C'était dans le cadre des questions orales face aux députés.Vendredi dernier à l’Assemblée nationale, le Premier ministre et certains membres du gouvernement ont été interpellés par des élus lors d’une séance de questions orales. Le député Martin Oyono (Rdpc, Océan) était préoccupé par le fait que l’Etat fait preuve d’après lui de tolérance dans certains secteurs : éducation, hôtellerie, micro-finance, santé, agriculture, communication, pratique religieuse.
Le député a estimé que cette souplesse a
transformé le respect de la règle en exception. Il a demandé au Premier
ministre, Philemon Yang, s’il n’était pas temps de passer dans chacun de
ces secteurs à une phase répressive.
Dans sa réponse, le chef du gouvernement a tenu d’entrée de jeu, à faire
une précision : « Je voudrais avant toute chose mettre en relief la
différence entre la tolérance administrative et l’inefficacité
administrative. La tolérance administrative pourrait s’entendre de la
situation où l’administration s’abstient volontairement de réprimer une
violation de la réglementation. Or, le mode de fonctionnement actuel des
départements ministériels dans l’exercice de leurs missions
respectives, s’écarte à suffisance de cette peinture. » Ensuite, le PM a
présenté la riposte du gouvernement dans chaque secteur mis en cause.
L’Education de base assainie
Pour ce qui est du ministère de l’Education de base, il « mène des
opérations d’assainissement des établissements maternels et primaires ».
Trois axes stratégiques guident cette action : « le recensement
exhaustif des établissements scolaires clandestins, la sensibilisation
des fondateurs et de la communauté éducative à travers la Commission
nationale de l’enseignement privé et la fermeture des établissements
dont le fonctionnement clandestin est établi. » « Il est de bon ton
d’indiquer que certains fondateurs ont pu régulariser leur situation, en
se conformant aux exigences en vigueur. Par contre, ceux qui ont
persisté dans l’illégalité ont été interdits d’exercer.
C’est ainsi que 826 établissements scolaires dans
les régions du Centre, Littoral, Nord-Ouest, Ouest et Sud-Ouest ont été
effectivement fermés par les autorités administratives. En ce moment,
une opération d’évaluation est en cours dans lesdites régions », a
déclaré Philemon Yang.
Répression dans le secondaire
Le PM a rappelé que le ministère des Enseignements secondaires a, quant à
lui, « initié et intensifié depuis 2005, le contrôle de l’ensemble des
établissements exerçant sur le territoire national. Ces actions ont
permis d’identifier deux catégories d’établissements scolaires
clandestins, à savoir ceux ne disposant pas d’autorisation d’exercer
mais situés dans des zones salubres et dont les constructions sont
conformes aux normes d’urbanisme ; et ceux n’ayant pas d’autorisation de
fonctionner, situés dans des zones insalubres, à risque, aux
infrastructures vétustes et représentant un danger permanent pour leurs
cibles.
Comme mesures préventives, ce département ministériel a entrepris : premièrement de vulgariser les textes régissant l’organisation et le fonctionnement de l’enseignement privé au Cameroun ; deuxièmement, de sensibiliser la communauté éducative sur la nécessité d’inscrire leurs progénitures dans les établissements régulièrement ouverts et autorisés à fonctionner.
De même, le ministère des Enseignements
secondaires publie au début de chaque année scolaire, la liste des
établissements scolaires autorisés à fonctionner. » « Pour ce qui est
des mesures répressives, a poursuivi Philemon Yang en parlant de
l’éducation dans le secondaire, des missions de contrôle à travers le
territoire national ont été renforcées avec la fermeture systématique
des structures clandestines identifiées. Ces mesures s’accompagnent de
facilités d’inscription des élèves victimes dans les établissements
scolaires publics environnants. »
Evaluation régulière dans l’Enseignement supérieur
Poursuivant ses explications, le PM a dit qu’« au niveau de
l’Enseignement supérieur, trois axes d’intervention découlant des
missions statutaires assignées à ce département ministériel conformément
à la loi d’orientation d’avril 2001 sont mises en œuvre.
Premièrement : l’évaluation systématique de l’offre d’enseignement supérieur à travers des missions d’inspection trimestrielles ; deuxièmement : la publication de listes d’instituts privés d’enseignement supérieur (Ipes) autorisés à fonctionner, à l’effet d’informer les parents et la communauté universitaire ; troisièmement : la répression sous trois formes dont la suspension dans les cas les moins graves, la non-reconnaissance des diplômes délivrés par ces établissements et leur fermeture le cas échéant avec le concours des autorités administratives.
S’agissant des Ipes offrant des formations
médicales, une mission conjointe ministère de l’Enseignement supérieur
et ministère de la Santé publique vient d’achever ses travaux. Une
opération d’assainissement articulée sur les trois axes stratégiques est
menée sur le terrain. Les premiers résultats de cette opération font
état d’une dizaine d’établissements fermés. Par ailleurs, à la date du
15 novembre 2012, 133 instituts privés d’enseignement supérieur ont été
recensés comme étant des établissements régulièrement ouverts et
autorisés à fonctionner sur l’ensemble du territoire national. »
Tourisme et loisirs : exigence de qualité
« En matière de tourisme et de loisirs, la croisade contre les
établissements hôteliers clandestins est adossée sur la sensibilisation
des opérateurs intervenant dans ce secteur sur le respect des normes et
des règles d’exploitation des établissements hôteliers en vigueur et la
nécessité d’améliorer la qualité des services offerts ; deuxièmement, le
contrôle permanent effectué par les services déconcentrés de
l’administration compétente ; et enfin la répression qui est en cours
depuis septembre 2012 aura donné lieu au scellage de 102 établissements
sur 226 structures contrôlées », a assuré le chef du gouvernement.
