Mbalmayo. Le sous-préfet interrompt une marche des militants du Rdpc
Les manifestants vêtus aux couleurs du parti au pouvoir ont protesté contre la non prise en compte de toutes les ethnies dans les investitures au sein du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) dans le département du Nyong et So’o. Le préfet menace de fermer la chaîne de télévision locale West Tv, si elle diffuse les images de cette manifestation. Tension généralisée dans la région du centre.
1-La « ville cruelle » en ébullition
La ville de Mbalmayo, capitale du département du Nyong et So’o, connaît une forte tension cet après midi du lundi 23 juillet 2013. Le soleil est au rendez-vous, et les motos taximen accourent à l’approche d’un potentiel client qui sort de l’une des multiples agences de by Savings Wave">voyages situées à l’entrée de la ville. Plusieurs d’entre eux arborent des pulls over en partie recouverts par des tabliers de couleur jaune. Tous commentent la dernière actualité qui a animé la « ville cruelle » il y a quelques heures seulement. C’est qu’en matinée, le sous-préfet Ndengue a interrompu la marche pacifique organisée par des militants du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), réunis derrière le stade municipal de la ville. Ils envisageaient de marcher jusqu’à la préfecture, pour dénoncer la marginalisation certaines ethnies du département dans le processus des investitures pour le compte des législatives et municipales du 30 septembre prochain.
« Le département du Nyong et So’o est constitué de trois grands groupes ethniques. Il y a les Ewondo de Ngomedzap, les Béné du grand Mbalmayo composé de Nkolmetet, Mengueme et Akoueman, et les Mbidambani de Dzeng. L’arrondissement de Mbalmayo est la mère des arrondissements et abrite plus de la moitié de la population du département. Mais l’arrondissement de Dzeng qui est le plus petit avec moins de 3.000 habitants compte un sénateur en la personne de Nnemde Emmanuel.
L’arrondissement de Ngomedzap compte un ministre, qui s’appelle Grégoire Owona et un ancien secrétaire général de ministère, Dominique Mvogo. A Nkolmetet on peut citer le délégué général à la Sûreté nationale Mbarga Nguelé, le général Amougou qui est le chef d’état major particulier du président de la République et l’actuel directeur général du port autonome de Douala, cyrille Etundi Oyono. Mais curieusement, Mbalmayo qui regorge plus de personnes et qui est la plus grande composante sociologique n’a rien », explique un des leaders de la contestation, membre de l’Organisation des jeunes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais de Mbalmayo, qui arbore encore sa chemise du parti.
Selon ses dires, le seul poste de député qui revenait à la ville de Mbalmayo a été octroyé à un ressortissant de Nkolmetet. « En violation de la circulaire présidentielle, les deux postes de députation ont été attribués à Mme Hélène Atangana l’épouse du président de la chambre administrative de la Cour suprême qui est originaire de Ngomedzap et à Mbarga Sembe ressortissant de Nkolmetet », dénonce avec la dernière énergie un autre militant du parti du flambeau qui souligne que toutes ces personnes finalement investies sont membres titulaires du Comité central du parti au pouvoir.
La colère de ces mécontents est d’autant plus grande que lors d’une réunion tenue à Yaoundé par Grégoire Owona, le ministre du Travail et de la sécurité sociale, secrétaire général adjoint du Comité central, toutes les garanties avaient été données que l’ancienne équipe soit reconduite, c'est-à-dire celle composée du député sortant Bleue Régine Tsoungui de Ngomedzap et Joseph Bengono Nnomo de Mbalmayo. « Le drame c’est que, même les suppléants retenus sont tous de Ngomedzap. Cela est inacceptable et nous comptons faire entendre notre voix par tous les moyens, car nous ne pouvons pas laisser les prédateurs s’emparer du parti dans notre circonscription. Le sous-préfet, Ndengue, est venu, accompagné du commandant de compagnie, le chef d’escadron Fouda, le commissaire spécial Boniface NnangMengba et le commandant de brigade flanqué de quelques uns de ses éléments pour nous empêcher de manifester», regrette un protestataire d’âge mûr qui préfère rester dans l’anonymat.
Pour ce qui est des municipales, les mêmes griefs sont formulés par ces militants contestataires. « Il y a 11 ans déjà que le maire actuel est en poste. Jusqu’ici, son bilan est nul. Nous avons constitué une liste concurrente à la sienne. Mais elle a été rejetée sans motif. Lorsque nous nous sommes plaints, à la commission régionale, on nous a demandés d’envoyer cinq noms pour compléter la liste du maire sortant qui proclame haut et fort que son mandat dépend de la hiérarchie du parti et non de la base. Comment peut-on faire le consensus en nous demandant de donner cinq noms sur les 41 conseillers municipaux de la commune de Mbalmayo ?» Interroge le président d'une section Ojrdpc de Mbalmayo.
