LA VERITE SUR PAUL BIYA
Le
mot de l'Auteur EBALE
ANGOUNOU Daniel St Yves LE DUR COPAIN DE
POPOL
En publiant
"Sang pour Sang", il va de soi que je suis sur le chemin de l'Exil, Devrais-je
en pleurer ou m'en réjouir ?
L'exil, de nombreux Camerounais y ont goûté
avant moi. Déjà avec la première République. Certains n'en sont jamais revenus.
Par option ou par contrainte. D'autres, plus heureux, ont pu effectuer un retour
au bercail. Je pense plus particulièrement à mon frère AbelEyinga. Le Président
Ahidjo de par ses méthodes totalitaires et extrémistes, avait amené bon nombre
de Camerounais à quitter leur pays pour des raisons de sécurité, parce qu'ils
sentaient leur vie menacée.
Avec l'arrivée de Paul Biya, un homme d'une toute
autre culture, on a attendu de grands changements. D'ailleurs de nombreux exilés
sont rentrés au pays en ayant fait foi au discours du Président. Mais la
deuxième ne va se distinguer absolument de la première. Je pense ici au Père
Jean-Marc Ela, figure emblématique de l'idéologie au Cameroun, réduit
aujourd'hui à l'exil. La fuite des intellectuels constitue une hémorragie telle
que le pays se vide de plus en plus de ses valeurs.
Mais il n'est guère
plaisant de partir. Même lorsque cela semble être une nécessité vitale, il y a
toujours au fond de nous quelque chose qui nous pousse à rester, qui nous force
à revenir ; quelqu'un, un souvenir, un sentiment etc ... Seulement, par instinct
de survie on se doit de partir, comme dans mon cas.
Mon nom est Ebale
Angounou. Je suis Camerounais âgé de 39 ans
au 27 mai 2001.
Je refuse
d'être traité d'opposant au régime de Paul Biya car, je n'en suis pas un. Je
m'oppose plutôt aux pratiques auxquelles il se livre pour se maintenir au
pouvoir. C'est d'elles qu'il est ici question ; je les exprime sans passion, en
veillant à dissocier la narration de mes états d'âme et de mes sentiments
personnels. Dans les rangs de l'opposition, je compte de nombreux amis dont je
suis fier, de même que j'en compte dans le cercle des amis intimes de Paul Biya
dont je fus un membre.
Considéré comme un défecteur en 1991, j'ai été
emprisonné dans le pénitencier de Kondengui à Yaoundé sous de fallacieuses
accusations qui m'ont valu d'être condamné à trente mois de prison. Je garde
encore des séquelles de cette affreuse détention exceptionnelle. C'est en étant
dans ces conditions que j'ai publié mon tout premier ouvrage " Paul Biya, le
cauchemar de ma vie", édité par Le Messager de Pius Njawé en octobre 1992. Bien
entendu, la vente et la circulation du livre furent interdites au pays. Il ne
put passer alors que sous le manteau. a plus que Pilate, qui n'était que
Gouverneur, il y a Paul Biya, qui est chef
d'Etat, donc doté de plus grands
pouvoirs qu'un Gouverneur, fût-il Ponce
Pilate. Qui donc me condamnera de
prendre la vie de qui je veux, ou de
donner la vie à qui je veux ? Pas
Jésus-Christ en tout cas, et encore moins
Dieu. ( Paul Biya, extrait d'une
correspondance particulière)
Le mot de l'Auteur
Chapitre I : Le
Pacte
Chapitre II : La Discorde
Chapitre III : Le Putsch
Chapitre IV
: Les Métamorphes
Chapitre V : Palais hanté
Chapitre VI : Les
homosexuels
Chapitre VII : Zoophile
Chapitre VIII : Jeanne-Irène et
Paul
Chapitre IX : Le Sanctuaire
Chapitre X : Messe à
Mvolyé
Chapitre XI : Le Baiser de Judas
Chapitre XII : Sorciers en
puissance
Chapitre XIII : Sanglantes Perspectives
Chapitre XIV : La
Leçon du Maître
Chapitre XV : Appendice
MOT DE L'AUTEUR
Je suis par ailleurs auteur et
éditeur de plusieurs autres ouvrages. Le plus remarquable d'entre tous
s'intitule "Sidéania", roman paru au Cameroun en octobre 2000. une histoire
d'amour bâtie autour du Sida. Je compte publier bientôt, "Les Cloches Folles" et
"Brume", deux romans.
J'ai également fait de la littérature politique qui ne
m'a pas du tout avancé. Dans mon pays, je suis la cible des dirigeants, qui
n'ont de cesse à me tenir à l'oeil, attendant le moindre faux pas de ma part,
pour avoir l'occasion de me renvoyer à "Yuma". Tout est parti de cette interview
par moi accordée au journal "Le Messager" en juin 1991, alors même que j'étais
devenu l'un des personnages les plus médiatisés du pays. J'avais alors menacé
d'étaler tous les "petits secrets" du Président de la République, par une
déclaration plutôt innocente, mais lourde de conséquences : "si j'ouvre la
bouche, le chef de l'Etat va démissionner".
C'est ici que j'ouvre la bouche.
Je n'attends pas de lui une démission mais je présume déjà de ses réactions.
Cest pourquoi j'ai dû auparavant prendre le large. Depuis que je suis présenté
comme un danger pour lui, je suis attentif à tout ce qui se passe autour de ma
présence en certains milieux, mon nom créant très souvent des susceptibilités
parfois difficiles à gérer, dans un pays où toutes les institutions sont à la
solde d'un parrain qui ne dit pas son nom. A quoi peut donc s'attendre un
citoyen qui a eu maillé à partir avec le chef de l'Etat ?
Si je suis encore
vivant dans mon pays après tout ce que l'on m'a fait subir, c'est bien par la
grâce de Dieu. Certes, je m'étais juré de ne plus me jeter dans un genre de
littérature. Mais je n'ai pu tenir parole. Je ne m'en plains pas, parce que
j'estime qu'il a fallu le faire. On ne saurait être complice de ce genre
d'homme, de ce genre de pratiques, en gardant le silence. Il est certain que ce
livre sera interdit au Cameroun, et que bien de personnes subiront les assauts
farouches de la sécurité du Président.
Amies lectrices,
Amis
lecteurs,
Libre à chacun de se faire une opinion après lecture de cet
ouvrage. Cela na change rien à mon sort, car même dans mon exil, je vais devoir
m'attendre à tout. J'ai connu Jeanne-Irène, cette femme que je vénérais presque.
J'ai aussi connu Roger Motaze, ce brillant officier. Tous nous avons été
victimes de Paul Biya, à la différence que moi je suis encore vivant. Pour
témoigner et rendre hommage à leur mémoire.
A mes enfants, à mes parents,
frères et soeurs, à mes amis et à tous ceux qui ne comprendront pas les raisons
de cet acte suicidaire, J'exprime ma profonde sympathie.
Ebale
Angounou
LE PACTE ENTRE AHMADOU Ahidjo et PAUL BIYA
Il voudrait démissionner de ses fonctions de président de
la
République. Mais il n'est pas facile de renoncer absolument au
pouvoir,
après l'avoir exercé pendant près d'un quart de siècle,
de manière
totalitaire. Il y a toujours quelqu'un qui vous force à revenir.
Alors, il
lui est venu dans l'idée de s'assurer une garantie ; quelqu'un qu'il laisserait
à sa place, et qu'il manipulerait à sa guise, en sorte qu'à travers cette
personne, il continuerait d'exercer le pouvoir, considérant qu'il se sera juste
retiré physiquement.
C'est qu'il doit avoir de sérieuses raisons pour
démissionner, car manifestement, rien ne l'y contraint. Cependant, il semblait y
avoir une urgence. Certes, çà et là, on évoque des raisons de santé. Mais le
Président Ahidjo est un homme de solennités, un homme à suspens, événementiel.
Il aime créer la surprise, et sait lui donner un cachet particulier. Il lui eût
été facile de positionner un tout autre successeur, en nommant un nouveau
Premier Ministre, et démissionner ensuite. Suivant les mécanismes de la
Constitution, le nouveau Premier Ministre qui succéderait à la tête de
l'Etat.
Entre le Président et son successeur, il se passa quelque chose de
très profond : un pacte. Car, Ahidjo voulut s'assurer la fidélité de Biya. Or,
Ahidjo était franc-maçon. Et Paul Biya lui avait été recommandé par Louis-Paul
Ajoulat. Ce parrain de Paul Biya était lui-même franc-maçon, une puissante
confrérie qui agit efficacement en milieux politiques.
A son retour de France
où il a suivi de grandes études, le jeune Paul n'est pas tout à fait imbu des
réalités et pratiques en cours en Afrique, qui demandent qu'on se compromette
lorsqu'on veut s'intégrer dans les hautes sphères du pouvoir. Le fait est que,
on ne peut pas faire certaines choses, sans faire certaines autres
choses.
Paul Biya est né le 13 février 1933 dans un village appelé Mvomeka'a,
arrondissement de Meyomessala, département du Dja et Lobo, au sud-Cameroun. Il
obtient brillamment un baccalauréat en 1956, au lycée Général Leclerc à Yaoundé.
L'ancien séminariste d'Akono et Edéa s'envole alors pour Paris où il suivra ses
études supérieures, au lycée Louis-Le-Grand, à l'université de Paris-Sorbonne, à
l'institut d'Etudes politiques et à l'Institut des Hautes Etudes
d'Outre-Mer.
Ces études seront sanctionnées par l'obtention d'une licence en
droit public en 1960, un diplôme de l'institut d'Etudes politiques de Paris en
1961, un diplôme de l'institut des Hautes Etudes d'Outre-Mer en 1962, et d'un
diplôme d'Etudes Supérieures en droit public en 1963.
De retour au pays en
1962 avec ATYAM Jeanne-Irène, une sage-femme originaire d'Akonolinga, qu'il a
rencontrée puis épousée à Paris au début des années 60, il va commencer un riche
parcours professionnel en pente ascendante, soutenu auprès de Ahidjo par le
docteur Ajoulat.
En octobre 1962, il est nommé chargé de missions à la
Présidence de la République ; en janvier 1964, il est directeur du Cabinet du
Ministre de l'Education Nationale, de la Jeunesse et de la Culture. En décembre
1967, il est fait directeur du Cabinet Civil du Président de la République, pour
devenir en 1968, le Secrétaire Général de la Présidence de la République. En
juin 1970, il est ministre d'Etat, confirmé aux mêmes fonctions. En 1975, il est
nommé Premier Ministre de la République Unie du Cameroun.
Ahidjo, pour
démissionner de ses hautes fonctions de Président de la République, se soumet à
ce calcul et cette précaution politiques qui consistent à placer comme
successeur, un inconditionnel, qui lui obéirait à l'œil et à la baguette. Ainsi,
non seulement il se met à l'abri de quelques désagréments, mais en outre,
l'influence qu'il exercerait sur son successeur lui permettrait d'orienter le
cours de la vie du pays.
Mais qui donc va être l'homme du Président ? Membre
de la Franc-maçonnerie, Ahidjo appartient aux cercles initiatiques. En
conséquence, il sait sur quelles bases lier quelqu'un. Or, son Premier Ministre
lui semble d'évidence l'homme de la situation : il réunit tous les critères
nécessaires I de par son parcours, il peut valablement le relever aux fonctions
présidentielles et de par sa psychologie, il ferait une bonne marionnette. Car,
Ahidjo croit avoir en face de lui un lâche, un timide, discret et effacé,
incapable de prendre ses responsabilités à proprement parler. C'est la personne
idéale en matière de manipulation. A travers lui, Ahidjo compte pouvoir
intervenir dans les grandes décisions du pays, bien que n'étant plus
officiellement aux affaires.
Mais le tout n'est pas là. Il faudrait que Paul
Biya prenne pleinement conscience de ce qu'il est et demeure un instrument ; il
faudrait qu'il sache que s'il est porté à la tête de l'Etat, il devrait le
considérer comme une faveur particulière du Président Ahidjo, et lui en être
forcément reconnaissant. Car, d'autres personnes, dans le pays, dotées d'une
plus forte personnalité, auraient pu être prisées par le Chef de l'Etat, à
l'instar d'Ayissi Mvodo, d'Eboua Samuel etc ... Le président a eu des critères
subjectifs et non objectifs, pour marquer sa préférence sur Paul Biya.
La
Constitution, le Président Ahidjo pouvait la faire et la défaire sans rencontrer
la moindre opposition. Il aurait pu disposer autrement que du Premier Ministre
en matière de succession, et personne n'aurait bougé le petit doigt. Il aurait
même pu, malgré les dispositions constitutionnelles, nommer ou désigner son
successeur, que cela se serait passé sans obstacle. Si bien qu'en laissant les
choses telles qu'elles se présentent, il met Paul Biya en position de lui
succéder car, telle est sa volonté. Mais ce poste, le futur Président doit
l'avoir sous une condition quelque peu saumâtre : un pacte.
Il y a alors un
rapport homosexuel entre les deux hommes, pour sceller le pacte. Si le
bénéficiaire de la mesure vient à trahir ou à violer les bases de leur pacte, il
mourra. Et, les bases du pacte sont simples : Paul Biya doit obéissance et
soumission à Ahidjo.
Cet acte d'homosexualité, Paul Biya ne va pas forcément
l'approuver. Mais si tel est le prix à payer pour devenir Chef d'Etat, il
accepte de le payer. D'ailleurs, il n'en est pas à son premier. Déjà, fils de
catéchiste, il devait fatalement côtoyer et fréquenter les vieux prêtres
missionnaires auxquels sa famille s'était liée. Nombre d'entre ceux-ci n'étaient
pas indifférents à la beauté et aux allures féminines de l'adolescent, en sorte
qu'il fut quelques fois victime des missionnaires pédophiles. Des scandales
furent plusieurs fois étouffés par son père qui tenait à ne pas hypothéquer sa
carrière de catéchiste à laquelle il devait tout, et qui lui valait au moins le
privilège d'être proche des missionnaires blancs. De nombreux avantages en
découlaient.
