La
tricherie est dans la tête de nos dirigeants. Ce n’est pas la carte
biométrique qui l’en extirpera, mais une lutte politique multiforme, au
terme de laquelle les tenants du pouvoir doivent changer de politique ou
quitter le pouvoir, de gré ou de force.La démocratie n’a pas besoin de
technologie sophistiquée pour se manifester. La démocratie se pratique
depuis la Rome antique et dans les vielles démocraties modernes avant
l’apparition des technologies informatisées. La démocratie est d’abord
un état d’esprit. Demander et respecter l’avis des citoyens : c’est
aussi simple que cela.
On a d’abord voulu enfermer l’opposition dans le dilemme « refonte ou
révision » des listes électorales. Puis soudainement ELECAM
(c’est-à-dire le pouvoir) a décidé que ce sera la refonte. Il s’est
trouvé des opposants pour voir dans cette pirouette du disciple de
machiavel, une victoire des partis de l’opposition qui réclamaient la
refonte. Illusion ! Qu’est – ce qu’une liste électorale ?
C’est le répertoire exhaustif de tous les citoyens en âge de voter. Mais
combien de citoyens le Cameroun compte-t-il ? Personne ne le sait, ou
si des gens le savent, ils le cachent bien. Car pour le savoir, il faut
un recensement général de la population. Le précédent recensement de
2005, le troisième du genre après 1976 et 1987 n’était pas exhaustif. Il
ya des quartiers entiers de certaines villes du Cameroun où personne
n’a vu passer un agent recenseur. Effectué en 2005, publié en 2010
était-ce un recensement général ou une projection à partir des chiffres
de 2005 ?
Avant de mesurer la proportion des habitants qui peuvent voter, il faut
d’abord compter le nombre total d’habitants du pays et préciser où ils
habitent (région, département, ville, village). En l’absence de cette
clarification, refonte ou révision ne sont que deux chemins qui
conduisent à la confusion rêvée par les pêcheurs en eau trouble.
La frange servile de la société civile, qui avait été frappée d’une
extinction totale de voix après le 31 Août 2011 et durant toute période
électorale pour la présidentielle, a retrouvé ses cordes vocales pour
chanter un hymne à la biométrie. C’est suspect ! La période électorale
pour la précédente présidentielle a montré que le pouvoir n’était pas
dans l’esprit d’apaisement, mais plutôt de confrontation avec
l’opposition. Il sait que la démocratie est dangereuse pour lui et il
n’en veut pas.
En dépit de tous les slogans de la propagande officielle, le Cameroun ne
vit pas une « démocratie apaisée », encore moins dans un état de droit.
Par conséquent le RDPC cherchera à utiliser la biométrie comme une
nouvelle technique plus sophistiquée pour frauder. D’un ordinateur il ne
sort que ce qu’on y a mis.
C’est le pouvoir (ou ELECAM, ce qui revient au même) qui mettra les
données dans l’ordinateur, et c’est toujours lui qui les en sortira et
les utilisera le moment venu. Les ordinateurs eux-mêmes seront sous la
garde du pouvoir ! Et comme le pouvoir s’est rendu coupable de fraude à
de multiples reprises, les données biométriques seront entachées de
suspicion.
L’empressement avec lequel les apparatchiks d’ELECAM ont commencé à
chercher les financements et le matériel technique nécessaire à la
réalisation des cartes biométriques renforce cette suspicion. En général
ces apparatchiks ne se préoccupent ni de la démocratie ni du Cameroun,
mais de leur compte en banque. Comme les délais entre maintenant et la
date présumée des prochaines consultations électorales ne laisse pas
assez de temps pour effectuer une sincère refonte des listes
électorales, certains parlent de reporter les législatives et
municipales, d’autres de refondre les listes après ces élections. A qui
profite le crime ? À ceux qui sont déjà en place.
En réalité tout est politique.
Que le pouvoir donne d’abord les signes nets et forts de son intention
(si elle est réelle) de respecter enfin les citoyens camerounais et leur
choix démocratique, et alors on pourra discuter des modalités pratiques
de mettre en œuvre ces intentions.
Or, les actes récents du pouvoir ne sont pas en faveur de telles
intentions. S’il a reconduit presqu’à l’identique le même gouvernement,
c’est pour faire la même politique. De nombreux exemples montrent que
le Cameroun vit toujours sous le règne de l’arbitraire et non sous le
règne du droit.
Paul Eric KINGUE, l’ancien maire de Njombe-Penja
vient d’être condamné à la prison à perpétuité pour détournement non
prouvé d’un million de francs alors que les détourneurs de milliards
sont en liberté.
Enoh MEYON MESSE est en prison sans jugement (détention provisoire abusive donc illégale) depuis plus de trois mois.
Vincent Sosthène FOUDA engagé pour la défense des
droits de l’homme et des libertés, qui cherche à faire la lumière sur
l’affaire du bébé volé de Vanessa, a été détenu sans raison. Il a été
arrêté à nouveau, et molesté par la police le 16 mars dernier lors d’une
manifestation pacifique devant le fameux hôpital gynécologique de
NGOUSSO dans lequel le bébé de Vanessa avait disparu miraculeusement.
A l’instigation d’un citoyen, Joseph TAKAM, DG de la Sté FERPOTA Sarl,
un autre citoyen, Mr NONO Théophile, agronome de son état, a été arrêté
et torturé dans les locaux de la police de Bafoussam, sans aucune
procédure judiciaire. Le précédent ministre de l’administration
territoriale est l’objet de tracasseries policières, là aussi sans
procédure judiciaire.
Aucune technologie, quelque soit son degré de sophistication, pas plus
la biométrie qu’une autre, n’obligera le pouvoir à respecter les
principes de droit et de démocratie.
Le projet de carte électorale biométrique est un os à ronger que le
pouvoir jette à l’opposition pour la détourner de ce qui doit être son
combat de l’heure : exiger du gouvernement des signes forts en faveur de
la démocratie et du respect du droit et des droits de l’homme.
L’établissement d’une liste électorale transparente et juste est
l’attribut d’un Etat de droit démocratique. Si le pouvoir veut montrer
qu’il est pour un tel Etat, qu’il le montre par exemple par les mesures
suivantes :
1. Dissolution d’ELECAM et création d’une commission paritaire
Etat-Partis politiques pour organiser et superviser toutes les
élections.
2. Institution d’élections à deux tours.
3. Suppression des entraves à l’expression des citoyens que sont les
interdictions de réunions publiques, de conférences, de marches
pacifiques etc.…
4. Libération des prisonniers politiques, y
compris ceux déguisés en prisonniers de droits communs, et cessation de
menaces policières à l’encontre de citoyens qui ne font l’objet d’aucune
procédure judiciaire.
5. Restitution aux camerounais de la diaspora du droit de vote sans réserve, droit qui est celui de tout citoyen camerounais.
6. Reconnaissance de la double nationalité pour tout camerounais ayant adopté une nationalité étrangère
Voilà qui constituent des objectifs de lutte pour l’opposition aujourd’hui