Depuis la semaine dernière, la Côte d’Ivoire est le théâtre de massacres à grande échelle. Jusqu’à samedi dernier 2 avril, la cellule locale de l’Onu parle des 330 morts. La Croix-Rouge a dénombré 800 tués. Plus de 1000 pour Amnesty International. Selon les trois sources citées par les médias français dont la Radio mondiale, l’armée républicaine de Alassane Dramane Ouattara a réalisé le plus gros de ce sale boulot. C’est elle qui a procédé à “ des exécutions sommaires extra-judiciaires ” à Duekoué et à San Pedro, les premières villes tombées sous leur contrôle. Et pourtant, ce sont les mêmes médias français qui péroraient avec un brin de triomphalisme que ces tueurs à gages “ étaient accueillis comme des sauveurs ”, des libérateurs ”.
Les révélations qui sont servies depuis le week-end dernier contrarient radicalement les prétendues instructions que M. Ouattara et son premier ministre Guillaume Soro auraient données à leurs hommes : ne point tirer sur les policiers, gendarmes et militaires qu’ils trouveraient sur leur chemin. Les deux parties sont pourtant en guerre. Et on ne fait pas une guerre la fleur au fusil sans que l’ennemi ne signe l’armistice. Selon les organisations que nous citons plus haut “ la criminalité explose ” dans les deux camps. Les combattants se livrent à une violation flagrante des droits de l’homme les plus élémentaires et du droit humanitaire international qui régit les conflits armés.
Il faut aussi dire que Paris n’est pas innocent dans la tragédie qui se joue depuis bientôt deux semaines en Côte d’Ivoire. Les forces armées républicaines d’Ado auraient pris pied dans les premières localités avec l’appui des éléments de la force Licorne. Des habitants d’Abidjan signalent le survol de certains quartiers depuis vendredi par des hélicoptères français. Ils soupçonnent ces appareils de parachuter des combattants. Quand on sait que depuis samedi la force Licorne a pris possession de l’aéroport Félix Houphouet – Boigny alors que le président reconnu par la communauté internationale a décrété la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes, on se demande en vertu de quoi une armée étrangère s’arroge le droit d’investir une partie du territoire ivoirien. Il est également annoncé le renforcement de cette force Licorne par deux compagnies qui devraient quitter la France dès dimanche.
C’est tout ce dispositif qui a donné du grain à moudre aux partisans d’Ado qui se succédaient sur le plateau de France 24 vendredi et samedi pour annoncer la chute, voire la capture de Laurent Gbagbo tantôt au bout de 48 heures, tantôt au bout de 24 heures. Nous voici vers la fin de la 72e heure, au moment où nous écrivions ces lignes, Laurent Gbagbo est toujours encerclé dans sa résidence, protégé par le dernier carré des militaires ivoiriens et des jeunes patriotes qui entendent verser leur dernière goutte de sang pour défendre la légalité.
Quoi qu’on dise, n’oublions pas que jusqu’à présent, au-delà des querelles post-électorales, il est le président qui a été déclaru élu par le Conseil constitutionnel et qu’il a prêté serment devant cette institution. Que la France le capture pour le livrer à la Cour pénale internationale, selon ce qui circule dans les milieux mafieux de la communauté internationale, des Ivoiriens qui aiment leur pays et qui se battent pour défendre sa souveraineté et leur dignité auront montré à la face du monde leur courage et le haut degré de leur patriotisme. Il n’est pas moins vrai que la fin programmée de Gbagbo par les Occidentaux vient briser la Côte d’Ivoire en morceaux - combien ? – au nom de l’ivoirité prônée et décrétée par Henri Konan Bedié, allié conjonctuel de … Alassane ramane Outtara que le deuxième président de l’histoire de la Côte d’Ivoire avait écarté de l’élection présidentielle de 1994. C’est Laurent Gbagbo devenu président qui a rétabli son ennemi d’aujourd’hui dans la nationalité ivoirienne.
Pour la petite histoire, Alassane Dramane Ouattara est natif d’une localité à la frontière ivoiro-burkinabé. Sa famille compte des membres dans les deux pays. M. Ouattara, pendant ses études, était boursier de la Haute-Volta, devenu Burkina Faso sous le régime révolutionnaire de Thomas Sankara. C’est sous sa nationalité Voltaïque qu’il est entré au Fonds monétaire international (Fmi). Houphouët, dans sa volonté de bâtir une grande nation ivoirienne, a coopté des cerveaux dans tous les pays de l’ex Afrique occidentale française.
Nous ne revenons pas sur la course contre la montre entre Ouattara et Bédié à la mort de Houphouët. Nombreux sont les Ivoiriens qui ne sont pas prêts d’accepter M. Ouattara à la tête de leur pays. S’il persiste et signe, il doit en éliminer plusieurs, physiquement. En clair, Ado ne pourra pas gouverner la Côte d’Ivoire, même si Gbagbo meurt. Si oui, ses amis français et lui devront transformer les eaux de la lagune en sang. Et l’artiste Alpha Blondy qui a tenté de raisonner les pachydermes de la faune politique ivoirienne d’avertir que “ le roi n’est rien sans le peuple. La tête couronnée n’est rien sans la main qui lui a posé la couronne dessus ”.
C’est dire que la guerre civile en Côte d’Ivoire ne fait que commencer. Et ce pays qui aura fait la fierté de ses enfants, de la sous-région et même du continent, pourrait finir comme la Somalie, que les mêmes Occidentaux, les Etat-Unis en tête, n’ont pas pu pacifier depuis 1991 après le coup d’Etat qui renversa le maréchal Siad Barré.