La « guerre des fesses » en Afrique: De Kinshasa à Bamako : « donne le dos et étale les choses »
Certaines filles font même usage de…cubes « magiques », pardon de cubes Maggy (cube d’assaisonnement) qu’elles utilisent comme… suppositoire juste pour grossir leurs arrières. Et les conséquences sur la santé sont innombrables
A Bamako (comme partout ailleurs, du reste), les fesses (des femmes, bien sûr) constituent un atout majeur dans l’arsenal de séduction. Aussi, presque tous les coups semblent permis aux filles pour accroître leur capital charme.
« Bobaraba éh bobaraba! Mwan tikaka moke, sima ekoli… ». Traduction : « Les grosses fesses, rien que les grosses fesses ! L’enfant que j’ai laissée petite, son postérieur a grossi ». C’est par ces termes d’une chanson de l’artiste musicien congolais Werrason, qui a renoué avec le genre musical « couper-décaler », que les pistes des boîtes de nuit de la capitale sont prises d’assaut. Le DJ (Disque jockey) enchaîne avec « Kipé ya yo », titre d’un autre artiste congolais, JB Mpiana, et « Pesa mokongo, tanda biloko », c’est-à-dire : « donne le dos et étale les choses ». Pas de répit, et tout le monde de monter sur la piste et de s’exhiber. Le buste un peu penché vers l’avant, les fesses mises en évidence, un léger coup de pied et c’est parti ! D’un même rythme, hommes et femmes se trémoussent en remuant le « popotin » pendant que la musique s’emballe. C’est là que la compétition devient alors rude. Les filles bien « dotées » par la nature exhibent leurs « avoirs », pour le plus grand bonheur des admirateurs qui ne manquent jamais de s’en « pourlécher les babines ». Celles que la nature a le moins gâtées s’accrochent pour ne pas être à la traîne, même si certaines d’entre elles sont tiraillées entre frustration et acceptation de soi. Fatim Dénon se retrouve dans le rang de celles qui s’acceptent. Svelte, elle n’a aucun complexe avec sa taille fine. Seulement, les filles qui assument leur finesse sont de moins en moins nombreuses.
Grosses fesses, bassins charnus, carrosserie pleine…
A Bamako, la tendance est aujourd’hui à la conquête des fortes tailles. Les femmes qui ont des formes généreuses n’hésitent pas à les mettre en évidence. Qu’elles soient vêtues den pagne ou en pantalon, leurs formes sont bien mises en exergue. C’est ainsi qu’un marché s’est formé depuis plus d’une
décennie. De nombreux commerçants de Bamako proposent des produits pour
développer les postérieurs féminins. Un produit destiné à l’élevage porcin avait même
connu un franc succès auprès de la gent féminine. Les demoiselles en
quête de rondeurs recevaient une injection de ce produit pour avoir de «
grosses fesses ». Mais cela n’a pas toujours été sans conséquence. Angélique (le prénom a été changé, NDLR) en a fait les frais comme le raconte une de ses amies : « Un creux s’est formé à la fesse droite où elle a reçu l’injection, et toute la chair a été arrachée. Depuis, Angélique doit compenser ce vide avec des étoffes pour retrouver son équilibre fessier. Malgré cela, elle a quand même pris un peu de volume au Sénégal ». Quand elle parle du « Sénégal », n’imaginez pas le pays des Ouolofs : il s’agit plutôt d’une expression bamakoise pour désigner les fesses.
Toutes les filles veulent avoir des bassins charnus, une «
carrosserie pleine », explique Ami Traoré, la trentaine révolue. Mais
aujourd’hui, finis les produits destinés à l’élevage porcin ! La mode
est au C4, un médicament dont raffolent les filles, quand elles
n’utilisent pas « Super appétit », un faux médicament qui pullule sur le
marché des médicaments de la rue. La consommation de ce produit est
comme un défi que certaines filles lancent aux autres pour signifier
qu’elles peuvent aussi grossir comme elles. « Le C4 est vendu en
pharmacie, prescrit essentiellement pour des personnes souffrant de
manque d’appétit. Maintenant, les filles qui veulent avoir des
postérieurs développés en achètent aussi », explique Maïmouna Sylla, une
jeune infirmière
Des explications à dimension variable et un début de réponse
Cette tendance choque certains parents, du moins ceux qui osent en
parler. Parmi eux, Mariam Doumbia, mère de six enfants : quatre filles
et deux garçons. « Si ma fille ose prendre ces produits, je vais
l’engueuler pour qu’elle arrête. Et puis, pourquoi vouloir changer son
corps ? Si Dieu vous a créé mince, restez comme ça ! C’est vraiment
triste de voir que les enfants d’aujourd’hui font n’importe quoi pour
avoir de grosses fesses », désapprouve-t-elle. « Mais il semble que les
hommes africains aiment les femmes qui ont des formes », explique Ami
Traoré avant de soutenir que toutes les filles aiment avoir une «
carrosserie pleine ». Un de ses collègues s’extasie en regardant les
filles dans les clips des musiciens congolais et ivoirien. Selon Idrissa
Coulibaly, un psychologue basé à Bamako, « ce serait pour plaire aux
hommes que les filles recourent à ces produits ». Il ajoute : « La
non-acceptation de soi et le désir de séduction pour attirer les regards
masculins sont les motivations qui poussent les filles à recourir à ces
pratiques ».
Certaines filles font même usage de…cubes « magiques », pardon de
cubes Maggy (cube d’assaisonnement) qu’elles utilisent comme…
suppositoire juste pour grossir leurs arrières. Et les conséquences sur
la santé sont innombrables avec, par exemple, des problèmes
d’incontinence et autres soucis cardiaques. En attendant qu’une solution
soit trouvée pour au moins atténuer ce phénomène, les admirateurs de
ces jeunes filles et femmes continuent de s’en « rincer les yeux et
pourlécher les babines ».
Jean Pierre James