Au plan social, on avait un plus sur le reste des populations, à
tous les niveaux. Par ailleurs, on avait l'avantage de voir les enfants aller à
l'école, pris en charge par les missionnaires. Le cas de Paul
Biya.
LA
DISCORDE ( la rupture entre Ahidjo et Biya )
En
novembre 1982, Paul Biya devient le deuxième président du Cameroun. Il prête
serment sur la Constitution, loi fondamentale du pays. Ahidjo entre alors dans
l'histoire du pays en lettres dorées.
Les
deux hommes vont en parfaite harmonie, l'ancien Président poussant même son zèle
jusqu'à faire campagne pour son successeur dans sa région natale, le
nord-Cameroun ayant très mal accepté la situation. Il lui faut alors expliquer à
ses frères les raisons de son geste ; il doit les rassurer, leur garantir qu'en
réalité, le pouvoir reste entre leurs mains, et que fondamentalement, tout est
inchangé. Pendant ce temps, Paul Biya bat lui aussi campagne de son côté. C'est
donc ainsi que l'ex et le nouveau Présidents se lancent dans une vaste campagne
qui va embraser le pays tout entier.
Paul
Biya ne manque pas alors de signifier sa reconnaissance à son prédécesseur qu'i
qualifie, tout au cours de ses périples, et à la faveur de ses discours,
d'"illustre". De même, les concertations entre les deux hommes sont fréquentes
et régulières, le Président de la République marquant son obéissance et sa
soumission à son "illustre prédécesseur", en déférant à toutes ses convocations
tant à Yaoundé qu'à Garoua.
Avant
toute décision importante, Paul Biya va se référer à l'appréciation d'Ahidjo qui
doit lui prodiguer des conseils, lui exprimer ses idées, ses vues et orienter
les positions du Président.
Sous
le Président Ahidjo, les nordistes musulmans, de manière générale, bénéficiaient
d'avantages énormes, tant dans l'administration que dans le privé. Les
commerçants et autres corps de métiers originaires de la province du
nord-Cameroun avaient des faveurs particulières et spécifiques, qui les
rendaient privilégiés par rapport à leurs concitoyens.
Après
Ahidjo, certains ministres décident de mettre bon ordre à la chose. C'est ainsi
que Engo Pierre Désiré, alors ministre en charge du commerce, décide
d'uniformiser le règlement en matière d'attribution et de traitement des titres
de licence. Les commerçants musulmans se rendent bien vite compte que les
conditions favorables qui leur étaient un acquis ont changé. Alors, ils vont se
plaindre auprès d'Ahidjo, pour finir par réclamer la tête
d'Engo.
Ahidjo
ne va pas tarder à convoquer une fois de plus Paul Biya, pour lui parler de
manière condescendante en présence de ses frères du nord. Et, lui ordonne de
limoger le ministre Engo.
Paul
Biya, déjà exacerbé par les malaises en lui suscités au jour le jour du fait du
contrôle et de la pression que son"illustre prédécesseur" exerce sur lui, va
considérer cette injonction comme l'ultime et fatale goutte d'eau qui fait
déborder le vase. Il répond alors à Ahidjo que c'est la dernière fois qu'il
reçoit des ordres de lui.
En
réalité, il vient de réaliser qu'il n'y a qu'un seul Président dans un pays.
Tout est parti du constat selon lequel Ahidjo se sert de son statut pour
protéger les siens et améliorer leurs conditions de vie et veut l'amener lui
Biya à le servir, même en cisaillant les Béti, ses frères de
tribu.
La
rupture entre les deux hommes va alors commencer à se ressentir et s'accentuer.
Engo, limogé de son poste de ministre est nommé directeur général de la Caisse
Nationale de Prévoyance Sociale. Biya l'y éternisera.
Paul
Biya fera un premier échec à Ahidjo lorsque celui-ci proposera qu'il lui soit
disposé une voiture battant pavillon particulier, et une escorte motorisée qui
l'accompagnera à toutes ses sorties. Réponse du Président : "Et lorsque le pays
comptera, trois quatre, cinq anciens présidents, et que tous se déplaceront dans
ces conditions, les rues de la capitale seront-elles assez grandes à la fois
pour eux et pour le reste des Camerounais ?"
De
malaise en malaise, les rapports entre les deux hommes deviennent difficiles à
gérer. L'ex Président se fait alors soucieux de reprendre le pouvoir et de
régler à ce "prétentieux" de Biya ses comptes. Nous sommes sous le régime du
parti unique et l'Union Nationale Camerounaise (UNC) est le parti au pouvoir.
Ahidjo en est le fondateur et en demeure le président. A l'Assemblée Nationale,
tous les députés sont acquis à sa cause : ils sont députés UNC. C'est par là que
l'ex Président de la République compte culbuter son
successeur.
Il
fait alors passer secrètement, avec la complicité de ses plus proches amis du
parlement, un projet de loi qui ferait du président du parti, le Chef de l'Etat,
ayant pouvoir de nommer et de révoquer le Président de la République. Quelques
heures avant que le projet ne soit soumis à l'adoption des législateurs, Paul
Biya en est tenu informé ; un défecteur à l'Assemblée lui a mis la puce à
l'oreille. Le Président se précipite alors lui-même au Palais de Verre de Ngoa
Ekelle pour retirer la mouture qui l'aurait crucifié. Car, si ce coup avait
marché, il va de soi qu'Ahidjo lui aurait causé toutes les misères imaginables.
Déjà, l'ex Président n'avait caché qu'i ferait au préalable arrêter son
successeur pour détournement de deniers publics, avant toute autre forme de
procès. Sans plus tarder, le Président se dispose à récompenser le providentiel
informateur. C'est ainsi que, comme par coïncidence, celui-ci est nommé ministre
de l'information et de la culture. Il s'agit d'un certain Sengat Kouoh
François.
L'alors
colonel Ze Meka, directeur de la sécurité présidentielle, va être limogé ; le
Président trouve qu'il a l'alarmisme et le catastrophisme à fleur de peau
Certes, il faut être sur le qui-vive avec Ahidjo. Mais de là à suspecter des
officiers de l'armée et les faire arrêter simplement parce qu'ils ont invité des
collègues à prendre un pot dans un milieu discret, relève de la pure
fantasmagorie. Paul Biya n'a pas bien pris la chose du fait que les suspects du
colonel étaient originaires du nord. Autrement dit : un officier originaire du
nord n'a-t-il pas le droit d'inviter un collègue pour prendre un pot dans un
bistrot... ?
Mais
entre les deux ex compères, la situation va gravement se dégrader au point
qu'ils en arrivent à une guerre de communiqués, Paul Biya se servant des média
locaux pour dénoncer des complots d'atteinte à la sûreté de l'Etat, complots
réels ou supposés, et ne manquant pas au passage de mettre en garde certains
pays amis du Cameroun, s'associant aux
manœuvres
déstabilisatrices de ces hommes qui, fussent-ils grands, appartiennent néanmoins
au passé historique du pays. Allusion faite au Maroc.
Ahidjo
quant à lui, sobre dans ses réactions, se contente juste de dire que "Paul Biya
a la phobie des coups d'Etat". Or il se trouve, que le nouveau Président a prêté
serment alors que le mandat du président démissionnaire était encore en cours.
Ce qui veut dire autrement qu'il assume l'intérim. Alors, en fin stratège, il
décide de mettre fin au mandat d'Ahidjo, en anticipant sur les élections
présidentielles, auxquelles il est l'unique candidat.
Le
14 janvier 1984, il est élu président de la République. Pour Ahmadou Ahidjo en
exil, tout semble bien fini. Mais l'ex Président n'a pas encore dit son dernier
mot.
LE
PUTSCH
Mais quoi!
ne sont-ils pas liés par un pacte? Paul Biya ne
sait-il
pas que les termes de leur pacte ont été par lui
bafoués,
et qu'en conséquence, il doit mourir ? Dès lors,
il
doit s'attendre à tout, tant sur le plan physique que
métaphysique.
La
réponse ne va pas tarder, puisque le 6 avril 1984, des éléments de l'armée
restés fidèles à Ahidjo s'organisent autour du mouvement "J'OSE" pour renverser
Paul Biya. A défaut d'y parvenir, ils réussissent néanmoins à créer la panique à
Yaoundé et dans le reste du pays.
Très
réservé, Ahidjo, depuis Paris, déclarera : "Si ce sont mes partisans, ils
gagneront". Une assurance à laquelle Henri Bandolo, directeur du quotidien
gouvernemental Cameroon Tribune va s'attaquer passionnément, lui qui avait eu
des relations de choix avec Ahidjo. Mais la tentative de putsch va permettre aux
services de sécurité et de renseignements du Cameroun d'éprouver leur
efficacité. Car pour peu que les mutins eussent été plus intelligents et mieux
inspirés, ils auraient réussi leur coup, avec l'avantage de la surprise. Voilà
une faction de l'armée qui se mobilise derrière un colonel (Salé Ibrahim) avec
succès, sans qu'aucun obstacle n'y mette un terme. Où donc étaient les services
de renseignements pour que ces gens aient eu le temps de s'organiser
?
Lorsqu'ils
attaquent le Quartier Général, le commandant de cette unité stratégique, l'alors
colonel Asso'o Emane Benoît, se résout à la fuite, leur abandonnant son épouse,
que les autres se feront le plaisir de violer copieusement, en prenant tout leur
temps et leur plaisir. Ils vont contraindre le Général Semengue, le plus haut
gradé de l'heure dans l'armée nationale, chef d'état major des armées, à sortit
par le trou du climatiseur, pour se cacher ensuite dans la malle arrière d'une
voiture que va conduire son chauffeur, qui tenait dès lors le destin militaire
entre ses mains. En effet pour franchir le barrage érigé par les mutins, il dut
leur faire croire que le brillant officier général était coincé dans sa
résidence. Alors qu'on lui prête des pouvoirs de métamorphe et d'invisibilité
dont il aurait pu se servir en cette circonstance, pour échapper plus élégamment
et avec plus de noblesse à ses poursuivants. Ils s'en vont arrêter à son
domicile le délégué général à le sûreté nationale, Mbarga Nguélé Martin, chef de
la police, alors que celui-ci converse au téléphone avec un correspondant de
Paris qui l'entretient justement sur ce coup d'état. C'est un de ses neveux qui
va payer de sa vie l'acte de bravoure dont il se sera montré capable pour voler
au secours de son oncle. Ils vont mettre en fuite le ministre des forces armées,
Andze Tsoungui Gilbert. Ils vont également faire un certain nombre d'otages au
rang desquels le colonel Doualla Massango, Mbarga Nguélé etc
...
La
naïveté et l'amateurisme des mutins vaudront aux forces loyalistes de se
réorganiser et de préparer une riposte qui aura sauvé le fauteuil de Paul Biya,
et épargné le pays d'une spirale de violence et de règlements de comptes. Les
mutins sont fusillés du côté de Mbalmayo, et la vie reprend son cours
normal.
Mais
depuis lors, bien de choses vont changer tant chez Biya que chez Ahidjo. Le
premier n'a jamais connu des moments pareils ; il a cru que son jour était
arrivé. Il lui faudrait désormais utiliser toutes les voies possibles pour
assurer sa protection. Car il s'est rendu compte qu'Ahidjo est prêt à tout pour
reprendre le pouvoir. Et il a pris peur pour lui, pour le Cameroun aussi. Du
coup ses yeux se sont ouverts : qu'y a-t-il à s'encombrer de ces sacro-saints
principes de séminariste ? S'il veut réellement être Président, il doit se jeter
à l'eau et se mouiller. Pour faire une omelette, il faut casser les oeufs. Le
pouvoir ne peut être exercé avec des mains propres.
Le
second s'est rendu compte qu'il est en train de perdre absolument le pouvoir. Il
croyait qu'ils pouvaient ie partager tous les deux. Or, le pouvoir ne se partage
pas, i! en vit la triste expérience. Cela veut dire qu'il s'est fait doubler par
Paul Biya qu'il pensait pouvoir manipuler. Celui-ci lui montre qu'il s'est
affranchi de lui et peut faire cavalier seul. Alors, ne va-t-il pas lui rester
qu'à tirer les conséquences de cette douloureuse situation ? Pouvait-il avoir un
autre recours? Il a tenté la solution extrême, avec ses "partisans". Mais
ceux-ci ont lamentablement échoué et se sont retrouvés traqués sur l'ensemble du
territoire, puis froidement exécutés après un procès dont l'issue ne faisait,
pas de doute.
Paul
Biya va tirer les conséquences de ce putsch manqué. Dans la mouvance qui va
suivre, le ministre des forces armées est limogé, le ministre de
l'administration territorial, Fouman Akame Jean connaît un sort similaire ainsi
que Focbive Jean, directeur général du Centre National des Etudes et de la
Recherche (Cener), services secrets spécialisés du Cameroun, Le chef de la
police quant à lui suivra plus tard avec un sort relativement plus heureux,
puisqu'il sera fait chef de mission diplomatique.
LES
METAMORPHES
Aux
grands maux les grands remèdes. Paul Biya comprend enfin qu'on ne peut pas, dans
certains contextes, être chef
d'état,
sans tremper dans certaines pratiques. Il lui faut
alors
s'appuyer sur quelqu'un pour être introduit dans certains milieux. Pour être
Président du Cameroun, il lui faudrait être investi des pouvoirs traditionnels
des sages du Cameroun.
Il
doit y aller étape par étape. Pour éviter de subir un contre effet qui pourrait
plutôt lui être préjudiciable, comme le cas d'un ballon qui exploserait pour
avoir été gonflé plus qu'il n'en fallait.
