Un code électoral unique débattu par les Camerounais.Le code électoral constitue la matrice principale de la vie politique et électorale de tout pays. Pour réussir son élaboration, les organisations camerounaises membres du Forum de la société civile pour la démocratie (Le Forum) adressent le présent plaidoyer qui tient lieu de modeste contribution à la construction et la consolidation de la démocratie dans notre pays.
Contexte
Le 21 mars 2011, la Plateforme de la société civile pour la démocratie
(La Plateforme), qui fait partie du Forum avait déjà adressé au
Gouvernement de la manière officielle un autre plaidoyer dans le but de
rendre public tout projet de texte portant code électoral afin qu’un
débat citoyen ait lieu avant son introduction au parlement.
Le 28 février 2012, sur instruction du président de la République, vous
avez bien voulu recevoir la société civile dans le cadre de ce qui est
appelé les consultations populaires. Nous avons à cette occasion été
surpris de ne pas recevoir de copie du projet de document sur ce fameux
Code électoral en préparation. Nous avons néanmoins pu de vous que la
société civile réunisse à Yaoundé des experts en questions électorales
en vue de vous faire des suggestions pour un processus crédible de
construction du Code électoral.
Le 9 Mars, nous avons pu tenir ces assises intitulées «Concertation
Nationale de la Société Civile de Code Electoral» (Conasc) et avons pris
un certains nombre de résolutions dont la première constitue ce
Plaidoyer qui se résume en une phrase : pas de code électoral crédible
s’il n’est pas précédé d’un débat public.
A- Fondement de notre démarche citoyenne
Les prochaines élections présidentielles s’avèrent capitales pour notre
pays dès lors qu’elles permettront de reconfigurer le Parlement et les
pouvoirs locaux sous l’ère de la décentralisation. Nous reconnaissons
l’intérêt que vous portez à ces échéances notamment par le truchement de
l’élaboration d’un code électoral unique pour toutes les élections,
exigence que depuis plus d’une décennie nous n’avons cessé de formuler
au niveau de la société civile.
Le code électoral, il convient de le rappeler, est fondamental et a
pour objectif de favoriser et de garantir une expression optimale et
transparente du suffrage universel. C’est lui qui organise le mode de
dévolution du pouvoir, les conditions d’éligibilité, et celles
nécessaires pour être électeurs. Il prévoit le régime des incapacités,
des incompatibilités, fixe la majorité électorale et le mode de
transmission de la souveraineté. Le Code électoral encadre enfin les
modalités de mise en place et de fonctionnement de l’Organe de gestion
des élections et fixe les conditions de la crédibilisation des
résultats.
Un code électoral se distingue par au moins deux principes : la
cohérence des dispositions y contenues d’une part et l’inexistence des
contradictions. Or les textes organisant les élections au Cameroun sont
exactement à l’opposé de cette conception.
Les contradictions, les incongruités et les aberrations qualifient à
suffisance les lois électorales actuelles au Cameroun. De jure, la
souveraineté nationale appartient au peuple (Article 2 alinéa 1 de la
Constitution du Cameroun). C’est dire qu’aucune tranche de la
population pour une raison ou une autre ne saurait se l’approprier, la
confisquer.
Et à contrario, aucune tranche ne devrait en être exclue. Il est donc
fondamental que le peuple souverain soit informé et Véritablement
associé à l’élaboration de ce texte déterminant qui organise la vie
électorale et les modes de dévolution du pouvoir.
Et en la matière, en sus des partis politiques, c’est la société civile
qui demeure la voie la plus représentative et la mieux porteuse des
aspirations du peuple. Ce faisant, nous ne dénigrons d’aucune façon la
qualité des juristes du Gouvernement qui ont effectivement participé à
l’élaboration de l’avant-projet de loi portant code électoral
actuellement dans vos circuits administratifs.
Au contraire ! Mais nous pensons que résolument inscrit dans un
processus de démocratie participative, il convient de répondre aux
exigences de cette dernière. En l’espèce, le processus de mise en œuvre
d’un code électoral ne devrait pas être confisqué par une fraction
sélective et pas assez représentative.
Ceci est notamment contraire à la démarche initiée par le Chef de
l’Etat, à la demande de la société civile, notamment dans le cadre des
consultations en vue de la mise sur pied d’Election Cameroon en 2006.
Sans doute, le chef de l’Etat avait-il compris le bien fondé qui est
celui d’associer les différentes forces pour la mise sur pied d’une
structure devant gérer la dévolution du pouvoir.
Raison pour laquelle il avait instruit que toutes les composantes de la
société civile soient consultées, même si nous déplorons le fait que
ceux qui vous ont précédé aient transformé ces consultations en
véritable escroquerie politique ayant débouché en loi sur Elecam
consacrant les insuffisances techniques des auteurs de l’avant projet de
loi.
Pour ce qui est de l’élaboration de l’avant- projet portant code
électoral, force est de constater qu’il n’y a aucune lisibilité
d’éventuelles consultations faites jusqu’ici dans le but de respecter la
démarche participative.
En l’espèce, pas de débat sur l’avant-projet en question. Sommes-nous
dans le cas de figure de la prépondérance de la raison d’Etat ou du
secret d’Etat?
Il appert nécessaire et urgent que le code électoral en cours de
préparation fasse l’objet d’un débat public et que ses concepteurs aient
le courage de se soumettre à la critique des experts électoraux
camerounais : c’est une question de responsabilité. Il est bien entendu
qu’il est de la compétence du Parlement d’examiner et de voter les lois.
