L'Onu craint des violences ethniques en Côte d'Ivoire
L'Onu craint des violences ethniques en Côte d'Ivoire
(Le Nouvel Observateur 31/12/2010)
NATIONS UNIES/ABIDJAN - Deux conseillers spéciaux de l'Onu ont exprimé jeudi une vive inquiétude devant les risques de violence ethnique en Côte d'Ivoire, où le président sortant Laurent Gbagbo refuse de céder la place à Alassane Ouattara, reconnu sur le plan international comme le vainqueur de l'élection présidentielle du 28 novembre.
Selon un communiqué diffusé par le siège des Nations unies à New York, Francis Deng, conseiller spécial pour la prévention du génocide, et Edward Luck, chargé de la "protection", ont relevé des indices indiquant que "certains dirigeants incitent à la violence entre divers éléments de la population".
"Au vu de l'histoire du conflit intérieur en Côte d'Ivoire, de tels agissements sont irresponsables", estiment-ils, faisant écho au nouvel ambassadeur ivoirien à l'Onu, un représentant d'Ouattara qui, la veille, avait déclaré que le pays était "au bord du génocide" et qu'il fallait "faire quelque chose".
Si Deng et Luck n'emploient pas le terme de "génocide", ils font état d'"informations continues, non confirmables jusqu'ici, concernant de graves violations des droits de l'homme par des partisans de M. Laurent Gbagbo et par les forces qui sont sous son contrôle, ainsi que de discours incendiaires d'incitation à la haine et à la violence".
A Abidjan, la situation était normale jeudi. Mais Charles Blé Goudé, chef de file des Jeunes Patriotes, puissant mouvement pro-Gbagbo, a menacé de donner l'assaut samedi à l'hôtel du Golf où Ouattara et son Premier ministre Guillaume Soro, un ancien chef rebelle, sont retranchés sous la protection de l'Onu.
LES EX-REBELLES COMBATTRONT AVEC LA CÉDÉAO
"Je demande aux jeunes de Côte d'Ivoire de se tenir prêts. Que les troupes aux mains nues s'apprêtent à récupérer Soro au Golf", a lancé Blé Goudé mercredi à ses partisans, fixant l'échéance au 1er janvier.
A New York, le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, s'est dit "profondément alarmé" par les appels lancés en vue d'un assaut contre l'hôtel du Golf.
Pour Ban Ki-moon, "toute attaque contre l'hôtel du Golf pourrait provoquer une violence généralisée qui pourrait rallumer la guerre civile".
Dans un communiqué diffusé par ses services, le secrétaire général des Nations unies souligne par ailleurs que l'Opération de l'Onu en Côte d'Ivoire (Onuci) "est autorisée à faire usage de tous les moyens nécessaires pour protéger son personnel, ainsi que les responsables du gouvernement et d'autres civils, sur le site de l'hôtel".
A Abidjan, Blé Goudé dit ne pas croire à une intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui a reconnu la légitimité d'Ouattara et dépêché sans succès mercredi auprès de Gbagbo trois émissaires chargés de lui remettre un ultimatum afin qu'il cède pacifiquement le pouvoir.
La Cédéao, dont les émissaires reviendront lundi à Abidjan, avait dans un premier temps menacé le président sortant de recourir à la "force légitime", mais son président, le chef de l'Etat nigérian Goodluck Jonathan, a estimé que ce ne serait pas nécessaire tant que le dialogue se poursuivrait.
Quoi qu'il en soit, les anciens rebelles des Forces nouvelles, qui contrôlent le nord de la Côte d'Ivoire depuis la guerre civile de 2002-2003, ont déclaré jeudi qu'ils se joindraient aux troupes de la Cédéao si celle-ci intervenait.
"Nous combattrons aux côtés de la force de la Cédéao pour que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir. Nous attendons la décision de la Cédéao", a déclaré leur porte-parole, Affousy Bamba.
De source militaire à Abuja, la capitale nigériane, on précisait toutefois jeudi que des plans étaient à l'étude au cas où Laurent Gbagbo resterait inflexible. La Cédéao est soutenue par les Nations unies, qui disposent de 10.000 hommes sur place, sans compter les 900 hommes du contingent français Licorne.
EXODE DES CIVILS VERS LES PAYS VOISINS
La communauté internationale reconnaît la légitimité d'Ouattara. L'Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l'Onu ont été unanimes à ce sujet. L'ancien Premier ministre et ex-directeur adjoint du FMI jouit aussi du soutien appuyé de Paris et Washington.
L'Union européenne a décidé de sanctions contre Gbagbo et son entourage et ne reconnaîtra que les ambassadeurs nommés par Ouattara. En Afrique, au-delà de la Cédéao, c'est toute l'Union africaine qui a aussi demandé à Gbagbo de reconnaître sa défaite, ce qu'il refuse en arguant que le Conseil constitutionnel, à sa main, a inversé le résultat proclamé par la commission électorale indépendante et certifié par l'Onu.
Deng et Luck se sont dits "extrêmement préoccupés" par des informations voulant que des marques distinctives aient été tracées aux domiciles d'opposants à Gbagbo indiquant leur origine ethnique.
Seize mille Ivoiriens ont cherché refuge au Liberia depuis le second tour de l'élection présidentielle. Ils craignent que les tensions ne plongent le pays dans la guerre civile.
