Arrêté le 15 novembre 2012, Boubakary Djidda qui se fait passer sur Facebook pour l’ex-première dame a très vite été relâché par la police. Alors que ses victimes se comptent sans doute par dizaines.
Depuis près de deux ans à notre connaissance, l’identité de Mme Germaine Ahidjo est usurpée sur facebook. De nombreux camerounais et étrangers se sont liés d’amitié avec la fausse première dame en toute confiance. Au dimanche 25 novembre 2012, la page comptait encore 1195 amis potentiels victimes et cibles de l’auteur. Parmi ces personnes, nous découvrons 35 amis communs dont des journalistes notamment Cathy Yogo, Adolar Lamissia, Jean Marc Soboth, Madeleine Mbemb, Moussa Marandata, Bouba Kaele, Jean Jacque Zé, Cyrille Ekwalla, Jean-Bruno Tagne mais aussi des hommes et femmes publics tels Kah Wallah et le Combattant Mboua Massock.
Dans la quête du gain facile, le fraudeur dévoile son jeu, il y a 3 trois mois sur le forum Triangle Patriote sur faceboock. Dans notre édition N°43 du 2 octobre 2012, nous publions un article dénonçant l’arnaque. Juste après, ladite page disparaît du réseau social. Nous croyions l’affaire close seulement quelques jours plus tard une dame nous contacte et nous informe qu’elle a été victime d’une arnaque au nom de Mme Germaine Ahidjo.
5 000 100 milles de la Pologne
Mme Pyl née Didja Charlotte Maihouli, ressortissante camerounaise basée en Pologne, a encore la gorge nouée lorsqu’elle revient sur cette affaire qui lui aura coûté 5 millions 100 milles Fcfa. Elle a été contactée en avril 2011 avec le profil qu’elle croit être celui de l’ex-première dame du Cameroun. Passés les premiers échanges, la fausse ex-première dame communique ses contacts email à la camerounaise de la diaspora polonaise. De leurs échanges qui basculent immédiatement de Facebook aux mails, proposition est faite à dame Didja Charlotte de s’associer aux activités mi caritatives, mi lucratives de la première dame au travers d’un partenaire espagnol : La Fondation Tony Alvarez Laboratoire Sarget.
Menées en relais avec Antar Gassagaye, Sadou Daoudou etc… Disent les échanges emails dont nous avons eu connaissance. La disparition de Sadou Daoudou, « paix à son âme » dit un des emails, exigeant le renouvellement du conseil d’administration, proposition est généreusement faite à dame Didja Charlotte d’y siéger dès mai 2011 en France. Avec l’assurance que le billet d’avion et autres commodités seront pris en charge par la Fondation les jours suivants. Entre temps, pour les achats d’algues, miel et aloès vera depuis le Cameroun pour des recherches, où de confortables marges de l’ordre de 100% à 150% sont garanties à la future membre du conseil d’administration, « Habiba Germaine Ahidjo » propose le contact de El Hadj Boubakary, sans aucun doute le Boubakary Djidda habitué à faire les mêmes transactions du temps où Antar Gassagaye et Sadou Daoudou se chargeaient de ces affaires au pays dit un des mails de la fausse ex-première dame. Il s’agit des prochaines livraisons d’algues de recherche aux noms plus extravagants les uns que les autres: chara vulgaris, fallaeis monoculata, coconeis placentula, etc.
Par 3 virements successifs au bout d’une mois, 5.100.000 Fcfa transférés à la personne de confiance de Germaine Habiba Ahidjo. Et depuis, malgré maintes procédures entamées ici et là, l’affaire n’a pu être véritablement éclaircie. Découragé par lesdites dépenses, Didja Charlotte dont l’époux ne supportait plus les dépenses supplémentaires alors qu’ils sont déjà victimes d’une aussi grosse cyber escroquerie renonce à obtenir justice. Elle revient sur sa décision après la publique de notre article et décide de reprendre sa bataille.
