La Sopecam, caverne d’Ali Baba pour pilleurs :: CAMEROON

Cameroun : La Sopecam, caverne d’Ali Baba pour pilleursLes activités de contrôle et d’examen des comptes des entreprises du secteur public et parapublic de la Chambre des comptes en 2011 ont abouti notamment à la production de trois (3) rapports d’observations définitives. Y sont insérés, les comptes de la Sopecam pour les exercices 2004 et 2005, adoptés à la séance de la quatrième section du 15 septembre 2011. Regards sur un rapport qui incrimine en filigrane le ministre de la communication, le président du conseil d’administration et directeur général de la Société de presse et d’édition du Cameroun.

Comptes et mécomptes de Marie Claire Nnana
Les comptes de la Société de presse et d’édition du Cameroun (Sopecam) pour les exercices 2004 et 2005, inscrits aux programmes de contrôle de la Chambre des comptes pour les années 2006 et 2007, ont été confiés au magistrat rapporteur par ordonnances n°007/CSC/CDC/S4 du 27 juillet 2006 et n°04/CSC/CDC/S4 du 06 mars 2007 respectivement. Ces comptes produits en état d’examen comprennent d’une part l’ensemble des états financiers de synthèse prévus par le système comptable de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (Ohada) : le bilan, le compte de résultat, le tableau financier des ressources et des emplois, l’état annexé ; d’autre part, les comptes produits contiennent le journal, le grand-livre, la balance générale des comptes et les journaux auxiliaires. A l’appui de ces documents, les pièces justificatives des opérations enregistrées au cours de la période sous revue ont été déposées au greffe. On apprend qu’ « en application du principe du contradictoire, le rapporteur, après un contrôle exhaustif sur pièces et sur chiffres, a recueilli, par échange de correspondances avec la Direction Générale, des informations complémentaires ».

Application à géométrie variable de l’organigramme
Créée et organisée par décret N°77/250 du 18 juillet 1977, la Sopecam, née des cendres de l’Agence camerounaise de presse dont elle a hérité de l’actif et du passif, est un établissement public à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière pour un capital social de 250 millions de francs CFA. Son siège est à Yaoundé et sa tutelle est assurée par le ministre chargé de l’information. Conformément au texte susvisé, les organes de gestion de la Sopecam étaient : un conseil d’administration, une direction ; une commission financière. Le décret énumérait de manière exhaustive les matières ou actes de gestion soumis à l’approbation préalable de la tutelle et détaillait l’organigramme de l’entreprise composée de quatre (4) départements. Le 12 décembre 1985, la structure a été réorganisée par décret n°85/1716, et depuis lors ses organes de gestion sont : un conseil d’Administration ; une Direction Générale et une commission financière. Ce décret classe donc la Sopecam dans la seconde catégorie des établissements publics ; les domaines d’intervention de la tutelle n’y apparaissent plus, ni le montant du capital social. Il ressort toutefois des déclarations statistiques et fiscales que ce capital est établi en 2004–2005 au montant de 838.370.459FCFA, entièrement détenu par l’État du Cameroun. Sur la base des éléments produits, la Chambre n’a pas été en mesure de se prononcer, ni sur le nombre de parts sociales qui le constituent, ni sur la fraction libérée dudit capital.

Absence d’Assemblée générale et de Commissariat aux comptes
Conformément au cadre juridique actuel fixé par la loi n°99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics administratifs et des entreprises du secteur public et parapublics administratifs et des entreprises du secteur public et parapublic, inspiré des dispositions des actes uniformes Ohada et notamment l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (G.I.E.) du 17 avril 1997, l’acte uniforme relatif au droit commercial général du 17 avril 1997, la Sopecam classée société à capital public depuis la loi de 1999, aurait dû avoir comme organes sociaux, une Assemblée générale, un conseil d’administration, une Direction Générale, et disposer d’un organe de surveillance : le commissariat aux comptes. Son organisation demeure articulée autour des organes prévus par le décret n°85/1716 du 12 décembre 1985 susvisé : un conseil d’administration, une Direction Générale et une Commission Financière. Pour la Direction Générale, « la Sopecam avait préparé en 2003 un projet de statuts de l’entreprise conforme à la législation en vigueur, qui a été transmis au conseil d’administration et à la tutelle financière. C’est la validation de ce document qui conditionne la mise en place des organes de gestion ». Pour la Chambre des comptes, les statuts de la Sopecam ne sont pas conformes à la législation en vigueur.

