Législatives et Municipales 2013: Le Rdpc laminé par les investitures

Douala, 18 juillet 2013
© PONUS | Ouest Littoral

Le parti de Paul Biya avait toujours tenté d'essayer de cacher ses divisions internes. Malheureusement, celles-ci viennent d'éclater au grand jour avec les insolites qui se dégagent des investitures, et qui font penser beaucoup plus à une danse macabre des vautours autours d'un cadavre.

A en croire les informations qui viennent du terrain sur fond de fortes divisions et de mécontentements divers, le mal paraît plus profond qu'on ne le pensait et l'issue des prochaines élections risquent d'être fatale, du côté du Rassemblement démocratique du peuple camerounais(Rdpc). Ce parti au pouvoir qui vient de démontrer, une fois de trop, que les magouilles, les tripatouillages, la corruption, les batailles de positionnement constituent le menu exclusif de ses méthodes préférées.

Pour les observateurs de la scène politique, cette situation-catastrophe était déjà prévisible dès lors que s'agissant du processus du choix des candidats à la candidature, la hiérarchie du parti avait privilégié les investitures en lieux et places des primaires. Une préférence paradoxale pour un parti dit de «rassemblement démocratique», où l'expression de la base en vue d'une élection de proximité est curieusement renvoyée aux calendes grecques.

Il y a quelques jours, un des cadres du Rdpc et membre-suppléant du Comité central, Charles Ateba Eyené, criait encore sa colère avec des mots assez durs pour mieux décapiter ce parti au vu de tout ce qui se pas¬sait avec les investitures. C'était au cours d'une émission à laquelle il prenait part dans une radio de la capitale: «...le RDPC aujourd'hui est plus un rassemblement des bandits... un fond de commerce. Une mafia (...) Paul Biya ne me donne pas à manger... On frustre les gens dans le RDPC...». Il venait ainsi de résumer l'ambiance qui règne en ce moment au sein du parti des flammes. Rien d'étonnant que ce parti se retrouve avec 260 recours en contestations, dont la gestion laissera certainement des plaies supplémentaires.

Et comme si la hiérarchie du parti était consciente de cette atmosphère nauséeuse, elle a pris le soin de mettre en place un important dispositif de sécurité bien équipé pour recevoir ses propres listes dans son lège au palais des congrès de Yaoundé.

Ce qui est la preuve que la sérénité n'est pas de mise.

Parti de division et non de rassemblement

Quand on voit la manière avec laquelle le Rdpc étale ses divisions de manière flagrante, on comprend aisément pourquoi ce parti s'est opposé aux primaires.

Françoise Ngono Menkoe a la quarantaine apparemment révolue et est maire sortante-Rdpc de la commune rurale de Mboma dans le département du Haut Nyong. Elle a choisi de camper au palais des Congrès, pour en savoir plus sur le sort réservé à son recours en annulation pure et simple de la liste de son concurrent Frédéric Fouda Fouda, dé¬posé depuis le 13 juillet 2013. Après un échange avec le secrétaire-général adjoint du Comité central du parti au pouvoir, Grégoire Owona, celle-ci a fondu en larme devant les médias médusés à qui elle s'est confiée: « Je dénonce le fait que-certaines personnes soient juges et parties dans le processus des investitures au sein de notre formation politique. Dans la commune de Mboma, il y a des gens qui étaient en même temps membres de la commission communale d'investiture et candidats dans la liste concurrente à la mienne. Cela est contraire à la circulaire du président national et au bon sens. J'ai peur que la masse du travail fasse que les membres de la commission centrale ne statuent pas sur ma requête alors qu'elle est fondée», dénonce cette dame

Selon des informations dignes de foi, il se trouve que sur la liste des membres de la commission départementale constituée par Jean Nkuété, un certain Aurélien Edjel Mpouma qui en fait partie est également inscrit sur la liste concurrente à celle de Françoise Ngono. Il en est de même de Germain Koukolo Koukolo qui, bien qu'étant vice-président de la commission communale ä Mboma, fait aussi partie de la liste de Fouda Fouda.

