L'arrestation de Enoh Meyomesse est le début de la fin des grandes ambitions
Que le temps passe vite quand on est libre ! Et pourtant combien lent il est quand on est innocemment coffré à Kondengui ! Ca fait trois mois déjà que Enoh Meyomesse est emprisonné ! Car c’est bien le 22 novembre qu’il fut arrêté à l’aéroport de Nsimalen, à son retour de Singapour.
Lorsque le 30 novembre 2011, j’ai lu sur le newsfeed de mon compte Facebook que cet écrivain que je n’ai jamais rencontré de ma vie, mais qui avait participé à la campagne fructueuse pour la libération de Bertrand Teyou avait été arrêté, j’ai fait une pause : c’est même quoi ça ? me suis-je demandé, qu’est-ce que Paul Biya veut-il donc aux écrivains ? Pourquoi ce type a-t-il si peur des Camerounais ? Ma défense de l’innocence d’Enoh qui était à ce moment viscérale, parce que basée sur ce qu’on appellerait la jurisprudence de l’infamie qu’est le régime qui est au pouvoir au Cameroun, s’est finalement avérée.
Or comment aurais-je pu savoir que la campagne souterraine que
j’avais alors mise en branle, lançant des journalistes courageux aux
trousses de leur collègue, débusquerait pas seulement celui-ci dans les
caves d’une cellule de la légion de gendarmerie de Bertoua où il était
en train d’être torturé, mais pousserait aussi ses tortionnaires à
s’embourber, jusqu’aux sommets de l’Etat, dans une série de mensonges et
de mises en scène dont il serait bien intéressant aujourd’hui de voir
comment ils s’en sortiront ?
Le chronogramme de cette cocasse
pantalonnade est connu, car tout s’est finalement joué devant nos yeux à
tous, le bandit, l’Etat camerounais donc, ayant été pris ici comme qui
dirait, en flagrant délit de torture. 19 décembre 2011, un journaliste
frappe à la porte de la gendarmerie de Bertoua, après avoir écumé tous
les commissariats de la ville, comme il me dit au téléphone le 21
décembre ; le 22, précipitamment, après l’article révélateur du
journaliste qui fait la petite une de Le Jour, une conférence
de presse est organisée dans la cour de la gendarmerie de Bertoua où le
nom d’Enoh n’était pourtant mentionné la veille sur aucun carnet,
découvrant à la république ahurie l’écrivain ainsi que ses compagnons,
avec un écriteau le désignant comme grand bandit, et présentant des
armes – des kalashnikovs neuves ! - qu’on l’accuse d’avoir utilisées
pour voler un kilogramme d’or, tandis que la date dudit vol demeure
inconnue ! Si pressés ont été ses tortionnaires qu’ils sont obligés de
monter un vidéographe-gendarme pour filmer les journalistes invités – Equinox radio, Le Jour
surtout – afin de leur faire du chantage par après, révélant ainsi une
violence si ubuesque que même les contradictions du ministre de la
communication Issa Tchiroma dans sa conférence de presse tenue le 23
décembre – le 23 décembre ! – ne pourront qu’encore plus exposer ! La
photo de cette mise-en-scène que j’ai publiée en couleur est ainsi plus
révélatrice que la même en noir et blanc sortie dans les medias au
Cameroun !
Toute
la machine de trucage avait pourtant été mise en jeu : contre-image de
gendarme (bien visible sur la photo), utilisation de medias privés en
dribble par l’aile pour donner une crédibilité à l’ignominie, conférence
de presse ministérielle pour asseoir la saloperie. Il n’est pas
jusqu’au ronron des fêtes de fin d’année, Noel, bonne année deux
semaines donc, qui aurait participé à cette générale conspiration de la
fumisterie, des gendarmes au ministre, pour noyer un innocent !
Pourtant
on ne noie pas un poisson ! Depuis l’homme, Enoh, qu’ils n’ont pas pu
tuer en silence comme les 9 de Bepanda, comme Djomo Pokam et tant
d’autres, ils n’ont pas non plus réussi à le faire taire, comme Minlend
Bipindi, comme la famille de Koum Koum, de Serge-Alain Youmbi, et tant
d’autres ! Mieux, ils n’ont pas non plus pu faire s’éteindre son affaire
comme celle de Bibi Ngota en jetant dans sa famille éplorée quelques
billets de banque attachés aux condoléances du chef de l’Etat, en même
temps que la fibre de la discorde. Pire : son arrestation aura été le
prélude véritable d’une histoire sublime qui continue allègrement
depuis, avec la bravoure de Vanessa Tchatchou qui pendant sept mois a
résisté à l’hôpital gynéco-obstétrique de Ngousso avant d’être trimbalée
au sol par l’Etat camerounais, en pleine nuit, sans blague !, et jetée
chez elle, elle dont le bébé a été diaboliquement vendu à plus fortunée
magistrate de la république ! Et pour cause ! ‘M. le Colonel, on ne me
corrompt pas !’ a crié Enoh Meyomesse du fond de sa cellule à son
tortionnaire, dans son premier texte publié d’abord dans La Metéo puis
repris par Le Jour.