Mais
le colonel Asso'o Emane Benoît, sur qui il s'appuie avec une particulière
dévotion, va lui proposer mieux : comme le commissaire divisionnaire Minlo'o
Medjo Pierre, directeur de la sécurité présidentielle, l'homme est originaire de
Djoum, un arrondissement du Dja et Lobo, la province natale du chef de l'Etat.
Dans cette contrée, vivent des pygmées, êtres humains évoluant dans des
conditions à la limite sauvages, à mi-chemin entre les dimensions animale et
humaine.
Evoluant
dans les brousses de Djoum à travers leurs campements de pygmées qu'ils doivent
changer et renouveler du jour au lendemain en de mystérieux mouvements
migratoires, ils détiennent des connaissances et des secrets qui ne sont pas à
la portée des hommes modernes. Cela est dû à la proximité de la condition
animale qu'ils vivent pleinement tout en demeurant plutôt paradoxalement, des
hommes. Certes sauvages, mais des
hommes
tout de même.
Dans
leur maîtrise de l'alchimie animale, ces hommes sont dotés de pouvoirs
extraordinaires. La connaissance parfaite des secrets de la forêt et de la
brousse fait qu'ils puissent se métamorphoser, par des rites et des techniques
spécifiques, en animaux ou en plantes de leur choix. C'est grâce à ces pratiques
qu'ils parviennent à vivre dans les forêts, parmi les animaux, et à maîtriser
les lois et règles du milieu, pour s'y adapter et s'imposer. Ils peuvent alors
vivre tranquillement de la pêche, de la chasse et de la
cueillette.
Le
colonel Asso'o est bien connu dans certains campements. Il n'est d'ailleurs pas
seul à les fréquenter ; bon nombre de Camerounais vont vers les pygmées,
conscients des pouvoirs que possèdent ceux-ci. Ils recherchent alors des
avantages de toutes natures, des recettes et autres philtres. Il leur suffit de
tomber sur de bons pygmées, pour voir leurs rêves devenir une
réalité.
Asso'o,
commandait du quartier général de l'armée, avait la réputation de garder un lion
dans sa résidence. Ce lion, en général, ne se manifestait que dans la nuit,
lorsque la maison plongeait dans le silence total. Alors les éléments en faction
à la résidence du colonel entendaient des rugissements répétés qui semblaient, à
dessein, les préparer à ce qu'ils allaient voir.
Puis
il apparaissait, le lion, majestueux, souple, seigneurial, mais prudent; il
gardait une bonne distance, marchait lentement, comme faisant le tour du
propriétaire, puis disparaissait dans les ténèbres de la concession. On ne
savait pas alors où il allait s'établir pour se reposer. Certaines langues
prétendent qu'il avait une chambre dans la maison, puisqu'il n'y avait nulle
part de cage de lion. Il n'y avait même pas le moindre élément permettant de
traduire qu'un lion existait dans la concession. Pas même des dispositions
alimentaires spéciales.
Tout
ce qu'il y avait, juste des consignes régulièrement et rigoureusement passées
aux soldats en faction chez le colonel ; on les prévenait de ne pas s'effrayer
si un lion apparaissait dans la concession, de ne pas l'effaroucher ou le
provoquer de quelque manière que ce soit. A la limite, le regarder tout juste :
il est de la maison et ne fait de mal à personne.
En
réalité, c'est le colonel qui se métamorphosait en lion, car il est métamorphe.
Et en cela, il est de ceux qui se font appeler des
hommes-lions.
Homme-lion,
Paul Biya en est devenu un aussi, entrant non seulement dans la grande famille
des métamorphes, mais surtout dans celle plus particulière des "félins", clan
des hommes-lions. Pour en arriver là, il a été parrainé auprès des pygmées de
Djoum par Asso'o Emane Benoît.
Mais
il n'y a pas que des hommes-lions autour du chef de l'Etat. De nombreux
métamorphes sont avec lui, appartenant à diverses familles animales, à diverses
espèces, à divers clans. Dans le cadre de certaines rencontres spécifiques, ils
revêtent, tous leurs formes animales. Cette technique n'est pas que dispensable
par les pygmées de Djoum. Même dans les pratiques de sorcellerie pure, de
nombreuses personnes prennent la forme animale de leur choix. C'est un phénomène
bien connu dans les milieux des chasseurs, en Afrique. Plusieurs fois on a
condamné en justice un chasseur qui était convaincu de tirer sur un animal,
alors qu'on retrouvera au lieu de l'animal, un être humain bien connu. Si bien
que de nos jours, les chasseurs doivent utiliser certaines formules pour
apporter la matérialité de leurs allégations.
Dans
certaines tribus, le phénomène des totems est si courant qu'il ne fait plus de
mystère étant entendu que lorsqu'on tue un animal dans de particulières
circonstances, on attend l'annonce du décès d'une personne humaine correspondant
à cet animal. Le principe est valable chez les métamorphes. Lorsque quelqu'un se
métamorphose en animal, en oiseau etc ..., il subira dans sa condition humaine
le traumatisme physique qu'il aura subi dans sa condition en métamorphose.
Autrement dit, si on tue une personne métamorphosée en animal, elle sera
retrouvée morte en lieu et place dudit animal.
C'est
quelque chose qui a failli se produire une fois déjà au Palais de Mvomeka'a. un
soldat de la garde présidentielle descendait de sa faction, arme en main. Il
aperçoit soudain un lion à une certaine distance de lui. Il prend peur et
panique, arme son pistolet mitrailleur et s'apprête à tirer. Mais des éléments
de la sécurité présidentielle qui avaient pour mission de suivre le lion pour
veiller à sa sécurité, le devancent et l'abattent. Pour protéger le
lion.
Mais
un lion vaut-il une vie humaine, fût-il le lion du Président, comme pensaient
les exécuteurs ? En réalité, il s'agissait du Président lui-même. L'élément de
la garde présidentielle ne savait pas qu'il allait abattre son Président
métamorphosé en lion. Ceux de la sécurité présidentielle ne savaient pas eux non
plus qu'ils protégeaient non le lion du Président, mais lui-même. Car, Paul Biya
est un homme-lion. Lorsque, à la faveur de ses campagnes, il se déclare tel, il
ne s'agit guère d'un jeu de mots ; il n'y a rien d'aussi
vrai.
Mais
alors, pourquoi se transforme-t-il en lion ? Les métamorphes choisissent une
forme animale à dessein. Il s'agit de l'animal dont ils voudraient avoir des
traits de caractère. Celui qui choisit le lion épouse et revêt ses caractères :
courage, force, dynamique, autorité, puissance, domination etc... En se
retrouvant dans la forme de l'animal, on effectue une sorte de ressourcement,
pour se redynamiser et cristalliser en soi les caractères prédominants chez
ledit animal.
LE
PALAIS HANTE
Pour
le Président Ahidjo, tout n'est peut-être pas encore perdu ; n'y a-t-il pas une
dernière carte, le joker à abattre ? !
Paul
Biya n'est que scélérat, un renégat qui l'a trahi, lui
m
Ahidjo, l'homme qui l'a créé, construit, hissé au firmament de la gloire, au
point de le porter si haut qu'il n'en revient pas lui-même. Car en réalité, rien
ne le prédestinait à un si grand destin. Est-ce ainsi que l'on va remercier
quelqu'un qui vous a porté si haut ? Ahidjo en crève de rage. Il jure d'avoir sa
vengeance. Il a perdu une bataille, deux ou trois même, mais il s'agit d'une
guerre. Et, cela est une autre paire de manche. Il peu encore
gagner.
Le
pouvoir est absurde. Sa quête rend fou. Le Président Ahidjo ne veut pas entendre
raison, et ne peut pas se rendre à l'évidence. Il n'a plus rien ; il n'y a plus
d'armée qui lui soit acquise, justes des sympathisants épars et disséminés çà et
là, incapables d'ailleurs de confesser publiquement leur sympathie à celui qui
fut " le père de la nation", par peur de représailles
subséquentes.
Les
personnes sur lesquelles il aurait pu compter ont été écartées des affaires de
l'Etat, à l'instar de Ngwa Samuel, son dernier délégué général à la sûreté
nationale. Viré par Paul Biya après vingt sept années à la tête de la police, il
est remplacé par l'alors directeur des renseignements généraux de la sûreté
nationale, Mbarga Nguélé Martin qui, en moins de deux heures partira du grade de
commissaire principal à celui de commissaire divisionnaire, question d'être au
même niveau que les autres divisionnaires, puisque dans la même tranche de
temps, il allait être nommé, puis installé au poste de délégué général à la
sûreté nationale, en remplacement de Ngwa Samuel, soupçonné d'intelligence avec
Ahidjo. Dans les coulisses du palais, on disait que l'ex-délégué venait de
recevoir d'Ahidjo une motivation de trois cents millions de francs CFA non
dévalués (nous sommes en 1983), pour faire passer dans le pays des armes qui
serviraient à renverser le Président. Vraie ou fausse information ? Les mêmes
sources firent en tout cas lieu de ce que le chef de l'Etat, ayant convoqué le
délégué seulement quelques heures avant sa disgrâce, lui intima l'ordre de
reverser cette somme au trésor public. Ce que l'autre aurait
fait.
Mais
l'ex délégué à la sûreté nationale, dit ne rien reconnaître de ce qui lui fut
reproché. Un jour après son limogeage, il reçut la visite d'un de ses anciens
collaborateurs, Kwende Alfred, un haut cadre de la police camerounaise, alors
directeur adjoint de l'école nationale supérieure de police de Yaoundé. Celui-ci
fut reçu ainsi par l'ex patron de la police dans ce
qui
était la résidence officielle, en présence de l'auteur du présent ouvrage, déjà
"fils" de l'ex comme du nouveau délégué général. Ngbwa Samuel, la main sur le
cœur, affirmait et soutenait son innocence à son interlocuteur et ancien
collaborateur, venu lui exprimer sa sympathie.
Ahidjo
n'a donc plus personne dans l'appareil de l'Etat, pour lui donner un sérieux
coup de main. Paul Biya a placé ses pions à tous les niveaux, et restructuré les
données politiques et administratives : les provinces du centre-sud et du nord
vont connaître un éclatement, en sorte qu'on ait plutôt le centre et le sud,
deux nouvelles provinces distinctes, et l'adamaoua, le nord et l'extrême-nord,
trois nouvelles provinces. De même, le parti unique, l'UNC va, à la faveur du
congrès de Bamenda, devenir le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais
(RDPC), une fondation de Paul Biya. Le dernier label de Ahmadou Ahidjo se sera
donc écroulé.
Toutes
ces vues ne sont pas pour le conforter. Il va alors user d'une technique propre
aux initiés pour s'attaquer directement à Paul Biya : le dédoublement. Il s'agit
de cette faculté qu'ont développée et acquise certaines personnes rompues aux
sciences hermétiques, d'être présentes physiquement en plusieurs lieux à la
fois.
C'est
donc ainsi que la paix et la sérénité vont être saignées au Palis de l'Unité, où
Ahidjo se manifeste désormais de manière inopinée et intempestive. On le
rencontre dans les couloirs, les allées et autres pièces personnalisées. Il
apparaît dans les chambres et les cuisines, mettant en fuite leurs occupants. Il
apparaît dans les salons, la bibliothèque, les bureaux privés, créant à chaque
fois des remous, arme au poing, vraisemblablement à la recherche de Paul Biya
pour l'abattre assurément.
Tout
à fait conscient de la gravité de la situation, le Président qui, à plus d'une
reprise, a échappé à son prédateur, finit par passer des consignes à ses
services de sécurité : il faut tirer à vue sur Ahidjo. Mais la situation n'est
guère plaisante car Paul Biya doit se faire garder jusque dans les lieux les
plus intimes, par peur d'être surpris en quelque lieu isolé par son chasseur qui
ne manquerait pas de le canarder.
Le
dédoublement, dans les sociétés ésotériques est pratiqué par tous ceux qui ont
atteint un niveau respectable dans leur parcours. Chez les sorciers, il s'agit
de tout ce qu'il y a d'élémentaire, d'un préliminaire. De nombreuses personnes
pratiquent le dédoublement avec une parfaite maîtrise de cet exercice. Bien
entendu, Ahidjo prend des risques et en est fort conscient. C'est pourquoi il
veille à ne pas s'attarder sur un lieu dès qu'il apparaît. Une balle, un violent
choc physique, et il sera dans de vilains draps.
Il
faut y mettre rapidement un terme. L'atmosphère du Palais devient invivable,
avec cette menace d'Ahidjo qui y sévit dangereusement. Paul Biya a alors recours
à l'Archevêque de Yaoundé qui, à l'heure de Nicodème, va procéder à des rites au
Palais de l'Unité. Mais peine perdue, car Ahidjo continuera de se manifester,
toujours plus menaçant. Le Président va alors faire appel à son maître spirituel
Dayas Ekwe, éminent Rosicrucien. "Il ne faut pas violer un pacte", lui
recommandera celui-ci. Cette réaction amènera Paul Biya à ternir ses rapports
avec son maître.
N'ayant
eu aucun succès dans le pays alors que la menace d'Ahidjo pèse de tout son poids
sur lui, Paul Biya va alors recourir à la diaspora en faisant appel à un grand
maître occidental qui ne va pas tarder à répondre présent. Grâce à l'action de
celui-ci, la présence maléfique d'Ahidjo va être jugulée : l'ex Président
n'apparaît plus au Palais de Biya ; ses pouvoirs ne peuvent plus franchir les
portes d'Etoudi. Le grand maître de l'AMORC aura bien mérité les 07 milliards de
F CCFA que le Président Biya lui offrit après ses rituels.
