Le Cameroun cherche urgement 800 millions $ pour résorber les pénuries d'eau
Le Cameroun cherche urgement 800 millions $ pour résorber les pénuries d'eau, criardes à Yaoundé
La Cameroon Water Utilities Corporation (CAMWATER), bras séculier de l'Etat en charge de la gestion des infrastructures, conduit un programme d'investissement de 800 millions USD, pour résoudre durablement le problème d'accès à l'eau potable qui touche tout le Cameroun, et particulièrement les deux principales villes du pays que sont Yaoundé et Douala.
Ce programme vise, globalement, à porter le taux national de desserte en eau potable, qui atteint à peine 35 % actuellement, à 60 % en 2015. Il s'agit aussi, à la même échéance, de réaliser 350 000 abonnés supplémentaires à la Camerounaise des eaux (CDE), société chargée de la production, la distribution et la commercialisation de l'eau, qui compte aujourd'hui moins de 270 000 abonnés.
Pour ce faire, CAMWATER compte, à travers la réhabilitation et l'extension des réseaux existants, augmenter la capacité de production des 106 centres de traitement et de pompage d'eau que gère CDE à travers le territoire camerounais. C'est dans cette optique que s'inscrit le projet de renforcement et d'amélioration de l'alimentation en eau potable de Douala, la capitale économique du Cameroun.
Financé par Eximbank Chine, le premier volet a concerné la construction de l'usine d'Ayatto, non loin de Douala, livrée en 2010 pour une production supplémentaire de 50 000 m3 par jour. Les travaux de la seconde phase, en cours d'achèvement, permettront d'injecter 100 000 m3 en plus des 200 000 m3 produits chaque jour.
Ce vaste programme de projets déjà réalisés, en cours ou encore en négociation concerne aussi Yaoundé, à travers la réhabilitation de l'usine de la Mefou ou la densification de celle d'Akomnyada, ainsi que 52 centres disséminés dans les 10 Régions du pays.
En attendant, le ministère de l'Eau et de l'Energie conduit depuis 2010 un programme hydraulique d'urgence en vue d'apporter l'eau potable aux quartiers périphériques de Yaoundé ou non desservis par CDE à travers la construction des forages, des mini- adductions d'eau et l'implantation de bâches alimentées en eau par les camions-citernes de Camwater.
Mais le ministère de l'Eau et de l'Energie tient à préciser que « ce programme hydraulique d'urgence n'est qu'une solution provisoire. Seul l'aboutissement du projet Sanaga dont les études d'avant projet détaillé sont presque bouclés, sur financement de la République populaire de Chine, viendra durablement, voire définitivement résoudre le problème d'eau de Yaoundé et ses environs.»
Pour le ministre de l'Eau et de l'Energie, la situation actuelle a une explication : « Pendant la longue période que les pouvoirs publics ont passé à chercher la meilleure formule pour réformer le secteur, il n'y pas eu d'investissement d'envergure. Parallèlement, les villes se sont agrandies, la population urbaine a augmenté, entrainant un accroissement des besoins en eau».
Par exemple, mise en service en 1985, l'usine de traitement d'Akomnyada atteint son seuil de saturation au début des années 2000. Faute d'extension, elle fonctionne aujourd'hui en surcharge, pompant chaque jour moins de 100 000 mètres cubes d'eau en direction de Yaoundé qui a besoin quotidiennement de près de 300 000 mètres cubes d'eau.
Conséquence : si dans certains quartiers populaires de la capitale du Cameroun les coupures d'eau sont moins importantes, dans d'autres l'eau n'a pas coulé des robinets depuis plusieurs années.
« Quand je me suis installé au quartier Jean Vespa en 2006, l'eau coulait encore. Mais au fil des ans la situation ne cesse d'empirer. En 2012, l'eau n'a pas coulé plus de 12 fois. Depuis le début de cette année, elle n'a pas encore coulé une seule fois », corrobore Abdouraman, directeur dans une administration publique.
En plus d'être rare, la qualité de l'eau laisse aussi à désirer. « Recueillez l'eau du robinet dans un récipient et laissez reposer, au bout de quelques instants des dépôts se forment au fond », se plaint Marie Ngono, une ménagère.
« On enseigne dans toutes les écoles qu'une eau potable est incolore, inodore et sans saveur. Or on veut nous convaincre que celle que CDE fournit aux populations est potable alors qu'elle est au moins colorée », s'insurge une étudiante.
Face aux coupures récurrentes et prolongées d'eau, les populations se débrouillent comme elles peuvent. La famille Kidah à la Cité verte, comme beaucoup d'autres dans des quartiers qui connaissent des coupures moins importantes, s'est procuré bidons et autres fûts qui permettent de faire des réserves d'eau.
Pour d'autres, avoir de l'eau potable relève d'une véritable gageure. Dans les quartiers où l'eau se fait plus rare, les populations parcourent alors de longues distances et bravent parfois l'insécurité à la recherche de forages et autres sources naturelles.
« Il faut se lever 4 heures du matin, car parfois si vous arrivez à 5 heures vous trouvez déjà une longue file d'attente. Heureusement que pour permettre à tout le monde de s'approvisionner, une même personne n'est pas autorisée à puiser plus de 3 seaux d'eau », explique un habitant du quartier Efoulan.