Dans une interview rendue tristement célèbre parce qu’Eric Chinje qui lui posait des questions dut fuir le Cameroun après, Paul Biya demande de donner des preuves des malfaisances de son gouvernement. C’était il y a si longtemps qu’à cette époque on ne parlait que de crimes économiques – ceux-là qui font bouger Epervier et jettent les ministres et hauts fonctionnaires des grandes ambitions à ngata.Eric Chinje ne parlait pas des 73 Camerounais putschistes dont les noms ont été publiés récemment seulement par le journal Germinal, tous condamnés à mort ou à perpétuité et fusillés à Ebolowa, à Mfou, à Yaoundé parce que évidemment ces assassinats en dehors du droit étaient secrets, si secrets que c’est en aout 2011 seulement après que j’aie publié la liste de ces compatriotes qu’un ami de ces tués, le maréchal de logis Etienne Sambo, découvrit par Facebook les circonstances de la mort de ce dernier, mais ne sait même pas encore où il est enterré. Le secret d’Etat sur les fosses communes du renouveau ne pouvait longtemps durer, car le mort c’est comme l’huile dans l’eau : quand mal enterré, il revient toujours à la surface de l’histoire. Les crimes de Biya ne pouvait longtemps rester cachés dans les casernes militaires, car le journal Aurore plus nous révélait que le 15 février 2011, en plein palais de l’unité le capitaine de corvette Essomba Roger Emmanuel, officier de la Garde présidentielle, la fameuse et redoutable GP, commettait le miracle de se suicider en se tirant de multiples balles dans la tête.
Oui, c’est le palais de l’unité. Mais comment lier tous ces assassinats à Biya ? Où sont les preuves ? Telle a toujours été la question de l’homme aux vestes bleu marine. Eh bien, les révélations de Wikileaks sont de ce fait époustouflantes : http://wikileaks.org/cable/2009/03/09YAOUNDE256.html. Elle le sont parce qu’elles rapportent les propos du ministre de la justice Ahmadou Ali, vice premier ministre, longtemps ministre de la défense, et donc personnalité No 4 du pouvoir de Yaoundé. Notons que c’est bien lui, Ahmadou Ali, sous pression internationale certes, mais surtout parce que les 200 morts de février 2008 ne pouvaient être cachés comme les 73 de mai 1984, c’est donc lui, Ahmadou Ali, qui avait publié la liste officielle des morts de février 2008. C’est lui donc qui avec une franchise que les américains reconnaissent étonnante, pour l’histoire camerounaise décrit succinctement la machine à nous tuer tous dont la tête se trouve au palais de l’unité et qui multiplie la mort dans nos cours, dans nos maisons, dans nos foyers, dans notre pays. C’est que chacun de nous sait en effet que ce n’est pas la police antigang, mais bien les forces armées, et plus concrètement l’armée de terre qui fut mobilisée le 25 février 2008 déjà, et qui comme des photos montrent, procédèrent à des arrestations en plein Douala. Eh bien, que dit le ministre Ahmadou Ali ? ‘Aucune unité militaire ne peut être mise en mouvement sans l’autorisation écrite de Biya.’ Ce n’est pas surprenant, car après tout, c’est bien Biya le chef suprême des forces armées. C’est donc lui qui au lieu de mobiliser la police ou la gendarmerie, choisit de mobiliser plutôt l’armée de terre dans nos villes en 2008, avec les conséquences que nous savons tous : une hécatombe !
Mais la machine à tuer de Biya serait sans forme si n’y était ajouté le BIR, la Bataillon d’Interventions Rapides, ce gang criminel qui sans nul doute à la chute de Biya devra être dissout. J’ai fait face à ses pratiques en février 2008, sur l’axe lourd Yaoundé-Douala, car elle avait également été mobilisée, tout comme d’ailleurs ce février 2011 à Bafoussam, quand quelques tracts furent jetés en ville. Le BIR dont la mission selon le ministre Ahmadou Ali, est de sécuriser la péninsule de Bakassi, de défendre la souveraineté nationale donc, est ainsi en réalité la force à tuer des grandes ambitions : car ses éléments tirent toujours avec des vraies balles, et ce détail sanglant est bien connu de tous les Camerounais comme je me suis rendu compte en février 2008, devant un leader politique qui me répondit ceci à ma question pourquoi il se terrait : ‘Ils visent toujours les leaders !’, voilà sa réponse, ‘et ils tirent pour tuer.’ Dans ce car où je rencontrai le BIR, voici ce qui se passa : à un de cette vingtaine de points de contrôle routier qui s’étaient abattus sur l’axe lourd en février 2008, ses soldats interceptèrent notre car, et, gigantesque fusil en main, ordonnèrent à tout le monde de descendre, beuglant deux phrases seulement : ‘Vos cartes d’identité !’ et : ‘Il y a des étrangers ici ?’. Nous composâmes donc deux rangs, un plus long, fait de nous les Camerounais qui reprendrons place dans le car après avoir été fouillés, et un autre, fait de deux étrangers qui furent emportés, je ne sais plus où. Seul deux Camerounais – dont moi - protestèrent dans le car, mais nous fumes tus par le reste des passagers qui disaient : ‘Ahhh, laissez-les ! Les étrangers-la même ! Au lieu de régulariser leur situation ils viennent nous embêter ici !’ Les deux pauvres nous rejoignirent plus tard ; ils avaient été délestés chacun de dix mille francs par les éléments de le BIR, à ce qu’ils nous dirent. Et le ministre Ahmadou Ali ne les contredira pas, car dit-il, même ‘les généraux sont totalement corrompus’, lui qui ‘ne croit cependant pas que Biya leur ferait perdre leurs postes.’ De quoi Biya a-t-il donc peur ? Oui, qu’est-ce qui lui fait peur ? Continue le texte, ‘Ali analysa le Cameroun comme un pays à risque très réduits en matière de coup d’Etat, et dit que l’armée était suffisamment fracturée et contrôlée par la présidence (aucune unité militaire ne pouvant être mise en mouvement sans l’autorisation écrite de Biya) pour rentre un soulèvement improbable.’ Biya n’a donc pas peur de l’armée, non, elle, et le BIR surtout, exécute ses ordres aveuglement.