Sur le terrain, les déboires de Françoise Ngono Menkoe ne constituent pas un cas isolé. Les exemples de ce genre sont nombreux dans les différentes commissions d'investitures, où les consensus ont été loin d'être atteints. En tout cas, bien au-delà de la circulaire expliquée de fond en comble par la délégation du comité central, c'est une bataille rangée qui s'est ouverte dans les états-majors du Rdpc. C'est ainsi que dans le Lom-et-Djerem sud, Clémentine Emama présidente de la section Ofrdpc écartée d'une liste pour les législatives, dé¬nonce des manœuvres peu orthodoxes de deux élites de la localité: «Je suis victime du tribalisme des élites du Lom-et-Djerem...», se plaint-elle, avant de poursuivre «L'honorable Kombo Gbéri, m'a avoué que des consignes leurs ont été données, à l'issue d'une concertation secrète tenue par des élites d'ici à Yaoundé». En réalité, il se raconte que cette dernière, originaire du centre a été remplacée par Antoinette Narké. «Une inconnue sur la scène poli¬tique locale sur instruction des élites sous prétexte qu'Antoinette-Narké est Gbaya et originaire de Bertoua», estime-t-elle. Pour cette veuve d'ancien député du Lom-et-Djerem, «Ça ne va pas finir ainsi ! Vous n'allez pas me rouler dans la farine après tant d'années (...)». Tout en prenant l'option d'informer la hiérarchie du parti, elle s'interroge : «Que ferai-je durant ces cinq pro¬chaines années ? Continuer de mobiliser les femmes pour venir applaudir les autres? Pour quel intérêt?».

Pendant ce temps, on assiste ailleurs aux refus de consensus. C'est le cas à Bafoussam Ill, où le patron de la société Congelcam, Sylvestre Ngouchinghé, refuse de composer avec les partisans de Joseph Confiance Fongang, malgré l'appel de Bayero Fadil, président de la commission. Il en de même de Bafoussam 1er, où les hostilités entre les partisans de Jules Hilaire Focka Focka et ceux du roi Njitack Ngompè de Bafoussam.

Dans le Mayo Sava, les informations font aussi état d’une absence de consensus autour de Cavaye Yeguié, le président sortant de l'Assemblée nationale qui fait face à deux listes. La commission de réception et d'investiture des candidatures pour le Rdpc dans la circonscription du Mayo Save, apprend-on, a décidé d'acheminer les trois listes à Yaoundé pour l'arbitrage de la commission nationale d'investiture des candidats du Rdpc.

Dans la Mefou et Akono, Abba Sadou et Abena Ondoa sont accusés de trafic des listes. Selon les informations, ces derniers auraient ignoré le consensus telle que indiquée dans la circulaire du président national du Rdpc, peur «corriger» les listes, prenant ainsi fait et cause pour leurs protégés. A tout ceci s'ajoutent les nombreux exemples où les gros pontes du régime et autres élites ou hommes d'affaires ont grossièrement usé de leurs pouvoirs (politiques ou d'argent) et ceux de présidents des commissions pour user et abuser la base en utilisant des manœuvres pour placer leurs pions.

Dans tous les cas, la base frustrée par la méthode avec laquelle les mandataires ont travaillé sur le terrain, semble plus que jamais déterminée à faire entendre sa voix le 30 septembre prochain. D'aucuns n'hésitent pas à parler de vote-sanction pour se faire réparation à leur manière. Avant cela, la question qui parait plus urgente est celle de savoir comment fera le Rdpc pour éponger les 260 recours annoncés et déposer les listes définitives dans les délais à Elecam. C'est dire si ces dossiers seront vidés à la hussarde pour le grand malheur des plaignants.

Ce qui est sûr, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Bref, des étincelles en perspective. Et comme en politique ce qui prime c'est les symboles, il y a des chances que le parti des flammes soit en flammé par ses propres flammes.


20/07/2013
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