Défaut de certification des comptes
La nomination et la révocation du commissaire aux comptes, certificateur légal, sont régies par la loi n°99/016 (article 33), comme l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E. (article 547) régit l’Assemblée Générale des actionnaires. Les missions dudit commissaire ne peuvent s’exercer en dehors de ce cadre. En l’absence de l’Assemblée Générale, la Direction a cru bon de désigner un commissaire aux comptes, les missions qu’elle lui a confiées ne peuvent avoir été exercées que dans le cadre d’une relation contractuelle d’assistance à l’entreprise. Malgré la lettre de mission de la Sopecam au cabinet d’expertise comptable AUDIT CONSEIL EUROPE AFRIQUE (ayant pour objet d’établir la déclaration statistique et fiscale, et certifier les comptes et les états financiers), les conditions n’étaient pas réunies pour que la société recrute un commissaire aux comptes. Aussi, les états financiers de 2004 et 2005 déposés au greffe de la chambre ne sont-ils pas certifiés. Selon la Direction Générale, « dans l’attente de la validation des statuts, la Sopecam a continu é à fonctionner comme un établissement public à caractère industriel et commercial.


Les membres du conseil d’administration sont nommés par les administrations publiques, les dirigeants sociaux par décrets présidentiels. C’est cette même logique qui a conduit le conseil d’administration à maintenir et à faire toujours recours à la commission financière pour la certification des comptes ». Pour la Chambre des comptes, le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial de la Sopecam en fait une entreprise publique régie par la loi n°99/016 et l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du G.I.E. susvisés. Le recours à une commission financière n’a plus de base légale. C’est donc à tort que la Sopecam l’a maintenue. Une lettre de mission curieusement évoquée fait pourtant un mélange, confiant au cabinet d’expertise à la fois des travaux tels que l’assistance pour l’établissement de la D.S.F. ou des états financiers et ceux de certification des mêmes états. Ce qui est incomptable et prohibé par les lois en vigueur. Pour la Direction Générale, « il s’agit ici davantage d’une erreur de formulation des missions confiées au cabinet ACEA. Les missions dévolues à ce cabinet d’expertise comptable sont celles de vérification des comptes et d’élaboration de la déclaration statistique et fiscale ainsi que des états comptables et financières. Il apparait à ce titre que le mot «certification » n’a pas été utilisé à bon escient ». La Chambre des comptes conclut à une incompatibilité reconnue par la direction générale. 

Fonctionnement problématique des organes de gestion
Les organes de gestion à l’oeuvre en 2004 et 2005 à la Sopecam sont un conseil d’administration ; une Direction Générale et une commission financière. Le conseil d’administration a fonctionné pendant la période sous revue avec neuf membres représentant les administrations dont le président nommé par décret n°99/217 du 30 septembre 1999. Il a tenu six(6) sessions. Le Directeur Généra et le Directeur Général Adjoint en poste au cours de cette période ont été nommés respectivement par décrets n°2002/160 du 23 juin 2002 et 2001/325 du 16 octobre 2001. De l’avis de la Chambre, cette situation est difficilement concevable du fait de l’application dans l’entreprise d’une comptabilité à partie double. Les mouvements des comptes des produits au crédit au fur et à mesure des facturations ayant pour contrepartie le débit du compte « client, avances reçues ». Ce dernier doit diminuer progressivement. A moins de déclarer que des années durant, ces factures n’ont pas été établies et enregistrées, ce qui remettrait en cause la situation financière de l’entreprise. Par ailleurs, la Direction Générale n’apporte pas d’information sur les suites des audits qu’elle dit avoir commis pour clarifier la situation. Il ressort de tout ce qui précède que le montant de 702 589 780FCFA des avances reçues des clients et enregistrées aux bilans successifs de 2003, 2004 et 2005 n’est pas sincère et l’audit sus évoqué est impératif. 

Libéralités dorées
Selon la chambre des comptes, « des libéralités et frais de déplacement injustifiés ont été accordés à diverses personnalités pour un montant total de 17 925 000 cfa dont 16 125 000fcfa alloués au Pca pour des aides et frais de déplacements insuffisamment justifiés ». Sur ce point, on obtient de la Sopécam que « le président du conseil d’administration avait bénéficié des aides dans le cadre de l’évacuation sanitaire de son épouse en Europe, suite à une demande adressée au directeur général, et qu’en l’absence d’un cadre légal de prise en charge par l’entreprise, cette aide ponctuelle lui a été apportée en vertu du devoir d’assistance humanitaire ». Dépense sans fondement juridique tout comme celle liée à l’indemnité mensuelle versée au ministre de tutelle. « Parce que la résolution  n° 129 /CA/SPE du 21 janvier 2003 accorde des indemnités et avantages au président et aux membres du conseil d’administration de la Sopécam ». Cette résolution alloue également au ministre de la communication qui n’est pas membre dudit conseil, une indemnité dite de carburant d’une valeur de 500.000fcfa. Cela a permis au bénéficiaire de percevoir en espèces au cours de la période 2004-2005 la somme de 12.500.000 fcfa. Ce sera bien de vivre et de voir le visage que prendra ce dossier épicé par la Chambre des comptes de la Cour suprême.

© integrationafrica.org : Jean-René MEVA’A AMOUGOU


10/09/2013
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