Ahidjo
vient de perdre définitivement Etoudi, et n'a plus nul espoir de prendre encore
le dessus sur Paul Biya. Alors, il craque et disjoncte. Dans sa résidence en
banlieue de Paris, le Président déchu passe le plus clair de son temps à hurler,
maudire, exprimer sa colère, injurier Paul Biya, proférant des imprécations
contre le Cameroun et les Camerounais. Il est alors atteint d'une violente crise
de nerfs, et refuse toute consolation : Paul Biya l'a trahi et lui a menti;
voilà la quintessence de son message.
LES HOMOSEXUELS
Quelles
connaissances avez-vous des Maisons Secrètes de la Rose-Croix et des initiations
y afférentes ?
Telle
est la question posée par le grand
maître
de l'AMORC à Paul Biya à l'issue des travaux spirituels par lui réalisés au
Palais. Il eût été aberrant que ce grand chef de l'ordre de la Rose-roix ne
s'intéressât pas particulièrement à son hôte dans le cadre de ce qu'ils avaient
en commun, c'est-à-dire la confrérie. Et dans le cas d'espèce, il s'agit de
rapports entre maître et élève.
Le
Président Biya n'a encore subi aucune initiation préalable, liée au contexte
exprimé par son allocutaire. Celui-ci va alors le soumettre à des initiations
spécifiques. La rencontre avec un grand maître a quelque chose de particulier,
en ceci qu'elle laisse toujours des marques indélébiles. Ils ont des gestes, des
paroles, qui ne sont pas du commun.
L'émnentRosicrucien,
après avoir "lavé" Paul Biya, l'engage à un rapport homosexuel. Ceux qui sont
membres des sociétés initiatiques s'y prêtent selon une technique propre aux
initiations par eux reçues. Dans ces milieux, on prétend que Jésus Christ était
lui-même passé par là, pour cause qu'il était un homme, et qu'en tant que tel,
il est passé par les écoles des hommes. Ils prétendent que Jésus a lui-même été
initié à la magie sexuelle, dans un temple égyptien par une prêtresse dudit
temple. Et même, ils soutiennent que Jésus Christ était un
homosexuel.
Paul
Biya, développant un jour cette idée devant des auditeurs attentifs parmi
lesquels l'auteur du présent ouvrage, dans le cadre de ses "causeries
éducatives", n'a pas manqué de s'appuyer sur les Saintes Ecritures pour étayer
ses arguments. Il entraîne alors ses auditeurs dans l'Evangile de
Jean.
C'est
la Sainte Cène. Jésus est avec les 12 Apôtres. Parmi les 12, il y a celui qui
aime à se désigner en des termes très équivoques : "le disciple que Jésus
aimait". C'est précisément l'auteur du quatrième évangile, Saint Jean. De tous
les disciples et apôtres, il est le plus jeune. C'est peut-être la raison pour
laquelle le Christ semble avoir une affection particulière pour lui, parce qu'il
est encore qu'un enfant. Mais il y a quand même quelque chose de curieux dans
cette manière de dire : "le disciple que Jésus aimait". Est-ce à considérer
qu'il n'aimait pas les autres disciples ? Ne dit-on pas de lui qu'il aime tout
le monde ?
La
question va se compliquer dans le verset 23 du chapitre 13, quatrième évangile :
"un des disciples, celui que Jésus aimait, était couché sur le sein de Jésus".
Et cela paraît à la fois curieux et déplacé. Dès lors, le terme "aimait" revêt
un sens plutôt suspect. Il est évident que ces gens ne sont pas à table, mais
sont plutôt couchés. Et ce repas se prend selon la formule de l'époque, non
autour d'une table mais bien sur des divans, avec la nuance que celui que Jésus
aimait était couché auprès de lui, sur le divan, en ce comportant curieusement
comme une femelle, puisqu'il était tantôt couché sur le sein du Seigneur, et
tantôt penché sur sa poitrine, attitudes strictement fémnales (verset 25), dont
l'évidence va être marquée par le verset 24 : Jésus et celui qu'il aimait
étaient à part du groupe. Simon-Pierre n'aurait pas eu à faire signe à l'autre ;
il aurait pu personnellement poser la question à Jésus. Mais gêné manifestement
par l'écart qui les séparait, il a préféré faire signe à celui qui était couché
sur le sein du maître. "Et ce disciple, s'étant penché sur la poitrine de Jésus,
lui dit : Seigneur qui est-ce ?" (Jn. 13, 25).
Après
la Cène, Jésus et son groupe se rendirent au jardin de Gethsémni, selon Marc.
Jean se contente juste de citer vaguement "un jardin" où devait se poursuivre ce
qui avait commencé avec la cène. Jésus est finalement arrêté. Marc précise qu'un
jeune homme le suivait. En veillant à éluder son identité. Jean par contre n'y
fait même pas allusion. Mais on sait qu'il n'y avait de jeune homme dans le
groupe que Jean, adolescent. Mais ce détail, dans le cadre de l'identité n'est
guère important dans l'idée de l'évangéliste. Seulement, le geste de ce jeune
homme qui suit Jésus alors que tous les autres ont fui, traduit sa fidélité et
son attachement au Seigneur. Néanmoins il y a à considérer que le jeune homme en
question et le disciple que Jésus aimait sont une seule et même personne,
c'est-à-dire Jean.
Et
subitement, coup de théâtre dans Marc 14 : au verset 51, il est dit qu'un jeune
homme le suivait, n'ayant sur son corps qu'un drap. Les agresseurs de son maître
se saisissent de lui. Mais lui, au verset 52, lâche son vêtement et se sauve
tout nu. La situation interpelle le lecteur : après ces élans de tendresse à la
Cène, où le disciple que Jésus aimait était tantôt couché sur son sein et tantôt
penché sur sa poitrine, qu'est-ce qu'il faisait cette fois nu au Jardin de
Gethsémani ? Il est vrai que l'auteur du quatrième évangile n'y a pas pensé,
mais ne fallait-il pas au préalable que le lecteur sache si celui-ci était déjà
nu, avec pour unique vêtement un drap à la cène, lorsqu'il se couchait ou se
penchait sur Jésus ? Or le jeune homme s'enfuit tout nu. Parce qu'il sait qu'il
constituerait la preuve de cette pratique homosexuelle que la loi juive traite
d'abomination. Ce genre de faute est sanctionnée par une lapidation. Alors le
jeune homme a tout intérêt à se sauverpour ne pas compromettre Jésus Christ et
lui. Car, ils étaient considérés comme une dangereuse bande se livrant à toutes
sortes de pratiques réprouvées par la Thora, loi juive. Par exemple les
invocations,
interdites
par la loi, Jésus les pratiquait : il emmène ses apôtres sur la montagne pour
invoquer Elie et Moïse. Mais il prend des précautions en allant loin du village
et en ordonnant ensuite à ses amis de ne pas révéler ce qu'ils ont vu. Parce que
cela aurait pu également leur valoir une lapidation.
Et
ce disciple que Jésus aimait, qui se retrouva tout nu à ses côtés depuis la cène
sans doute, ou alors seulement au jardin, ce qui serait encore plus suspect :
qui l'a castré ? Car historiquement, on sait de Jean qu'il n'avait qu'un seul
testicule et qu'il est mort très vieux sans avoir jamais eu à se servir de son
sexe dans le contexte des rapports sexuels. Il n'a eu ni épouse, ni descendance.
Il ne fut même pas circoncis. Tout cela pourquoi ?
(Attention,
l'auteur n'a fait que présenter les idées, les arguments, et les propos du
Président en toute fidélité. Les développement et commentaire ci-dessus sont
réalisés dans le respect de la logique de Paul Biya, et non de l'auteur qui
n'est en rien engagé à cela, mais contribue à la compréhension de l'idée du
Président sur la question).
Après
ses initiations à la pratique de l'homosexualité, Paul Biya qui en a pris
conscience des avantages, va s'y mettre à un rythme vertigineux. Dans son
entourage, tout le monde doit y passer. Même les personnes les plus
respectables. D'ailleurs, plus on a de l'influence socialement, plus il gagne
dans ce lien homosexuel. Il s'y met tant et si bien qu'il finit par délaisser
son épouse Jeanne-Irène déjà gravement mais injustement marquée du sceau d'une
malédiction qu'elle ne porte pourtant pas. A la réalité, Jeanne-Irène n'est pas
stérile ; c'est lui, Biya qui a des problèmes de procréation. Mais lorsqu'un
couple à ce genre de problème, on indexe immédiatement l'épouse alors le
handicap pourrait bien partir de l'autre.
A
Paris, après leur mariage, Jeanne-Irène a fait une fausse couche. Elle en a fait
une seconde à Yaoundé en 1962 et a été hospitalisée à l'ancien pavillon Tarnier
de l'hôpital central. En fait, son époux était défaillant au plan génital ; il
avait des insuffisances sur ce plan ; il n'était pas incapable d'engrosser une
femme, mais ses insuffisances génitales faisaient qu'une grossesse ne puisse pas
être normalement constituée. Dès lors, elle était vouée à un relâchement. Dans
son cas précis, on parlait d'azoospermie.
Cela
veut dire que son premier fils officiel n'est qu'un fils supposé. En effet,
Franck Biya n'est pas le fruit des oeres de son père, car il est né à une époque
où celui-ci n'était pas pratiquement capable de faire des enfants. Les enfants
nés de son second mariage sont les siens propres parce qu'il a eu suffisamment
de temps et de moyens pour mener à bien u traitement. On a créé autour de
Franck, une pathétique histoire d'amour entre un homme et la nièce de son
épouse. Une histoire plutôt tirée par les
cheveux.
La mère de Franck est la nièce de Jeanne-Irène. Comme son cousin Motard Roger,
elle s'est mise sous la tutelle de sa tante et de l'époux de celle-ci, pour
bénéficier d'un encadrement de choix en vue de poursuivre ses études. Elle est
alors élève au lycée technique de Yaoundé. Les bonnes langues disent que Paul
Biya aura entretenu avec la nièce de son épouse des relations d'un certain
genre, qui auront abouti à la naissance de Franck Biya.
Il
s'agit là d'un chrétien pur sang, fils de catéchiste, qui n'est encore ni
corrompu par les moeurs des milieux politiques, ni perverti par les mesquineries
du pouvoir. C'est encore un haut fonctionnaire de l'Etat, imbu de son éthique
d'ancien séminariste, correct dans la morale, intègre en son âme et conscience,
qui ne demande qu'à servir son pays, tout en croyant fermement en Dieu. On sait
de lui qu'il est sobre, tempéré, discret. Il n'est noceur ni jouisseur. Au
départ c'est un homme rangé qui a tout à fait le sens de la famille. Certes, il
cumule aussi des défauts et des imperfections. Mais pas au point de succomber au
charme d'une enfant grandissant dans sa maison et placée sous sa tutelle. Lui
qui, justement, sevré de la présence d'une progéniture, voulait transférer ses
sentiments paternalistes sur les enfants qu'il avait dans la
maison.
En
réalité, la nièce constate qu'elle est grosse. Elle panique et veut adopter un
comportement suicidaire. Sa tante en est informée. Une concertation avec
l'époux, et la résolution est bien vite adoptée : ils prendront cet enfant pour
lui éviter d'être un "bâtard". Mais il faudrait aussi lui éviter d'être un fils
adoptif, ce qui ne changerait rien alors au premier cas. Fondamentalement, il
n'y a pas de problème à ce qu'il reste l'enfant de sa mère car, on ne pourrait
jamais le passer pour le fils de Jeanne-Irène dont personne n'aura été témoin de
la grossesse. Par contre, il a absolument besoin d'un père, pour ne pas être
fils naturel. Paul Biya qui a fortement et désespérément envie d'un enfant
accepte de donner son nom à celui qui naîtra, et de le reconnaître. Cest donc
ainsi que le fils de la nièce de Jeanne-Irène Biya, fruit inopportun d'une
relation sexuelle comme tant d'autres, aura le bonheur d'être reconnu par le
mari de la tante de sa mère, pour devenir alors celui qui est aujourd'hui le non
moins célèbre Franck Biya.
L'entourage
du Président étant devenu essentiellement homosexuel, Jeanne-Irène commence à
sentir un fossé se creuser et s'élargir progressivement entre elle et lui. Le
chef de l'Etat ne se gêne d'ailleurs pas Pour elle, car il peut aller et venir
avec des hommes au Palais comme bon lui semble.
Ces partenaires se comptent dans son entourage immédiat essentiellement, et parmi ses collaborateurs et autres hautes personnalités de l'Etat. Par cette pratique, il est convaincu qu'il développe son énergie psychique, et son champ magnétique. Pour un chef d'Etat, pense-t-il, cela compte énormément. Et pour que cela rapporte davantage, il faut le faire très souvent, trop souvent. Quitte à mettre son épouse mal à l'aise.
LE
ZOOPHILE
Des
chefs d'Etat africains, dans le souci de se pérenniser au
pouvoir, sont
prompts à verser dans les pratiques occultes
les plus abjectes et les plus
irraisonnables. Pourvu qu'elles
puissent leur conférer les pouvoirs
surnaturels dont ils ont besoin pour se conforter dans leurs illusions. Cela est
du moins propre à une certaine génération de Chefs d'Etat.
Ce qui leur
importe, ce n'est pas l'avenir de leurs pays, mais le leur propre. Le
développement de la nation n'est pas leur souci profond ; ils se font plus de
souci pour leur fortune personnelle. Ils ne se préoccupent pas de ce que la
postérité dira d'eux. C'est la gestion de leurs intérêts immédiats qui leur
semble plus importante. Tout projet allant dans le sens de les maintenir le plus
longtemps au pouvoir leur est une aubaine, et suscite leur enthousiasme au plus
haut point.
C'est ainsi que Asso'o Emane, devenu pratiquement le principal
homme de main du Président, va lui pêcher une perle rare du côté de la Sanaga.
