J’adore John Begheni Ndeh. Les occasions de rire sont tellement rares que je l’ai adopté comme palliatif au stress ambiant.
C’est pourquoi j’ai fait de lui mon guignol personnel. Certes, nous sommes entourés de ‘gus’ tous aussi ‘drôlatiques’ les uns que les autres. Ils crèvent le petit écran à longueur de journée. Ils monopolisent la parole pour semer du vent et pompent le rare oxygène dont nous disposons, entre les petites et grosses cylindrées qui confèrent au Cameroun le taux de motorisation le plus élevé, après le Nigeria, qui n’est pas quand même n’importe qui : les plus grandes fortunes camerounaises, fonctionnaires ou ‘faymen’, n’atteignent pas à l’orteil, les milliardaires nigérians, qui font dans l’industrie, l’import-export, l’électronique, la pharmacie, les objets manufacturés, etc.
On se demande même pourquoi depuis des décennies, le Cameroun ne s’organise pas pour promouvoir des ‘joint-venture’ avec notre puissant voisin. Comment peut-on partager une langue officielle et 1.600 kilomètres de frontière sans des relations bilatérales en matière de coopération économique, commerciale, scientifique, technologique, bref, en suscitant des accords tous azimuts autres que des accords de non-agression ? La vente des tomates et de haricots entre les deux peuples ; la construction des routes transfrontalières assureraient une paix plus durable que tous les accords de sécurité. Un ami économiste m’a dit que grâce à la surpopulation nigériane et la faiblesse du Naira, son marché serait très juteux pour le Cameroun. La production et la vente du poivre ou du ‘Eru’ camerounais par exemple, vers le marché nigérian, serait une affaire en or, parmi tant d’autres produits.
Hélas, la balance commerciale officielle et informelle penche plus du coté nigérian que camerounais. Ils écoulent presque tout chez nous : le riz, l’igname, le pétrole, les cigarettes, la petite et grande quincaillerie, le ciment, le piment, les médicaments du trottoir, les ‘yellow’ girls, etc. Economiquement, le septentrion est dépendant du Nigeria. De Ngaoundéré a Garoua et Kousseri, on consomme nigérian. On achète et vend en Naïra...
Pour lutter contre la sinistrose dans un pays qui se refuse de marquer des buts, j’ai donc choisi Begheni Ndeh comme troubadour personnel. Certes, nous sommes entourés d’amuseurs publics de toutes natures et de tous acabits. Tu pousses le bouton de la télé et tu les vois. Mieux, tu les entends. Ils sont experts en tout : politique, sport, aéronautique, ski nautique, jeux paralympiques, bref, le ‘topo’ camerounais, ajouté à la ‘frappe technique’ font florès au pays.
En tout cas, Begheni Ndeh, c’est un cas typiquement camerounais. Comment ne pas croire que Dieu veille sur ce pays quand il nous donne à voir des spécimens comme cet éphémère président autoproclamé de la Fécafoot ? Begheni Ndeh me rappelle cette fable de La Fontaine : « Pour un âne volé, deux voleurs se battaient. Arrive un troisième larron qui se saisit de maître Aliboron. »
Selon la presse, avant la suspension de la Fécafoot par la Fifa, le premier vice-président de l’exécutif sortant a retrouvé son bureau. «C’est le temps de mon leadership qui commence actuellement. La première chose est que je viens de convoquer une réunion du comité d’urgence pour statuer sur un certain nombre de dossiers». Il a enfin eu accès à son bureau fermé et dont les clés étaient introuvables le 28 juin 2013. Après avoir fait casser la serrure par la gendarmerie et par devant huissier. L’homme est d’autant plus heureux que ça n’a pas été facile pour lui qui a fait défection en mars dernier, à ses anciens amis de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), en saisissant la Fifa par courrier, en même temps qu’il annonçait sa candidature à la succession d’Iya Mohammed, à la tête de l’instance.
Si tu ne ris pas aux éclats après avoir lu ce paragraphe, c’est que tu es constipé. Avant la suspension de la Fifa, Massa John s’était confortablement installé sur les cendres encore chaudes des restes de Iya Mohammed, à qui l’on prépare un enterrement de première classe, même s’il est interdit de prier sur son sort. En tout cas, moi je prie, je prie pour toi, Iya, mon frère inconnu. Je prie surtout pour tes geôliers afin que Dieu tout puissant les frappe de son glaive purificateur comme Saül, sur le chemin de Damas.
Je prie pour Marlène Emvoutou dans son rôle de bouffon de la république. Elle me rappelle la scène ou Kankan est aux prises avec la femme du bar, sous la risée des spectateurs qui en redemandaient encore en salivant. Les paroles sont encore dans toutes les mémoires : « On monte, on descend, je veux mon argent, sinon un cadavre va mourir ici ! ». Je prie pour tes compatriotes cupides et envieux, qui se refusent à sortir d’une adolescence difficile, prolongeant leur enfance sur le trottoir de la république. Des ‘hercule-Poirot’ pour cirques de banlieue projetés au devant de la scène nationale. Une foire d’empoigne qui préfigure le Cameroun lorsqu’il aura atteint le point d’achèvement de la transition.
Mais cette dramatique scène, plus courante dans la société qu’on ne l’imagine, a cours dans pas mal d’institutions du pays, où les charognards sévissent et s’entredéchirent, du Cnic à la Crtv, de la Sonara à la mairie ou au Pad, propriétaires autoproclamés du bien national.
Les chacals sont parmi nous. Ils attendent courageusement, en
espérant la mort de la bête pour aller à la curée. Parfois, ces oiseaux
de proie anticipent ; après avoir traqué et épié le gibier, ils se
rapprochent de la charogne encore chaude pour humer son agonie, et enfin
sonner le cor. Eboueurs par nature, pressés de se débarrasser de leurs
congénères qui rappellent leur précarité existentielle : chacals ils
sont, charognes ils seront, lorsqu’ils seront livrés à leur tour à cette
justice de la rue en vigueur tant dans les quartiers populeux que dans
les bureaux cossus. D’autres alors s’occuperont de leur dépouille, la
dépèceront pour nettoyer jusqu’à leur souvenir...