2 700 000 milles des Etats Unis
Quatre 4 mois avant la publication de l’article intitulé « Germaine Ahidjo se fait voler son identité depuis plus d’un an », un homme se fait prendre dans les filets de la fausse première dame du Cameroun. C’est le journaliste Georges Salomon Diboki, promoteur du site d’information en ligne « Cameroon Webnews ». Selon Dim Fangounda du journal Le Courrier, Georges Salomon Diboki, est contacté pour un entretien sur la question du rapatriement de la dépouille de Ahmadou Ahidjo. Rien de surprenant: Georges Salomon se passionne pour la mémoire du premier président de la République du Cameroun. Mais peu à peu celui qui se révélera finalement n’être qu’un cyber escroc et qui prétend être le petit-fils de Germaine Habiba Ahidjo déplacera le centre d’intérêt des échanges de l’interview initialement sollicitée vers la vente d’un lopin de terre de 1000 m² sis au quartier Nylon-Bastos. L’affaire est vite conclue. Et par virements successifs, Georges Salomon Diboti, ne se doutant de rien, met donc 2.700.000 Fcfa, le temps que la procédure de mutation du titre foncier aboutisse.
Malheureusement pour l’usurpateur, la supercherie n’ira pas bien loin car Georges Salomon Diboti, lui aussi apprend que le profil Facebook de Mme Germaine Habiba Ahidjo à été frauduleusement créé par une personne sans doute mal intentionnée et n’est autre que Boubakary Djidda. Il décide de tendre un piège à son arnaqueur. Surpris mais prudent et vigilant, le journaliste alerte la police avec laquelle il tend un traquenard à son bourreau, à qui il prend le soin de dissimuler l’information obtenue grâce à l’Hebdo Le Septentrion. Le piège prend progressivement corps et le 15 novembre 2012, au lieu des 500.000 Fcfa restants que devrait lui remettre Odile Ariane Langa Pahai, la correspondante à Yaoundé de Georges Salomon Diboti, notre cybercriminel est cueilli par les éléments de la direction de la police judiciaire devant l’agence Sgbc au quartier Hippodrome à Yaoundé.
La bourde policière
A l’annonce de la nouvelle de l’arrestation de Boubakary Djidda alias Mme Germaine Ahidjo, Mme Didja Charlotte Maihouli, s’étonne de ce que Boubakary Djidda ait été relâché si vite alors qu’elle s’apprête à se plaindre. Son espoir est partiellement écourté par la libération d’un cybercriminel qui n’a pas hésité à se remettre « au travail ». Après une nuit de garde à vue plus tard, Boubakary Djidda est à nouveau libre de ses mouvements. Moyennant quelques arrangements et tractations: remboursement de 1.500.000 Fcfa, ferme engagement de régler le reste à la mi décembre. Curieusement, tant les bases juridiques d’une telle libération sont douteuses. Et les dangers que représente le personnage immenses.
La preuve: à 15h dimanche 25 novembre 2012, nous avons eu le « privilège » d’échanger sur Facebook avec la fausse Mme Germaine Ahidjo qui ne semble pas spécialement intimidé, voire si sûr de lui qu’il se met aussitôt à la chasse aux prochaines victimes parmi celles naïves ou mal informées des dangers réels que représentent ces multiples réseaux sociaux et internet en général. A la question de savoir comment elle vit depuis la disparition de son mari, elle nous répond : « je faits avec les médias en parle souvent c pas tabou ma fille il faut me venir souvent en aide il faut acheter le récent jeune afrique N° 2705 du 11 au 17 Novembre qui parle des veuves de présidents? » (extrait de notre échange sur facebook. Ndlr). Elle poursuit : « j’ai des investisseurs qui me font confiance jusqu’à ce jour mais avec la confiance qui manque toujours avec les jeunes d’aujourd’hui ils ne veulent pas être discret? ».
Mais au delà de toutes ces histoires malheureuses, qu’un profil établi comme frauduleux, pris en flagrant délit de cyber escroquerie soit encore actif comme nous l’avons testé ce dimanche est un fait passablement inquiétant. Et qui témoigne du décalage entre la gravité des faits concernés, de leurs effets nocifs sur les paisibles et honnêtes citoyens, et la choquante facilité avec laquelle leurs auteurs échappent à la punition méritée.
Pendant ce temps la vraie Mme Germaine Ahidjo qui a quelques soucis de santé, se repose tranquillement aux Almadies à Dakar au Sénégal.