Il s'agit d'un homme qui, dit-on, vit dans le fleuve depuis des dizaines
d'années s'il n'en est pas citoyen. L'homme est particulièrement impressionnant
avec son crâne nu, son visage imberbe. Il porte un tee-shirt rouge et un pagne
noir, marche pieds nus et paraît d'une vigueur d'acier. Dans l'ensemble, malgré
ses allures sinistres, il est très propre. Certainement rompu à la vie austère
des ascètes, il a l'air rude, méchant et violent. Ne parle pas beaucoup, observe
plutôt et écoute.
C'est homme va devenir un interlocuteur privilégié de Paul
Biya qui, après la première rencontre, va prendre l'habitude de le recevoir en
priorité. Le Président et son visiteur s'enferment alors dans son sanctuaire du
Palais, où le second va soumettre le premier à toutes sortes de blindages et
d'initiation à la sorcellerie traditionnelle et moderne. Paul Biya découvre
alors l'usage des plantes, écorces et racines magiques dont il saura et devra
faire usage selon des circonstances. Elles sont des drogues qui favorisent la
prémonition, des philtres de santé, ou des forces de protection contre des
ennemis visibles et invisibles. Les pouvoirs de clairvoyance, de clair audience,
de téléportation, le Président peut les acquérir aussi, très facilement. Le
préalable sera d'entretenir des rapports sexuels avec un animal spécialement
préparé par le sorcier à cet effet. Dès lors le rite sui suivra permettra au
chef de l'Etat de pouvoir entendre tout ce qu'il voudrait entendre, voir ce
qu'il voudrait voir, être où il voudrait se retrouver sans avoir à se déplacer
ou à se servir de quelque accessoire que ce soit.
Le sorcier viendra donc
au Palais quelques semaines après avec une jeune chienne, encore pure de tout
rapport sexuel. La bête aura d'abord été soumise à une préparation magique. Paul
Biya, pendant trois semaines devra personnellement s'occuper d'elle et veiller a
ce que personne n'entre en contact avec elle. Pendant 21 jours, jour pour jour,
il devra avoir à entretenir un rapport sexuel avec l'animal.
Le manège ne va
pas échapper à Jeanne-Irène qui fait chambre à part. L'activité homosexuelle du
Président a valu à celui-ci de s'installer en d'autres appartements du Palais.
De même, la chienne qui lui a été proposée fut logée avec tous les honneurs dans
une magnifique chambre du Palais. Le Président prenait le temps d'aller à elle
tous les jours, de demeurer dans cette chambre pendant de bonnes heures, à
pratiquer la technique que lui aura enseignée le sorcier en matière de
zoophilie. Lorsqu'il doit rejoindre la bête, Paul Biya doit se purifier par un
bain, se oindre ensuite de certains aromates, et se vêtir uniquement d'un drap
de lin blanc. Il doit y aller pieds nus. L'animal sera sous drogue grâce à
l'effet d'une plante que lui aura fait consommer. C'est alors que l'homme
procédera par des câlins et autres attouchements sensuels pour mettre la bête en
condition, et les deux fusionneront en une seule chair, pour assimiler leurs
vibrations. Si bien qu'au terme de cette union, qui aura été plus mystique que
physique, Paul Biya aura tiré le meilleur de la bête, en la vidant à chaque fois
de son potentiel énergétique, pour se disposer aux pouvoirs de clairvoyance, de
clair audience et de téléportation. Après le dernier rapport sexuel avec la
bête, elle a été enterrée vivante à Mvomeka'a.
Se sentant humiliée et
sauvagement injuriée par une telle situation, Jeanne-Irène, l'épouse du
Président décide de réagir. La Bible proscrit les rapports homosexuels ; elle le
lui a rappelé. Il a juste eu un sourire narquois. Passe encore. Mais l'homme qui
couche avec une bête ira-t-il encore coucher avec elle ? La situation lui est
difficile à accepter. Est-ce là la rançon du pouvoir ? Et Ahidjo, était-il aussi
versé dans de telles pratiques ? Rendait-il à ce point son épouse malheureuse?
Paul Biya lui répondra qu'aucun chef d'Etat n'est parfait, et qu'on ne peut
faire certaines choses sans faire certaines autres choses.
Mais ce langage ne
passe dans la tête de Jeanne-Irène. L'homme qui couche avec elle, son mari,
va-t-il coucher avec une bête ? Elle aurait encore accepté d'avoir une femme
pour coépouse. Mais une chienne ... !
La présidente décide alors de mettre un
terme à cette relation scandaleuse. Elle force une intrusion dans la chambre
qu'occupe l'animal, arme au poing. Lève le bras pour l'abattre. Hésite face aux
réactions craintives de la bête qui semble avoir perçu le danger. Alors
l'épouse
malheureuse
redéfinit la situation : et si c'était plutôt un être humain transformé en
animal par l'action d'un méchant sortilège ? Dans ces milieux de sorcellerie,
tout n'est-il pas possible ? Et elle prend alors pitié de cette pauvre créature
ensorcelée et soumise à l'effet d'un maléfice. Eclate en sanglots sur ce
misérable sort d'épouse misérée et sacrifiée qui est désormais le sien. Elle
baisse le bras et va se retourner pour sortir de la chambre. Ouvre brusquement
la porte, et se heurte à Paul Biya debout, et immobile, étrangement serein.
-
Qu'as-tu été faire dans cette chambre ?
Il ne lui laisse pas le temps de
répondre. Deux violents coups d'une matraque de bois projettent la malheureuse
épouse sur le sol.
- Ne te mêle plus jamais de mes affaires ... Ne fouine
plus jamais
dans mes affaires...
Elle est armée. Sait-il seulement qu'elle
voudrait l'abattre ? Elle souhaiterait le tuer, mais n'a pas le courage de le
faire de sang froid. Alors elle éclate simplement en sanglots. Les larmes le
plus souvent, restent le seul et unique recours des femmes, face aux
comportement ignobles de leurs époux. Ces larmes interviennent pour exprimer
indifféremment un constat d'échec, une révolte, une déception, et même encore de
l'amour, parfois de l'impuissance face à une situation
donnée.
JEANNE-IRENE
ET PAUL
Un
couple modèle ? Au départ, oui. Lorsqu'ils se sont
mariés, ils croyaient en
l'amour. Ils y croyaient encore
lorsqu*ils sont rentrés au pays, sûrs de
s'aimer, et de vivre
ensemble selon la formule usuelle, "pour le meilleur
et
pour le pire ".
Les choses ont bascule quand il a fallu qu'il devienne
chef d'Etat. Certes, c'était très beau au départ. Puis, elle a commencé à
ressentir comme un relâchement ; il n'était plus à elle, il ne lui appartenait
plus. Le temps qui passait les détachait graduellement. Elle sentait qu'il ne
s'intéressait plus à elle, comme jadis. Et cela l'inquiétait.
Jusqu'au jour
où les choses finirent par se préciser, après le putsch manqué. Les pratiques
magiques et la sorcellerie les éloignaient davantage l'un de l'autre,
physiquement et moralement. Au point de ne même plus pouvoir s'adresser la
parole des journées entières. Et de faire des efforts pour éviter de se
rencontrer.
Considérant cette atmosphère, elle lui demanda à plusieurs
reprises qu'ils aient une causerie sérieuse, mais il a toujours pu trouver une
porte de sortie, en évoquant "ses lourdes responsabilités", lesquelles ne le lui
permettaient pas. Si bien qu'elle en est arrivée à envisager une fugue ; car il
n'est pas facile pour une femme d'accepter d'être trahie par son époux, et qui
plus est, avec des hommes, comme s'il avait trouvé en eux mieux que ce qu'elle
lui apportait. Plus grave, lorsque sous son nez, l'époux pousse le bouchon
jusqu'à la zoophilie. C'est dire qu'il n'a vraiment plus besoin d'elle, au point
de lui préférer des animaux.
L'infortunée épouse va alors s'allier un jeune
sous-officier de la marine, en service à la sécurité présidentielle, pour
solliciter son aide, et envisager une fugue ensemble. Ce beau marin, quoique
plus jeune qu'elle, pourrait bien être son compagnon, une fois parvenus sous
d'autres cieux. Certes, si son neveu, Motaze Roger, l'Aide de camp du chef de
l'Etat, avait accepté de l'aider à fuir les choses auraient pu être envisagées
avec plus d'optimisme. Mais le capitaine dit avoir juré "honneur et fidélité" à
son Président, et ne pourrait le trahir de quelque façon que ce soit.
Les
préparatifs de la fugue vont bon train, mais c'est sans compter avec la
perspicacité des services spécialisés du Palais. Le jeune marin va être
subitement détaché de la sécurité présidentielle pour rejoindre son corps
d'arme, et aller immédiatement au front, où des manoeuvres militaires opposent,
en zone frontalière, le Cameroun à un de ses voisins. Jeanne-Irène apprendra
bien vite, les jours qui suivront, qu'il est tombé sur le champ de bataille,
d'une balle dans le dos.
La malheureuse va alors se désespérer davantage et
recourir, une fois de plus, au capitane Motaze, son neveu. Mais celui-ci n'est
pas disposé à entreprendre quoique ce soit pour elle. Elle semble d'ailleurs
perdre de vue qu'en cas de fugue de sa part et si la responsabilité de Roger
venait à être établie, celui-ci devra en répondre devant le chef de
l'Etat.
Elle finit par se résoudre à poser clairement le problème à Paul : il
faut qu'ils se séparent. Leur mariage n'est plus qu'une devanture, une carapace
vide, un coquillage creux. Tout entre-eux ne repose plus que sur la parodie.
Lorsqu'elle fait une sortie publique, c'est tout le monde qui l'ovationne. Mais
sait-on seulement à quel point elle est malheureuse ?
Déjà, elle ne sort plus
sans lunettes fumées, pour cacher les poches et les cernes qu'elle a sous les
yeux, consécutives à ses longues nuits d'insomnie. Lorsqu'il l'épousait,
n'était-il pas soucieux de la voir heureuse? Que s'est-il donc passé en lui,
pour que déjà, il se réjouisse de la voir souffrir, et jouisse de la rendre
malheureuse ? Le mieux ne serait-il pas que dans ces conditions, ils se
séparent, afin que chacun mène la vie qu'il lui plairait de mener et soit ainsi
heureux, sans être une croix pour l'autre ?
La
logique du Président est simple et compréhensible : il a envie de rester au
pouvoir le plus longtemps possible. Et pour ce faire, la vie qu'il mène le
conforte dans son option. Peu lui importe que cela la traumatise car c'est
également cela, le prix à payer, pour être l'épouse d'un chef d'Etat. Chaque
médaille a son revers. Il est désolé qu'ils en soient là, mais n'y peut rien.
Seulement, pendant qu'il se plaît à cette vie, elle en est torturée,
plaide-t-elle. Mais Paul est inflexible.
- Alors, je te prie de me laisser
aller tenter de refaire mon bonheur ailleurs. Cela m'est encore possible.
Ce
serait un risque pour lui ; bien de choses pourraient être étalées au grand
jour, comme cette question sur la "stérilité" de Jeanne-Irène. Si elle venait à
concevoir ailleurs, on réalisera que c'est bien lui qui a des problèmes de
procréation. Plus grave, ces pratiques occultes et magiques risquent d'être
connues du grand public. Il vaut donc mieux de la retenir otage.
Jeanne-Irène
décide alors de s'affranchir par elle-même puisqu'elle ne peut compter ni sur
son neveu, ni sur personne. D'ailleurs, les dispositions sécuritaires ont été
constituées autour d'elle ; ses visites sont tenues à l'œil, ses mouvements sont
surveillés, ses communications sont sur écoute. Il ne lui reste plus qu'à se
débarrasser de son époux de la manière la plus subtile : il se trouve que chaque
semaine, elle lui administre une injection particularisée. Il lui suffira donc
juste de lui inoculer "quelque chose" qui ne lui fera pas de cadeau, en sorte
qu'à l'effet lent mais irrémédiable de ce produit, il rende l'âme à
terme.
Mais pour cette injection, elle va attendre en vain, car plusieurs
semaines vont passer, avant qu'elle se rende compte que le président se fait
désormais injecter par quelqu'un d'autre. Il ne va d'ailleurs pas manquer de lui
signifier qu'il a anticipé sur ses intentions. Pour la menacer ensuite : "c'est
moi qui vais finalement t'avoir". Des termes qui vont l'effrayer, et l'amener à
se replier une fois de plus vers son neveu, le suppliant de l'aider à quitter le
pays.
- Je te dis que je suis menacée ; ma vie est en danger, et cela ne te
dit rien ?
- Mère ! Je suis un soldat au service de mon Président ; je me
dois de le protéger, et non de conspirer contre lui ...
- En me sauvant la
vie, quelle conspiration fais-tu contre ton
Président ?
En mai 1989, Paul
et Jeanne-Irène effectuent un séjour de deux semaines au pays du Roi Baudoin et
de la Reine Fabiola. A son retour, Jeanne-Irène raconte n'aura jamais été
bastonnée de sa vie comme elle le fut à Bruxelles. C'est tout juste si Paul,
ayant retrouvé la vigueur de ses 18 ans, ne l'a pas tuée de strangulation. Tout
simplement parce qu'elle a décidé de ne pas rentrer au pays. A leur retour, elle
avait les yeux cachés sous ses lunettes fumées, question de masquer son
désarroi. Et puis, la nouvelle chevalière du Président, acquise à Bruxelles où
elle lui a été portée par un magnétiseur qui y aura travaillé trois années
durant, est une terrible arme magique qui lui a coûté la somme de 12 millions de
F CFA. Il a terrorisé Jeanne-Irène avec les pouvoirs de ce précieux bijou, en
sorte qu'elle a compris qu'elle n'avait pas intérêt à forcer une fugue. Il
pourrait par exemple la rendre folle de par les vertus de sa chevalière, où
qu'elle ait à fuir, à se réfugier. Il pourrait dans un autre cas de figure la
foudroyer. A ce sujet, il lui a servi une démonstration de la foudre émanant de
ce bijou pour détruire des objets autour d'elle.
