Le nombrilisme présidentiel en action

Source Camer.Be du 02 Octobre 2018

 

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  • mardi 02 octobre 2018

Le président de la République sortant et candidat du Rdpc à sa propre succession, a effectué samedi 29 septembre 2018, une visite dans le chef-lieu de la région de l’Extrême-Nord qui espérait en vain accueillir le chef des armées au plus fort de la lutte contre Boko Haram. Puisqu’il s’agit de son fauteuil présidentiel mis en jeu, le chef de l’Etat a daigné enfin sortir de sa tor- peur pour tenter une opération de séduction et de réconciliation avec cette partie du pays.

«Je déclare la guerre à Boko Haram». Ainsi s’exprimait le président de la République du Cameroun, Paul Biya, au perron de l’Elysée, au sortir d’un sommet organisé à l’initiative de la France sur les questions de sécurité dans le Golfe de Guinée. C’était courant 2014 au plus fort des exactions meurtrières de la secte salafiste Boko Haram. Celle-ci ambitionnait de faire du Cameroun et singulièrement de sa partie septentrionale, une des bases-arrière, d’une organisation terroriste qui a semé la désolation par des prises d’otages, des meurtres en séries, des attentats-suicides ciblés, des méfaits qui ont orchestré le déplacement en masse des populations, l’accroissement du nombre des réfugiés et la fragilisation du tissu économique embryonnaire, d’une région qui a payé le lourd tribut de la présence étouffante, d’une bande de criminels, sans foi, ni loi, dans une guerre dite asymétrique contre les forces de défense et de sécurité nationales.

 

L’armée nationale a cravaché dur. Des éléments de cette courageuse armée ont pilonné plusieurs bases-arrière de ces « fous de Dieu », les ont traqués jusqu’à leur dernier retranchement dans les pays voisins avec le pré- cieux concours de la force multinationale mixte dans la dynamique d’une mutualisation des forces tchadiennes, nigérianes, centrafricaines et camerounaises. Nos soldats ont payé de leurs vies la défense de nos frontières. Le chef des armées, au plus fort de ces batailles à Kolofata, Mora, Maroua, Kousseri, Limani, Kerawa et plu- sieurs localités du septentrion, qui ont échappé, de justesse, au contrôle de Boko Haram, déterminée à faire de cette partie du pays, un de leurs bastions, le numéro un Camerounais, n’a jamais daigné faire le déplacement de l’Extrême-nord.

 

Boko Haram vaincu

Histoire de booster le moral des troupes au front, leur apporter le nécessaire réconfort aux ardents défenseurs de la République en danger, lui qui par ailleurs, avait tôt fait de déclarer la guerre et ne s’est pas abstenu de se bomber le torse dans une attitude triomphaliste, en affirmant, ex cathedra, que «nous avons combattu les maquisards, ce n’est pas les Boko Haram qui vont nous dépasser». Quatre ans plus tard. L’ennemi est presque vaincu. Boko Haram semble décapitée malgré les menaces qui restent permanentes. L’armée camerounaise a perdu des centaines de soldats. Cette sale guerre imposée par les enne- mis de la République et engagée par Paul Biya, le faucon, a laissé une ardoise lourde. Plusieurs milliards Fcfa engloutis, des centaines de familles dans la douleur, des milliers de déplacés et des réfugies dont le nombre a gonflé, passant du simple au double, la destruction du tissu social, économique, touristique et culturel entre autres.

 

Avec l’appui de la population qui a su faire montre de résistance, par la mise en place des comités de vigilance et la collaboration franche avec les soldats, la région de l’extrême-Nord semble sortir du cercle infernal des attentats- kamikazes en séries et kidnappings à répétition. C’est dans ce contexte d’une région sécurisée pratiquement que Paul Biya et son épouse ont choisi d’effectuer une visite à Maroua dans le cadre de la campagne électorale, en prélude à l’élection présidentielle du 7 octobre prochain. Puisqu’il s’agit de reconduire un chef des armées distant de ses troupes, parce que son fauteuil présidentiel est en jeu, le président de la République sortant, a daigné quitter sa tour d’ivoire pour tenter une opération de séduction et de réconciliation auprès d’une région qui avait besoin de sa présence au plus fort du crépitement des kalachnikovs et autres mitrailleuses.

 

Attitude calculatrice

Cette attitude calculatrice de M. Biya sur les bords, frise un nombrilisme qui ne dit pas son nom. Le chef de l’Etat, n’a-t-on pas coutume d’entendre dans les salons huppés de la République, qu’il ne badine pas avec ce qui touche à son pouvoir ? Le champion du Rdpc le démontre, à foison quand la tempête semble passée, quand le mauvais vent, celui des tueries et des violences inhumaines, a changé de direction. Paul Biya indolent, insensible, n’a guère osé mettre les pieds au front, se contentant d’envoyer des subsides aux populations et des messages de condoléances aux familles de soldats tombés les armes à la main par le truchement du gouverneur de la région de l’Extrême- nord ou des autres représentants missionnés pour la circonstance ou dans le cadre d’une opération joliment enrobée du nom d’«effort de guerre».

 

Assurément, la fille aînée du Renouveau, l’Extrême-nord n’est pas dupe. Elle n’a pas oublié subitement avec la visite du couple présidentiel venue parader dans les rues de Maroua et tester leur cote de popularité au passage, les affres d’une guerre qu’elle n’avait jamais voulue. La meilleure preuve de ce rappel mémoire se fera dans les isoloirs lors du scrutin du 7 octobre, à condition que la transparence et le respect des règles du jeu électoral soient de mise pour per- mettre à plus de six millions d’électeurs de choisir librement leur compatriote qui aura la charge de conduire leur destin durant les sept pro- chaines années.

 



02/10/2018
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