Les confidences diplomatiques de Wikileaks - Tribalisme: Paul Biya et le commandement

DOUALA - 13 SEPT. 2011
© Michel Michaut Moussala | Aurore Plus

Quand Paul Biya prend le pouvoir le 6 novembre 1982, il prend des décisions effarantes dans le commandement. A certains moments, on constate que parfois plus de la moitié des préfets sont d’origine Fang-Beti-Boulou qui représentent une goutte d’eau sur les plus des 250 ethnies qui peuplent le Cameroun.

L’actuel chef de l’Etat a fait pire si bien que nous ne savons par où commencer.

Quand Paul Biya prend le pouvoir le 6 novembre 1982, il prend des décisions effarantes dans le commandement. A certains moments, on constate que parfois plus de la moitié des préfets sont d’origine Fang-Beti-Boulou qui représentent une goutte d’eau sur les plus des 250 ethnies qui peuplent le Cameroun. En effet, les Boulou et assimilés, les Ewondo avec les Bene bien entendu et les Eton occupaient le devant de la scène. Ainsi quand on lisait les nominations dans le commandement, c’était une succession de noms à consonance Fang-Beti-Boulou, c’était comme l’appel dans une école d’un village du Centre ou du Sud. Cela créait des frustrations chez les autres ethnies du pays. Le même schéma se reproduisait au niveau des sous-préfets. Ahmadou Ahidjo le faisait mais ce n’était pas aussi marqué que sous Paul Biya. Il a fallu du temps pour que le chef de l’Etat comprenne qu’il avait fait fausse route et qu’il fallait arranger la situation, la redresser.


Le gouvernement

C’est ici que le tribalisme de Paul Biya saute à l’œil. Il a exclu des ethnies comme les Bamiléké de certains postes ministériels. En effet depuis que Paul Biya est en place, aucun Bamiléké n’a pu occuper les ministères des Finances, de la Défense ou de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Il les a souvent cantonnés dans les ministères comme les Travaux publics, l’Eau et l’Energie, la Recherche scientifique, etc. Aux Finances par exemple, on a vu défiler Edouard Akame Mfoumou, Meva’a m’Eboutou, Justin Ndioro à Yombo, Polycarpe Abah Abah mais pas un seul Bamiléké en 29 ans d’exercice du pouvoir de Biya. Même chose à la Défense où on vu passer Akame Mfoumou, Rémy Ze Meka, Amadou Ali, Laurent Esso, toujours aucune trace de Bamiléké. Alors si ce n’est pas du tribalisme pur et simple, qu’est-ce donc ? A la défense, Paul Biya a pu nommer Amadou Ali, quelqu’un du Grand Nord alors que c’est un poste stratégique alors qu’Ahmadou Ahidjo avait longtemps réservé le poste à un de ses coreligionnaires du Grand Nord. Comme Ahidjo avait nommé un homme du Sud, Victor Ayissi Mvodo à l’Administration territoriale, voici Hamidou Yaya Marafa qui trône au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation depuis le 22 août 2002 sous Paul Biya. Mais où sont donc passés les Bamiléké ? Ne manquent-ils pas de compétence pour occuper le poste ?


Les détournements des deniers publics

Paul Biya a confié de postes juteux que ce soit dans la haute administration publique ou les sociétés d’Etat au groupe Fang-Béti-Boulou qui s’est livré à un pillage excessif qui n’a pas de nom. A la société immobilière du Cameroun (Sic), Gilles-Roger Belinga s’en donnait à cœur joie. Ce Boulou, rien que pour les obsèques de sa mère, il avait sorti des caisses de la société une trentaine de millions de francs Cfa. Ondo Ndong, Ntumu, faisait des frasques au Feicom transformant son bureau en chambre d’hôtel, Joseph Edou, Akonolinga, avait transféré une partie des fonds du Crédit foncier du Cameroun (Cfc) dans le plafond de sa résidence, sans oublier Pierre-Désiré Engo qui dirigeait la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), en son temps. L’argent du pétrole avait rendu fou, un certain Assoumou alors administrateur directeur général de la Société nationale des hydrocarbures du Cameroun (Snh), pourtant Adolphe Moudiki, Douala, est en place depuis plusieurs années sans que cet argent lui monte à la tête. A la tête des ministères où à certaines postes de la fonction publique, les Beti-Boulou ont puisé sans retenue, sans ménagement dans les caisses de l’Etat.


Le Rdpc

Si vous posez la question à un Fang-Beti-Boulou s’il a un parti, il va vous répondre que c’est le Rdpc, que c’est leur chose. En effet, pour un grand nombre des membres de cette communauté, le Rdpc est d’essence béti, comme le Sdf est anglophone, l’Undp du Grand Nord, l’Udc de Ndam Njoya bamoun, l’Upc, bassa, etc. C’est clair et indiscutable, on ne peut leur enlever cela de la tête. Le comportement des leaders de ces partis leur donne parfois raison. Dans le Sdf, Ni John Fru Ndi a tout fait pour écarter les Bamiléké, tandis qu’à l’Undp Maïgari Bello Bouba avait remplacé Samuel Eboua à la tête du parti d’une manière très discutable. En revenant au Rdpc, on se rend compte que Paul Biya est Boulou, René Sadi, Secrétaire général du Comité central même s’il n’appartient pas à l’aire culturelle et ethnique Fang-Béti-Boulou est un Babouté de la région du Centre, tandis que son secrétaire général adjoint est Ewondo. Et que le trésorier est le délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Yaoundé, Tsimi Evouna dit Jack Bauer, un Ewondo. Comme on le constate, les régions du Centre et du Sud se partagent la présidence et le secrétariat général du comité central du parti au pouvoir, sans oublier que Jacques Fame Ndongo, secrétaire à la Communication est Bulu, du Sud. Cette répartition des postes est-elle juste dans un pays où il y a plus de 250 ethnies ? Non.