Lorsqu'elle tente de se
suicider, elle espère tout au moins susciter les émotions d'antan de la part de
son époux. Le cercle intime s'est déployé autour d'elle, pour la réconforter.
Mais elle n'attendait qu'une personne, son Président d'époux, qui s'est fait
obstinément absent. A la limite, il s'est tenu à la porte, pour oser un regard
furtif sur elle, et disparaître les secondes d'après. Elle sera évacuée en
Europe pour un contrôle. Bien peu de personnes surent qu'il s'était agi d'une
tentative de suicide.
LE
SANCTUAIRE
Il
dispose au Palais d'un sanctuaire, et d'un sanctum. Le
sanctum lui est très
personnel. Personne d'autre n'y accède.
Mais, on sait qu'il y vit un très
vieil homme, sans âge.
Certainement moins âgé que Dieu, mais d'un âge qui ne
saurait être défini dans le temps. Cet homme, vêtu tout de blanc , a lui-même la
peau blanche. Il ne parle à personne, peut-être seulement à Paul Biya, ne mange
rien, ne boit rien, ne se lave même pas. Mais, quand il lui arrive de sortir du
sanctum du Président, il est toujours frais, propre, écarlate. Il se déplace
lentement, brisé par le poids de l'âge, avec des cheveux très longs, fortement
blanchis par le temps. Il paraît doux, faible, fragile. Son regard ne se pose
que sur ce qu'il veut regarder. Et en fait, il n'a de regard que pour Paul Biya.
Qui dit de lui avec beaucoup d'affection qu'il s'agit de son bon génie. Il a la
particularité de ne se faire voir que de qui il veut être vu. Il s'agit d'un
personnage extraordinaire, dont on ne sait concrètement quel est le rôle auprès
du Président.
Le sanctuaire du Président, lui, est un tout autre lieu de
travaux spirituels. Il y pratique des cultes, des rituels, et autres séances de
sacerdoce auxquels il peut associer des personnes. En ce lieu se déroule des
messes de toutes sortes, y compris des sacrifices humains. A titre illustratif,
on y retrouve des crânes humains. Il s'en trouve même qui ont été ouverts, comme
pour servir de calebasses. A l'occasion des séances de lymphophagie, c'est dans
ces espèces de calebasses que Paul Biya et les autres communiants recueillent le
sang qu'ils vont boire. Sang humain, sang de coq et sang de chat.
A la mort
du Président Ahidjo survenue à Dakar, le chef de l'Etat, pour échapper à un
maléfice du fait du pacte qui les liait et qu'il avait violé, a sollicité qu'on
lui serve d'urgence su sang frais et des organes d'une jeune fille. Les services
se sont alors déployés sur le campus de Ngoa Ekelle, où ils firent une victime :
une étudiante succomba aux charmes d'une somptueuse Mercedes, et se laissa
embarquer par le bel homme qui, au volant du fastueux engin, semblait se
disposer à elle corps et âme, avec ses pimpantes allures de gentleman bourgeois.
Tout ce qu'il y a pour séduire une jeune femme. La fille sera davantage curieuse
et séduite lorsque son compagnon va lui proposer de l'emmener à la présidence où
il vit et travaille. Il s'agit d'un endroit plutôt mythique, qu'elle n'avait
jamais rêvé d'approcher, et qu'elle se contentait juste de contempler à la
télévision. Pour une fois que l'occasion lui était offerte de fouler "le sol de
Paul Biya", pourquoi y aurait-il à hésiter ?
Mais le rêve va vite tourner
au cauchemar ; le bonheur de la découverte du palace présidentiel se transforme
en la pire des horreurs lorsque la réalité va devenir précision dans son esprit
: elle a été gentiment conduite dans un sanctuaire pour servir d'holocauste. Et
à la place du don juan pratiquement volatilisé, elle se retrouve face à trois
hommes vêtus comme des prêtres, avec en plus des cagoules recouvrant les
têtes.
Ce ne sera pas un viol comme elle a dû l'espérer ; plus qu'un viol il
s'agira d'un meurtre sacrificiel. Son coeur, son foie, son sang se retrouveront
sur la table de Paul Biya, son Président, l'homme-lion.
Le 26 mai 1990, un
parti se déclare à Bamenda : le Social Démocratic Front (SDF). L'armée
intervient pour réprimer. Bilan officiel 6 morts. Paul Biya panique. Les
Camerounais pourraient-ils se soulever contre lui ? Certes, le phénomène est
général en Afrique depuis que le vent des libertés s'est levé à l'Est, emportant
en Urss, le président Gorbatchev. Ce qui arrive aux autres doit-il forcément lui
arriver ? Rapidement, il fait appel à ses proches et très vite, un mot d'ordre
est passé.
LA MESSE DE MVOLYE
A
l'heure de Nicodème, une sinistre procession a lieu au cimetière catholique de
Mvolye. Il s'agit ici du siège de
l'Eglise Catholique. Une colline qui, de la
base à la crête, est
un territoire conquis aux installations
catholiques.
Les trois statues, le foyer des sœurs de Saint Paul, le
Sacré-cœur, l'imprimerie Saint Paul, le secrétariat général de la conférence
épiscopale, l'école catholique, le cimetière de Mvolye, le centre Jean XXIII, la
grotte mariale, la résidence de l'Archevêque de Yaoundé etc ... autorisent à
croire en une sorte de bénédiction des lieux. Que non !
Malgré toutes ces
infrastructures, le quartier est plongé dans une obscurité infernale, favorable
à toutes sortes de pratiques. Cette nuit du 26 mai 1990, les grosses légumes de
la République et autres membres du cercle de Paul Biya, sont réunis au
cimetière, pour une messe noire, autour d'un célébrant de tradition ésotérique.
Parce qu'il faut absolument asseoir l'autorité de Paul Biya sur tous les
Camerounais, afin que ceux-ci se retrouvent impuissants face à lui quelle que
soient leurs velléités, cette messe a été convoquée.
Ce soir là, un
Camerounais a été charcuté quelque part, pour les besoins de la cause, il
fallait du sang et des organes humains, qui seraient présentés selon les rites
de la transsubstantiation. Lorsque le prêtre, au cours de la messe, procède à
l'offertoire, le pain et le vin deviennent réellement le corps et le sang du
Christ. Le principe de la transsubstantiation relève d'un théorème
magique.
La poupée Ashanti chez les créoles, dans le îles du pacifique donne
à l'observateur une idée de la consistance du principe de la
transsubstantiation. Quand l'aiguille la frappe sur la tête, celui qu'elle
représente à l'instant de l'opération éprouve de violentes douleurs à la tête.
Si l'opérateur la frappe au cœur, la personne ciblée éprouve les douleurs à cet
endroit. En sorte que, par ce moyen on peut mettre un terme à la vie d'un
individu sans pourtant avoir eu un lien direct avec lui ; tout simplement en
s'étant servi d'une poupée le représentant.
De même, quand comme à Mvolye, le
célébrant va déterminer que la chair et le sang qui vont être consommés sont la
chair et le sang de tous les Camerounais, il en sera ainsi. Dès lors, ceux qui
les consomment ont mangé tous les Camerounais. Dans la forme et dans le fond en
effet, la démarche du célébrant est absolue : "voici les camerounais, tous les
Camerounais en ce corps et en ce sang. Quand vous en mangerez et en boirez avec
foi, c'est tous les Camerounais que vous aurez consommés.
On a vu ce que
sont devenues tes villes mortes et autres manifestations ; on a vu comment ont
été gérées les baisses de salaire chez tes fonctionnaires. On en est encore à se
demander comment l'ordre a pu revenir au pays après les périodes chaudes que les
Camerounais ont connues durant les années de turbulence liées aux balbutiements
de la démocratie naissante. Cette cérémonie rejoint étroitement celle de Maroua
dans l'extrême-nord du Cameroun. En 1991-1992, l'époque où l'agitation politique
avait atteint son apogée, tous les fous de la ville furent décapités. On les
retrouva morts un jour, et mutilés de certains organes vitaux. En réalité,
redoutant une guerre civile, les dirigeants du pays bien informés des pratiques
de sorcellerie, concoctèrent une mixture avec tous ces organes de personnes
humaines sacrifiées. Une pratique magique qui eut certainement un effet heureux,
puisque la menace de guerre civile qui pesait sur le pays, se dissipa toute
seule.
LE
BAISER DE JUDAS
Régnant
sur le quartier général de l'armée, le désormais
Général Asso'o Emane Benoît
ordonne à un de ses
éléments de le suivre à son bureau. Le soldat, plus
connu
sous le pseudonyme de "Commando" s'exécute. Mais
grande sera sa
surprise d'entendre le haut gradé lui dire qu'il a besoin de lui
pour une
mission "ultra secrète" au profit du chef de l'Etat. Le soldat se
serait
attendu à tout, sauf à quelque chose du genre.
Honoré par ce choix, parmi des
milliers d'éléments que compte le quartier général, le soldat attendra
patiemment dans le bureau du Général jusqu'à ce que survienne un véhicule de
marque Peugeot 505, de couleur noire à bord duquel il embarquera pour une
destination inconnue. Il se retrouvera finalement au Palais de l'Unité où des
dispositions particulières l'attendent : un logement dans la maison du chef de
l'Etat, un personnel de service prompt à obéir à ses moindres caprices, un
équipement distractif et de loisir à portée de main, etc.. A quoi donc sont dus
tant d'égards ? Il en est plutôt ému. Et du coup, il éprouve à l'endroit
d'Asso'o un profond sentiment de reconnaissance car pense-t-il, le Général
l'aura honoré de son choix pour lui faire vivre la phase la plus palpitante de
sa vie. Aurait-il une seule fois pensé qu'il établirait ses quartiers au Palais
de l'Unité un jour ?
A midi, il est conduit à la table du chef de l'Etat qui,
sans préalables se limitera à souhaiter un bon appétit à tous ceux qui
s'apprêtent a partager son repas. Et, faisant signe à quelqu'un qui se
rapprochera de lui, il va engager un dialogue sournois avec son interlocuteur.
"Commando" sent alors le regard du Président le survoler sans jamais réellement
se poser sur lui, afin, sans doute, de ne pas se trahir car ils sont en train de
parler de lui. Il ne voudrait pas que ce dernier s'en rende compte. Alors il se
sent davantage honoré : le Président parle de lui ; il le connaît donc. Peu
importe qu'il quitte la table sans avoir approché le chef de l'Etat de plus
près, mais il est fier que le Président le compte parmi ses
connaissances.
Dans la soirée, une procession de véhicules se prépare à
sortir du Palais. Le président est dans l'une d'entre-elles. Le soldat du
quartier général aussi a une voiture. On lui a même attribué un chauffeur. Et il
ne se gêne pas de prendre place à l'angle droit, à l'arrière du véhicule.
N'est-il pas entré dans la cour des grands ? Pourquoi dès lors ne deviendrait-il
pas lui aussi grand ? Son patron, le Général Asso'o, ne s'assied-il pas ainsi
dans ses voitures ? Et tous ces grands qui vont effectuer la sortie ne sont-ils
pas assis de la sorte ? Dès lors qu'on lui a attribué une Renault 25 et un
chauffeur, il est par la force des choses devenu grand. Est-ce un hasard si dans
l'ordre des choses il occupe la deuxième place après le chef de l'Etat, alors
que même le Général est loin derrière? II s'agit quand même d'un cortège de près
d'une douzaine de voitures, et l'ordre de préséance constitue certainement à ses
yeux une échelle de valeurs ...
Des ministres, des généraux, des colonels et
autres hauts dignitaires du régime, dans une procession à laquelle il a place.
Pas de doute, il est miraculeusement entré dans le cercle des décideurs de ce
pays. Le cortège s'ébranle vers l'Ouest, mais fera halte dans le département du
Mbam. Et pied à terre. Il faut aller par la brousse, pour rejoindre le fleuve
Sanaga. Tant bien que mal, ils y parviennent. Les groupes vont alors se
constituer par affinités. Le soldat se retrouve tout seul, tandis que l'attente
se fait de plus en plus longue et lourde.
Manifestement, on attend quelque
chose ou quelqu'un qui ne saurait davantage tarder. La nuit est noire sur les
bords de la Sanaga, et le ciel est tapissé d'étoiles. Le brise est régulière.
Subitement, une lumière apparaît au loin. Elle évolue lentement, se précise en
décrivant tous ses contours : c'est une lampe à pétrole. Celui qui la détient
est debout dans une pirogue qui vient accoster. Mais le nouvel arrivant ne
descend pas de la pirogue. Il s'agit du sorcier des eaux de la Sanaga. Asso'o va
à lui. Ils se parlent quelques secondes durant, puis le Général rejoint le
Président et lui explique la situation. Alors, ce dernier va vers le sorcier
avec qui ils échangent quelques mots. De retour de cet entretien, il rejoindra
le groupe et, se dirigera cette fois là vers le soldat esseulé, le temps de lui
dire : "Merci soldat". Sur ces entre-faits, il va esquisser un mouvement de
retrait avant de se prosterner légèrement et d'embrasser le
militaire.
Honneur suprême pour un homme de troupe. Le Président de la
République, chef suprême des armées, l'a embrassé. "Commando" effectue un
impeccable salut militaire en guise de reconnaissance et répond : "Je suis à
votre disposition et à vos ordres Monsieur Le Président". Et Paul Biya de
s'incliner une fois de plus à titre de remerciement et d'hommage avant de
rentrer auprès du sorcier.
