Depuis son exil américain, l’artiste, leader d’opinion, se confie au Messager
Exilé depuis quelques mois aux Etats-Unis, l’artiste et leader d’opinion à polémique se livre en exclusivité au Messager. Lapiro de Mbanga parle de sa nouvelle vie, de ses relations avec le chairman du Sdf autant qu’il jette un regard sur le fonctionnement et les dédalles du microcosme politique camerounais. Avec du recul, Lapiro de Mbanga évoque le rôle des acteurs sociopolitiques ainsi que son implication militante au cours des années de braise. Que devient l’ancien bagnard de New-Bell? Evocation.
Depuis votre départ du Cameroun l’opinion reste sans nouvelles de vous. Que devient Lapiro de Mbanga?
Vraiment l'opinion camerounaise est tellement divergente que je
ne sais pas celle qui se préoccupe de ma personne et de mon être.
Toutefois, pour ceux qui tiennent vraiment à moi, ils savent comment me
trouver soit par téléphone, soit par Facebook soit par e-mail; quant aux
autres, ils se contentent de parler de Lapiro dans l'angle qui arrange
leurs intérêts et, lorsque ce n'est pas le cas, Lapiro devient un
traître et cette catégorie d'opinion j'ai appris à la connaître depuis
1991. Lapiro de Mbanga reste et demeure celui que j'ai toujours été,
celui que Dieu inspire pour réveiller les consciences des Camerounais et
ce, avant le retour forcé du multipartisme au Cameroun.
Qu’est-ce qui a décidé Lapiro de Mbanga à partir du Cameroun avec femme et enfants?
Plusieurs décennies après que j'ai sacrifié ma vie pour le
peuple camerounais dans l'ensemble, j'ai eu un déclic: tout le monde
parle d’Um Nyobe, Ernest Ouandié et tous les autres héros camerounais de
la première heure mais qui se préoccupe de leurs enfants? Où sont-ils?
Que font-ils? Je n'ai pas le droit de sacrifier mes enfants pendant que
les enfants de ceux qui pillent le Cameroun vont dans de bonnes écoles.
Raison pour laquelle j'ai pris la résolution de les amener hors du
Cameroun et ma femme qui a aussi souffert de ma détention arbitraire
sous Paul Biya.
Vous avez, pendant de longues années, été
un critique du régime Biya. Comment expliquer votre nouveau statut ? Les
menaces étaient-elles devenues plus fortes?
Je crois savoir que je suis de loin le seul critique de Biya.
Dans tous les cas, nous sommes au moins deux à le faire; il y'a bien sûr
moi mais il y'a lui-même aussi; il passe son temps à critiquer
l'inertie des individus qu'il choisit lui-même et ce, sans pression
aucune; il demande des feuilles de routes à ces valets de ministres
comme s'il n'avait pas un programme politique pour lequel quelques
"étrangers-Camerounais" disent l'avoir élu et je parle bien de ces
"étrangers-Camerounais" qui ont tous la double nationalité et qui vont
voter à l'ambassade de France au Cameroun. Biya connaît ses faiblesses
et il lui a manqué le courage d'un certain Laurent Gbagbo pour dire non à
la France et aux sectes que décrit Ateba Eyene afin que les Camerounais
soient d'abord une nation; Biya a littéralement échoué et il compte sur
la mort pour sauver sa tête, mais le mécréant a-t'il au moins pensé au
calvaire que vont vivre ses enfants après lui? Pour commencer, je ne
sais pas ce que vous appelez mon nouveau statut; c'est Fru Ndi qui
change de statut chaque fois qu'il rencontre son camarade de parti Biya;
Lapiro de Mbanga reste et demeure le même et rassure-toi quelques
Camerounais que je rencontre par-ci par-là me le reconnaissent et les
plus diplomates parlant de ce qui s'est passé en 1991 me disent ceci: «
Lapiro tu as eu tort d'avoir raison trop tôt; nous avons compris que tu
es le seul qui lutte vraiment pour les Camerounais et non pour tes
intérêts personnels »! Je n'ai pas eu peur des menaces pour commencer
tout seul mon combat avant le retour forcé du Cameroun au multipartisme
et ce n'est pas à mon âge que les menaces me font peurs. Je dis toujours
que le printemps arabe est arrivé parce qu'un illustre inconnu et
vendeur de fruits et légumes s'est immolé; Lapiro de Mbanga au Cameroun
n'est pas un vendeur de légumes.
Quels types de menaces avez-vous reçu ?
