Le Club Africain des Présidents à vie
Le Club Africain des Présidents à vie
(Kaba Bachir 15/04/2010)
Décrit comme un continent à la dérive, l'Afrique noire a paradoxalement la particularité d'avoir des présidents inamovibles. Arrivés pour la plupart à la tête de l'État par les armes, une dizaine de vieux dictateurs a survécu aux pièges tendus par leurs opposants, aux bruits de botte de leurs propres troupes et parfois à des guerres civiles aussi sanglantes qu'interminables.
L'Angolais Eduardo Dos Santos préside depuis plus d'un quart de siècle aux destinées d'un pays ravagé par un conflit qui s'est achevé il y a quelques années avec la mort de son rival Jonas Savimbi. Les routes, les ponts, les voies ferrées, les lignes électriques de cet eldorado pétrolier sont en partie détruits tandis que les campagnes sont restées truffées de 13 millions de mines antipersonnelles. Dos Santos a annoncé des élections pluralistes en 2005, auxquelles il a remporte.
Son voisin Denis Sassou Nguesso s'est emparé des clés du palais présidentiel de Brazaville en 1979. A l'époque adepte comme Dos Santos d'un marxisme léninisme tropicalisé, Sassou Nguesso a viré sa cuti lors de l'effondrement du monde communiste. Battu à l'occasion des premières élections pluralistes de 1992 par Pascal Lissouba, il est sorti vainqueur en 1997 d'une guerre civile entre l'armée et ses miliciens en juin 1997. 70% des Congolais vivent aujourd'hui au-dessus du seuil de pauvreté, malgré la rente pétrolière.
Un peu plus au nord, le président Omar Bongo a le mérite d'avoir assuré au Gabon une stabilité certaine. Son trait commun avec Eduardo Dos Santos et son parent Denis Sassou Nguesso, est d'avoir bénéficié des largesses d'Elf-Aquitaine. En 1999, sa sixième réélection avait été marquée par un nombre d'électeurs plus élevé que le nombre d'inscrits. Au pouvoir pendant plus de 34 ans, Omar Bongo s'était ouvert un boulevard institutionnel en supprimant la limitation du nombre de mandats pour le chef de l'exécutif. Et est reste au pouvoir pour le reste de sa vie.
A plus 68 ans, le «chef du village gabonais» confortait son image de «vieux sage» de l'Afrique. Il jouait ainsi les médiateurs dans les innombrables conflits qui déchirent la région. Mais a été toujours en rivalité sur cet inépuisable créneau avec le Togolais Gnassingbé Eyadéma decede quelques temps avant, doyen en âge à quatre jours près et qui resta aux affaires pendant plus de 37 ans.
Le plus ancien chef d'État de la planète après l'indéboulonnable Fidel Castro a commencé sa carrière par un coup d'État qui a coûté la vie à son prédécesseur Sylvanus Olympio. Gilchrist, le fils de l'ex-président, lui voue une haine tenace mais n'est jamais parvenu à le supplanter. Ancien sergent de la coloniale, «papa Eyadéma» avait brouillé les pistes en 2001 en assurant lors d'une visite de Jacques Chirac qu'il était bon pour la retraite. «Bien sûr que je partirai», avait-il affirmé sans convaincre. Puis il avait changé d'avis au dernier moment et fait modifier les règles constitutionnelles pour être triomphalement réélu en juin 2003. Mais son pays ne parvient pas à sortir de la crise économique dans laquelle il s'est enfoncé depuis 1993. Et l'absence d'alternative politique après des dizaines d'années d'une domination sans partage avec son fils aux affaires depuis dont le règne attise les frustrations. Personnage aussi rustique que haut en couleur, Gnassingbé Eyadéma entretiendra sa propre légende. Il se plaisait à raconter sa perpétuelle baraka. Le crash de son avion mais aussi un attentat qu'il mimait toujours avec entrain, jouant tour à tour les rôles de l'agresseur et celui du président. L'écrivain ivoirien Ahamdou Kourouma s'est inspiré du parcours du chef de l'État togolais dans En attendant le vote des bêtes sauvages, une satire féroce des chefs des juntes militaires africaines. Un titre né d'une remarque que lui fit un Togolais alors qu'il résidait à Lomé : «Si les hommes refusaient de voter pour Eyadema, les bêtes sortiraient de la brousse pour voter pour lui.»