Pendant ce temps, Asso'o lui succède auprès du
soldat, et lui tend la main. "Bonne chance soldat" dit-il. Le jeune militaire
s'en va alors auprès du sorcier. Il va également embarquer dans la pirogue qui
s'éloignera lentement. Du coup, alors qu'ils observent encore l'embarcation qui
prend des distances sur le fleuve, des cris d'homme se font entendre, mêlés à
des aboiements et hurlements de chiens. "Commando" les appelle au secours en des
termes on ne peut plus clairs : "Général, sauvez-moi ...!, Général, sauvez-moi
...!". Mais le Général ne pouvait plus rien faire. Pas plus que le Président
d'ailleurs. Lorsque revint le silence sur le fleuve, il ne fut que de courte
durée. Les battements de tam-tams intervinrent, créant la panique sur les berges
de la Sanaga. Et, à nouveau, les hurlements d'un être humain terriblement
torturé, supplicié.
Partons d'ici tout de suite ! Ordonne le
Président.
"Commando" est alors abandonné à son triste sort. Personne ne l'a
jamais revu. Au départ, on lui avait fait caresser l'espoir de remplir une
mission "ultra secrète" pour le compte du Président. Seulement, à dessein on lui
a occulté en quoi consisterait celle-ci. Mais personne ne lui avait dit qu'il
finirait dans les eaux de la Sanaga, sacrifié comme il le fut aux dieux du
fleuve, dans l'intérêt du chef de l'Etat. Et contre un acte aussi extrême qu'il
paya de sa vie, ses seuls lauriers furent les hommages du Président de la
République, l'embrassant pour lui dire "Merci soldat".
Jamais ses parents à
Bamenda ne le revirent. Jamais, ils ne le reverront.
SORCIERS
EN PUISSANCE
De
nombreuses personnes, proches du Président, se livrent
à des pratiques de
magie et de sorcellerie, sans
justification rationnelle. Chacun exploite les
formes de
pratiques qui lui permettraient de s'affirmer dans ses options. Le
cas de Mendo Ze qui a la triste et fâcheuse réputation de rechercher les jeunes
filles vierges. Dans le contexte du Cameroun où les filles sont scandaleusement
précoces, il faut aller chercher chez les moins de 14 ans pour espérer
rencontrer des vierges. Ce qui ne gêne pas d'ailleurs le "mariologue". Car il se
trouve qu'avec elles, il tire quelque chose de particulier au plan de la meta
physiologie, qu'il exploite avantageusement pour son épanouissement
personnel.
C'est un homme ressource de Paul Biya, car il a réussi à mettre
sur pied des structures mystico-religieuses dont le but est d'oeuvrer pour la
pérennité du Président au pouvoir. Il crée alors "Peuple du Rosaire", une
société secrète dont l'action consiste essentiellement à réciter le rosaire à
longueur de journées au profit du Président. Ses membres sont grassement payés
et vivent pleinement de cette activité.
Ce métamorphe qui se transforme en
serpent boa est néanmoins plein de générosité et d'altruisme. Les démunis et
autres laissés pour compte sont sûrs de trouver une oreille attentive à leurs
complaintes auprès de lui. Mais cet homme qui a la bénédiction du Président en
matière de mains basses sur les finances de la CRTV qui soutiennent ses
activités mystico-religieuses, n'est pas à un scandale près pour ce qui est de
ses excessifs débordements sexuels envers les jeunes filles.
Seulement il
n'est pas plus blâmable qu'Andze Tsoungui, un autre homme-serpent, qui a la
réputation d'avoir une soif intarissable des menstrues des jeunes filles. Il ne
s'en abreuve pas comme le font Mbella Mbappe et autres. Il se contente juste de
les humer, de s'enivrer de leur senteur comme on se droguerait avec du parfum.
Il nourrit des relations avec de nombreuses jeunes filles qu'il n'entretient pas
sexuellement. Tout ce qui compte pour lui, c'est que chacune d'entre elles se
manifeste à lui lorsqu'elle est en période de menstruation. Elles sont au moins
assurées d'empocher 400 000 F CFA à chaque séance. C'est le taux qu'il leur
propose pour se revigorer de leurs énergies spirituelles au moyen de leurs
menstrues.
L'entourage de Paul Biya est riche de telles pratiques, qu'il en
devient quasiment inhumain et suspect. On le prendrait pour un cercle d'extra
terrestres fonctionnant selon un ensemble de lois et règlements
irrationnels.
On y trouve des gens qui se prêtent et partagent leurs épouses
comme on le ferait avec des chemisettes. Plus grave, les uns font des enfants
avec des épouses des autres sans que ceux-ci s'en formalisent, puisqu'ils ne se
gênent pas de les reconnaître légalement.
Il y a même le cas de certains
proches du chef de l'Etat qui couchent avec leurs propres filles, au point de
faire des enfants, quitte à ce que ceux-ci soient reconnus en paternité par
d'autres personnes. Que dire alors de ce collaborateur du Président qui
contraint pratiquement ses filles à recueillir leurs menstrues afin qu'il s'en
abreuve ? La même personne entretient des rapports homosexuels avec ses
fils.
Le chef de l'Etat quant à lui, dort tranquille sur ses lauriers, car
des organisations mystiques et autres sectes ont été créées de par le monde pour
le soutenir au pouvoir pendant au moins 25 ans. Il est question que, par la
suite il soit succédé par quelqu'un de son choix. Des sommes énormes sont par
lui engagées pour financer ces sectes. Bon nombre de ses chargés de missions
sont alors impliqués dans cet engrenage. Michel Meva'a M'Eboutou, autre
métamorphe, homme-rapace, est du nombre. Bienvenue à Famé Ndongo et Edgard Alain
Mebe Ngo'o dans le cercle des métamorphes.
Un très haut gradé de l'armée,
proche du Président, a l'obligation qu'il tient de ses pratiques de ne pas
déféquer ailleurs que dans son village où, en un lieu précis, ses déchets
doivent être déposés. Cela veut dire que, où qu'il se trouve, il se soulage dans
du papier et autres emballages. Ses déjections vont alors être conservées pour
être toutes transportées dans la malle de sa voiture, pour son village, où se
trouve l'unique lieu préparé à recevoir ces précieux colis. Même lorsqu'il se
trouve en mission à l'étranger, cet éminent militaire doit ramener au pays ses
déjections pour qu'elles soient déposées dans son village, en lieu
sûr.
Cavaye Yegue Djibril, Président de l'Assemblée Nationale, a dû une nuit
son salut à l'intervention des gendarmes d'Awae, une banlieue de Yaoundé. En
effet, ce député du RDPC a, un soir, été surpris par les habitants du coin en un
point insolite, où il avait creusé une fosse, et jeté une pauvre bête ligotée
qu'il tentait d'enterrer vivante, traumatisant ainsi un innocent animal
domestique dont l'espèce depuis des siècles vit sous la protection des
hommes.
De nombreux cas semblables ont lieu au Cameroun et, même Paul Biya ne
s'en met pas en marge : n'a-t-il pas en 1989 fait enterrer vivant un chien noir
à qui on aura fait mangé au préalable les testicules d'un jeune homme de 15 ans,
à Mvomeka'a, en plein minuit ?
SANGLANTES
PERSPECTIVES
Jeanne-Irène
n'en peut plus ; elle estime qu'elle a, elle aussi, droit au bonheur. Va-t-elle
vivre éternellement comme une otage suppliciée par son bourreau? N'a-t-elle pas
tout déjà donné pour lui? Elle espérait encore qu'il finirait par s'amender.
Mais à l'allure où vont les choses, rien n'est désormais certain. Cet homme
s'est versé dans des pratiques qu'elle ne peut supporter. Mais lui, s'y trouve
tout à fait à l'aise. Dès lors il n'y a pas lieu de prolonger cette
cohabitation. Peut-être pourrait-il l'écouter enfin, la comprendre, et lui
rendre sa liberté ?
Mais Paul Biya est ferme : zéro divorce. Le pouvoir a ses
contraintes, ses exigences, ses avantages, certes, qui sont d'ailleurs très
nombreux, mais il est très exigeant. Surtout lorsqu'on veut l'exercer dans un
certain contexte. Jeanne-Irène ne veut rien entendre de tel. C'est elle qui
souffre et non lui. Il mène sa vie comme bon lui semble, pendant qu'elle est une
captive.
Son dernier espoir est alors qu'il va renoncer à se présenter aux
prochaines élections présidentielles. Car, tout ce qu'il fait là, c'est pour
tenir fermement le pouvoir. S'il venait à y renoncer, sa vie changerait ; il
redeviendra sûrement un homme comme tous les autres. Mais le Président va lui
apprendre qu'il n'entend pas démissionner alors qu'il vient de donner la
démocratie aux Camerounais ; il ira jusqu'au bout en peaufinant le processus
démocratique. Il compte alors briguer un nouveau mandat. D'ailleurs il va
anticiper les élections présidentielles dont il rendra bientôt la date
publique.
Cela veut dire pour Jeanne-Irène qu'elle n'est pas prête de sortir
de l'auberge, car les manœuvres magiques et sorcières du Président vont se
poursuivre. Elle continuera d'être humiliée dans son foyer et le rideau de fer
qui s'est dressé entre eux va s'intensifier et ne cédera pas bientôt.
Mais il
y a pour elle plus révoltant : pendant très longtemps, elle a porté l'opprobre
d'une femme stérile, alors qu'elle n'en est pas une. Pendant toutes ces années
il n'a fait que se soigner pour pouvoir procréer. Cliniquement, il vient d'être
déclaré apte à donner enfin vie à des enfants. Un voyage en Europe lui en a
donné la confirmation.
Seulement, Paul Biya pense qu'il va se remarier ;
épouser une jeune fille qui pourra avoir le temps de lui faire de nombreux
enfants, au lieu de les rechercher avec une vieille femme qui, à défaut d'être
entrée déjà en ménopause, n'a plus les ressources physiques nécessaires lui
permettant de supporter des accouchements à son âge. Le plus grave dans tout
cela est qu'il n'entend pas la libérer. Plutôt, il compte, au mépris de la loi,
entrer en polygamie. La démarche légale dans leur cas serait de divorcer, pour
se remarier sous régime polygamique, afin de pouvoir prendre une seconde épouse.
Mais il trouve cette procédure très contraignante. Alors il pense qu'il abrégera
en transcendant la loi. N'est-il pas le chef de l'Etat, Président de la
République et Magistrat Suprême? Qui pourrait lever le petit doigt pour
l'accuser d'avoir violé la loi ? La loi est faite pour les autres et non pour
lui. S'il n'est pas, lui, au-dessus de la loi c'est qu'il est la loi, et
celle-ci est faite non pour lui compliquer l'existence mais pour le protéger
particulièrement.
Si son collègue du Gabon, Omar Bongo, a épousé une jeune
fille, fût-elle fille de Président, pourquoi ne le ferait-il pas, lui ?
Qu'a-t-il encore à s'encombrer d'une femme d'une certaine époque et d'un certain
âge alors que la tendance est aux jeunes filles désormais ? Elles sont belles,
excitantes, enivrantes.
Tout cela, il l'a exprimé à Jeanne-Irène de la
manière la plus froide possible. Elle a perçu ces propos comme une douloureuse
injure, et beaucoup d'ingratitude, après tous les sacrifices qu'elle a consentis
pour lui par amour. C'est donc ainsi qu'il va la remercier... ?
Le Président
lui dit qu'elle n'a pas de choix, les choses ne pouvant aller que comme il
voudrait les orienter. Alors mise à bout par tant d'égoïsme, de cynisme et de
sadisme, Jeanne-irène déclare à son mari que dans ce cas, qu'il soit sûr qu'elle
fera campagne contre lui aux prochaines élections ; elle expliquera à toutes les
femmes du Cameroun, à leurs filles, leurs fils et leurs époux les misères qu'il
lui fait subir depuis qu'il est chef d'Etat, et cet acte d'ingratitude qu'il
annonce maintenant qu'il peut procréer, alors qu'elle a supporté toute sa vie
qu'on pense que c'était elle, le problème dans leur foyer, parce qu'elle
espérait qu'il guérirait de son mal et que dès lors ils allaient avoir une
progéniture.
- Je te jure que je le ferai, Paul.
Elle n'a pas besoin de le
lui jurer. Il sait qu'elle le fera et en mesure la gravité. Jeanne-Irène, que
les Camerounais aiment très fort, et à qui ils sont profondément liés par une
intense sympathie. Ils agiront par solidarité avec elle et compatiront. Même ses
alliés et complices du RDPC le lâcheront sûrement. En tout cas, il ne faudrait
pas lui laisser le temps de mettre ses menaces à exécution. Elle a très forte
personnalité, et du caractère. Malheureuse, tu ne le feras pas.
Ce regard dur
et mauvais. Ce ricanement, Jeanne-Irène a des frissons. Inutile de faire
l'autruche, il faut regarder la vérité en face lorsque l'évidence est là : il va
la tuer. Elle sait qu'il n'est pas un badin ; quand il s'agit de son pouvoir, de
son fauteuil à préserver, il est prêt à tout. Ne dit-il pas toujours qu'à chaque
cas sa solution ?
Dans l'affolement, elle fait venir son neveu, l'aide de
camp du Président, pour lui présenter la situation et le prier encore de l'aider
à fuir. Mais l'autre essaie de la rassurer.
- Puisque je te dis qu'il m'a
menacée de mort, Roger... Il va me tuer !
C'est vrai qu'il le ferait sans
état d'âme. Mais Roger n'est ni alarmiste ni pessimiste :
- Calme-toi ma
mère, il peut le faire à tout le monde, pas à toi.
A quelque temps de là,
elle apprend que son époux va se rendre à Dakar pour un sommet de chefs d'Etat.
Cela va quand même l'intriguer puisqu'elle sait de lui qu'il est le champion des
boycotts des sommets des chefs d'Etat. Même au niveau de la Francophonie, il est
très mal disposé. D'où sort-il qu'il décide subitement de se rendre à un sommet
à la limite minable et sans grands enjeux?
