Selon cette institution camerounaise de lutte contre la corruption, un décret du président de la République, un autre du Premier ministre et un arrêté du ministre des Domaines entachés « d’incongruités d’ordre aussi bien juridique que pratique » auraient permis à des « délinquants à cols blancs » d’empocher des milliards lors des indemnisations en vue de la construction du port en eau profonde de Kribi.
La Commission nationale anti-corruption (Conac) parle de « complot », de « crime d’initié», de « dérives anti-nationales »… à la suite de ses investigations sur les indemnisations dans le cadre de la construction du port en eau profonde de Kribi. Cette institution estime dans son rapport sur « l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun en 2011 », publié ce jeudi 29 novembre à Yaoundé, que des individus se sont vus attribuer à « tort» des indemnisations d’un montant total de 19,158 milliards de Fcfa à la suite des « “erreurs” juridiques et pratiques » contenues dans les textes administratifs qui ont encadré cette opération. En cause :
• L’arrêté ministériel n° 156/Mindaf du 06 février 2009 déclarant d’utilité publique les travaux de construction du port en eau profonde de Kribi ;
• Le décret présidentiel n°2010/323 du 14 octobre 2010 portant classement au domaine public artificiel des terrains nécessaires aux travaux d’aménagement du complexe industrialo-portuaire de Kribi ;
• Le décret du Premier ministre n°2010/3312/Pm daté du 30 novembre 2010 portant indemnisation des personnes victimes d’expropriation et/ou de destruction des biens dans le cadre des travaux de construction du complexe industrialo-portuaire de Kribi.
« Délinquants à cols blancs »
Le contenu de ces textes est selon le rapport, entaché « d’incongruités d’ordre aussi bien juridique que pratique ».A titre d’illustration, la Conac montre comment le décret du Premier ministre qui fait suite à celui du président de la République, attribue des indemnités à des individus ayant obtenu des titres fonciers dans l’illégalité, en violation des dispositions de la loi relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique. Selon l’institution de lutte contre la corruption, 65,3% des « prétendus propriétaires » des terres titrées ou non, sont de « vrais délinquants à cols blancs ». En bonne place, des propriétaires des titres établis après le 06 février 2009, date où la zone a été déclarée expropriée pour cause d’utilité publique.
Préméditations
Car pour la commission nationale anti-corruption, tout ceci n’est pas le fruit d’un hasard. Les rédacteurs de son rapport 2011 soutiennent qu’il s’agit d’un « crime secrètement concerté ». Par qui ? La Conac se gardant bien de citer le président de la République, le Premier ministre ou Jean Baptiste Bokam, le ministre des Domaine d’alors, mais met clairement en cause « d’une part les fonctionnaires des Domaines et des affaires foncières en connivence avec les autorités administratives de la préfectorale et d’autre part les personnalités publiques et privées camerounaises et étrangères » contre qui elle demande l’ouverture d’une information judiciaire.