Mais les dernières élections législatives témoignent à suffisance (au
regard du taux de participation et d’abstention d’une part , et des
fraudes relevées d’autres part) de ce que les membres de cette auguste
Chambre, ne jouissent pas du degré de représentativité nécessaire leur
permettant de s’exprimer de manière légitime au nom du peuple pour ce
qui est d’un texte aussi important et déterminant pour le devenir de la
Nation comme le Code électoral. L’objectif étant de doter notre pays
d’un code électoral unique inattaquable, irrécusable, et irréfragable,
nous pensons qu’il est de la plus haute importance que cette loi ne
subisse le sort de ses devancières.
Le Cameroun n’a pas à se doter d’un code électoral dans l’urgence
manœuvrière mais il est urgent que le Cameroun se dote d’un véritable
code électoral respectueux des principes démocratiques et dénué de tout
soupçon du fait de son efficacité, et de son adéquation à notre réalité
sociopolitique.
Voilà pourquoi il est de nécessité qu’après les consultations
unilatérales non adossées sur un avant-projet de texte, que le projet de
texte soit rendu public afin de permettre l’émergence d’un débat
citoyen sur la question.
Nous pensons que nous pouvons monsieur le Premier ministre, compter sur
votre esprit patriotique et surtout votre souci d’œuvrer pour la
stabilité au Cameroun. Il est clair que le Cameroun appartient à tous
les citoyens et non à quelques-uns.
Il nous semble donc urgent, au regard de la recommandation du chef de
l’Etat en 2006 dans le processus de construction de la loi sur Elecam,
au regard des incongruités constatées dans le texte de loi sur Elecam
(où les fonctionnaires se sont accaparés le processus de construction
pour servir enfin un texte qui fait honte aux éminents juristes
camerounais), que la société civile donne son point de vue sur cette
question cruciale et fondamentale qui engage le devenir de l’Etat.
Mais ce point de vue doit se faire sur la base d’un projet de texte
gouvernemental. Elle ne saurait être laissée en marge d’un processus
aussi décisif pour la consolidation de notre démocratie. La Société
Civile engagée pour la Démocratie tient à mettre en garde ceux qui, par
leur cupidité essayeront de confisquer le débat national sur
l’élaboration d’un Code électoral Crédible : ceux-là engageront leur
propre responsabilité étant entendu que les citoyens camerounais sont de
plus en plus déterminés à ne pas laisser détourner leur suffrage.
B- Notre proposition
Il est impératif qu’il y ait une réelle lisibilité sur votre
prédisposition à la transparence dans ce processus. Il est important
d’apporter notre modeste pierre à la construction de l’édifice qui est
la démocratie. Pour ce faire, une copie du document en cours de
préparation devrait être remise aux Osc de la Société Civile Consultées
et aux autres composantes sociopolitiques du Cameroun.
Ce projet de loi doit faire l’objet d’un débat préalable avant son
introduction à l’Assemblée Nationale. L’importance du débat préalable à
l’introduction de ce texte, impose de ce fait le report pour au moins 6
mois des prochaines consultations même si cela implique une modification
de la Constitution notamment en son article 15.
Je n’oserai pas ici épiloguer sur les conséquences du maintien de
l’opacité sur le processus de construction du Code électoral
camerounais.
Aussi, est-il indispensable de comprendre que si ce projet est envoyé au
Parlement sans être enrichi des contributions des différentes
composantes de la société politique et civile camerounaise, cela
constituerait un hold-up sur le processus démocratique et donc une
véritable provocation des citoyens.
C- Recommandations
Au regard de tout ce qui précède,
- Considérant que la session parlementaire Mars tire à sa fin sans que cette loi électorale soit soumise au débat,
- Considérant que les consultations menées par le Premier ministre ont
été essentiellement des prises de contact et que nous attendons toujours
des consultations adossées sur l’avant-projet de Code électoral;
- Convaincu de l’urgence de disposer un Code électoral un
Nous
- demandons au Chef du Gouvernement de rendre public l’avant projet de
loi portant code électoral afin que les citoyens camerounais avertis y
formulent leurs critiques ;
- Demandons au gouvernement de renoncer à toute idée de déposer un
projet de texte au parlement sans un débat préalable populaire sur la
question ;
- Proposons au Gouvernement la création d’une Commission quadripartite
d’experts chargée de travailler sur l’avant projet portant code
électoral. Cette Commission devrait regrouper des experts désignés par
le Gouvernement, la Société Civile, les partis politiques, Experts
Indépendants ;
- Demandons aux Parlementaires épris de transparence et attachés à la
crédibilisation de notre processus démocratique d’exprimer, au-delà des
chapelles politiques, leur patriotisme en refusant de statuer de manière
bâclée sur un projet fondamental portant sur le code électoral
Camerounais.
- Suggérons au président de la République de proroger le mandat des
conseillers municipaux et de faire proroger le mandat des députés afin
de créer les conditions adéquates pour un vrai débat sur le projet de
Code électoral.
- Recommandons au président de la République de convoquer une Session
extraordinaire de l’Assemblée Nationale exclusivement consacrée à
l’étude et à l’adoption du projet de Code électoral issu du gouvernement
et ayant fait l’objet d’un débat National ;
- En tout état de cause, nous réaffirmons notre détermination à initier
toute forme de mobilisation citoyenne et populaire légale afin de barrer
la voie à toute nouvelle escroquerie politique.
Fait à Yaoundé le 19 mars 2012 *Pour le Comité de Veille Citoyenne sur
le Code Electoral, Dr Hilaire Kamga, Porte Parole de la Plate-Forme de
la Société Civile pour la Démocratie
Me Emmanuel Sim, Co-rapporteur du Comité de Veille
Autres responsables du Comité de Veille Citoyenne
M. Victor Epie Ngome, Président du Cidi, Membre du Forum de la société Civile pour la démocratie
M. Philippe Nanga, Président Un Monde AVENIR, Co-Coordonnateur du Forum de la Société Civile sur la Démocratie