La Coupe d’Afrique des nations est donc terminée. L’heure des bilans a sonné. La Côte d’ivoire a perdu la finale. La Zambie, pays où le leader de l’opposition a démocratiquement défait le président sortant, a mis en déroute le pays d’Alassane Ouattara où le changement a eu besoin des armes pour s’imposer. La démocratie a donc triomphé sur la guerre. Le dialogue a triomphé sur la violence. La beauté d’une équipe qui gagne s’est alliée à celle d’un pays qui émerge.
Le football est aussi politique, cela il n’est pas besoin de l’enseigner aux Camerounais. Le Tribunal Article 53 s’est ainsi impliqué à fond dans la retransmission des matches de football dans des bars à Douala, au moyen d’un écran géant. La retransmission a eu lieu sous forme itinérante, sous la forme d’une caravane donc, qui allait de bar en bar. Les sessions très courues et voulues par les barmans, ont été diverses à la fin, certains matches évidemment ayant plus d’affluence que d’autres.
Le public grandissait avec les matches, et l’enthousiasme des barmans était tel qu’il aurait fallu rallonger la Coupe d’Afrique pour les satisfaire tous, eux qui voulaient tous recevoir la caravane dans leur cour. De nombreux volontaires ont ainsi été mis en branle, eux qui ont organisé et mis en œuvre la retransmission sans incident véritable, si l’on ne compte pas les coupures d’électricité ou les pluies qui ont des fois perturbé la fête collective.
Les retransmissions étaient menées dans le cadre de l’opération ‘arbitre !’, qui veut encourager l’esprit sportif au Cameroun, mais aussi attirer l’opinion nationale sur les questions d’arbitraire dans notre pays, et donc présenter aux citoyens camerounais la palette de leurs droits tout comme la violation de ceux-ci. Cette opération est mise sous le patronage symbolique d’Enoh Meyomesse, écrivain camerounais encore incarcéré. Les discussions se faisaient d’habitude pendant la mi-temps, et ont permis de voir et de lire une autre perception de la vie nationale.
Lors de celles-ci les membres du Tribunal Article 53 ont sans surprise rencontré des citoyens qui vivent mal, qui portent la douleur de Vanessa, l’incarcération de Enoh Meyomesse dans leur cœur. Leur indignation, et leurs émotions étaient profondes, fortes parfois, et bien des fois il fallait stopper les conversations. Mais ils ont aussi rencontré des citoyens complètement coupés du monde en ceci qu’il ne sont pas au courant de l’affaire du bébé de Vanessa, d’autres qui ne savaient même pas que la CAN se jouait déjà, sans parler de citoyens qui ne savaient rien d’élections ou d’inscription sur les listes électorales. Il y en a qui n’en savaient rien, et ne voulaient rien savoir.
La finale n’a pas pu être diffusée pour des raisons de sécurité, sa diffusion ayant été empêchée par intimidation. En effet, le barman préposé a eu la visite d’une voiture sans immatriculation lui professant des menaces sur la fermeture de son bar et la confiscation de son matériel de diffusion. Le long des diffusions, les intimidations auront été courantes. Certainement, avec le ramdam et la communication faite autour de la finale, sa diffusion devrait logiquement faire foule… Ceci explique-t-il cela ? Au final, la fête des matches de la CAN aura aussi été celle des Camerounais à la base – dans les bars. Quelques couacs ne sauraient gâcher telle célébration de l’esprit sportif autour d’une bière !