La succession de Paul Biya vue par les Américains
La succession de Paul Biya vue par les Américains
- Mercredi, 07 Septembre 2011 07:46
- Jules Romuald Nkonlak
Révélations de Wikileaks. En 2007, l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun a fait un rapport sur les possibles présidents de la République.
Les révélations de Wikileaks sur le Cameroun continuent d’être
dévoilées au grand jour. Après les rapports faits par l’ambassadeur
Janet Garvey à la suite de ses entretiens avec les ministres Amadou Ali
et Marafa Hamidou Yaya, un autre document est connu.
Il s’agit d’un passage en revue de successeurs potentiels de Paul Biya,
fait par l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique, Niels Marquardt, en
février 2007.
L’ambassadeur des Etats-Unis, dont le rapport a été fait quelques jours
après l’anniversaire de Paul Biya (13 février), précisait dans sa note
que le 74e anniversaire de Paul Biya a ravivé les spéculations sur sa
succession. Tout comme sa maladie de 2006 (citée dans le rapport) et sa
désormais unique longévité au pouvoir.
Au moment de la réalisation du document rendu désormais public, Paul
Biya est à la troisième année du septennat qui s’achève et, d’après la
constitution, il s’agit du dernier. En 2011 donc, Paul Biya n’aurait pas
pu être candidat à sa succession. La loi fondamentale a depuis lors
changé. Les mandats présidentiels ne sont plus limités et la candidature
de Paul Biya à l’élection présidentielle du 9 octobre 2011 a été
déposée. Toutefois, il est intéressant de savoir ce que la
représentation diplomatique des Etats-Unis au Cameroun pensait, il y a
quatre ans de certaines personnalités considérées comme de potentiels
successeurs de Paul Biya. Certains sont encore aux affaires, d’autres
ont quitté le gouvernement, pour une paisible retraite ou pour la
prison.
Le document présenté par Niels Marquardt au département d’Etat
distingue cinq grands groupes de personnalités : le successeur
constitutionnel, les propres, compétents et bien placés, les corrompus
puissants, les chevaux noirs et les leaders de l’opposition.
Jules Romuald Nkonlak
I) Le successeur constitutionnel
Cavaye Yeguie Djibril.
Si Paul Biya démissionnait, mourait au pouvoir ou était incapable de
diriger le Cameroun, son successeur immédiat serait le président de
l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguié Djibril. Il est maître d'Éducation
physique de formation. Membre du Rassemblement démocratique du peuple
camerounais (Rdpc), le parti au pouvoir, il est à la tête de l’Assemblée
nationale depuis 1992. Selon les Américains, il est un pion important
au sein du Rdpc du fait qu’il appartient au grand nord dont la
population est importante. Cavaye Yeguie jouit aussi de la confiance du
président, d’après le rapport de Niels Marquardt.
II) Les propres, compétents et bien positionnés
Ephraim Inoni
Il n'exprime aucune volonté d’accession au pouvoir, pourtant, d’après
le câble de Wikileaks, il a plutôt eu du succès comme Premier ministre.
Ce qui explique pourquoi, pour beaucoup de personnes, il pourrait être
un bon président, même si un grand nombre de Camerounais ne sont pas
prêts à laisser le poste à un anglophone. Formé comme inspecteur du
Trésor à l'Enam, il est également titulaire d’un master de la
Southeastern University de Washington
Marafa Hamidou Yaya
Il a de la personnalité, est dynamique et plein d'énergie. Il entretien
d'excellente relations avec les ambassades des Etats-Unis, de France,
Chine, Japon, Royaume Unis, etc. Son intelligence et son efficacité font
de lui le meilleur de tous les candidats possibles à la présidentielle.
Il est le seul candidat à avoir confié à l'ambassadeur qu'il nourrit
cette ambition. Il est aussi le candidat des ambassadeurs européens au
Cameroun.
Amadou Ali
Depuis le début de campagne de lutte contre la corruption au Cameroun,
Amadou Ali jouit d'un large soutien du public. En même temps, il se fait
plusieurs ennemis. Amadou Ali a une forte réputation d’homme intègre et
compétent. Même s'il ne manifeste ouvertement aucun intérêt pour la
présidence de la république, sa réputation fait de lui le choix des
personnes qui sont fatigués des membres corrompus du gouvernement et
sont à la recherche d'une personne de confiance.
