La nouvelle stratégie du pouvoir contre Marafa

YAOUNDÉ - 28 Mai 2012
© Guibai Gatama | L'Oeil du Sahel

L'ex-ministre d'Etat, ministre de l'Administration et de la décentralisation, Marafa Hamidou Yaya, séjourne depuis le 25 mai 2012 dans les cellules du Secrétariat d'Etat à la Défense chargé de la gendarmerie (SED).

L'ex-ministre d'Etat, ministre de l'Administration et de la décentralisation, Marafa Hamidou Yaya, séjourne depuis le 25 mai 2012 dans les cellules du Secrétariat d'Etat à la Défense chargé de la gendarmerie (SED). Il y a été conduit dans des conditions rocambolesques aux alentours de 19 heures en compagnie de l'ex-administrateur directeur général de la Camair, Yves Michel Fotso, et de l'ex-grand argentier, Polycarpe Abah Abah. L'information d'un éventuel transfert de l'ex-Minatd de Kondengui au SED, qui avait fuité dans les médias quelques jours plus tôt, s'est donc confirmée. Il reste à connaître l'urgence d'une telle décision de la part du pouvoir, d'autant plus que sur le plan juridique, sa justification laisse à désirer.

La publication des trois lettres ouvertes -deux au chef de l'Etat et une aux Camerounais- y est-elle pour quelque chose? Assurément, affirment plusieurs sources introduites. Dans ces conditions, le transfèrement de Marafa Hamidou Yaya peut être interprété comme une tentative de le museler. Reste, dans ce cas, à en attendre les effets. «Le ministre d'Etat va continuer à s'exprimer chaque fois qu'il le jugera nécessaire. Il connaît bien le système et avait anticipé, avant même d'être incarcéré, sur son transfert au Secrétariat d'Etat à la Défense», indique un membre de son entourage. Traduction: Même confiné dans un réduit, Marafa Hamidou Yaya ne se taira pas. L'opinion peut donc s'attendre à court ou moyen terme à de nouvelles révélations. Comment? Mystère et boule de gomme.


FÉBRILITÉ

La stratégie de musèlement de Marafa Hamidou Yaya s'accompagne d'une triple pression. La première est politique. Et la charge a été sonnée par le chef de l'Etat en personne au cours de la réception qu'il offrait au palais de l'Unité, comme de coutume, dans le cadre de la célébration du 20 mai 2012. «Faites cesser le désordre de Marafa à Garoua», aurait en substance indiqué Paul Biya au lamido de Garoua et non moins secrétaire d'Etat à la Santé publique, Alim Hayatou. Cette interpellation publique, confirmée par plusieurs témoins, est le signe de la reprise en main de l'affaire Marafa par le chef de l'Etat.

Le lamido de Garoua est donc invité à se remuer. Beaucoup admettent cependant qu'en dehors de quelques motions de soutien qu'il pourra susciter ici et là, sa marge de manœuvre semble bien réduite. «Il n'y a pas de désordre à Garoua, il y a juste une fébrilité des autorités dont la plus illustrative est l'insomnie du gouverneur de la région du Nord le 19 mai 2012. Il pensait que les populations de Garoua boycotteraient la fête nationale. Pourquoi ? Dans quel but ? Les lettres de Marafa sèment le doute dans l'opinion nationale, ce n'est ni une affaire de Garoua, ni celle du Grand Nord, c'est une affaire nationale», raille un président de section Rdpc de la Bénoué. Qu'importe, le rouleau compresseur est déjà en marche et dans quelques mois, l'entourage du chef de l'Etat espère chambouler le paysage politique local. L'ex-secrétaire général de ministère, Amidou Maurice et l'homme d'affaires Fadil Bayero sont fortement pressentis à des hautes responsabilités et devraient incarner le renouveau politique de l'après Marafa. Il faut cependant relever que ce n'est pas seulement dans la Bénoué que cette petite révolution va se dérouler. 27 élus Rdpc (maires et députés) originaires des régions septentrionales et dont votre journal a obtenu copie de la liste, n'obtiendront vraisemblablement plus l'investiture du parti au pouvoir aux prochaines élections locales. Du moins, si l'on s'en tient aux fortes recommandations d'une note adressée au chef de l'Etat le 19 avril 2012 par un membre du bureau politique du Rdpc. De même, dans le seul ministère de l'administration territoriale et de la Décentralisation, 45 fonctionnaires figurent sur une liste de «suspects». Parmi eux, des préfets et sous-préfets qui devraient être balayés du commandement sans ménagement. Et naturellement, sans avoir été entendus!

La seconde pression est médiatique. Depuis le 26 mai, le pouvoir essaye de reprendre la main après de nombreux balbutiements. «Après avoir tout ficelé à Yaoundé, le ministre de la Communication est à Douala depuis samedi (Ndlr: le 26 mai) pour organiser la riposte avec les médias basés dans la capitale économique. Le problème c'est que, en dehors de Bayero Fadil qui mouille le maillot avec sa chaîne de télévision Cam News 24 et qui fait aussi preuve d'un activisme débordant sur les réseaux sociaux, aucun nordiste connu ne veut montrer sa tronche à la télé ou fanfaronner à la radio pour défendre le président de la République, car il s'agit bien de protéger le chef de l'Etat contre ces attaques inadmissibles», indique un proche collaborateur de Tchiroma. Parallèlement, selon des sources concordantes, la publication des articles dans la presse «démystifiant» Marafa et ses lettres ouvertes devrait s'intensifier. «Les contributions publiées dans la presse sont signées à une ou deux exceptions près, Des pseudonymes. Compilez-les de nouveau et faites l'exercice de retrouver les rédacteurs! Elles sont rédigées par des personnes qui gravitent autour du cabinet civil de la présidence de la République, mais qui n'ont pas le courage de signer de leur nom comme si personne ne voulait insulter l'avenir. Depuis que Marafa fait le buzz, en dehors de Joseph Le, quelle autre personnalité a pris date avec l'histoire? On ne peut pas défendre le chef de l'Etat derrière les rideaux et c'est pourquoi Tchiroma monte au front. Il va même s'exprimer dans les prochains jours», assure ce très proche collaborateur. De là à ce que certains accusent les caciques du Rdpc de «fidélité dévoyée»...

La troisième pression est sécuritaire. «Nous traitons, sans nous en rendre compte, l'affaire Marafa comme une atteinte à la sûreté d'Etat. Nous travaillons comme si nous traquons un mouvement groupusculaire qui fomente quelque chose alors même que celui qui rédige les lettres est connu, et l'assume», regrette un officier supérieur de la gendarmerie nationale. D'où le dispositif exceptionnel déployé pour surveiller tous ceux qui sont soupçonnés actuellement d'être proches de l'ex-ministre d'Etat Marafa Hamidou Yaya. Elus, hommes politiques et même, curieusement, hommes de médias font l'objet de curieuses attentions des forces de sécurité. Cette atmosphère lourde, il va de soi, fait la part belle aux services de renseignement. Dans les régions septentrionales, des élus et autres hommes d'affaires sont arnaqués quotidiennement par des éléments de la Dgre, de la gendarmerie nationale et de la police qui les accusent sans aucune preuve, de fabriquer des tracts à la gloire de Marafa Hamidou Yaya, de les distribuer ou mieux d'être simplement un de ses relais. L'occasion fait décidément le larron.



29/05/2012
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