L'Afrique face à François Hollande : Nos combats continuent!
L'Afrique face à François Hollande : Nos combats continuent!
La grande vague d’espoir soulevée par l’arrivée au pouvoir en 1981 de François Mitterrand, pour beaucoup d’observateurs, s’est soldée par une forte déception des peuples africains. Des années plus tard, voici un autre socialiste François Hollande, président de la France. De par les liens séculaires entre la France et l’Afrique, les Africains se demandent, malgré l’absence singulière de l’Afrique lors du débat électoral français, ce que ce nouveau président socialiste français apportera de différent dans la vision de la patrie tricolore sur leur continent ?L’accession de François Mitterrand au pouvoir fut un fait inédit et très important pour la plupart des Africains qui, depuis les années soixante, n’ont connu que des gouvernements de droite en France, avec leurs complots et pillages, leurs réseaux Foccart et autres, l’instrumentalisation de la politique africaine et la satellisation de ces dirigeants. Ainsi, pour beaucoup de patriotes africains qui ont combattu ces anomalies meurtrières et dévastatrices, l’espoir de voir une France différente était maigre, sinon illusoire.
Avec François Mitterrand, les patriotes et les révolutionnaires africains ont espéré que la Gauche socialiste comprendrait mieux leur combat contre les dictatures néocoloniales. A l’exception du Discours de la Baule, même François Hollande reconnait aujourd’hui, qu’ « avec ce discours, François Mitterrand avait posé les bases du développement du multipartisme en Afrique francophone. Nous devons toutefois reconnaître que les résultats ne furent pas à la hauteur des espérances soulevées.» (1). Le fameux pouvoir de gauche va évoluer comme ses prédécesseurs de la droite. Ce régime se singularisera par un activisme nouveau et extraordinaire : les réseaux antiques deviendront des lobbies, pour n’être en fin de compte que des affaires familiales. Le comble sera que l’Afrique révolutionnaire perdra tragiquement l’un des ses meilleurs fils, en la personne de Thomas Sankara. Et l’Afrique subira, après la guerre du Biafra, l’une de ses crises majeures et meurtrières : le génocide rwandais.
En fin de compte, les régimes réactionnaires et sanguinaires africains s’en sortiront plus que consolidés !
Aujourd’hui, un autre socialiste, en la personne de François Hollande, arrive à l’Elysée. Quelques Africains reprennent le rêve ou le souhait de voir cette France avoir un regard et une pratique différents du va- t-en-guerre et de ‘’l’Afrique n’est pas suffisamment entrée dans l’Histoire’’ de Nicolas Sakorzy. A ceux-là, François Hollande répond : « (…) Je veux changer le regard français sur l’Afrique et rompre avec l’arrogance, le paternalisme, les collusions douteuses ou les intermédiaires de l’ombre qui ont terni la relation entre la France et l’Afrique. Je veux aussi tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés. Dans mon esprit, l’essentiel n’est pas seulement de rénover les modalités d’Etat à Etat mais, bien davantage, de renforcer les liens ‘’de sociétés à sociétés’’. Les acteurs de la société civile auront un rôle essentiel à jouer dans cette nouvelle étape de la relation franco-africaine » (2).
Propos humanistes encourageants, n’est-ce pas ? Mais la réalité est comme le constate, Jean Baptiste Sipa : « (..), l’histoire veut que les intérêts de la France passent de façon considérable par l’Afrique, notamment francophone, qui est restée dans la définition (coloniale) internationale du travail, «le réservoir des matières premières et le déversoir des produits manufacturés » pour l’occident capitaliste. Au point de donner aux Africains un sentiment d’inutilité et de dépendance fatale d’une France responsable de son avenir » (3). C’est à cette réalité d’intérêts qui se confrontera à François Hollande. Et, Jean-Baptiste Sipa de s’interroger : « Lorsqu’on a pris acte d’un tel engagement, mais qu’on a de la mémoire pour se souvenir des promesses non tenues des précédents « nouveaux présidents » français, la vraie question devient : A-t-il la sincérité et les moyens de ses engagements ? » (4). Car la France est aujourd’hui un pays fortement en difficultés économique et financière, avec un taux de chômage qui pourrait grimper d’ici la fin de l’année à 10,4% et un déficit public ayant atteint en 2011, 5,7% du PIB. Et de toute évidence, l’attention particulière de François Hollande sera portée pour la résolution de cette situation, dans laquelle se trouve son pays. Et on se demande bien où il trouvera les moyens de résorber ces différents déficits ? Surtout en Afrique ! C’est donc à dessein qu’il dira: « Nous ne chercherons pas, (…), à déstabiliser des pays et leurs dirigeants » (5). De même, ses déclarations de « répudier les miasmes de la Françafrique », amènent d’énormes interrogations, lorsqu’on sait qu’ « il est évident que François Hollande entend faire circuler du sang neuf dans sa politique africaine, on note pourtant qu’à présent il a toujours recours aux vieux briscards du Ps pour les missions délicates. Ainsi, c’est Martine Aubry qui est allée discuter avec le roi du Maroc en mars dernier 2012, pour le compte du candidat, assurant au passage le souverain, de la convergence de vue entre les socialistes français et le roi Mohamed VI au sujet de la question du Sahara occidental ; c’est Jean Louis Bianco, qui est allé saluer le président ivoirien, Alassane Ouattara, en avril dernier. Tandis que c’est Lionel Jospin qui s’est montré à l’investiture du président sénégalais, Macky Sall. Laurent Fabuis,(…), a mené de délicates missions de prise de contact à Libreville en février, puis à Lomé et Cotonou » (6). Sans oublier la visite de Ségolène Royal chez Blaise Compaoré.
