Le top 10 des gaffes ministérielles
Dans son édition du lundi 25 mai 2015, le quotidien Mutations pose la question de savoir si Ama Tutu Muna va démissionner, après le camouflet consécutif à l’annulation par le Premier ministre de l’agrément qu’elle a octroyé à la Socacim. Le désaveu cinglant subi par la ministre des Arts et de la Culture est tellement flagrant que sous d’autres cieux, elle n’aurait pas hésité un seul moment à rendre son tablier. Mais comme l’a subodoré ce même journal, dans le pays de Paul Biya, après la démission, c’est généralement la prison.
D’ailleurs pourquoi démissionné pour « si peu » ? L’on est habitué. De petits scandales meublent le quotidien de nos ministres. Combien ont-ils démissionné ? Combien ont été démissionnés ? Certains actes de nos ministres sont souvent tellement grotesques que l’on se demande bien s’ils ont encore une personnalité, mieux une dignité. Voici quelques scandales dans lesquels des ministres ont été trempés. Comme si de rien n’était, ceux-ci vaquent pourtant normalement à leurs occupations.
1-Philemon Yang : Premier ministre en charge des scandales
De tous les premiers ministres de Paul Biya, Philemon Yang est sans doute celui qui a le plus avalé de couleuvres des membres du gouvernement. L’ex-Haut commissaire du Cameroun au Canada a vu de toutes les couleurs. C’est le seul Premier ministre sous l’ère du Renouveau dont les jours sont en permanence comptés. La faute à un discours de fin d’année 2013 dans lequel le chef de l’Etat le qualifie en de mots à peine voilés d’incompétent. Selon Paul Biya, le chef du gouvernement est incapable de coordonner le travail de son équipe. Et c’est un Premier ministre qui, en recevant les vœux de ses collaborateurs au mois de janvier 2014, leur faisait quasiment ses adieux. Quelques mois plus tard, M. Yang est « séché », comme un gamin, au stade Ahmadou Ahidjo par Eto’o Fils et ses coéquipiers. Les Lions indomptables en partance pour la coupe du Monde au Brésil refusent de prendre le drapeau du Cameroun des mains du chef du gouvernement pour une histoire de primes. Et puis vint Roméo Dika. L’artiste musicien clame à haute voix que le Premier ministre lui a « piqué » son épouse Chantal Ayissi. Alors qu’il n’a pas encore digéré cette affaire de « bas ventre», voilà que son ministre des Arts et de la Culture Ama Tutu Muna ne se croit pas obligée de lui rendre des comptes avant de délivrer un agrément de fonctionnement à une société collective de gestion des droits d’auteurs, alors même que le Pm a créée une commission ad hoc afin de voir clair dans ce secteur. Le coup de massue assener à Ama Tutu va-t-il suffire pour briser l’élan de ceux des ministres qui se risqueront à le défier le Pm ? Rien n’est sûr.
2-Ama Tutu Muna : Premier ministre, je m’en tape !
Dans l’argot camerounais, on aurait dit : Ama Tutu dit « haaaa » à Philemon Yang. Le ministre des Arts et de la Culture n’est pas passé par quatre chemins pour dire au Premier ministre qu’ils tous été nommés par décret présidentiel, le même jour et la même heure. Alors qu’une commission ad hoc est mise en place par le chef du gouvernement pour voir clair dans la gestion du droit d’auteur au Cameroun, le ministre octroie un agrément de fonctionnement à la Socacim, créée à Mbengwi, son village. Elle « froisse et jette à la poubelle » l’instruction du Premier ministre qui lui demande de retirer cet agrément. Certes l’agrément a été annulé par le Premier ministre. Mais il est fort à parier que la teigneuse Ama Tutu Muna n’as pas encore dit son dernière mot. A ceux qui minimise ses pouvoirs, la chronique rappelle que la fille de Tandeng Muna a refusé d’exécuter une décision de la …Cour suprême. Vous avez dit puissance ? Aux dernières nouvelles, des artistes, qu’on dit proche de la Minac, ont constitué un collectif d’avocats pour assigner le Pm en justice « pour violation de la loi relative au droit d’auteur, trafic d’influence, abus d’autorité, abus de pouvoir, trafic en bande organisée ». Allez-y comprendre quelque chose !
3-Jacques Fame Ndongo : La créature signe les yeux fermés
En l’espace de 48h, Jaques Fame Ndongo, ministre de l’Enseignement supérieur, a réussi l’exploit de mettre sa signature aux bas de deux listes des admis au concours d’entrée en filière Diplomatie de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun. Des listes différentes l’une de l’autre. Nous sommes en mars 2015. Alors que le scandale fait grand bruit, le membre du gouvernement justifie la disparition de sept noms sur la deuxième liste par le principe de «méritocratie régionale», mais aussi la loi d’orientation académique qui «proscrit la discrimination négative ». Et l’on va alors comprendre que le ministre avait signé la première liste « les yeux fermés », et que c’est une fois « réveillé » qu’il a constaté que la deuxième liste n’obéissait pas aux critères définis plus haut. Lorsque sur instruction du président de la République, il décide d’admettre tous les candidats dont les noms ont disparus comme par enchantement, « la créature de Paul Biya » ne trouve pas l’occasion de se taire. Il n’explique surtout pas comment 15 noms+6 font …22.
