Le sadisme est une orientation sexuelle ordinaire à Yaoundé

YAOUNDE - 18 JUIL. 2013
© Eric Essono Tsimi, écrivain | Correspondance

Eric Ohena Lembembe a été torturé (« Ses membres ont été brisés, son visage et ses mains ont été brûlés avec un fer à repasser »), mais nul dans les milliers de reportages autour de cet acte de barbarie ne dit s’il a été violé avant. Ce qui serait tout à fait dans le genre de la maison Cameroun.

Un homosexuel, Narcisse Djomo Pokam, a été assassiné en plein jour dans le plus grand hôtel de la capitale camerounaise il y a quelques années, c’était en 2006. Des autorités de la haute administration, comme Claude Juimo monthé, nommé par décret présidentiel président de la Chambre de commerce, d’industries, des mines et de l’artisanat (CCIMA), et autres membres du gouvernement étaient présents dans cet hôtel à l’heure du crime.

Un verdict a été rendu, quatre ans après l’assassinat. La vérité n’a jamais été sue. Au Cameroun comme partout ailleurs dans la planète, on aurait bien du mal à imaginer des bagagistes et des plombiers violer un jeune étudiant et le défénestrer sans complexe, depuis le 8ème étage d’un hôtel Hilton, dans une suite habituellement réservée aux autorités de la république.

Certains des responsables, alors présents dans cet hôtel au moment de la perpétration du crime, par exemple l’actuel ministre, Martin Belinga Eboutou, mémoire et cheville ouvrière du système, proche parmi les proches du président Biya, était d’ailleurs reparti sur la pointe des pieds, sans jamais être interpellé. Sans doute une sorte d’immunité du représentant permanent du Cameroun auprès des Nations Unies à New York qu’il était alors.


Les dirigeants camerounais ne tirent leur plaisir que de l’extrême souffrance dans laquelle ils voient croupir leur peuple

Ils ne se sentent pas assez riches tant que n’est pas suffisamment compacte la masse de pauvres qui s’agglutinent à leurs portes, pour quémander des restes.
L’homosexualité a surtout été un article oublié de la loi, une loi d’ailleurs contestée parce que adoptée par ordonnance. Jusqu’à ce que des prédicateurs de la haine délivrent des messages ambigus aux populations. Dans une homélie en décembre 2005, monseigneur Tonye Bakot avait affirmé que : «L’homosexualité est un complot contre la famille et le mariage. Ne l’acceptons pas chez nous. Ce sont des mœurs contre nature ».

Il faut à présent savoir si l’archevêque de Yaoundé, monseigneur Tonye Bakot, qui a une obsession féroce des homosexuels priera pour le repos de l’âme d’un membre d’une « race » qu’il juge et condamne lui-même en permanence dans ses prêches dominicaux. La haine des homosexuels est alimentée par l’Eglise catholique, qui ne fait rien, au Cameroun, pour éduquer les croyants à plus d’amour du prochain.

Mais c’est une détestation passive, juste une sorte de « miseducation », de l'ignorance, les Camerounais étant, fondamentalement, indulgents, tolérants, ouverts à toutes les différences. Les assassinats des homosexuels sont eux le fait des puissants, eux-mêmes versés dans toutes sortes de pratiques sataniques nécessitant, pour leur réalisation, des abus sur de jeunes filles ou des personnes du même sexe.

Si l’on n’est pas un puissant au Cameroun, on ne peut pas impunément commettre un délit, pire un crime : ce qui s’est passé dans le domicile d’Eric Lembebe est l’œuvre des puissants qui l'ont rituellement sacrifié à on ne sait quelle fin. Les médias détournent l’attention du peuple en en parlant comme d’un crime homophobe, il s’agit d’un crime commandité et commis par des gens qui probablement pratiquent à l’occasion ce type de sexualité, mais qui n'ont de motivations que leur vocation de se maintenir au pouvoir.

Les petites frappes sont trop occupées à des délits de nécessité pour ne pas s’attaquer à un journaliste ou un militant homosexuel : les voyous ordinaires tuent pour avoir du pain, non pas pour dénoncer une sexualité qu’ils pratiqueraient volontiers si cela pouvait leur assurer le vivre et le couvert. Au Cameroun être homosexuel est considéré moins comme une orientation sexuelle qu’une déviance politique, celle de ceux qui, comme l'explique le professeur Titus Edzoa dans Méditations de Prison, doivent sexuellement humilier les autres pour assouvir des commandements mystiques.

Eric Essono Tsimi, écrivain


20/07/2013
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