L'irrésistible renaissance des idéologies insurrectionnelles
Penser
le monde et sonder l’avenir de l’humanité, peuvent s’avérer périlleux
même dans un contexte de parfaite transparence et de parfaite légitimité
des objectifs, à cause du comportement irrationnel de certains acteurs.
En effet dès lors que les justes avancées sociales et politiques sont
interprétées comme la menace contre l’existence de forteresses
claniques, le genre humain dans son ensemble cours le risque non
seulement d’un recul généralisé, mais encore celui de l’enfermement dans
des cadres institutionnels inappropriés. Avec l’adoption par le conseil
de sécurité de l’Onu en cette moitié du mois de mars 2011, de la
résolution 1973, destinée à protéger les populations libyennes contre un
massacre annoncé, la réflexion se fait plus forte, et les
interrogations plus percutantes.
Il y a heureusement, des raisons
de croire, que dans le tumulte des oppositions argumentaires, les uns
et les autres sont au moins convaincus de ce que, la cause ou les causes
qui engendrent le débat, n’intéressent pas un seul pays, ni un seul
peuple, ni un seul Etat, ni une seule région, ni un seul continent. Ce
qui interpelle l’humanité et agite ainsi les consciences, résulte d’une
évolution inéluctable qui constitue, la preuve irréfutable à la fois de
la maturité des citoyens, et du besoin subséquent de dépassement des
politiques et des régimes. Ce n’est donc ni une affaire du monde arabe,
ni une affaire de noir ou de blanc. Ce qui interpelle le monde, est
ancré au plus profond de la manifestation des contradictions sociales et
des luttes inhérentes aux rapports problématiques, et aux coexistences
contentieuses. Dans ces conditions, il faudrait retenir pour postulat,
qu’aucun discours, ni égalisateur, ni unificateur, ni accusateur, n’est
susceptible de formuler avec absolutisme, les termes de référence des
insurrections.
En effet ceux qui ont pu dénoncer et pointer du
doigt le règne de la pensée unique, devraient pouvoir valider et
admettre, la révolution unique comme corollaire incontournable du
triomphe des rapports des forces autant entre les Etats nations riches
et les Etats nations pauvres au plan international d’une part, qu’entre
les citoyens et les gouvernants au plan purement interne d’autre part.
A - La compréhension des insurrections
Aussi
loin dans l’histoire que l’on peut remonter, et aussi loin dans les
préceptes des idéologies que l’on pourrait se ressourcer, il nous semble
que finalement, la contestation de l’ordre établi est admise voire
programmée, dès lors que celui-ci n’est plus en mesure de se régénérer,
de s’ajuster, de se corriger, et de répondre aux attentes de la majorité
des citoyens sensée être le bénéficiaire. La querelle des modèles et
des formes d’organisation qui a dominé la confrontation des
intelligences académiques et syndicales depuis le seizième siècle est
proprement futile. Toutes les écoles sociales, de même que toutes les
idéologies, prescrivent d’une manière ou d’une autre, la probabilité du
soulèvement comme ultime recours pour forcer les mutations et les
changements.
Le renversement des pouvoirs entre aussi bien dans l’entendement
capitaliste de la prévision sociale, politique et économique, que dans
l’entendement
marxiste. A la théorie de la lutte des classes à outrance et de la
révolution permanente fondée sur l’incontournable triomphe de la pensée
dialectique, correspond la programmation de la ruine certaine de
l’entreprise, de l’investissement et du manager, lorsque la
modernisation et l’innovation n’interviennent pas opportunément dans une
programmation prévisionnelle.
En somme toute la querelle sur la
pensée unique, ne serait que mauvaise interprétation ou insuffisante
compréhension du contexte historique d’une part, et intolérance due à la
culture des extrêmes d’autre part.
Chaque citoyen placé dans une
situation d’insatisfaction continue, de misère cruelle, de tromperie,
d’injustice ou de négligence caractérisée, entera en rébellion sans
qu’il soit besoin de l’y inviter par des tracts ou par quelques autres
voies et moyens d’incitation. La révolte, stade individuel de la
rébellion projetée sur l’autorité de fait, appelle forcément
l’insurrection entendue alors comme une manifestation collective de défi
et de dénonciation d’un nombre important de personnes à un moment
donné, dans un cadre précis ou dans une aire géographique pouvant
englober tout le territoire d’un pays. Personne ne devrait y voir un
accident ni un quelconque phénomène magique.
Il y a dans cette expression de colère aux allures parfois
vengeresses, les promesses salutaires d’amélioration des rapports
humains et de modernisation des outils institutionnels du dialogue. Les
grandes nations naissent de ces révoltes devenues des insurrections
avant de prendre les chemins des révolutions consacrées. Objectivement,
ce sont les soulèvements qui sont à la base des flammes de changement
quelques fois violentes, qui ont remodelé les rapports humains et
façonner de nouvelles éthiques de considération et de valorisation des
genres.
Il faut ici admettre que les sociétés qui historiquement
se sont montrées incapables de produire des insurrections valables et
viables, n’ont pas avancé au même rythme que celles où, de perpétuels
mouvements de revendication ont concouru à l’élévation du niveau de
conscience de l’intérêt public de la part des gouvernants. Certaines
thèses révisionnistes essaieraient depuis quelques temps, de remettre en
cause cette assertion, mais il ne suffit pas de focaliser l’observation
sur la Chine classée artificiellement au deuxième rang des économies
mondiales, pour faire bonne figure. Les citoyens ne l’ont jamais admis,
et ils ne l’admettront jamais, que leur destin collectif soit formaté
sur des acceptions politiques convenues par une poignée d’individus de
mauvaise foi, par un monarque fut-il éclairé, ou par des doctrines ne
permettant pas une liberté effective de choix. C’est donc de l’essence
du rôle, de la qualité de la contribution et du niveau de participation
du citoyen dans la construction politique et sociale qu’il est question.
Dans
ces conditions, c’est de l’incapacité à dégager une typologie
scientifique générale sur les colères citoyennes, que résultent les sous
entendus obscurantistes et les frustrations personnelles récurrentes en
Afrique particulièrement. Les peuples ne se fixent point comme objectif
d’existence, la remise en cause permanente des institutions et des
dirigeants, mais la logique évolutionniste et existentialiste, impose
des mutations constantes qui découlent de l’exigence centrale
d’adaptation des institutions aux temps, aux équations nouvelles, et aux
perspectives éventuelles. Le principe de la limitation du nombre des
mandats revêt donc un caractère sacré. Cette sacralisation découle de la
vérité élémentaire selon laquelle, nul ne saurait contredire les
évolutionnismes, sans courir le risque de se situer à contresens du
statut de la matière, elle qui est connue pour dépérir avec le temps.
Voudrait-on concevoir un moteur sans possibilité d’usure, que la somme
des sciences et des techniques entrerait tout de suite en opposition
avec la fragilité des intelligences et la relativité de la sagesse.
A suivre...
Dr Shanda Tomne