4-Martin Mbarga Nguele : Un flic volé
Le centre médical de la police se trouve dans la forteresse de l’Ecole supérieure de police de Yaoundé. En principe c’est l’un des endroits les plus sécurisés de la capitale politique. Sauf qu’au mois de mars 2015, une jeune maman, Judith Djuala y donne naissance à un enfant de sexe masculin. Toute se passe normalement jusqu’à ce que le nouveau-né disparaisse de la chambre où il a vu le jour, alors que sa génitrice s’est assoupie. Le bébé a été volé. L’affaire défraie la chronique. Informé, Martin Mbarga Nguele donne 48 heures à ses équipes pour retrouver le bébé. Trois mois après, le bébé est introuvable. Comment a-t-on réussi à franchir le cordon sécuritaire de l’hôpital de la police pour disparaître dans la nature avec un enfant ? Incompétence ou négligence ? Sous d’autres cieux, le patron de la police aurait indubitablement remis son tablier.
5-Robert Nkili : Des points gagnés sur le permis de…bavarder
Le ministre des Transports a annoncé les permis à point au Cameroun, les radars utra- modernes, etc. Passé le temps des promesses, rien ou presque. Un jour, Robert Nkili interdit la circulation des camions en journée. Le lendemain, il rapporte la décision. Après c’est le tour des clandos, des taxis. Rien ne marche comme il le professe dans le secteur des Transports. Jamais ministre au Cameroun n’aura été aussi tatillon dans ses décisions. Le « professeur », ancien ministre du « dialogue social » est devenu l’ami des
transporteurs. Ils s’entendent comme larrons en foire au moment des annonces et contre-annonces de mouvement de grève. Sur les avions chinois, le ministre des Transports s’est souvent montré loquace, pour dégager sa responsabilité, mais davantage pour jeter à la vindicte populaire son collège de l’Economie, Emmanuel Nganou Djoumessi. Quelle menace n’a-t-il pas brandi par rapport à la congestion au port de Douala ? De la poudre aux yeux ? A la réalité, Robert Nkilli parle plus qu’il n’agit. Il y a quelques jours, le « pasticheur » du chef de l’Etat, qui prône le sérieux dans l’organisation de l’examen du permis de conduire n’a pas pu démentir l’information (rapportée en grande Une de La Nouvelle Expression) selon laquelle son Akonolinga d’origine a présenté 600 candidats irréguliers à cet examen.
6-André Mama Fouda : J’adore le cash
André Mama Fouda entretient une intimité avec le cash. Malheureusement pour lui, des individus sans foi ni loi le savent. Voilà pourquoi ces malfaiteurs (entre autres ses propres employés) n’hésitent pas très souvent à se servir ou à braver la sécurité pour s’infiltrer chez le ministre de la Santé publique. En 2012, la résidence de ce membre du gouvernement a été visitée plusieurs fois par les malfrats. Bilan non officiel, pas moins de 300 millions Fcfa emportés. Le 14 mai de cette année-là, le ministre de la Santé fait déposer une plainte au commissariat central n°3 de Yaoundé contre trois de ses employés domestique, pour vols répétitifs. Le 28 mai, Ernest Ndzié son cuisinier, Audrey Moukolo le jardinier et le couple Letni –agent de ménage- sont interpellés. Le malheur du couple est une provision d'environ 22 millions Fcfa, retrouvé dans son compte d’épargne, entre 2010 et 2012. Les fins limiers de la police vont permettre à Mama Fouda de récupérer un véhicule acquis avec l'argent volé et une importante somme d'argent. Un employé va refuser de céder ses deux maisons au ministre en guise de remboursement. Après quelques années d’accalmie, les malfaiteurs sont revenus à la charge en avril dernier, profitant du séjour du ministre de la Santé publique à Bamenda. Ce dernier venait de présider, sous les auspices de l’Association regroupant l’élite du Mfoundi, une réunion de collecte de fonds, dans le cadre de la guerre contre Boko Haram. Qu’est ce que les bandits ont emporté ? Un coffre-fort ? Combien contenait-il ? Difficile L’entourage du Minsanté soutient que les « bandits » sont repartis bredouille. Mais ne dit pas pourquoi le ministre a un gout immodéré pour la thésaurisation. Peur de l’Anif ? On le saura un jour.
