La longévité au pouvoir de Paul Biya discutée en commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale française
Des parlementaires français accablent Paul Biya dans un rapport de mission
Présenté devant la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale française, il est alarmiste sur l'après Paul Biya. Le rapport de « la mission d'information sur la stabilité et le développement de l'Afrique francophone », présenté le 15 avril dernier devant la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale française est de ceux susceptibles de refroidir les relations entre Paris et Yaoundé. Et pour cause, les conclusions de la mission conduite par Jean Paul Guibal (président) et Philipe Baumel (rapporteur), sont pour le moins alarmistes quant aux lendemains de la présidence Paul Biya.
D'après ces députés français, « le Cameroun, est l'exemple type du régime impopulaire, qui fait face à des contestations régulières, régulièrement réprimées, dans lequel l'opposition divisée est décrédibilisée, et le parti au pouvoir traversé de luttes de clans. De sorte que pour de nombreux analystes, les éléments de la crise future se mettent peu à peu en place, dans un contexte où la donne tribale domine : depuis trente ans, le Nord a été marginalisé, et l'on peut très bien envisager un scénario à l'ivoirienne ou à la guinéenne au moment de la succession, c'est-à-dire un basculement plus ou moins lent dans une crise grave et durable », lit-on.
Dans ce document qui consacre de nombreux développements au Cameroun et au Niger, les deux parlementaires écrivent en outre s'agissant du pouvoir de Yaoundé, que « le régime politique est bloqué sans perspectives, ni soupape (…) son président est au pouvoir depuis plus de trente ans, et il sera probablement à 85 ans candidat à sa succession en 2018, dans la mesure où aucune alternative n'a été préparée ». La présentation de ce rapport a donné lieu à un échange (entre élus) coordonné par la présidente de ladite Commission, Elisabeth Guigou, et consigné sous l'appellation « compte rendu n° 70 ».
On y apprend que le député Pierre Lellouche de l'Union pour un mouvement populaire (Ump) qui s'est exprimé sur les enjeux de démographie et de démocratie en Afrique francophone, se demande s'il est « raisonnable alors que ces pays doublent de population tous les vingt ans d'avoir une politique de sécurisation et qui consiste à maintenir au pouvoir les mêmes hommes politiques comme Paul Biya ? Nous sommes en train de recréer dans ces pays la même situation que celle qui existait dans le monde arabe avant la grande explosion ».
Quasiment sur la même longueur d'onde, le député Ump André Schneider soutient qu'il « partage l'essentiel des interrogations et préconisations de ce rapport. J'ai pour ma part, précise t-il, conduit avec mes collègues François Rochebloine et Philippe Baumel une mission au Cameroun en juin 2014. Entre cette visite et celle que le rapporteur a effectuée plus récemment, a-t-on le sentiment d'une dégradation de la situation ? Je crois que vous n'avez critiqué, de tous les présidents africains, que le Président Biya : il me semble que c'est un peu problématique », conclut-il.
Il faut dire que ce rapport arrive à un moment où Paris semble engagée dans une opération charme pour redorer son blason terni au Cameroun par des soupçons de complicité avec la nébuleuse terroriste Boko Haram, contre laquelle Yaoundé est en guerre depuis le 17 mai 2014. La visite de travail le 15 mai dernier du ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et celle de son collègue des Affaires étrangères, Laurent Fabius, intervenue en février dernier, procèdent toutes de cette logique.