La corruption du BIR est révélée dans les journaux de plus en plus, comme de multiples articles de Le Jour démontrent, surtout après les attaques de banque à Douala. Son palmarès d’assassinats est connu lui aussi, et la liste des morts de février 2008 est là pour nous le rappeler. Que cette unité qui gangrène et déshonore l’armée nationale camerounaise, soit la main tueuse du renouveau, cela est donc su. Mais ce qui n’apparait pas encore, c’est la relation entre Biya et le BIR, bref, ce sont les preuves de culpabilité du président du Cameroun dans les meurtres prémédités et exécutés dans nos familles par le BIR. C’est ici que les révélations d’Ahmadou Ali à l’ambassadeur américaine Garvey sont essentielles. Lisons encore : ‘lorsqu’il était ministre de la défense, lui Ahmadou Ali (de 1997-2001), Avi Sivan, l’Israélien qui dirige le BIR, faisait ses rapports directement à lui. (Note. Le colonel (en retraite) Abraham (‘Avi’) Sivan, est un citoyen en même temps d’Israël et du Cameroun (avec des passeports valides des deux pays). Sivan agit au Cameroun en ses capacités personnelles après avoir pris sa retraite comme attaché de la défense d’Israël au Cameroun.’
Et Biya dans tout cela? Ecoutons encore Ahmadou Ali, ministre de la justice, ancien ministre de la défense et vice premier ministre de Biya, donc personnalité No 4 du renouveau: ‘Biya a mis le BIR sous sa direction personnelle.’ Voilà, oui, voilà : c’est Biya qui en novembre 2006, en février 2008, en février 2011, a donné les ordres de tuer, oui, c’est Biya. Quiconque cherchait des preuves n’a plus besoin de regarder le ciel incrédule devant les centaines de cadavres qui sont multipliés dans nos cours lors des moindres manifestations politiques; n’a plus besoin de se demander ce que le BIR fait dans nos salons quand sa tache est en fait de sécuriser Bakassi; n’a plus besoin de se demander pourquoi l’armée de terre se retrouve dans les villes à faire des arrestations de citoyens alors que les policiers sont investis de cette tache; n’a plus besoin de se demander pourquoi tous les morts des mouvements politiques au Cameroun ces derniers 27 ans le sont par vraies balles, balles tirées de manière préméditée et morts exécutés froidement. Qui a donné les ordres de tuer ? Telle est la question simple qui se pose toujours. La réponse, nous dit Ahmadou Ali, qui est encore ministre, est simple: ‘C’est Biya.’ Et devient clair pour chacun de nous pourquoi ces autres ministres de Biya, Issa Tchiroma en février 2011, Fame Ndongo aussi, pour dissuader les populations camerounaises de se mettre en branle, prononcent toujours cette phrase étrange: ‘vous allez vous faire tuer’, ou alors accusent les ‘opposants’, ‘d’envoyer les enfants d’autrui dans la rue pour qu’on les tue.’ ‘On’ ? C’est qu’ils savent le nom du tueur, même s’ils ne le prononcent pas ; ils savent qui signe les ordres de tuer; ils savent que c’est Biya qui a ordonnée la mort des centaines de Camerounais qui voulaient juste s’exprimer. Ils savent que Biya est un tueur.
Dans la suite d’Ahmadou Ali et de Issa Tchiroma, j’accuse donc Biya de crimes multiples: d’abord de crimes contre l’humanité des Camerounais, car exprimer son opinion, et c’est à dire au fond ouvrir sa bouche pour parler, est une manifestation primaire de l’humanité de chacun de nous.
Dans la suite d’Ahmadou Ali et de Issa Tchiroma, j’accuse Biya de crimes prémédités et exécutés sur des Camerounais qui jamais n’ont pris un fusil pour mettre en danger son pouvoir ou le menacer.
Dans la suite d’Ahmadou Ali et de Issa Tchiroma, j’accuse Biya de multiples assassinats.
Je sais que la justice se donne toujours le temps d’agir. Je sais aussi qu’elle a eu le temps chez nous, même si seulement après sa chute, de se saisir d’Ahmadou Ahidjo, condamné à mort par Paul Biya en 1984, mais aussi de Moubarak et même de Chirac.
J’attends donc qu’au Cameroun elle fasse enfin son travail, et se saisisse de Paul Biya. Les preuves sont là. J’attends.