Laurent Gbagbo, président indétrônable

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Laurent Gbagbo, président indétrônable
(France2 31/12/2010)


Isolé sur le plan international, le président sortant ivoirien bénéficie malgré tout, à l’intérieur du pays, de leviers qui lui permettent de se maintenir au pouvoir au détriment d'Alassane Ouattara. Parcours d'un politicien habile. Par

Après avoir dirigé la Côte d’Ivoire sans mandat électif durant cinq ans, Laurent Gbagbo semble plus que jamais déterminer à se maintenir au pouvoir. "J’y suis, j’y reste !", affirmait le président sortant dans un entretien accordé à l’hebdomadaire "Jeune Afrique" la semaine précédant le premier tour du scrutin. Prémonitoire ?

Déclaré vainqueur de la présidentielle du 28 novembre par un Conseil constitutionnel acquis à sa cause, Laurent Gbagbo a réaffirmé aux trois émissaires de la Cédéao qui se sont rendus à Abidjan le 28 décembre qu'il était le seul et unique chef de l’État ivoirien. N’en déplaise à la communauté internationale, les Nation unies, l’Union européenne et l’Union africaine en tête, qui considèrent Alassane Ouattara comme seul président légitime du pays.

Isolé sur le plan international, Laurent Gbagbo bénéficie toutefois du soutien de l’armée et de plusieurs leviers qui lui permettent de se poser en chef du pays. Une capacité de résistance qu’il doit à ses années de militantisme socialiste, mais aussi, affirment ses détracteurs, à son habilité à "rouler ses adversaires dans la farine".

Du syndicalisme au palais présidentiel

Originaire du pays bété, dans l’ouest ivoirien, Laurent Gbagbo voit le jour le 31 mai 1945 dans le village de Mama, près de Gagnoa. Fils d’un catholique pratiquant, le jeune Laurent, pris de passion pour le grec et le latin, décide de suivre le chemin de l'enseignement.

Devenu enseignant en histoire et en géographie au Lycée classique d’Abidjan puis chercheur à l'Institut d'histoire, d'art et d'archéologie africaine (IHAAA), Laurent Gbagbo milite au sein du Syndicat national de la recherche et de l’enseignement supérieur (Synares). Un activisme qui lui vaut de séjourner quelques temps en prison.

Galvanisé par les manifestations étudiantes de février 1982 auxquelles il a pris part, le jeune syndicaliste durcit son opposition au régime du président Houphouët Boigny en fondant, cette même année, le Front populaire ivoirien (FPI), qui s’attire très vite les foudres du pouvoir.

Lors de l’instauration du multipartisme dans le pays, le chef de file du FPI, qui vient d'adhérer à l'Internationale socialiste, annonce sa candidature à la présidentielle d’octobre 1990. Contre toute attente, le camarade Gbagbo récolte 18,3 % des voix. La Côte d’Ivoire se découvre un opposant fougueux et bateleur qui - fait rare - ne craint pas de s’attaquer à la statue Houphouët.

À l’issue de l’élection présidentielle de 1995, qui doit désigner le successeur du défunt "père de la nation", Henri Konan Bédié s’adjuge le scrutin haut la main, mais Gbagbo n'en a cure : il sait que son tour viendra.

Cinq ans plus tard, le candidat du FPI remporte la présidentielle d'octobre 2000. Lors de la cérémonie d'investiture, son épouse Simone ne peut contenir ses larmes. Compagne de lutte de la première heure dotée d'une forte influence sur son mari au point de le convertir à un évangélisme fervent, la nouvelle Première dame savoure le couronnement de vingt années de combat politique.

À la tête d'une Côte d’Ivoire coupée en deux

A peine parvenu à la tête de l’État, Laurent Gbagbo échappe de peu à un coup d’État. Dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, des hommes armés venus du Nord profitent de son absence - il est alors en visite officielle en Italie - pour mener des attaques simultanées sur Abidjan, Bouaké (centre) et Korhogo (nord).

Repoussés par les forces gouvernementales, les insurgés se replient à Bouaké, où ils installent leur base. La Côte d’Ivoire est coupée en deux et s’enfonce dans la crise. Les partisans du président pointent du doigt le nordiste Alassane Ouattara qui, dénoncent-ils, bénéficient du soutien de "puissances étrangères", parmi lesquelles la France.

Entraînés par la milice des Jeunes patriotes, les pro-Gbagbo s’attaquent en 2004 aux intérêts de l’ancienne puissance coloniale. Malgré ses appels au calme répétés, le président ivoirien est régulièrement accusé par Paris d’attiser le sentiment antifrançais. Le divorce entre la France et la Côte d'Ivoire est consommé.

Un président qui a pris goût au pouvoir


L’accord de paix signé le 4 mars 2007 à Ouagadougou, au Burkina Faso, vient finalement relancer les espoirs des Ivoiriens éprouvés par cinq années de crise. Laurent Gbagbo annonce la tenue imminente d’une présidentielle qui, pourtant, sera reportée à six reprises.

L’ancien syndicaliste qui avait coutume de battre le pavé est accusé d’avoir pris goût au pouvoir et de tout faire pour empêcher l’organisation du scrutin. Finalement fixée au 31 octobre 2010, l’élection présidentielle oppose, pour la première fois dans la jeune histoire du pays, le trio Gbagbo-Ouattara-Bédié qui domine la scène politique ivoirienne depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny.

Aveuglé par des sondages qui le créditent d’une large victoire, le président-candidat se lance dans la bataille avec la certitude de l’emporter. Laurent Gbagbo se sent imbattable. Le 3 décembre, après une longue attente pour les électeurs ivoiriens, la Commision électorale indépendante annonce la couleur : Alassane Ouattara a obtenu 54,1% des voix, laurent Gbagbo, 45,9%. Depuis, Laurent Gbagbo n'a pas quitté le palais présidentiel.

Guillaume GUGUEN (texte)

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31/12/2010
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