Au vu de tout cela, Odile Tobner nous signale déjà, que « certains signaux donnés, (…), sont inquiétants parce qu’ils se placent dans la continuité du soutien français aux régimes peu démocratiques » (7). Puisque même Alain Juppé ironisa sur la nature de ces multiples visites : « (…), quand je vois M. Fabius proclamer ses bonnes relations avec le Gabon et ne remettre en question aucun de nos arbitrages, cela me rassure. Je me dis que nous devons avoir une bonne politique africaine. Dès lors, pourquoi préférer la copie à l’original ? » (8)
Nous pensons que, au-delà de toutes supputations ou attentes, François Hollande, a été élu président de la France pour servir, uniquement, les intérêts de la France, partout à travers le monde. Et pour les Africains, cela devrait être bien clair. Et en plus, Hollande affirme : « (..), nous ferons notre part de chemin. Mais des efforts décisifs en matière de transparence et de bonne gouvernance doivent être également faits par les pays africains eux-mêmes. Ces réformes indispensables ne viendront pas de l’extérieur» (9).
Il est vrai que François Hollande, voudrait donner l’image d’une autre génération de leader socialiste au pouvoir en France, ce qui reste également à sa portée, s’il se donne une certaine volonté et des moyens. Mais il défendra, de toute évidence, les intérêts de sa patrie. Ce qui signifie que les patriotes et masses populaires africaines, doivent continuer à se battre en comptant d’abord sur leurs ressources propres. Il est aussi vrai que tous les patriotes africains n’espèrent pas grand-chose de l’’Hexagone. Néanmoins, nous n’occulterons pas le fait que, par leur immixtion ouverte ou discrète pour contrôler et sauvegarder leurs intérêts dans les affaires politiques intérieures des pays africains, la France fausse habituellement le rapport de forces entre les protagonistes politiques locaux.
Cela étant, les forces progressistes et révolutionnaires qui luttent pour un réel changement et qui veulent briser la main mise du pré carré français (la Françafrique) en Afrique, surtout avec la désastreuse expérience de François Mitterrand, doivent intégrer dans leurs stratégies cette donnée d’ingérence intempestive, malheureusement encore pertinente. Car au-delà des mots, la France, indifféremment des gouvernants, demeure un pays capitaliste et impérialiste.
1- Ziad Liman et Richard Michel, François Hollande : « Rénover en profondeur les relations avec l’Afrique » in Afrique Magazine n° 318- Mars 2012, p, 28
2- Christophe Courtin, François Hollande « Le regard français sur l’Afrique doit changer’’ in Le Messager n° 3585 du jeudi 3 mai 2012, pp, 6-7
-3- Jean-Baptiste Sipa, Président de France et non d’Afrique. In Le Messager n°3590 du jeudi 10 mai 2012. P, 12
4- J-B. Sipa, ibd
5- François Soudan, Qui tuera la Françafrique ? in Jeune Afrique n°2650, du 23 au 29 octobre 2011. p, 54
6- J-B. Sipa , ibd
7- V ; Siméon Zinga, Odile Tobner :’’nous verrons si une politique profondément renouvelée est mise en place…‘’. La Nouvelle Expression n° 3231 du vendredi 11 mai 2012, p, 8
8- François Soudan, Alain Juppé ‘’Pour l’Afrique comme pour le monde arabe, Hollande n’a rien à proposer ‘’ in Jeune Afrique n° 2668. Du 26 février au 3 mars 2012. p, 24
9- Christophe Courtin, ibd.
© Correspondance : David Ekambi Dibonguè