2-Vers des manifestations généralisées dans le Centre
Décidément, l’après investiture s’annonce très houleux au sein du parti de Paul Biya. Cela expliquerait aisément pourquoi jusqu’ici, les listes investies ne sont par toujours rendues publiques, plus de six jours après leur dépôt à Elecam. Car dans la Haute-Sanaga, des voix se sont élevées, pour dénoncer l’attribution de deux sièges à la députation à une seule ethnie. Hilarion Etong et Mme Mindjo Mintom, tous originaires de la tribu Bamvélé ayant été investis dans ce département, oubliant ainsi les Yézoum et les Babouté.
Le sénateur René Zé Nguelé, le président de la commission départementale de supervision des investitures avait été accusé d’avoir favorisé l’ethnie Bamvélé. Les Yézoum et les Babouté minoritaires ont ainsi considéré cette démarche comme contraire aux instructions du président national de leur parti qui prône la prise en compte de toutes les composantes sociologiques. « Nous observons que tous les postes de responsabilité offerts aux originaires de la Haute-Sanaga sont concentrés dans l’arrondissement de Minta qui est constitué des Bamvélé. Je cite par exemple le ministre, secrétaire général de la présidence de la République, le directeur général du budget, le directeur général de l’Agence de régulation des marchés publics, le directeur général de Hydro-Mékin et le premier vice-président de l’Assemblée nationale. Les Yézoum et les Babouté n’ont rien de tout cela. Maintenant le sénateur Ze Nguele qui est un oncle d’Hilarion Etong veut nous mettre à l’écart de l’Assemblée nationale. Cela est inadmissible», avait dénoncé une source, jointe au téléphone par Le Messager.
A Bafia, c’est la commission communale qui était accusée d’avoir bafoué la circulaire de Paul Biya. Cette commission présidée par Jean Paul Missi, avait pris l’initiative d’exiger aux différents candidats des extraits de registres d`actes de naissance, en lieu et place des copies d`acte de naissance datant de moins de trois mois. Les fameuses listes imposées par certaines élites dans plusieurs localités ont également fait couler beaucoup d’encre et de salive. Dans la Lekie – Est, Jacques Fame Ndongo, a décidé de placer Cécile Epondo Fouda, en service au Comité central du parti du flambeau ardent, à la tête d’une liste dans laquelle Ndongo Essomba, le président du groupe parlementaire Rdpc, ne venait qu`en second. Dans la Lekie-Ouest, la liste conduite par l`honorable Nkoa Songo`o a été purement et simplement rejetée, sans qu`aucune raison valable ne soit avancée pour justifier cette décision. Pour les législatives dans le Mbam et Inoubou, le même son de cloche a été entendu. Des élites ayant décidé de reconduire la liste conduite en 2007 par Mme Onobiono. La Mefou et Akono n’a pas été épargnée par cette vague de contestation.
Depuis le déclenchement du processus des investitures, les tensions sont signalées ici et là dans la région du Centre. Tous les frustrés manifestent ouvertement leur désarroi face à l’injustice au sommet du parti du flambeau ardent. Mais jusqu’ici, aucune réaction du Comité central pour calmer les évictions des militants. Même pas un communiqué de presse pour appeler au calme et rassurer les uns et les autres. Le Rdpc serait-il dépassé par les évènements ? On n’est pas loin de le penser. Car jusqu’ici, les listes déposées le 18 juillet au petit matin à Elecam au mépris de la loi électorale n’ont pas été encore rendues publiques, comme il est de coutume.
Nul doute que ces listes, comportent des surprises que Paul Biya ne veut pas encore partager avec ses camarades. Surtout que des candidats recalés à la commission centrale de supervision des investitures auraient été réhabilités par le président national lui-même. C’est d’ailleurs ce qui a expliqué la mobilisation tardive, mercredi 17 juillet 2013, des agents du trésor qui ont regagné leurs bureaux nuitamment, sur instruction du ministre des Finances, pour recevoir les cautions des candidats réhabilités par l’ «homme lion». Dans tous les cas si rien n’est fait pour calmer les ardeurs des militants à la base, on pourrait s’acheminer vers une vague de contestations dans toute la région du Centre.