Législatives et Municipales 2013:Quelles Perspectives politiques pour le Kamerun ? :: CAMEROON

Elections Cameroun:Camer.beAprès plusieurs reports, Paul Biya a finalement convoqué le corps électoral le 30 septembre 2013 pour le double scrutin municipal et législatif. Le calendrier électoral détenu exclusivement par lui et manipulé à dessein, les élections qui demeurent le moyen pacifique d’accéder démocratiquement à l’exercice de tout mandat politique sont totalement verrouillées et habituellement tripatouillées dans notre «démocratie apaisée».Par ailleurs, l’inconséquence organisationnelle de l’opposition politique ne permettra sûrement, à cette occasion électorale une nouvelle configuration de la scène politique, nous assisterons encore à une main mise politique du Rdpc par des victoires électorales frauduleuses annoncées! A ce moment imbu de vaincre sans péril, le Rdpc face à son encombrante suprématie d’une dictature « molle » distribuera à sa guise, quelques strapontins à ses alliés officiels et obscurs!

Au commencement de son règne, Paul Biya annonçait dans son livre-programme « Pour le libéralisme communautaire » que : « le Rdpc, auquel échoit la responsabilité de conduire le destin du peuple camerounais, s’engage à promouvoir une société démocratique » (1). Mais selon lui : « L’étape actuelle de l’histoire du Cameroun ne permet pas l’instauration du multipartisme. Notre parti a donc la responsabilité de réduire les clivages ethno-culturels actuels afin de favoriser l’intégration nationale, condition préalable à l’avènement d’une démocratie pluraliste.»(2)

Peut-on vraiment penser que Paul Biya, depuis 1987, désirait déjà pour son peuple la démocratie, qui arrivera enfin en 1990? Quelqu’un d’illustre a dit : « Il a fallu du temps ! »

Au temps mis, auquel s’ajouteront d’autres considérations : La chute du Mur de Berlin, le discours de la Baule et tous les obstacles qui seront mis sur le chemin du retour du pluralisme politique avec son cortège de tueries des manifestants de l’opposition réclamant la Conférence nationale souveraine par les forces de l’ordre despotique. Ceci fera dire à plusieurs analystes que : « le pouvoir du président Biya a concédé les avancées de 1990 à l’insu de son plein gré. Autrement dit, c’est pour endiguer la vague de contestation de cette période que le régime a feint de s’ouvrir. Cependant, il a conservé ses réflexes autoritaires. Aussi, n’a-t-il jamais ménagé ses efforts pour entraver la libre expression des libertés publiques.» (3).

Ainsi, le retour au pluralisme s’installe dans le sang des patriotes kamerunais et s’articule aujourd’hui encore par un chapelet de mesures répressives face à plusieurs actions politiques de l’opposition allant de la corruption, des menaces diverses jusqu’au bourrage des urnes à plusieurs échéances électorales. En passant par la modification au forceps de la constitution en 2008. Et un code électoral tant décrié…

Quelle valeur pour les élections ?

Les partis politiques concourent à l’expression politique au sein de la nation et aspirent entre autre à la conquête du pouvoir politique. Et la conquête du pouvoir politique s’acquiert démocratiquement dans les urnes. Mais les urnes ne sont que la partie terminale du processus démocratique, en termes de choix d’un peuple pour ses représentants. Les multiples obstacles posés par le pouvoir Rdpc à l’encontre de l’expression des partis politiques de l’opposition: interdictions des meetings et

rencontres politiques sous le fallacieux motif de la préservation de l’ordre public, même parfois dans les lieux privés, ou des menaces sur des tierces personnes afin de bâillonner ou marginaliser les activités politiques de l’opposition, sont légion, nous amène à dire que les élections, même, pluralistes ne constituent pas le gage d’une démocratie réelle, chez nous

Au sujet des élections, le code électoral unique tant réclamé par plusieurs observateurs sincères nationaux et internationaux de notre scène politique, sera produit et imposé, par la majorité parlementaire du Rdpc et selon M. E. Owona Nguini : « une manifestation de la volonté de l’ordre gouvernant de continuer à contrôler le processus électoral, à tenir sous son emprise les acteurs qui sont admis à intervenir dans la gestion du processus électoral. (…). Il sera difficile pour les partis politiques de s’assurer de leur force de contrôle su le processus électoral, même si leur participation est soulignée. (…) ; Il s’agit pour l’ordre gouvernant, en créant des dispositions qui favorisent le verrouillage, de décourager les électeurs pour que son contrôle sur le processus électoral demeure sécurisé. » (4).