Vous pensez ne pas avoir de menaces et inquiéter le pouvoir en
place? Avec un système de voyous comme le gouvernement camerounais, les
menaces sont de tous ordres; le jour même de mon départ du Cameroun, un
officier de police est allé chez moi intimider les gens, a sorti le
pistolet de service et a tiré des coups de feu en l'air; selon vous, il
tournait peut-être les séquences d'un film policier?
Vous aviez l’ambition de vous consacrer à la rédaction d’un ouvrage. Peut-on en savoir plus?
A mon niveau, mon ouvrage est prêt; j’attends la traduction car il sort en français et en anglais
Vous avez affirmé avoir des divergences avec un certain nombre d’acteurs sociopolitiques. Qu’en est-il exactement?
Je n'ai jamais créée un parti politique au Cameroun, je me suis retrouvé
par la volonté des populations de Mbanga candidat à l'élection
municipale dans les rangs du Sdf en 2007 par conséquent, je ne pense
vraiment pas avoir des divergences réelles avec des gens que je ne
connaissais même pas à la base ; maintenant tout dépend du contexte de
la question à laquelle je répondais.
Les mêmes acteurs vous accusent d’avoir joué un rôle trouble au cours des années 90. Que s’est-il passé selon vous ?
En 1990, ces individus dont vous parlé étaient tous des
illustres inconnus au Cameroun. En 1990 il y avait le peuple camerounais
qui en avait marre et a choisi de rentrer dans la mouvance du
changement qui, parti de l'Europe de l'Est, est arrivé en Afrique. A ce
moment le leader de la contestation au Cameroun était Lapiro de Mbanga
et personne d'autre. Le peuple s'identifiait à moi, les jeunes
s'habillaient, se coiffaient et parlaient mon langage. Célestin Monga a
écrit une lettre ouverte à Paul Biya : La démocratie truquée; le 1er
janvier 1991 il part de chez moi vers 5 heures du matin accompagné de
son épouse. Nous venions de passer la Saint-Sylvestre ensemble. Quelques
heures après, sa femme m'appelle au téléphone pour m’informer que
Célestin vient d'être kidnappé par la police. Je démarre mon véhicule
pour aller à la recherche de Célestin Monga; à Douala, je retrouve
certaines des connaissances et c'est ainsi qu'on se met ensemble pour le
chercher. On le retrouve plus tard au poste de police de la PJ à
Douala; on décide alors de créer un comité de libération de Célestin
Monga qui s'étend après à la libération de Pius Njawé et Le Messager. Je
décide alors de faire des tracts en exclusivité en Pidgin que je fais
distribuer dans toute la ville. Dans ces tracts, je demande à la
population de descendre massivement au tribunal de Bonanjo exiger la
libération de Célestin Monga, Pius Njawé et Le Messager. C'est la
première fois que les Camerounais descendent dans les rues de Douala
depuis les années 60 pour exiger quoi que ce soit. En ce qui me
concerne, Monga et Pius libérés tout s'arrêtait là. Malheureusement, les
charognards et récupérateurs comme Dominique Djeukam Tchameni sont
tombés sur l'occasion pour mettre le Cameroun à feu et à sang; il était
accompagné des gens comme Ekanè Anicet, le député Nintcheu, Abraham
Tchato, Tchounkeu Sévérin Benjamin Zébazé pour ne citer que ceux-là; ces
individus ont tout fait pour me tuer et ce, avec la complicité du
pouvoir qui me trouve beaucoup plus extrémiste que les
pseudo-politiciens et qui s'avait qu'il n'avait aucune chance de trouver
des compromis sur le dos du peuple avec moi.
Avec un peu de recul, quelle lecture faites-vous du microcosme politique camerounais?
Où sont-ils donc ces Zorro d'hier? Ceux-là qui ont écrit dans
les journaux que Lapiro de Mbanga a trahi le peuple? Dominique Djeukam
Tchameni a-t-il déjà remboursé l'argent du contribuable camerounais que
Biya lui avait avancé pour son projet. qui a foiré? Les Camerounais
souffrent et ce n'est pas son problème car il préfère gérer en silence
son école Américaine. Abraham Tchato n'a rien pu faire pour New-Bell car
son bureau était devenu un casino pour joueurs de cartes alors que les
populations de ce quartier étaient en droit d'attendre encore de lui.