Une réforme des Gic agricoles en cours
Pour ce qui est de l’agriculture, le PM a indiqué que « le ministre de
l’Agriculture avait entrepris de soutenir la production agricole en se
fondant sur des projets présentés par des groupements d’intérêt commun
(Gic). Aujourd’hui, notre pays compte plus de 116.000 Gic, unions de Gic
et fédérations des unions de Gic oeuvrant dans les domaines de la
production agricole, de la commercialisation des produits de
l’artisanat, du financement, etc. S’il est vrai que certaines de ces
organisations ont été créées essentiellement pour capter des
financements, il reste constant que de nombreux Gic ont apporté une
contribution considérable au développement du secteur agricole de notre
pays.
En tout état de cause, le constat de ces
insuffisances a amené le Minader à prendre des dispositions pour juguler
ce phénomène. Le cap est désormais mis sur la migration des Gic vers
les coopératives, organisations mieux structurées et plus fiables, en
application de l’Acte uniforme Ohada relatif au droit des sociétés
coopératives. Cette évolution permettra de mieux canaliser les
financements agricoles en mettant à contribution la banque agricole en
création, les établissements de micro-finance et les caisses
villageoises d’épargne et de crédit auto-gérées. »
2,5 milliards de F de faux médicaments saisis
« Dans le domaine de la santé, le gouvernement a renforcé les actions
visant l’assainissement de ce secteur en mettant un point d’honneur sur
la lutte contre l’exercice illégal de la profession médicale et la vente
illicite de médicaments sur toute l’étendue du territoire national.
Ainsi 518 formations sanitaires et 7 écoles de formation clandestines
réparties sur les dix régions du pays ont été identifiées.
La liste de ces établissements a été transmise aux
autorités administratives afin de procéder à leur fermeture. Une action
a permis la saisie et la destruction de médicaments contrefaits ou
objets de vente illicite dans la rue. Ceux jusque-là saisis sont estimés
à 2,5 milliards de Fcfa », a encore déclaré Philemon Yang.
Communication : des états généraux contre le désordre
Au chapitre de la vie des médias, la réponse du PM s’est ainsi déclinée :
« Les activités médiatiques de la communication sociale se rangent en
deux grandes catégories : la presse écrite et les médias audiovisuels.
La presse écrite est soumise au régime de déclaration qui impose des
délais d’autorisation précis aux autorités administratives.
Cette catégorie qui pose d’énormes problèmes en terme de manquements à la déontologie, n’est guère concernée par la question de tolérance administrative, puisque la totalité des entreprises de presse qui publient à des périodicités variables ont souscrit à l’exigence procédurale de la déclaration. Le fait pour certains journaux de violer les règles de la vie privée par des pratiques illicites est inadmissible dans un Etat de droit.
Ainsi, quand une infraction à la loi pénale est
commise, toute personne qui en est informée est tenue de la dénoncer
auprès du procureur de la République ou l’officier de police judiciaire
compétent. D’où les différents procès observés suite aux listes publiées
sur l’appartenance aux sectes, aux homosexuels et aux détourneurs de
deniers publics.
Les médias audiovisuels, par contre, sont soumis au régime de
l’autorisation préalable. Ce principe est consacré par la loi du 19
décembre 1990 relative à la liberté de communication sociale et le
décret du 3 avril 2000 fixant les conditions et les modalités de
création et d’exploitation des entreprises privées de communication
audiovisuelle. Ce décret mentionnait dans ses dispositions transitoires,
à la date de sa signature, que les personnes physiques ou morales
propriétaires d’une entreprise privée de communication audiovisuelle
devaient dans un délai de trois mois se conformer aux dispositions du
susdit décret.
La réglementation exige le paiement d’une somme de 10 millions de Fcfa et 100 millions de Fcfa pour une chaîne de télévision émettant sur l’ensemble du territoire. C’est le non-respect de cette disposition qui fonde le principe de la tolérance administrative, c’est-à-dire la possibilité reconnue à des entreprises médiatiques fonctionnant illégalement avant le décret susmentionné, de régulariser leur situation.
Dans la réalité, ce délai de régularisation n’a
guère été respecté par la quasi-totalité des entreprises de ce secteur,
toute chose qui a conduit à la généralisation de l’illégalité observée.
[…] Les Etats généraux de la communication convoqués pour les 5, 6 et 7
décembre 2012 proposeront à l’issue de ces assises, des mesures pour
assainir le secteur des médias, dans le strict respect du principe de la
libre expression et du pluralisme médiatique en vigueur dans notre
pays. »
Cultes sous surveillance administrative
Enfin, pour ce qui est « du domaine du culte, avec particulièrement la
prolifération des Eglises dites réveillées, il convient de rappeler que
la liberté du culte et le libre exercice de sa pratique sont proclamés
par notre Constitution » a expliqué Philemon Yang. « Aussi, a-t-il
poursuivi, devrait-on permettre à tout citoyen d’exercer ou de pratiquer
la religion de son choix.
A ce jour, le tableau confessionnel légal de notre pays affiche 47 Eglises régulièrement autorisées à exercer. Sur le terrain malheureusement, la situation est tout autre au point où la prolifération incontrôlée des Eglises et autres groupements à caractère religieux est devenue un vrai sujet de préoccupation. La lutte contre cette prolifération incombe aux autorités administratives dans leurs unités de commandement respectives.
On note, par exemple, que certaines Eglises ont
été fermées pour tapage nocturne ou nuisance sonore. Pour prêter main
forte aux autorités administratives dans cette action, le ministère
chargé de l’Administration territoriale procède à une évaluation de
l’état des lieux en publiant régulièrement la liste des Eglises
autorisées. Comme on peut le constater, les dispositions sont prises par
les pouvoirs publics pour l’assainissement de ce secteur. »