Apres 26 ans de pouvoir sans partage de Mr. Sekou Toure, issu lui aussi du moule militaire, le Guinéen Lansana Conté a été d'une remarquable discrétion. Il n'accordait pas d'interview, ne livrait pas de discours mais laissait parler la propagande. Conakry, la capitale de la République de Guinée, était plongé en permanence pendant plus 20 ans dans la célébration forcée de son énigmatique homme fort. Cet homme qui a échappe aux derniers évènements de la classe ouvrière, un pays qui vient de célébrer ses 50 ans de "vide"... pas d'eau, pas de courant,... vient de vivre sous un autre règne de Dadis Camara un 28 Septembre noir et inoubliable.
Récemment enrichi par de formidables découvertes pétrolières, l'autre président guinéen, Teodoro Obiang Nguema, président depuis plus 25 ans de la Guinée équatoriale, se remet à peine du débarquement avorté de mercenaires sud-africains proches de Mark Tatcher, le fils de la dame de fer. Et d'un rapport du Sénat américain qui accusa la banque Riggs d'avoir abrité d'importants détournements de fonds au profit du président et de sa famille.
En rempilant sans doute pour sept ans à l'issue d'une élection dénuée de suspense, Paul Biya confirme sa place dans le cercle plutôt étendu des présidents africains au pouvoir depuis plus de vingt ans. Il est le benjamin en terme d'expérience d'un cénacle sur lequel le temps ne semble pas avoir de prise.
Issus en majorité de l'ancien pré carré français, les membres du club des présidents à perpétuité ont dans leurs rangs un spécimen rare venu des anciennes colonies britanniques, le Zimbabwéen Robert Mugabe. Dictateur depuis plus 24 ans, il n'a pas l'intention de prendre sa retraite. Mugabe dont la victoire aux consultations nationales seront contestées par l'opposition il y a quelques mois. Autrefois autosuffisant, le Zimbabwe est aujourd'hui au bord de la ruine sur un continent où la participation aux échanges commerciaux mondiaux est passée de 3,6% à 1,4% en vingt ans.
En somme, la limitation a deux quinquennats présidentiels non renouvelables, demeure en Afrique le seul moyen de repondre aux alternances, aux usures de pouvoir et permet de faire vivre la démocratie.
Que Dieu protège notre Afrique. Amen!
Amadou S Diallo, Washington: Cheick_10@hotmail.com
(Kaba Bachir 15/04/2010)
Décrit comme un continent à la dérive, l'Afrique noire a paradoxalement la particularité d'avoir des présidents inamovibles. Arrivés pour la plupart à la tête de l'État par les armes, une dizaine de vieux dictateurs a survécu aux pièges tendus par leurs opposants, aux bruits de botte de leurs propres troupes et parfois à des guerres civiles aussi sanglantes qu'interminables.
L'Angolais Eduardo Dos Santos préside depuis plus d'un quart de siècle aux destinées d'un pays ravagé par un conflit qui s'est achevé il y a quelques années avec la mort de son rival Jonas Savimbi. Les routes, les ponts, les voies ferrées, les lignes électriques de cet eldorado pétrolier sont en partie détruits tandis que les campagnes sont restées truffées de 13 millions de mines antipersonnelles. Dos Santos a annoncé des élections pluralistes en 2005, auxquelles il a remporte.
Son voisin Denis Sassou Nguesso s'est emparé des clés du palais présidentiel de Brazaville en 1979. A l'époque adepte comme Dos Santos d'un marxisme léninisme tropicalisé, Sassou Nguesso a viré sa cuti lors de l'effondrement du monde communiste. Battu à l'occasion des premières élections pluralistes de 1992 par Pascal Lissouba, il est sorti vainqueur en 1997 d'une guerre civile entre l'armée et ses miliciens en juin 1997. 70% des Congolais vivent aujourd'hui au-dessus du seuil de pauvreté, malgré la rente pétrolière.
Un peu plus au nord, le président Omar Bongo a le mérite d'avoir assuré au Gabon une stabilité certaine. Son trait commun avec Eduardo Dos Santos et son parent Denis Sassou Nguesso, est d'avoir bénéficié des largesses d'Elf-Aquitaine. En 1999, sa sixième réélection avait été marquée par un nombre d'électeurs plus élevé que le nombre d'inscrits. Au pouvoir pendant plus de 34 ans, Omar Bongo s'était ouvert un boulevard institutionnel en supprimant la limitation du nombre de mandats pour le chef de l'exécutif. Et est reste au pouvoir pour le reste de sa vie.
