Si les forces obscures la laissent prospérer, l’opération de démantèlement du réseau de détournement engagée par la commission Akame Mfoumou peut sauver la Camair-co. Elle vient de poser un garrot sur une saignée orchestrée par le quatuor composé du Premier ministre Yang Philemon, de l’ex-ministre des Finances Essimi Menye, l’ancien et actuel directeur général Alex Van Elk et Matthijs Boertien..
La Camair-co économisera désormais une belle somme sur certains de ses contrats avec les prestataires étrangers. C’est l’essentiel des premiers résultats de l’équipe Akame Mfoumou récemment désignée au Conseil d’administration de la compagnie aérienne nationale. En signant le 26 juillet dernier un contrat de maintenance avec Ethiopian Airlines, celle-ci a permis d’arrêter tout net l’évasion des fonds qui avait cours à travers un montage mis sur pied par l’ancien directeur Alex Van Elk, son remplaçant Matthijs Boertien et l’ancien ministre des Finances Lazare Essimi Menye, au profit de la firme néerlandaise Lufthansa.
Ce quatuor infernal entretenait un contrat de maintenance léonin avec la Lufthansa qui coûtait chaque mois pas moins de 300.000 € à la Camairco. Un contrat très imparfaitement exécuté puisque les Néerlandais de Lufthansa n’ont jamais respecté la clause de transfert des compétences qui aurait permis aux Camerounais de reprendre, en fin de compte, le contrat de maintenance, et ainsi économiser des coûts. Depuis le 26 juillet dernier, l’équipe d’Akame Mfoumou, où l’on retrouve également Marcel Ndoung (ingénieur pilote de l’aéronautique), Charles Tawamba (conseiller technique au Minfi) et Nana Sandjon (expert des questions aéronautiques) a confié la maintenance des avions de la Camair-co à Ethiopian Airlines. Tous frais payés (formation, transports, hébergement, etc.), ce nouveau contrat coûtera seulement entre 70 à 80.000 €.
Comparativement au pont d’or offert à la Lufthansa, c’est la rondelette somme de 220.000 à 233.000 € mensuels qu’Akame Mfoumou et ses hommes viennent de sauver. En francs Cfa, c’est une économie comprise entre 144 millions et 150 millions. Annuellement, ce seul contrat faisait perdre à la compagnie entre 1,7 milliard et 1,8 milliard de francs Cfa. A vue d’oeil, ce nouveau contrat est négocié, comme on devrait s’attendre, de dirigeants animés par la quête de bons résultats et par des sentiments patriotiques, c’est-à-dire au grand avantage de la Camair-co. Non seulement, il est largement moins coûteux, en plus il prévoit le transfert de technologie, par la réduction progressive des techniciens d’Ethiopian Airlines au profit des Camerounais qui devraient reprendre la maintenance à la fin du contrat. Mais ceci n’a pas été une victoire facile, car la Lufthansa dont le contrat était d’abord à 112.000 € sous Alex Van Elk, puis 155.000 € avec Boertiens Matthijs, était revenue à la charge quand l’appel d’offres a été lancé. Probablement informée par ses réseaux internes à la Camair-co, elle a ramené le coût de son contrat onéreux de 155.000 € à 40.000 € (maintenance seulement, hors formation du personnel Camair-co et hors transfert de technologie) afin de continuer à traire la vache à lait nommée Camair-co. C’est dire jusqu’où les copains et les coquins sont prêts à aller pour vider les caisses de la compagnie.
De vrais spécialistes du pillage aux commandes
Nonobstant cette première victoire, car il s’agit bien de victoire, l’équipe d’Edouard Akame Mfoumou ayant commencé à faire échec aux fossoyeurs de la Camair-co, le travail d’assainissement qu’il reste à faire ressemble terriblement à des travaux d’hercule. En scrutant les dossiers, les hommes d’Akame Mfoumou ont remarqué que les deux derniers directeurs généraux de la Camair-co (Alex Van Elk et Boertien Matthijs) ont signé pas moins de 152 contrats dont 70 sont suspectés d’être fictifs. Parmi ceux-ci, les contrats de pilotes étrangers, la location des avions et le traitement de la comptabilité à Dubaï. Sur ce dernier point, contre toute logique, malgré les protestations des syndicats et du personnel, malgré les recommandations des experts, Boertiens Matthijs maintient la comptabilité de la Camair-co à l’extérieur, interrompant le processus de rapatriement entamé par son prédécesseur Alex Van Elk. Tout cela en violation des lois Ohada.
Un autre front sur lequel la commission Akame Mfoumou est obligée de se battre, c’est de faire respecter l’article 8 du décret présidentiel créant la Camair-co. Celui-ci prévoyait le recrutement prioritaire des agents de la défunte Camair. Au lieu de quoi, les deux directeurs généraux qui se sont succédé, ont privilégié le recrutement des expatriés blancs, avec la bénédiction d’Essimi Menye et Philemon Yang. Le premier ministre et Pca de la Camair-co et le ministre des Finances d’alors avaient délibérément choisi de torpiller le décret présidentiel. Dans quel but ? Pour mémoire, la Camair avait été créée en 1971 avec le personnel navigant camerounais débarqué d’Air Afrique. Les errements de la direction actuelle ont conduit à des incongruités telles que les pilotes camerounais expérimentés se retrouvent au chômage tandis que des expatriés blancs sans expérience mènent la barque. Pareil pour les mécaniciens d’avion auxquels on a préféré des expatriés blancs sans aucune explication logique.
En tout cas, le train du redressement de la Camair-co est bien lancé. Déterminé à briser toutes les résistances, il parviendra plus vite à assainir la compagnie nationale si la confiance et le soutien de l’Etat lui sont assurés. Peut-être alors, le Cameroun pourra-t-il être fier d’avoir, enfin, une vraie compagnie aérienne.