Le dernier bol d'air de liberté
L’interpellation suivie de la mise aux arrêts de l’ex-Premier ministre camerounais et l’ex-ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale, en détention préventive à la maison d’arrêt de Kondengui depuis hier, se sont faites de manière spectaculaire, au rythme et à la cadence d’une fiction hollywoodienne.
Palais de justice de Yaoundé au lieu de réputation célèbre et mémorable dit «Guantanamo». Il est un peu plus de 14 heures. Le climat et l’ambiance sont délétères, empreintes de frilosité, de suspicion et de mégalomanie. Dans un zèle effronté de flic qui leur est propre, une poignée des gendarmes et policiers qui ont tenté mais en vain, de disperser, les journalistes et les cameramen aux aguets se sont tassés. Quelques minutes après, on assiste à un changement de position du car « hiace » de couleur blanche, appartenant à la gendarmerie, qu’entoure une demi-douzaine de gendarmes. Ils ont l’intention de faire diversion en créant une espèce de voile, afin que personne ne constate comment l’ex-Premier ministre, Inoni Ephraïm, est embarqué manu militari, sans le moindre respect pour ses attributs d’ancien chef du gouvernement. Habillé d’un costume noir et tenant en main une grosse malette de couleur noire, l’ex-homme fort du pouvoir du régime du Renouveau qui annonçait dans une interview à une chaîne de radio étrangère, qu’il était le pilote de l’Opération Epervier, est désormais dans la nasse, happé par la spirale de l’oiseau rapace.
Il n’a même pas le temps de constater que son véhicule de couleur verte, de marque Mitsubitsi, immatriculé Ce 350 Bu, qui l’a amené sur les lieux, reste stationné dans l’enceinte du « Guantanamo », sans occupant. Le car « hiace », bourré de gendarmes le transportant et qui démarre en trombe, laisse perplexe, son épouse, Gladys Inoni, arrivée sur les lieux, une vingtaine de minutes avant, habillée d’un tailleur qui ressortait tous les arguments de sa sublime beauté. Celle qui jusqu’à il y a quelques années, était la « puissante » coordinatrice du Cerac (dont la présidente n’est autre que la première dame Chantal Biya), n’en croit pas ses yeux. Elle réussit à peine à contenir ses émotions pour ne pas s’effondrer, en voyant son époux, qui a régné sur la République, prendre tel un « malpropre », une destination qui en ce moment, lui est inconnue. « Où l’amène-t-on ? Que se passe-t-il ? Il va où ? » S’adresse-t-elle à un interlocuteur « absent » et sans visage. Hélas.
De nouveaux locataires à Kondengui
Bien avant l’ex-Premier ministre, Inoni Ephraïm, l’ex-ministre d’Etat de l’Administration territoriale chargé de la décentralisation, ex-secrétaire général de la présidence de la République, avait bu jusqu’à la lie, sa dose d’humiliation et de déconfiture. Sous le champ de regard des journalistes, des cameras de télévision et les observateurs curieux, celui que certains avaient commencé par considéré comme le « dauphin » de Paul Biya à la magistrature suprême, avait été conduit à la maison d’arrêt de Kondengui, dans une Toyota pick-up de couleur grise, immatriculée Ce 012 Ec, tenu en respect par cinq solides et costauds gars, qui menaçaient de l’étouffer sous étreinte. Dans la simplicité habituelle qui le caractérise, l’ex-ministre d’Etat de l’administration territoriale chargé de la décentralisation, habillé d’une gandoura de couleur blanche, avait déféré aux environs de 11 heures, au « Guantanamo », répondant à une convocation du juge d’instruction. Alors qu’il est entendu dans la salle à l’intérieur, la douzaine de ses « affidés », vêtus de gandoura, qui attendaient dehors, croyaient à une « partie » de plaisir, jusqu’à déchanter, lorsque, sous leurs yeux hagards et le regard éploré de son épouse, Marafa Hamidou Yaya est placé sous mandat de dépôt et conduit en prison.
En attendant d’en savoir plus sur les griefs et les chefs d’accusation qui pèsent sur les deux anciens hauts responsables du régime aujourd’hui en disgrâce, et incarcérés dans la prison de Kondengui, des sources bien informées font un rapprochement des deux hauts responsables avec certaines malversations financières et une « prise d’intérêt » sur la fortune publique, du temps où, ils étaient aux affaires à la présidence de la République, s’agissant du dossier concernant l’achat de l’avion présidentiel. On se souvient que les deux hautes personnalités avaient été épinglées par Yves Michel Fotso et le ministre d’Etat Jean Marie Atangana Mebara. D’autres sources rappellent que, la manifestation de la vérité ne pouvait se faire, tant que les deux acteurs continuaient d’être en liberté.
Souley ONOHIOLO
Focal. Une fuite en avant du débat sur le code électoral unique Les deux hauts responsables étaient
crédités, on se souvient, d’avoir pris une part active, dans la
réélection de Paul Biya en 2011. Au moment où, l’actualité depuis
quelques jours a pointé ses phares et cristallisé toute l’attention des
Camerounais sur l’adoption du très contesté code électoral unique par
les députés du Rdpc, la montée en puissance de l’opération
Epervier, avec l’interpellation des deux anciens hauts responsables
ayant occupé de hautes fonctions d’Etat, suggère plusieurs pistes
d’analyse. Près d’un mois après le grand bruit
provoqué par cet effet d’annonce, rien n’est fait. Certaines langues
affirment qu’on en est encore à réunir les pièces comptables des
différents dossiers. Les nouvelles interpellations que l’on estime être
la relance de l’opération Epervier, font parties des méthodes de
fonctionnement du régime. Lorsque l’on sait que le chef de l’Etat Paul
Biya, seul connaît l’agenda des arrestations et le timing, il y a lieu
de discourir sur « le temps du président ». |