Sera-t-il toujours dans le Rdpc puisque sa prostitution en politique n'a
d'égale que le tour de passe-passe de cartes au poker? Le grand sponsor
des villes mortes Kadji Defosso qui négociait l'obtention d'une
amnistie fiscale a profité du boycott des produits des Brasseries du
Cameroun du fait du mot d'ordre qui avait été lancé à l'époque et il a
pris tout ce qu'il a reçu comme bénéfice à l'époque pour investir dans
le Rdpc en combattant Pierre Kwemo et le Sdf dans le Haut-Nkam.
On vous a vu très critique à l’endroit du
Sdf. Des raisons pour certains observateurs de penser que vous réglez
des comptes à votre ancien compagnon Ni John Fru Ndi ?
Fru Ndi n'a jamais été mon compagnon. Fru Ndi, s'il est un peu
honnête, doit prier pour moi et me dire merci car avant le 10 janvier
1991 personne ne connaissait ce libraire de Bamenda à Douala et c'est
moi qui l'ai présenté à la population de Douala. La toute première
sortie de Fru Ndi au Cameroun comme président du Sdf c'était à Mbanga et
c'est moi qui l'avais invité, j'ai dépensé de mon argent pour qu'il
installe le tout premier bureau du Sdf hors de Bamenda; la fameuse canne
à main dont on disait qu'elle arrêtait les balles lui a été donnée par
un individu dans mon domicile; j'étais dix milles fois plus populaire et
célèbre que Fru Ndi. C'est lui qui avait besoin de moi et non le
contraire; d'ailleurs il n'était pas le seul à solliciter mon amitié à
cette époque. Il ne me souvient pas être critique à l'endroit du Sdf.
Comme le Rdpc, le Sdf souffre de la mafia que l'Unc-Rdpc a infiltrée
dans ce parti et cette mascarade est minutieusement gérée par son
chairman à vie, c'est tout. Il faudrait que Fru Ndi ait le courage de
revenir sur terre car depuis 1992 il pense que les Camerounais sont
bêtes; Fru Ndi comme candidat, n'a jamais gagné une élection au
Cameroun; il confond l'adhésion de la volonté des Camerounais à changer
de président à cette époque et qui se sont tous alignés derrière la
force du changement et le Sdf. Fru Ndi et le Sdf ne peuvent pas gagner
les élections dans le Noun devant Adamou Ndam Njoya; ni nulle part
ailleurs au Cameroun. Alors il faut bien que le président du Sdf revoie
sa copie car pour le moment, il n'est que le sparring-partner idéal pour
Biya afin de bloquer et de nuire à la bonne marche de la politique au
Cameroun.
Je remercie de tout cœur le «Department of State» Americain qui a bien voulu m'accueillir avec ma suite dans ce pays plein d'opportunités. Ceci est très bénéfique pour mes enfants et l'ensemble de ma famille et je n'ai pas eu besoin d'être ici pour demander à ce que mes conditions de vie et celles de mes concitoyens soient améliorées. J'ai toujours mené mon combat tout seul donc, je ne suis pas intéressé par ce que font les autres au risque de retrouver les mêmes calculateurs de 1990 qui voulaient m'utiliser pour atteindre les sommets sans mon consentement.
Quels sont les projets de l’artiste et du défenseur des droits de l’homme?
Je projette de faire des tournées musicales ici et ailleurs;
pour l'instant, je m'occupe de mes enfants qui ont déjà tous commencé à
aller au High school, mon épouse qui va à l'école aussi et mon bilan
médical car je suis sorti de prison avec une maladie et Dieu merci en ce
qui concerne les institutions sanitaires, il n y a pas mieux. Je suis
invité dans les prochains mois au congrès Américain pour parler de mon
procès qui comme vous le savez, a fait le tour du monde et je vais
parler des conditions des détenus dans les prisons camerounaises et je
pense que ce n'est pas rien; ensuite, je suis invité par la fédération
internationale des droits de l'homme à Oslow en Norvège pour les même
raisons; vous comprenez bien que j'ai du pain sur la planche. Je vais
surtout dans les très brefs délais commencer un lobbying tous azimuts
pour Paul Eric Kinguè qui croupit en prison en violation flagrante des
textes que le Cameroun s'est donné et que les magistrats corrompus qui
gèrent le pouvoir politique avec Biya au Cameroun pensent devoir
tripatouiller comme bon leur semble. Je le dis ici haut et fort : honte
aux magistrats camerounais.
Des sources affirment que vous êtes décidé
à vous engager de manière active dans le jeu politique. Lapiro de
Mbanga créé un parti politique ou un organe de pression?
Je reste et demeure artiste musicien et leader d'opinion.