7-Jean Claude Mbwentchou : La valise, l’argent et les cauris
Jean Claude Mbwentchou s’est battu comme un beau diable ce 3 juin 2014 afin que ces bagages ne soient pas fouillés à l’aéroport international de Douala. Alors que les services de sûreté avaient détecté une anomalie au scanner dans ses bagages et tentaient de vérifier, le membre du gouvernement, en partance pour Abidjan, va ordonner au gendarme commis pour sa sécurité de porter ses bagages en soute sans fouille. Cette attitude du très sympathique ministre du Développement urbain et de l’Habitat va engendrer un décollage tardif de l’aéronef, (d’aucuns s’empresseront de parler d’une alerte à la bombe) mais surtout une passe d’armes entre le ministre et les agents de sécurité. L’on apprendra plus tard que le Minhdu transportait dans ses valises une forte somme d’argent, et surtout cauris. Info ou intox ? Si cette hypothèse est vérifiée, l’on se demande pourquoi le ministre n’a pas utilisé le circuit bancaire pour un éventuel transfert de fonds ? Qu’allait-il faire à Abidjan avec des cauris ? Mystère, mystère, mystère.
8-Louis Bapès Bapès : Condamné à un jour de prison ferme
C’est un Bapes Bapes porté en triomphe qui regagne son domicile en ce début du mois d’avril 2014. Une fois installé dans son salon, le ministre des Enseignement secondaires, la main tremblante manipule la télécommande de son écran plasma. Normal, ce petit objet lui a manqué. Depuis la veille, il est l’objet de toutes les attentions. Interpellé à son domicile par la police, et après un bref passage dans les bureaux de la célèbre magistrate Annie Noëlle Bahonoui Batende, il est écroué à la prison de Kondengui. Les supputations vont bon train sur la véracité et les raisons de la mise en détention du ministre des Enseignements secondaires. Ce d’autant plus que nous sommes un 1er avril…Gestion de la Magzi, détournements de fonds au Minesec, tout y passe. Comble de surprise, Bapes Bapes ne passera qu’une seule nuit au sein du pénitencier de Kondengui. C’est un ministre vêtu d’un polo bleu, les cheveux trapus, la mine patibulaire qui s’offre aux cameras (cachées) de télévision, signant la paperasse qui consacre sa libération. Bapes Bapes va retrouver son bureau, et présider quelques jours plus tard la cérémonie d’ouverture des Jeux Fenasco, à Mbalmayo. Il parlera abondamment d’éthique à cette occasion, devant une assistance médusée.
9-Patrice Amba Salla : J’accuse le Premier ministre
Est-ce c’est parce que l’axe Sangmelima –Bikoula se trouve dans le département d’origine du chef de l’Etat que le ministre des Travaux publics en a fait presque fait une affaire personnelle. Patrice Amba Salla n’est pas satisfait de l’évolution de ce chantier. Entamés depuis 2012, le chantier n’a été que réalisé à hauteur de 30%. La faute à la société iranienne en charge des travaux, Kayson Inc et surtout au Premier ministre, qui, d’après le ministre des Travaux publics, rechigne à signer le décret relatif aux indemnisations. Sur le terrain, courant mai 2015, face à la population désireuse de savoir un peu plus sur leurs droits, Amba Salla, « en langue locale », puis de Molière, rejette en vrac le tort sur le chef du gouvernement. Rentré à Yaoundé, au cours d’une conférence de presse, en présence du ministre de la Communication, le ministre des Travaux Publics remet ça. De sa voix traînante et ferme, il s’essuie les crampons sur le Premier ministre (d’aucuns parlent plutôt du Sg/Pm), coupable de n’avoir pas signé le décret d’indemnisations, trois mois après le début du chantier de cette route de l’intégration sous-régionale, quasiment achevée côté congolais.
10–Essimi Menye : Dans la hotte du Premier ministre
La joie aura été de courte durée chez les trois inspecteurs généraux et les deux directeurs nommés par intérim dans les services centraux du ministère de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) par Essimi Menye, patron de ce département ministériel. Deux jours seulement après ces promotions, c’est un communiqué publié dans Cameroon tribune qui va défrayer la chronique. Philemon Yang annule les décisions de nomination du Minader « pour vice de forme, de procédure et de compétence ». Pour dire simple, Essimi Menye n’avait pas le droit de procéder à des nominations à ces postes de responsabilité. Le Premier ministre, apprend-on, a voulu, à travers l’arrêté annulant les décisions du Minader, envoyer un signal fort à tous les ministres qui seraient tentés de passer outre les recommandations du « séminaire gouvernemental sur la gestion des ressources humaines de l’Etat, dans le cadre de la mise en œuvre de la déconcentration de la gestion du personnel de l’Etat et de la solde » tenu deux mois auparavant dans ses services. Au cours de ces travaux, à travers l’exposé du Sg/Pm, Louis Paul Motazé, il a été rappelé aux ministres qu’ils sont compétents pour nommer, par décision, uniquement les responsables au poste de chef de bureau et assimilés. Ils peuvent nommer par arrêté, après visa du Premier ministre, les chefs de service adjoint et assimilés, les chefs de services et assimilés, les sous-directeurs et assimilés, les directeurs adjoints et assimilés. Pour sa part, le Pm est compétent pour nommer, par décret dûment visé par le président de la République, les directeurs d’administration centrale et assimilés. Surtout, « la nomination à titre intérimaire n’efface pas l’irrégularité de la décision ou de la note de service ».