Le gouvernement RDPC vient de procéder à un troisième rafistolage de la loi portant création et fonctionnement des ELECTIONS CAMEROON (ELECAM), moins de 5 ans après son adoption en 2006 et avant même que cet organe ait pu superviser la moindre élection dans notre pays. Cette fois-ci, le gouvernement RDPC a décidé de parachever son entreprise de confiscation de tout processus électoral au Cameroun, à travers la soumission à la majorité parlementaire de deux projets de loi : l’un modifiant et complétant certaines dispositions de la loi du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement de ELECAM et l’autre modifiant et complétant certaines dispositions de la loi du 17 septembre 1992 fixant les conditions d’élection et de suppléance à la Présidence de la République.
Paradoxalement, cette démarche du gouvernement RDPC démontre à ceux qui pouvaient en douter qu’il est encore possible pour le législateur camerounais de mettre en place des règles permettant des élections démocratiques et transparentes dès le mois d’octobre prochain, à condition d’en avoir la volonté politique. Malheureusement, la méthode et les orientations choisies par Monsieur Paul BIYA, dans le cadre des deux projets de loi dont est saisie l’Assemblée Nationale, prennent le contre-pied des aspirations légitimes exprimées par le Peuple camerounais et les partis politiques de l'opposition, à savoir :
- la possibilité donnée à tous les citoyens d'exercer leur droit de vote, y compris aux camerounais résidant à l'étranger
- la délivrance effective aux citoyens de la carte nationale d'identité
afin de leur permettre de s'inscrire sur les listes électorales et
d'exercer leur droit de vote
- l'indépendance effective d'ELECAM à travers son autonomie financière,
organique et de son personnel à l'égard du parti au pouvoir et du
Ministère de l'administration territoriale et de la décentralisation
- la participation effective des partis politiques de toutes sensibilités aux organes et aux activités d'ELECAM
- la mise à jour du fichier électoral sous la supervision effective d’ELECAM autrement composé
- l'instauration d'un scrutin majoritaire à deux tours pour les élections présidentielles
- la notification de la date des prochaines élections présidentielles
dans des délais raisonnables afin de permettre un véritable débat
politique sur l'avenir du pays
- l’instauration du bulletin de vote unique.
Le Rassemblement Démocratique pour la Modernité au Cameroun (RDMC) entend rappeler sans désemparer ces exigences élémentaires de démocratie et dénoncer les nouveaux subterfuges conçus par le régime de Monsieur Paul BIYA pour se maintenir au pouvoir, en dépit de l'échec patent de ses 29 ans de règne sans partage.
* Méthode inappropriée
S’agissant de lois organiques devant structurer durablement le débat politique, le Peuple camerounais et les acteurs politiques étaient en droit d’attendre de Monsieur Paul BIYA une méthode autrement plus consensuelle, caractérisée par une large consultation des différents acteurs politiques et des leaders de la société civile. Or, comme à son habitude, le Président de la République entend imposer à la hussarde, à travers une session extraordinaire du Parlement précipitamment convoquée, des réformes indigestes concoctées par les apparatchiks du RDPC, dans le seul but de s’éterniser au pouvoir.
De fait, les deux projets de loi en cours d’examen devant l’Assemblée nationale permettront à Monsieur Paul BIYA d’entériner définitivement le reflux des avancées démocratiques que le Peuple Camerounais avait consacrées dans la Constitution adoptée en 1996, notamment avec la limitation du nombre de mandats présidentiels et l’exigence d’un organe électoral réellement indépendant du pouvoir.
* Opacité des résultats électoraux
Le projet de loi devant modifier et compléter la loi portant création, organisation et fonctionnement d’ELECAM vise à empêcher cet organe de publier les tendances enregistrées à l’issue du scrutin, au motif que le Conseil constitutionnel aurait l’exclusivité de la publication des résultats. Les arrière-pensées qui sous-tendent une telle disposition sont claires : éviter que le citoyen puisse avoir le moindre suivi du processus électoral et permettre aux magistrats, soigneusement choisis pour faire office de juges constitutionnels à la place du Conseil constitutionnel prévu par la Constitution, de proclamer les résultats dictés par le RDPC. Toutefois, ce nouveau subterfuge imaginé par Monsieur Paul BIYA se heurte à la nature juridique même du Conseil Constitutionnel qui, en tant qu’organe juridictionnel, est appelé à examiner les résultats recueillis par ELECAM et de statuer sur les éventuelles réclamations des différentes parties intéressées, avant de procéder à la proclamation officielle des résultats définitifs. L’office ainsi assigné au Conseil constitutionnel implique que les résultats recueillis par ELECAM soient disponibles non seulement pour les acteurs politiques, mais aussi pour l’ensemble des citoyens au nom et dans l’intérêt desquels ledit Conseil rend sa décision. Interdire toute publication par ELECAM des résultats que cet organe recueille revient à faire désigner le Président de la République du Cameroun à travers un nuage blanc sorti des usines à gaz du RDPC.
* ELECAM phagocyté par le RDPC et le MINTATD
Par ailleurs, avec l’adjonction de 6 nouveaux membres dans la composition d’ELECAM, telle que prévue à son projet de loi, le gouvernement passe délibérément à côté des préoccupations du Peuple camerounais relatives à l’indépendance de cet organe. En effet, la défiance justifiée du Peuple camerounais à l’égard d’ELECAM ne concerne pas le nombre de ses membres, mais l’inféodation totale des membres qui la composent actuellement au RDPC. Pour remédier à cette situation désastreuse, nos compatriotes réclament que ces membres soient purement et simplement remplacés par des personnalités compétentes et indépendantes désignées à l’issue d’une concertation entre le gouvernement et les formations politiques, ainsi que les mouvements de la société civile les plus représentatifs. Au demeurant, si Monsieur Paul BIYA considérait vraiment que l’indépendance d’ELECAM peut être le produit de sa composition multipartite, il conviendrait alors d’augmenter cet organe d’au moins 20 autres membres, afin que la société civile et l’opposition puissent effectivement y faire contrepoids au RDPC. Mais bien entendu, ce régime obnubilé par sa seule survie n’en prend pas le chemin.
En tout état de cause, on ne peut que regretter que Monsieur Paul BIYA ait choisi de remettre insidieusement le contrôle du processus électoral entre les mains du Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation, au mépris du large consensus qui s’était dégagé au milieu des années 90 pour tenir à l’écart dudit processus cette véritable annexe du RDPC. Cette situation est d’autant plus inquiétante pour l’avenir de notre pays qu’aujourd’hui, comme par le passé, on voit des préfets prendre publiquement la tête des manifestations de soutien à Monsieur Paul BIYA.
Au final, la référence systématique du régime RDPC à un Conseil constitutionnel qu’il refuse obstinément de mettre en place depuis près de 15 ans a quelque chose de surréaliste. Les vertus imaginaires que Monsieur Paul BIYA ne cesse d’attribuer à ce Conseil constitutionnel virtuel constituent une illustration de plus du caractère incantatoire de sa « démocratie apaisée ». Le RDMC n’a cessé de mettre en garde les responsables de cette mauvaise farce contre l’exaspération du Peuple.
© Correspondance : RDMC