Pour Hilaire kamga : « Ce n’est pas maintenant que l’on doit constater la volonté du pouvoir de Yaoundé de verrouiller le processus. Il l’a déjà fait en amont lors de la construction de ce qui tient lieu aujourd’hui de droit électoral : le fameux code qui n’en est pas un du point de vue de la science électorale. Il est rempli d’incongruités toutes destinées à verrouiller le jeu politique et surtout plomber le mécanisme d’alternance démocratique pourtant incontournable.» (5). Et Jean Jacques Ekindi conclut:« cette loi constitue un véritable complot » (6).

Alors, pourquoi les partis politiques d’opposition continuent à participer aux échéances électorales au Kamerun ? La réponse nous vient de Me Joseph Mbah Ndam qui reconnait que « Le code électoral a été taillé sur mesure », mais il précise: « Nous sommes allés à la dernière présidentielle, malgré la non prise en compte des onze points que nous avons posés. Dans l’intervalle, nous avons éduqué les Camerounais. Ces onze points ont conduit à la refonte de la liste électorale. Nous allons continuer à démontrer les défaillances de cette loi. (…). C’est grâce à la pression du Sdf qu’on amendé l’Onel à deux reprises. Aujourd’hui, nous vivons l’ère d’Elections Cameroon (Elecam) qui n’est pas rassurant, et qui a connu trois modifications, avant de conduire sa première élection. Cette démarche ou pression va continuer. Et s’il faut que nous sortons dans la rue pour amener ce gouvernement à comprendre que l’avenir doit être assuré dès aujourd’hui, nous le ferons.» (7).

Nous pourrions citer d’autres obstacles anti démocratiques du Rdpc visant à rendre impossible une alternance pacifique et patriotique par les urnes au Kamerun. Mais à partir de la construction à dessein tel que décrit plus haut, du code électoral, l’élément cadre de toute élection ; qu’il est inutile d’insister sur d’autres inconséquences anti démocratiques faites intentionnellement afin de ne point donner de la valeur et la nécessité des urnes au Kamerun.

Alors nous pensons que pour la plupart des partis politiques qui participent aux échéances électorales, leur objectif d’aujourd’hui n’est plus la conquête du pouvoir mais l’obtention de quelques strapontins et pourquoi pas de subsides, et accompagner le Rdpc jusqu’au soir de l’Empereur. Car comment comprendre que les analystes

politiques patriotes et la majorité des acteurs politiques de l’opposition qui ont constaté, au vu de la loi actuelle, l’impossibilité d’une victoire de l’opposition sur le Rdpc; que cette opposition continue à participer aux élections qu’elle ne gagnerait pas. Par contre, il lui sera attribué, par le bon vouloir, du parti au pouvoir quelques victoires géo-ethno-politiques. En un mot transformer notre paysage politique, en des bantoustans politiques.

A titre d’exemple, répondant à une question sur le déclin progressif des victoires électorales du Sdf, le Chairman disait : « Je suis d’accord avec vous que nos sièges à l’Assemblée et dans les conseils municipaux ont subie une chute libre, à l’issue des différentes élections depuis 1997. Mais, cette situation révèle également le caractère sophistiqué de la machine de fraude du gouvernement aux élections au fil des années. Par exemple, pendant les dernières élections (législatives et municipales de 2007 ndlr), le gouvernement était déterminé à limiter nos sièges à l’Assemblée et dans les conseils municipaux. A Kumba, l’un de nos candidats a été arrêté et enfermé juste avant le dépouillement des bulletins. L’idée principale étant de détourner l’attention ailleurs, afin de faciliter la fraude. Toujours pendant la même période, le gouvernement continuait à diffuser le chiffre de quatorze sièges pour le sdf, même après que nos avons gagné beaucoup de sièges à Bamenda, Santa, Kumba et ailleurs.» (8).

