L’infatigable Louis Sombès a rendu l’âme vendredi dernier(26 juillet 2013,Ndlr) à Yokadouma à l’âge de 65 ans. Il s’y était rendu hier précipitamment «pour se reposer» d’un long – et, surtout, mauvais - traitement d’hépatite à rebondissements au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Yaoundé.Ce décès a été confirmé aujourd’hui par une source familiale et par Jean-Marie Ndi, vice-président de la Confédération des Syndicats Autonomes du Cameroun (CSAC), la centrale syndicale qu’il a fondée il y a quelques années à Yaoundé.
Louis Sombès était l’icône du syndicalisme camerounais, toujours aussi actif et passionné sur le terrain du contentieux social, du droit syndical et de la liberté syndicale en général. Ses congénères, proches, admirateurs voire même contempteurs l’ont toujours considéré comme une immense bibliothèque multidisciplinaire. Peut-être la plus immense sur toutes les questions d’ordre socioéconomique au Cameroun et en Afrique.
Cet homme réservé a fait prendre conscience de
leurs droits sociaux à de milliers d’employés et patrons camerounais et
inspiré la création d’innombrables organisations syndicales à travers le
Cameroun à l’instar du Syndicat National des Journalistes du Cameroun
(SNJC) en mai 2002 dont il est resté un fidèle parrain jusqu’au bout,
aux côtés du proviseur Louison Njoh Mbonguè de l’ONEC (Organisation
Nationale des Enseignants du Cameroun).
Connaisseur.
Marié et père de nombreux enfants, ce polyglotte connaisseur des
méandres sociologiques de la nation camerounaise est surtout l’homme
qui, alors secrétaire général de la célèbre Centrale Syndicale des
Travailleurs du Cameroun (CSTC) conduisit dans les années 94/95 la seule
grève de la Fonction publique consécutive à la double baisse de
salaires entreprise par le gouvernement Achidi Achu, laquelle ne fut
précédée d’aucune négociation sociale, par conséquent d’aucune mesure
sociale préalable ni de prise en compte des desideratas des
fonctionnaires qui venaient pourtant de subir de plein fouet la
dévaluation du franc Cfa décidée en France.
Au lieu d’envisager des mesures d’accompagnement, le gouvernement choisit plutôt de proposer au syndicaliste le portefeuille du Travail et de la prévoyance sociale au gouvernement ainsi qu’une enveloppe. Offre qu’il refusa au point de provoquer l’ire d’un régime aux abois qui l’accusa immédiatement de tentative de déstabilisation. En même temps, de nombreux cadres de la Centrale furent corrompus, retournés, enrichis pour atomiser le mouvement. La Fonction publique camerounais devait ainsi rejoindre plus tard, pour la première fois de son histoire, les devants de la scène internationale dans le gotha des nations les plus corrompues de l’indice de perception de l’Ong allemande Transparency International.
Ce faisant, la ferveur syndicale a décliné au pays. Cette activité se muant progressivement tantôt en business tantôt en tremplin pour des strapontins.
Très apprécié à l’International pour sa science syndicale encyclopédique et sa poigne, Louis Sombes a été appelé à servir brièvement au poste de directeur à la CISL (ancienne Confédération Internationale des Syndicats Libres) à Nairobi au Kenya.
«Ce syndicaliste qui n’avait jamais abandonné ses habitudes d’homme du petit peuple jusqu’à sa mort savait tout, explique un vieil ami et compagnon de route. Il était tout aussi compétent en droit syndical qu’en économie ou en organisation des entreprises et en histoire. Il connaissait le pays tout entier jusque dans l’arrière-pays. Mais comme tous ceux qui refusent de s’enrichir sur le dos du peuple, il est mort comme il a vécu : démuni, n’ayant que ses idées et sa foi, comme les Ruben Um Nyobè, Moumé Etia…»
Louis Sombes rejoint ainsi la terre des ancêtres dans son village natal de la Boumba-et-Ngoko à l’Est quelques mois après son ami, autre monument du syndicalisme camerounais, l’anglophone C.P.N. Verwesse, décédé en janvier 2013 dans le Sud-Ouest. Verwesse a reçu un vibrant hommage, mérité, pour ses combats au profit des travailleurs de la CDC (Cameroon Development Corporation) et au sein de l’Union Africaine.
Puisse la Nation camerounaise être reconnaissante à cet illustre compatriote.