Grande mobilisation jeudi 09 février à 10 h devant l’hôpital de Ngousso Yaoundé, en soutien à Vanessa dans son combat pour récupérer son bébé ».
L’information a été postée sur les réseaux sociaux mardi dernier. Les forces de l’ordre n’en ont visiblement pas eu vent, à en juger par le dispositif sécuritaire déployé devant l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Ngousso. Il est 10h30 ce jeudi 9 février 2012. Contrairement à la veille, il n’y a pas un seul policier à l’entrée de la formation hospitalière.
A 11h01mn, six personnes s’avancent vers le portail de l’hôpital accusé d’avoir participé au vol du bébé de Vanessa Tchatchou. Cinq d’entre elles arborent des chasubles de couleur jaune sur lesquelles il est écrit « Association de défense des droits des étudiants du Cameroun ». Hervé Nzouabet, le président de cette association estudiantine est là. La sixième personne est Vincent Sosthène Fouda, homme. Les manifestants attirent tout de suite l’attention des gendarmes assis à la guérite de l’hôpital. L’alerte est donnée.
A peine les manifestants ont déployé leurs pancartes qu’elles leur sont arrachées. On a quand même pu lire les écriteaux : « Remettez-nous le bébé de Vanessa parce que c’est notre bébé à tous », « Non à la sorcellerie », « Les étudiants soutiennent Vanessa ». Le commissaire d’Etoudi, qui se trouve à l’intérieur de l’hôpital, accourt pour disperser la manifestation. S’apercevant qu’il est filmé par une camera de Canal 2, le fonctionnaire de police prend le cameraman en chasse, malgré sa veste et sa cravate.
Echauffourées
Pour autant, les manifestants ne capitulent pas. Ils entonnent
alors des chants. Outre le refrain « Liberté » d’Anne-Marie Nzié,
résonne : « Vanessa pose ta main sur mon cœur afin de retrouver notre
bébé à nous ». L’entrée de l’hôpital grouille subitement de monde. Les
curieux observent le « spectacle » de loin. Le commissaire d’Etoudi
revient de son marathon. Il transpire à grosses gouttes. Il essaye de
prendre Vincent Sosthène Fouda en aparté. En un premier temps,
l’initiateur de la manifestation ne consent pas. Puis, il accepte de
parler avec ce haut-cadre de la police. Quelques bribes de leur
conversation. «Vous devriez partir. Vous avez déjà fait votre
manifestation. Ce que vous faites est un trouble à l’ordre public. Quand
le Gmi va arriver ici, ce sera une autre affaire. Je vous le dis pour
vous aider», propose le commissaire. « Nous ne partirons pas d’ici »,
répond l’homme politique, qui tend les poignets pour qu’on y accroche
des menottes.
Quelques minutes après le début de cette troisième manifestation, un autre officier de police débarque. Bien en chair, il est déterminé à en découdre avec les manifestants. L’air menaçant, il entre aussitôt dans le bain de la répression. «Chante encore ! Chante encore», hurle-t-il à l’un des révoltés. Celui-ci fait la sourde oreille. « Embarquez-moi celui-ci », ordonne-t-il à ses éléments. S’en suivent alors des échauffourées. La chaîne humaine est déterminée à ne pas rompre. Elle résiste à la pression de la dizaine de policiers qui usent de force pour appréhender le manifestant désigné par le commissaire. Des hurlements s’échappent de la foule qui, cependant, reste spectatrice.
Valsero entendu
Malgré leur résistance, les manifestants sont embarqués dans un
pick-up du commissariat central n°1. De l’arrière du véhicule, un
membre de l’Addec et manifestant s’adresse à la foule nombreuse : «
Voilà un jeune Camerounais qui est privé de l’amour maternel. Tout le
monde y a droit. Nous, jeunes, sommes venus réclamer le bébé Vanessa
parce que c’est notre bébé à tous. Nous ne devons pas nous taire parce
que c’est notre pays à tous. Nous devons tous faire preuve de
solidarité. La police qui est censée nous protéger mais en fait, elle
est répressive ». Emouvant certes, mais pas au point de soulever les «
spectateurs » passifs.
Cinq minutes après leur départ, les membres de l’Addec sont de retour. Ils ont été refoulés de l’arrière du véhicule alors que celui-ci était en train de rouler sur la chaussée. Encore des éclats de voix. Les étudiants dénoncent ce traitement. Au passage, un membre de l’Addec nargue un policier : « Je suis un cadavre. Je suis déjà mort !»
Valsero, le rappeur, arrive lorsque les sept membres de l’Addec (trois ont grossi les rangs entre-temps) sont sur le point d’être conduits au commissariat central n°1. L’artiste, qui a lui aussi porté la chasuble de l’Addec, décide de les suivre. Les manifestants vont y être entendus. Tous, même Valsero qui a priori ne se sentait pas concerné. « Ils disent qu’ils veulent m’entendre alors que j’ai un concert ce soir hors de la ville », dit le chanteur, de manière désinvolte. A 19h15, lorsque nous mettions sous presse, les personnes interpellées venaient d’être libérées. Cependant, nous avons appris que le téléphone portable de Vincent Sosthène Fouda a été confisqué pour exploitation.