde Ekoto ou Booto à Ngon ont bénéficié de
certains égards, comparaissant libres au demeurant, d’autres comme Abah
Abah ou Olanguena Owono ou encore Yves Michel Fotso ont subi des
arrestations spectaculaires et des traitements dégradants. Et si tout
cela était de la mascarade ? Du chiqué pour gogos de bistrots qui
avalent de grosses couleuvres tandis que les milliards prennent la
tangente, allant respirer l’air frais sous les cieux des paradis
fiscaux?
Ecuries de la République
Déclenchée en 2006, l’opération de lutte contre la corruption continue
de faire des ravages dans la classe politique et la haute
administration. Avec le procès Marafa et d’autres encore qui
s’annoncent, à ce jour, plus d’une dizaine d’affaires impliquant près
d’une centaine de personnes, pour plus de 200 milliards FCfa détournés,
sont enrôlées dans différents tribunaux du pays.
Fonds spécial d’équipement et d’intervention intercommunale du Cameroun (Feicom)
: 26 milliards, vingt-deux personnes (peines allant de dix à vingt
ans), dont Emmanuel Gérard Ondo Ndong, le directeur général. Société
immobilière du Cameroun (Sic) : 4,7 milliards, huit personnes
condamnées, dont Gilles-Roger Belinga, Dg.
Direction des impôts : 2 milliards, quatre personnes détenues,
dont Polycarpe Abah Abah, ancien ministre de l’Économie et des finances.
Fonds de l’Onusida : 700 millions, sept personnes poursuivies, dont
Urbain Olanguena Awono, ministre de la Santé publique, interpellé en
2008.
Chantier naval et industriel du Cameroun (Cnic) : 969 millions, deux personnes détenues, dont Zacchaeus Mungwe Forjindam, Dg.
Crédit foncier du Cameroun : 9 milliards, vingt et une personnes condamnées, dont Joseph Edou, Dg.
Société camerounaise des dépôts pétroliers (Scdp) : 900 millions, six personnes détenues, dont Jean-Baptiste Nguini Effa, Dg.
Albatros : estimé à plus de 22 milliards, quatre
personnes arrêtées en 2008, dont Jean-Marie Atangana Mebara, Secrétaire
général de la présidence, Jérôme Mendouga, ambassadeur du Cameroun à
Washington, Hubert Otélé Essomba, représentant au Cameroun de la Société
britannique Aircraft Portfolio Management (Apm). Yves Michel Fotso,
ancien directeur général de Cameroon Airlines, les rejoint à Kondengui
le 1er décembre 2010. L’affaire Cameroon Airlines estimée à 127
milliards a entraîné l’interpellation de Paul Gabriel Ngamo Hamani,
administrateur provisoire de l’entreprise.
Port autonome de Douala (Pad) : 12 milliards, treize
personnes condamnées, dont Édouard Etondè Ekoto, président du conseil
d’administration, Alphonse Siyam Siwé, ministre de l’Eau et Dg du Pad,
François Marie Siéwé Nitcheu, directeur des infrastructures portuaires.
Ministère des Travaux publics, 7 milliards. Dieudonné
Ambassa Zang, ministre et député principalement visé est en fuite. Comme
quoi, l’oiseau ne dort que d’un œil.
Conformément aux promesses de Paul Biya dans son discours de fin d’année
en 2009, d’aller jusqu’au bout « quoi qu’en disent certains », le
désormais fameux rapace continue donc le nettoyage des écuries de la
République. Sans rien rapporter au contribuable hélas…Les prisonniers
sont en cages, mais où sont les fonds détournés ?