La question va se poser dans la
tête de l'épouse du chef de l'Etat avec plus de pression lorsqu'elle va
apprendre que son époux a convoqué le chef de sa sécurité, le Commissaire
Divisionnaire Minlo'o Medjo Pierre qui, nonobstant ses allures de chrétien
engagé, un est boucher que les scrupules étouffent. En temps normal, la
rencontre entre les deux hommes n'aurait en rien inquiété Jeanne-Irène. Mais
dans leur contexte, et connaissant' son époux, elle se pose mille et une
questions. Et en fait, les termes de Paul Biya à l'issue de son entrevue avec
son collaborateur sont connus :
- A mon retour, je ne veux pas la retrouver
en vie.
Minlo'o a certes de la sympathie pour l'épouse, mais il est au
service de l'époux. Alors il doit faire mourir Jeanne-Irène, c'est un
ordre.
Elle sait que c'est le moment du départ. Paul l'a évitée. Il n'est pas
passé lui dire qu'il voyageait. C'est dire qu'il n'est pas facile de simuler à
ce point, face à quelqu'un qu'on a décidé de faire mourir. C'est plutôt Roger
Motaze qui vient à elle, tout brisé de chagrin, de mélancolie et
d'amertume.
- Ma mère, nous partons .
Et il éclate en sanglots. Elle a été
pour lui une mère depuis l'enfance. Il a grandi entre ses mains, fils de sa
soeur.
- Je t'ai demandé de m'aider à fuir, tu ne l'as pas fait. Maintenant
pourquoi pleures-tu encore ?
- Ma mère, je peux trahir mon oncle, mais je ne
peux trahir mon Président. Il me fait confiance.
Elle aussi lui a fait
confiance ...
- Et je lui ai juré honneur et fidélité.
Pas à
elle.
Lorsqu'il
part du Palais de l'Unité ce jour-là, Motaze sait qu'il ne reverra pas sa tante
vivante. Le pouvoir est vraiment absurde.
A Dakar les chefs d'Etat sont en
conclave lorsque Paul Biya se lève pour exprimer à ses pairs, la terrible
nouvelle. Que s'est-il passé? Le commentaire de Charles Ndongo, journaliste
ayant accompagné le chef de l'Etat, va nous instruire.
L'ex journaliste du
Président, dans son reportage sur le sujet, raconte que Paul Biya, sachant qu'il
avait laissé son épouse très malade au pays, s'attendait au pire. Mais le devoir
l'appelait à Dakar. Alors il attendait à tout moment des nouvelles.
On le
sentait anxieux, gêné. Puis son aide de camp s'est approché à un moment pour lui
communiquer la nouvelle. Alors Paul Biya s'est levé pour dire solennellement :
"On vient de m'annoncer une terrible nouvelle : mon épouse est décédée". Nous
sommes en août 1992.
A voir de près, Charles Ndongo, brillant journaliste,
n'est pas un naïf. Et entre les lignes on peut déceler son message. Car un époux
qui aime son épouse ne peut pas se déplacer lorsqu'il sait que celle-ci risque
de rendre l'âme après lui. Paul Biya manifestait de l'impatience au point de
consulter sa montre. C'est qu'il avait les détails de l'exécution de son épouse.
Il savait qu'une fois l'opération achevée, on le lui annoncerait. Il savait même
à quelle heure sensiblement le coup aurait lieu. Le moindre retard l'exaspérait
parce qu'il avait peur d'un échec : ce genre de coup doit absolument
aboutir.
Les pairs africains de Paul Biya n'ont pas été dupes car, ils ont
flairé l'entourloupe. Ils se connaissent suffisamment entre eux. Cela explique
qu'il n'y ait pas eu de chef d'Etat autour de lui pour les offices religieux.
Juste des messages de condoléances là où on serait massivement venu rendre
hommage à celle qui fut dame Biya. Même leurs épouses parmi lesquelles la
défunte comptait de nombreuses amies ne se donnèrent pas le mal de se déplacer.
Il s'agissait d'un boycott car tous étaient mécontents de Paul Biya dont ils se
désolidarisaient.
Si le Président Mobutu vient assister Paul Biya, ce qui est
tout à fait compréhensible quand on sait que les deux hommes étaient versés dans
les mêmes pratiques. Cela veut dire que Dakar n'était qu'un alibi pour Paul Biya
qui, ayant décidé de la mort de son épouse, avait jugé de l'opportunité d'être
hors du pays quand l'assassinat de celle-ci aura été perpétré.
Ayant appris
la mort de Jeanne-Irène, le Président rentre immédiatement au pays. Il réalise
alors que la défunte a reçu quelques heures auparavant des religieuses. Il
panique. Il s'agit des amies et confidentes de son ex-épouse. Ne leur
aurait-elle pas livré des secrets qui pourraient le compromettre comme elle a
promis de le faire ?
Après la messe qu'il célébrera à l'occasion des obsèques de Jeanne-Irène, ce prêtre sera retrouvé mort de manière très curieuse et inexplicable.
Le secret devrait absolument entourer les circonstances et les conditions de la mort de Jeanne-Irène. Tous ceux qui étaient susceptibles d'en dire quelque chose devaient disparaître. A commencer par ceux qui l'ont exécutée, des éléments d'une division spéciale de la sécurité présidentielle, abattus par leurs collègues. Après avoir abattu Jeanne-Irène et les religieuses de Djoum, ils sont eux aussi passés à la casserole. Le médecin légiste ayant établi le certificat de genre de mort a été exécuté, de même que des femmes de l'Eglise catholique ayant pris sur elles de laver la dépouille de Jeanne-Irène. Ce corps fut escamoté aux Camerounais car ceux-ci auraient eu en leur présence, un corps mutilé par trois balles de pistolet automatique.
Or, on a voulu faire croire qu'elle était malade et en est morte. C'est sans compter avec son programme. Car elle avait une sortie à effectuer au lendemain du jour de sa mort. Elle devait se rendre avec Yaou Aïssatou alors ministre en charge de la promotion de la femme, dans la zone d'Obala pour la visite d'un champ de champignons réalisé par une association de femmes rurales. Si son état de santé ne le lui aurait pas permis, le programme aurait été annulé. Pourtant, un jour avant la date de sortie, donc le jour de sa mort, Jeanne-Irène aura reçu , Jeanne-Irène aura reçu Yaou Aïssatou et les deux femmes avaient étudié les contours de la cérémonie du lendemain dont la date avait été maintenue.
C'est dire qu'elle était en parfaite santé et Paul Biya en se rendant à Dakar, ne laissait pas derrière lui une épouse physiquement mal en point, comme ont voulu le laisser entendre les versions officielles, tentant de justifier la mort soudaine de la première dame.
Depuis
leur retour de Dakar, Motaze Roger n'a pas la
conscience tranquille. Sa tante
est morte parce qu'il na pas
su la protéger. Alors qu'il aurait dû. Il
ressent maintenant
son absence. De par et d'autre de la famille, il subit des
pressions. La vie du Palais l'incommode déjà. Il voudrait en partir, continuer
sa carrière militaire ailleurs. L'idéal serait même de sortir un moment du pays,
question de changer d'air et de se refaire un moral.
Paul Biya s'est très
vite rendu compte de l'état d'esprit de son aide de camp depuis que la tante de
celui-ci est décédée. Et cela le met mal à l'aise. De toutes les façons, Roger
en sait trop, et cela n'est pas bien, cela n'est pas rassurant. S'il a éliminé
Jeanne-Irène pour certaines raisons, pourquoi n'éliminerait-il pas Roger pour
les mêmes raisons ? En effet, dans cet état d'esprit, il pourrait bien craquer
et lâcher le morceau.
Le Président invite alors son aide de camp à un dîner
intime. L'occasion est favorable à ce qu'il fasse le point de la situation.
Roger est entré à son service, six (06) mois après son accession à la
magistrature suprême. Depuis lors, il le sert à la fois comme le fils qu'il n'a
cessé d'être et le soldat qu'il est devenu.
C'est dans une salle particulière
que le chef de l'Etat installe son aide de camp. La table est faite. Il y a de
faibles lumignons de diverses couleurs, et une odeur de parfum magique : l'ambre
sans doute, ou le benjoin. Ce sont les deux parfums magiques du Président. Il y
a aussi une douce musique instrumentale religieuse qui flotte dans
l'air.
Paul Biya sert à boire à Roger Motaze dans une coupe. Puis il prend du
pain de sa main, qu'il lui donne. Il fait de même avec du poisson. Roger mange
et boit en présence du Président. Pas un seul propos n'a encore été échangé. La
musique s'arrête. Le Président se lève. Marche vers la porte. S'immobilise.
Parle enfin : Roger doit se rendre le lendemain en mission à Mvomeka'a, le
village de Paul Biya. Il y va très souvent d'ailleurs.
De retour chez lui,
l'officier est perturbé : ce dîner lui a paru suspect. Il va alors à son tour
préparer un document sonore dans le quel il fait état de son dîner avec Paul
Biya, en y exprimant ses appréhensions. Car il sait que le Président est devenu
un Maître dans l'art du sorcier. Le lendemain, en compagnie de l'officier de
l'armée, il se rend à Mvomeka'a. C'est à un virage mal négocié qu'il va déraper
pour trouver la mort. Son compagnon de voyage en sort indemne.
Il connaissait
pourtant parfaitement la route, qui est d'ailleurs la meilleure du Cameroun.
C'est qu'il avait oublié un tout petit détail :
lorsqu'on dîne
avec le diable, il faut s'asseoir à bonne distance, et utiliser une longue
cuillère.
Le maire de Sangmélima, M. N'na Ze Bavard, déclare que l'officier,
de passage devant la mairie ce jour-là, l'a aperçu et lui a dit : "je fais un
tour au village, j'arrive". Il n'en est jamais revenu ... c'était un voyage pour
l'éternité.
APPENDICE
En
1984, un scandale financier éclate au sein de l'Ancien et Mystique Ordre de la
Rose-Croix (AMORC), déystifiant ainsi une société secrète naguère prompte à
créer des frissons : Sessou Henri, le Grand Trésorier Général de l'AMORC venait
de démissionner, et l'organisation la poursuivait en justice pour détournement
de fonds. Une affaire qui suscita bien de surprises et qui donna du coup
l'opportunité à l'opinion publique d'en savoir assez sur un système que l'on
croyait inviolable.
Sessou Henri, de nationalité Béninoise, était alors
l'unique et premier nègre à avoir franchi tous les niveaux d'initiation de la
Rose-Croix, et à être parvenu aux plus hautes sphères de la graduation des
degrés de l'AMORC. Il jouissait de toutes les distinctions et de tous les
honneurs de l'Ordre. En sa qualité de Grand Maître, il assumait au sein de
l'Ordre la fonction de Grand Trésorier Général. Seulement, il ruminait et
nourrissait quelques récriminations contre cette société de mystiques, ce qu'il
l'amena, après en avoir été membre pendant plusieurs décennies, à démissionner,
et à exprimer ses frustrations.
L'ex Grand Maître déclara alors que la
Rose-Croix AMORC est une organisation dite mystico-philosophique, où le racisme
se taille la part du lion. Les monographies utilisées par les néophytes vont en
être une preuve car, selon Sessou Henri, les disciples d'un même niveau
pourtant, ne reçoivent pas les mêmes cours selon qu'ils sont occidentaux ou
ressortissants du tiers-monde. D'ailleurs la confidentialité des monographies
fait qu'il soit difficile que les néophytes se rendent compte de cette mesure.
Or, le tiers-monde à lui seul fournit à l'Ordre la moitié de ses adhérents, ce
qui constitue une contribution financière très importante dans les fonds de
l'organisation. Mais très peu d'Africains occupent d'importantes responsabilités
dans l'organisation centrale. Cela traduit l'exploitation dont ils sont victimes
de la part d'un système qui se veut spirituel et philanthropique mais dont les
véritables motivations sont d'ordre matériel et politique.
Le Grand Maître,
Grand Trésorier Général, avait en charge les questions financières, donc
salariales de l'Organisation. Il fit état de ce que certains Rosicruciens moins
gradés que lui de très loin, et assumant des responsabilités de très loin
inférieures aux siennes, percevaient un salaire et des indemnités de très loin
supérieurs aux siens, pour la simple considération raciale. Malgré les efforts
par lui déployées pour que ce genre de mesure au sein de l'AMORC prennent fin,
rien n'y fit. Alors il décida de claquer la porte en rendant son tablier, car il
avait évolué au sein d'une Organisation dont la morale et l'éthique sont en
conflit entre elles.
Et il enregistra dans des cassettes les doctrines
secrètes de la Rose-Croix, les pratiques et autres enseignements, qui se
vendirent comme de petits pains. La plupart des pratiques décrites dans le
présent ouvrage trouvent dans les documents sonores de l'ex Grand Maître, une
définition et une explication qui amèneraient le lecteur à comprendre pourquoi
des êtres humains pourraient se résoudre à de tels exercices.
Dans le monde
objectif, la vérité est relative. Autant les êtres rationnels considèrent ceux
qui pratiquent de telles choses de déments et de pervertis, autant ceux-ci ont
une idée pessimiste et négative sur ceux-là. Où donc se trouve la vérité ?
Qu'est-ce que la vérité 7
Sessou Henri quant à lui s'est réfugié en Jésus
Christ au sein de l'Eglise Chrétienne, et s'est lancé dans le Renouveau
Charismatique. Après avoir été cité en justice par l'AMORC pour détournement de
fonds. Nombreux sont aujourd'hui ceux qui, ayant fermement milité dans ces
sociétés hermétiques, ont compris qu'il est plus simple de se confier à Jésus
Christ ; il est le Chemin, la Vérité et la Vie. Lorsque ceux qui dirigent nos
pays africains se tourneront fermement et résolument à lui, alors une aube
nouvelle se lèvera pour les peuples d'Afrique.
Ce message est plus
particulièrement adressé à ceux qui dirigent le Cameroun.
POUR
UN CAMEROUN MEILLEUR IL EST TEMPS QU'IL PARTE .
ebene leopold candidat au election
2011.nous sommes pret.