(Reuters)
Ange Aboa à Abidjan, Félix Onuah à Abuja et Louis Charbonneau à l'Onu; Guy Kerivel, Marc Delteil et Olivier Guillemain pour le service français
(Le Nouvel Observateur 31/12/2010)
NATIONS UNIES/ABIDJAN - Deux conseillers spéciaux de l'Onu ont exprimé jeudi une vive inquiétude devant les risques de violence ethnique en Côte d'Ivoire, où le président sortant Laurent Gbagbo refuse de céder la place à Alassane Ouattara, reconnu sur le plan international comme le vainqueur de l'élection présidentielle du 28 novembre.
Selon un communiqué diffusé par le siège des Nations unies à New York, Francis Deng, conseiller spécial pour la prévention du génocide, et Edward Luck, chargé de la "protection", ont relevé des indices indiquant que "certains dirigeants incitent à la violence entre divers éléments de la population".
"Au vu de l'histoire du conflit intérieur en Côte d'Ivoire, de tels agissements sont irresponsables", estiment-ils, faisant écho au nouvel ambassadeur ivoirien à l'Onu, un représentant d'Ouattara qui, la veille, avait déclaré que le pays était "au bord du génocide" et qu'il fallait "faire quelque chose".
Si Deng et Luck n'emploient pas le terme de "génocide", ils font état d'"informations continues, non confirmables jusqu'ici, concernant de graves violations des droits de l'homme par des partisans de M. Laurent Gbagbo et par les forces qui sont sous son contrôle, ainsi que de discours incendiaires d'incitation à la haine et à la violence".
A Abidjan, la situation était normale jeudi. Mais Charles Blé Goudé, chef de file des Jeunes Patriotes, puissant mouvement pro-Gbagbo, a menacé de donner l'assaut samedi à l'hôtel du Golf où Ouattara et son Premier ministre Guillaume Soro, un ancien chef rebelle, sont retranchés sous la protection de l'Onu.
LES EX-REBELLES COMBATTRONT AVEC LA CÉDÉAO
"Je demande aux jeunes de Côte d'Ivoire de se tenir prêts. Que les troupes aux mains nues s'apprêtent à récupérer Soro au Golf", a lancé Blé Goudé mercredi à ses partisans, fixant l'échéance au 1er janvier.
A New York, le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, s'est dit "profondément alarmé" par les appels lancés en vue d'un assaut contre l'hôtel du Golf.
Pour Ban Ki-moon, "toute attaque contre l'hôtel du Golf pourrait provoquer une violence généralisée qui pourrait rallumer la guerre civile".
Dans un communiqué diffusé par ses services, le secrétaire général des Nations unies souligne par ailleurs que l'Opération de l'Onu en Côte d'Ivoire (Onuci) "est autorisée à faire usage de tous les moyens nécessaires pour protéger son personnel, ainsi que les responsables du gouvernement et d'autres civils, sur le site de l'hôtel".
A Abidjan, Blé Goudé dit ne pas croire à une intervention militaire de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), qui a reconnu la légitimité d'Ouattara et dépêché sans succès mercredi auprès de Gbagbo trois émissaires chargés de lui remettre un ultimatum afin qu'il cède pacifiquement le pouvoir.
La Cédéao, dont les émissaires reviendront lundi à Abidjan, avait dans un premier temps menacé le président sortant de recourir à la "force légitime", mais son président, le chef de l'Etat nigérian Goodluck Jonathan, a estimé que ce ne serait pas nécessaire tant que le dialogue se poursuivrait.
Quoi qu'il en soit, les anciens rebelles des Forces nouvelles, qui contrôlent le nord de la Côte d'Ivoire depuis la guerre civile de 2002-2003, ont déclaré jeudi qu'ils se joindraient aux troupes de la Cédéao si celle-ci intervenait.
"Nous combattrons aux côtés de la force de la Cédéao pour que Laurent Gbagbo quitte le pouvoir. Nous attendons la décision de la Cédéao", a déclaré leur porte-parole, Affousy Bamba.
De source militaire à Abuja, la capitale nigériane, on précisait toutefois jeudi que des plans étaient à l'étude au cas où Laurent Gbagbo resterait inflexible. La Cédéao est soutenue par les Nations unies, qui disposent de 10.000 hommes sur place, sans compter les 900 hommes du contingent français Licorne.
EXODE DES CIVILS VERS LES PAYS VOISINS
La communauté internationale reconnaît la légitimité d'Ouattara. L'Assemblée générale et le Conseil de sécurité de l'Onu ont été unanimes à ce sujet. L'ancien Premier ministre et ex-directeur adjoint du FMI jouit aussi du soutien appuyé de Paris et Washington.
L'Union européenne a décidé de sanctions contre Gbagbo et son entourage et ne reconnaîtra que les ambassadeurs nommés par Ouattara. En Afrique, au-delà de la Cédéao, c'est toute l'Union africaine qui a aussi demandé à Gbagbo de reconnaître sa défaite, ce qu'il refuse en arguant que le Conseil constitutionnel, à sa main, a inversé le résultat proclamé par la commission électorale indépendante et certifié par l'Onu.
Deng et Luck se sont dits "extrêmement préoccupés" par des informations voulant que des marques distinctives aient été tracées aux domiciles d'opposants à Gbagbo indiquant leur origine ethnique.
Seize mille Ivoiriens ont cherché refuge au Liberia depuis le second tour de l'élection présidentielle. Ils craignent que les tensions ne plongent le pays dans la guerre civile.
(Reuters)
Ange Aboa à Abidjan, Félix Onuah à Abuja et Louis Charbonneau à l'Onu; Guy Kerivel, Marc Delteil et Olivier Guillemain pour le service français
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