Ses principales faiblesses sont son faible niveau d’éducation et sa non
connaissance de l’anglais. Il fait partie des ministres les plus
accessibles par les ambassadeurs et on le voit souvent lors des
manifestations diplomatiques. Il est membre du gouvernement depuis 1985
et a servi comme ministre de la Défense, secrétaire d'Etat à la
présidence et ministre de la Justice et vice-premier ministre.
Laurent Esso
Il est discret et compétent. Laurent Esso a une bonne réputation et
jouit de la confiance totale du président. Beaucoup disent qu'il est les
yeux de ce dernier. Il a le même tempérament discret que Paul Biya en
1982. Laurent Esso est aussi distant avec ses compatriotes qu'avec les
étrangers. Il rencontre difficilement les ambassadeurs. Laurent Esso est
sans doute trop réservé pour être vu comme un potentiel candidat à la
présidence, néanmoins, il a l'intelligence, l'intégrité et l'expérience
pour devenir un bon candidat. En plus, il n'est ni du grand nord, ni
beti. Il pourrait donc être la troisième voie. Il a été recteur de
l'université de Yaoundé, ministre de la Santé, des Relations
extérieures, de la Justice et a occupé plusieurs postes à la
présidence.
III) Les corrompus puissants
Polycarpe Abah Abah
Il est notoirement corrompu et est également riche et puissant.
Certains pensent qu’il n’a pas encore été arrêté parce qu’il pourrait
soulever des foules. Amadou Ali a déclaré à l’ambassadeur des Etats-Unis
qu’il menait des enquêtes sur des soupçons de détournement de près de
200 millions de dollars concernant Abah Abah.
Jean Marie Atangana Mebara
Même s'il est perçu par certaines personnes comme un successeur
possible à Paul Biya, il est aussi décrit comme l’un des hommes les plus
corrompus du gouvernement camerounais. C’est peut-être la raison pour
laquelle il a été muté du poste de Secrétaire général de la présidence
de la République pour celui de ministre des Relations extérieures, où il
pourrait moins profiter de sa position. Plusieurs de ses proches
collaborateurs Beti ont également été sortis du gouvernement.
S’il était sanctionné pour cause de corruption, cela réduirait
grandement ses chances d’accès à la présidence, mais ne le sortirait pas
forcément de la course. Des rumeurs persistantes indiquent qu’il fait
partie de ceux qui sortiront du gouvernement. Les soupçons de corruption
le concvernant portent sur les affaires qui nécessitent l’approbation
de la présidence de la République, à l’instar de l’affaire Albatros, de
la perception de fonds en échange de promesses de postes ministériels,
etc.
IV)Les surprises possibles (chevaux noirs)
Grégoire Owona
Ministre délégué chargé des relations avec les assemblées et secrétaire
général adjoint du Rdpc, son influence est limitée par ses mauvaises
relations avec Joseph Charles Doumba.
Maurice Kamto
S’il y a un Barack Obama au Cameroun, c’est Maurice Kamto. Il a une
réputation d’intellectuel brillant et intègre, avec des idées fortes et
progressistes sur la démocratie et les droits de l’homme.
V) Les leaders de l’opposition
Adamou Ndam Njoya
Juriste francophone, il est président de l’Udc. Il a été enseignant
d’université et le premier directeur de l’Iric. Il a été choisi en 2004
comme le candidat le plus à même de s’opposer à Paul Biya.
Bernard Muna
Il appartient à l’une des plus célèbres familles du Cameroun. Avocat,
il a milité dans les rangs du Sdf, jusqu’en 2006. Cette année-là, il
s’est opposé au leadership du Sdf, ce qui a conduit à la naissance de
deux factions inconciliables.
John Fru Ndi
Paradoxalement, le plus grand adversaire de Paul Biya est celui que la
plupart de personnes ont déjà mis de côté. Ses batailles avec Bernard
Muna et son comportement à la suite du choix de Ndam Njoya comme
candidat de l’opposition en 2004 y sont pour beaucoup.
VI) Les outsiders
Henri Hogbe Nlend
Candidat malheureux à la présidentielle de 1997, il a été au
gouvernement jusqu’en 2002. Il est le premier Camerounais titulaire d’un
doctorat en mathématiques.
Edouard Akame Mfoumou
Ministre de l’Economie et des Finances de 1996 à 2001, il était jugé
compétent et crédité de bonnes relations avec la Banque mondiale et le
Fmi.
Marcel Yondo
Il a été ministre des Finances sous Ahidjo. Président du Mldc, il a été candidat à la présidentielle en 1997.
Aissatou Yaou
Directeur général de la Sni, elle a été la première femme ministre de
la Condition féminine (pendant 16 ans). Elle a quitté le gouvernement en
2000.