Et le Chairman continue, en une autre occasion : « Le Sdf a gagné les dernières élections à Yaoundé 2è et Yaoundé 6è. Deux semaines après la proclamation de ces résultats en faveur du Sdf, on dit qu’on a trouvé d’autres urnes ailleurs et le nouveau décompte donne le Sdf perdant, bien évidemment. Qu’est-ce qu’il nous indique actuellement que cela ne va pas continuer avec Elecam qui est comme tout le monde le sait une suite logique du Rdpc. » (9).

Quelle voie pour la sortie des ténèbres ?

Ceux qui malgré toutes ces défaillances voulues et calculées pour la confiscation dictatoriale et sanguinaire du pouvoir politique par le Rdpc, s’entêtent à participer aux échéances électorales, en arguant en cela une tactique politique afin de ne pas laisser le large champ politique, malgré tout, au seul Rdpc ; pour l’instant sont les accompagnateurs de Biya, au- delà de tout. Car depuis que cette opposition participe aux échéances politiques, tout en se plaignant de la fraude et autre, qu’est-ce que les multiples sièges parlementaires et les conseillers municipaux ont apporté de plus à la modification des rapports de force dans la scène politique, capable de créer de nouvelles perspectives pour le Kamerun ?

Ainsi, sans la possibilité d’une modification réelle et pratique du rapport de forces sur le terrain politique, toute élection est vouée à aucune perspective politique réellement patriotique pour les Kamerunais.

Pour la modification de ce rapport de forces, condition incontournable pour toute perspective politique patriotique au Kamerun, nous reconnaissons avec Mpouma Jean Emmanuel que : « les forces patriotiques et révolutionnaires devront prendre leur mal en patience pour élever continuellement le niveau de conscience des masses en

leur expliquant inlassablement les évènements et surtout en les accompagnant dans leurs luttes. » (10).

Et nous reprenons toujours cette réflexion, du compatriote M. E. Owona Nguini : « Le combat pour installer une démocratie et en assurer la consolidation peut, dans certaines trajectoires, entrainer un combat long. Ce n’est pas parce que les groupes d’opposition font face aux obstacles importants dans leur capacité à obtenir l’alternance que cela signifie que l’avenir est complètement fermé. Les choses vont dépendre, en partie, de leur capacité à se recomposer et à se reconstituer pour former des plateformes programmatiques, idéologiques et organisationnelles capables de mettre à l’épreuve l’endurance du régime » (11)

- 1-Paul Biya, Pour le libéralisme communautaire. Pierre Marcel FAVRE/ABC. P, 138.

- 2-Paul Biya, ibd, p, 139

- 3-Claude Tadjon, Alain Fogué »Une démocratie fictive » in Le Jour n° 1184 du mercredi 09 mai 2012. P, 2

- 4-Georges Alain Boyomo, M. E. Owona Nguini: « C’est une entreprise de verrouillage du processus électorale » Mutations n° 2622. Vendredi 26 mars 2010. P. 11

- 5-J. Bruno Tagne, Hilaire Kamga « le code est rempli d’incongruités ». Le Jour n° 1424 du jeudi 25 avril 2013. P, 5

- 6-M. Moundé Ngamo, Jean Jacques Ekindi : «Un véritable complot ». Le Jour n° 1178 du vendredi 27 avril 2012. P, 4

- 7-Michel Ferdinand, Joseph Mbah Ndam « Le code électoral a été taillé sur mesure ». Mutation n° 3147. Vendredi 2è avril 2012. P. 13

- 8-Michel Ferdinand, John Fru Ndi « Nous continuons de mobiliser malgré la brutalité policière ». Mutations n° 2661. Mercredi 26 mai 2010. P, 4

- 9-Honoré Feukouo, Ni John Fru Ndi « Je n’ai rien conclu avec monsieur Biya ». Le Jour n° 887 du jeudi 03 mars 2011. P-P, 6 et 7

- 10- Mpouma Jean Emmanuel, Les sénatoriales: l’heure des clarifications. Le Messager n°3830. Vendredi 3 mai 2013. P; 6

-11-Serge Lionel Nnanga, M. E. Owona Nguini, « Le combat pour installer une démocratie est un combat long ». La Nouvelle Expression n° 3088 du Mardi 26 octobre 2011. P, 7

© Correspondance : David EKAMBI DIBONGUE


05/08/2013
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