Et l’écrivain en devenant ainsi publiquement
cet Incorruptible dont le futur de notre pays a gravement besoin, que
même Epervier ne nous donnera pas tant que le plus grand corrupteur et
corrompu, Biya, sera au pouvoir ; l’écrivain je disais, aura redonné à
la terre de nos ancêtres ce squelette qui lui a été arraché par trente
ans de renouveau alias grandes ambitions alias grandes réalisations ! Ce
n’est pas le webweb, non, la fortitude morale, telle est le matériau
avec lequel l’avenir sera construit dans ce pays nommé Cameroun qui est
disqualifié de la coupe d’Afrique des nations de football mais est
classé champion du monde en corruption, dont les ministres uns à uns
sont frappés par Epervier, et dont le président après une élection où
30% d’entre nous sont allés voter tandis que le reste est pris en otage,
passe des mois dans un des hôtels les plus chers de l’occident aux
frais d’impôts de la bayamsallam !
La parole non adultérée, simple et vraie d’Enoh Meyomesse est ce lit
d’espoir sur lequel est couchée la jeune Vanessa Tchatchou qui à
dix-huit ans devient ainsi la seconde Incorruptible de notre pays. Les
mots clairs de l’écrivain, expriment ce sens retrouvé du vrai et du
faux, du bien et du mal, que les Camerounais arrachés aux dents des
feymens qu’on sait et jetés aux pasteurs esclavagistes qu’on voit, mais
pour la première fois unis derrière des causes justes et nobles,
célèbrent et défendent.
Dire que les Camerounais sont unis ici ! Le récit abracadabrant d’Enoh Meyomesse, ‘Comment j’ai vécu la torture dans la légion de gendarmerie à Bertoua’
sera ainsi publié en même temps dans Germinal, plutôt progressiste, et
dans La Metéo, journal situé de l’autre côté de la barrière idéologique.
L’indignation qui aura jeté les Camerounais dans sa défense aura ainsi
réuni des béti autant que des bamiléké, des Anglophones autant que des
Francophones, des femmes autant que des hommes, des Camerounais de la
diaspora autant que ceux du pays, qui tous, toute ethnie, langue, sexe
et religion confondue donc, le soutiennent d’ailleurs matériellement
depuis dans la prison de Kondengui où il est incarcéré.
De la plateforme ENOH ! que j’ai créée en novembre 2011 depuis New
York pour fédérer telle énergie et qui unit des gens d’Ebolowa à Paris,
de Douala à Berlin, je peux dire que jamais je n’ai vu autant de
solidarité camerounaise réveillée pour un citoyen camerounais – même pas
Samuel Eto’o, surtout pas lui, n’a pu rassembler autant nos
compatriotes, et je le dis en comparant ceci avec les autres affaires
dont je me suis occupé depuis 2006. Cette communion se retrouve aussi
dans le Comité pour la Libération d’Enoh Meyomesse (CLE) qui s’est
constitué à Yaoundé, ou dans les Comités constitués à Paris et ailleurs.
Nous qui à l‘école primaire avons appris à applaudir la grandeur –
ensemble ! frap ! frap ! frap-frap-frap ! frap ! – mais qui n’avons
grandi qu’avec le ratatiné applaudi autour de nous, avons la justice qui
nous démange tous les mains.
Que telle sublime communion des
Camerounais se soit révélée également dans la défense de Vanessa
Tchatchou est peu étonnant. C’est possible ! C’est possible, oui, c’est
possible ! Le Cameroun redevient un, et les Camerounais un peuple !
C’est qu’ici et là en procès nous avons en fait les deux premiers
Incorruptibles que notre République de la Corruption nous ait jetés sur
le visage ! Et nous, peuple camerounais, les avons accueillis ensemble,
parce qu’ils sont notre frère et notre sœur ! Parce qu’ils sont notre
fils et notre sœur ! Parce qu’ils sont notre voisin et notre cousine !
Mais nous les avons surtout accueillis ensemble parce que ce pourrait
être chacun de nous à leur place ! Parce que si ce n’est Enoh, c’est
Paul Eric Kingue ! Tel est d’ailleurs la phrase que j’ai toujours reçue
de Camerounais à propos d’Enoh Meyomesse.
Nous savons tous en effet que ce régime n’a pu prospérer pendant si longtemps qu’en nous divisant, nous les Camerounais, et que toutes les fois c’est l’argent – ou le tribalisme, oui – au-dessus de la violence qu’il a utilisé à cette fin perfide. Nous savons que plus que tout le moment qui lui fait le plus peur c’est celui où nous, Camerounais, seront unis, enfin unis ! enfin unis ! enfin unis, bèbèla ! pour l’acclamation du vrai, du beau et du juste, et qui plus est, organisés sans nous cacher pour défendre la cause noble de notre libération commune de sa tyrannique violence. Cher compatriotes, il peuvent défénestrer et violer la jeune Vanessa qui à 18 ans nous a montré à tous ce que c’est qu’être un héros ; il peuvent condamner Paul Eric Kingué à perpétuité pour avoir nous disent-ils volé 16,000 Euros ; vous et moi, nous savons que les grandes réalisations ont commencé le 22 novembre 2011, avec l’arrestation d’Enoh Meyomesse, et que leur plus grande œuvre ne sera pas le port en eau profonde de Lomb Pagal, mais le tombeau du régime de Paul Biya ! On est ensemble ! On est ensemble ! On va gagner ça !
Patrice Nganang