La protection des minorités de Paul Biya

Dans la constitution de 1996, Paul Biya a fait insérer, un article, une disposition qui protège les minorités. Ainsi selon cette loi, un Bamiléké ne peut pas être président du Conseil régional dans la région du Littoral parce qu’il n’en est pas autochtone. Pourtant les Bamiléké sont majoritaires dans le département du Moungo et du Wouri et sont très nombreux dans les conseils municipaux. Si cette disposition n’existait, un Bamiléké se ferait élire aisément, tranquillement président du conseil régional du Littoral. On voit comment les choses se passent au niveau des communautés urbaines. A Yaoundé, personne ne peut être délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine. Basile Emah, Nicolas Amougou Noma tous anciens délégués du gouvernement originaires du département du Mfoundi tout comme Tsimi Evouna. A Douala, il y a eu quelques entorses avec des non originaires du département du Wouri tel qu’Edouard Etondè Ekoto qui est originaire du département du Nkam. Le poste de délégué du gouvernement est nominatif et non électif, s’il était électif, c’est sûr que à Douala, Bassa ou Bakoko, tous autochtones n’auraient aucune chance de passer devant un candidat bamiléké. Selon les uns et les autres Amadou Ali serait donc un grand tribaliste mais qui ne l’est pas parmi nos hommes politiques même Jean-Michel Nintcheu du Sdf qui lui a demandé de démissionner de son poste pour avoir dit tout haut ce que d’autre pensent tout bas.


Les hommes d’affaires

Paul Biya a voulu faire comme Ahmadou Ahidjo en donnant de l’argent à ses frères Bulu et accessoirement aux Ewondo et Eton pour faire des affaires et rivaliser d’avec les Bamiléké, mais ça mal tourné. Au lieu de faire des affaires, ils ont construit villas, acheté voitures de luxes, épousé femmes, voyagé beaucoup à l’extérieur, changé de régime alimentaire et de mode de vie. Et ça été une très grande déception pour le chef de l’Etat.


Les bourses d’études à l’étranger

Les Béti-Boulou avaient mis en place des systèmes de bourses parallèles pour envoyer leurs enfants à l’étranger dans des disciplines scientifiques stratégiques comme l’ingénierie, la médecine, la finance. On constate aujourd’hui qu’il est difficile de voir une liste d’étudiants camerounais pour les études militaires à l’étranger sans qu’un non béti-boulou y figure.


Les recrutements et les promotions dans les forces de défense et la police

Voilà un autre domaine où les Béti-Boulou sont anormalement nombreux comparativement à leur nombre, leur poids démographique dans la population totale du pays. Ainsi lors des concours au niveau des gardiens de la paix il n’est pas rare de voir un Boulou aligner deux, trois, quatre enfants à lui seul. Dans l’armée, le groupe Fang-Béti-Boulou a tellement des lieutenants-colonels et colonels qu’on ne sait où les caser.

On peut arrêter là pour Ahmadou Ahidjo et Paul Biya, mais ils ne sont pas les seuls a avoir plongé les deux mains dans le tribalisme.


Cavayé Yéguié Djibril

Le président de l’Assemblée nationale est connu pour son tribalisme débordant. A titre d’exemple, l’auguste chambre est remplie des gens de son ethnie, les Mada, du département du Mayo Sava, région de l’Extrême Nord. Il fait entrer dans les grandes écoles les enfants du village comme bon lui semble parfois sans concours.


Joseph-Charles Doumba

On sait le rôle que l’ancien secrétaire général du Comité central du Rdpc a fait pour les enfants de la région de l’Est. Grâce à lui beaucoup sont devenus ministres comme Bello, Gbaya, aujourd’hui décédé. Ou comme Christophe Mien Zok, maire d’Angossas et directeur des organes de propagande du Rdpc.


Ni John Fru Ndi

Le Chairman du Sdf a réussi l’exploit de se débarrasser d’une bonne frange des cadres bamiléké du parti qui contestaient son autorité, histoire de leur dire que le parti est avant tout anglophone et que son socle reste la région du Nord-Est. Tribaliste, il l’est assurément. N’a-t-il pas imposé John Kumaze Dangle comme maire à Douala IV en 2007, un de ses frères du département de la Mezam face à un candidat bamiléké.


Maïgari Bello Bouba

Le patron de l’Undp a suivi la même logique quand rentrant d’un exil volontaire du Nigeria il a capté la direction du parti en détrônant Samuel Eboua, originaire du Moungo en 1991. A côté des hommes, il y a des institutions qui favorisent le tribalisme et c’est ce que nous nommons le tribalisme d’Etat.


13/09/2011
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