KONDENGUI : Ces personnalités qui visitent nuitamment les prisonniers de luxe
Ministres, DG, hommes politiques, opérateurs économiques et hauts gradés sont aperçus dans ce pénitencier à des heures insoupçonnées. Pourquoi se cachent-ils ? Enquête.
La peur du qu’en dira t-on aurait enlevé toute idée de solidarité entre les personnalités aux affaires et celles écrouées dans le cadre de la lutte contre l’atteinte à la fortune publique. Si l’Opération Epervier n’était pas à tête chercheuse, des barons du régime n’allaient pas opérer des contorsions pour rendre visite à leurs anciens collègues en difficulté. Un directeur général d’une entreprise parapublique soutenait, sous cape, la thèse selon laquelle personne n’est intouchable dans le régime. Personne n’est sûre de la confiance d’un homme dont on ne connait pas le tempérament.
Il est à mesure de vous élever haut dans l’appareil de l’Etat, puis de vous limoger et vous faire arrêter. Ce témoignage traduit le malaise des ministres et DG en poste face au devoir de solidarité envers leurs collègues, amis ou camarades (de parti) incarcérés. Rendre visite à un détenu la nuit n’est pas autorisé par la législation. Les jours de visite et communication entre détenus et leurs familles sont fixés par la loi.
Dans le cas de la prison centrale de Yaoundé, les mardis, jeudis et dimanches, de 10h à 17h, sont prévus pour les visites. Les journées de lundi, mercredi, vendredi et samedi, de 8H à 18H sont les visites d’urgences et de courte durée dans les box prévus pour les avocats et autorités. Alors face à cette organisation qui ne souffre d’aucune entorse, il est presque impossible d’apercevoir une personnalité de marque s’afficher pour assister un détenu de l’Opération Epervier en ces moments précis. Mais force est de constater que ces personnalités y vont en catimini entre 20H et 23H dans des voitures banalisées.
Le régisseur de la prison centrale de ‘’Kondengui’’ est au préalable informé de ces visites.
Pourquoi se cacher?
Tout commence depuis l’évocation plus ou moins fausse des réseaux de succession et le problème d’alternance au sommet de l’Etat qui démange chaque membre du gouvernement à chaque fois qu’on lui attribue une telle volonté. A ce niveau, on comprend l’attitude des personnalités de la République qui craignent d’être dénoncées auprès du chef de l’Etat. Du G11 au groupe Brutus, le pouvoir aura englouti tous ceux qui de près ou de loin étaient cités dans ces manoeuvres. Leurs amis qui sont restés en liberté ont tôt fait de les ignorer pour échapper eux aussi aux représailles.
Même les conversations téléphoniques des ministres sont écoutées par la DGRE et les services spéciaux. Toute cette démonstration justifie à plus d’un titre les dispositions sécrètes que prennent des barons du régime pour manifester leur solidarité à certains clients de l’Opération Epervier, arrêtés entre 2006 et 2015. Nous y reviendrons avec les identités de ces visiteurs de nuit.