A plus 68 ans, le «chef du village gabonais» confortait son image de «vieux sage» de l'Afrique. Il jouait ainsi les médiateurs dans les innombrables conflits qui déchirent la région. Mais a été toujours en rivalité sur cet inépuisable créneau avec le Togolais Gnassingbé Eyadéma decede quelques temps avant, doyen en âge à quatre jours près et qui resta aux affaires pendant plus de 37 ans.
Le plus ancien chef d'État de la planète après l'indéboulonnable Fidel Castro a commencé sa carrière par un coup d'État qui a coûté la vie à son prédécesseur Sylvanus Olympio. Gilchrist, le fils de l'ex-président, lui voue une haine tenace mais n'est jamais parvenu à le supplanter. Ancien sergent de la coloniale, «papa Eyadéma» avait brouillé les pistes en 2001 en assurant lors d'une visite de Jacques Chirac qu'il était bon pour la retraite. «Bien sûr que je partirai», avait-il affirmé sans convaincre. Puis il avait changé d'avis au dernier moment et fait modifier les règles constitutionnelles pour être triomphalement réélu en juin 2003. Mais son pays ne parvient pas à sortir de la crise économique dans laquelle il s'est enfoncé depuis 1993. Et l'absence d'alternative politique après des dizaines d'années d'une domination sans partage avec son fils aux affaires depuis dont le règne attise les frustrations. Personnage aussi rustique que haut en couleur, Gnassingbé Eyadéma entretiendra sa propre légende. Il se plaisait à raconter sa perpétuelle baraka. Le crash de son avion mais aussi un attentat qu'il mimait toujours avec entrain, jouant tour à tour les rôles de l'agresseur et celui du président. L'écrivain ivoirien Ahamdou Kourouma s'est inspiré du parcours du chef de l'État togolais dans En attendant le vote des bêtes sauvages, une satire féroce des chefs des juntes militaires africaines. Un titre né d'une remarque que lui fit un Togolais alors qu'il résidait à Lomé : «Si les hommes refusaient de voter pour Eyadema, les bêtes sortiraient de la brousse pour voter pour lui.»
Apres 26 ans de pouvoir sans partage de Mr. Sekou Toure, issu lui aussi du moule militaire, le Guinéen Lansana Conté a été d'une remarquable discrétion. Il n'accordait pas d'interview, ne livrait pas de discours mais laissait parler la propagande. Conakry, la capitale de la République de Guinée, était plongé en permanence pendant plus 20 ans dans la célébration forcée de son énigmatique homme fort. Cet homme qui a échappe aux derniers évènements de la classe ouvrière, un pays qui vient de célébrer ses 50 ans de "vide"... pas d'eau, pas de courant,... vient de vivre sous un autre règne de Dadis Camara un 28 Septembre noir et inoubliable.
Récemment enrichi par de formidables découvertes pétrolières, l'autre président guinéen, Teodoro Obiang Nguema, président depuis plus 25 ans de la Guinée équatoriale, se remet à peine du débarquement avorté de mercenaires sud-africains proches de Mark Tatcher, le fils de la dame de fer. Et d'un rapport du Sénat américain qui accusa la banque Riggs d'avoir abrité d'importants détournements de fonds au profit du président et de sa famille.
En rempilant sans doute pour sept ans à l'issue d'une élection dénuée de suspense, Paul Biya confirme sa place dans le cercle plutôt étendu des présidents africains au pouvoir depuis plus de vingt ans. Il est le benjamin en terme d'expérience d'un cénacle sur lequel le temps ne semble pas avoir de prise.
Issus en majorité de l'ancien pré carré français, les membres du club des présidents à perpétuité ont dans leurs rangs un spécimen rare venu des anciennes colonies britanniques, le Zimbabwéen Robert Mugabe. Dictateur depuis plus 24 ans, il n'a pas l'intention de prendre sa retraite. Mugabe dont la victoire aux consultations nationales seront contestées par l'opposition il y a quelques mois. Autrefois autosuffisant, le Zimbabwe est aujourd'hui au bord de la ruine sur un continent où la participation aux échanges commerciaux mondiaux est passée de 3,6% à 1,4% en vingt ans.
En somme, la limitation a deux quinquennats présidentiels non renouvelables, demeure en Afrique le seul moyen de repondre aux alternances, aux usures de pouvoir et permet de faire vivre la démocratie.
Que Dieu protège notre Afrique. Amen!
Amadou S Diallo, Washington: Cheick_10@hotmail.com
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