Le n°2574 de Jeune Afrique présente les limites de la lutte contre la corruption au Cameroun. La une du magazine Jeune Afrique rappelle étrangement un panneau publicitaire qui, il y a quelques années, était visible dans les rues de Yaoundé
et vantait l’efficacité d’une marque de détergent. On y voit, sur un fond bleu, une caricature de Paul Biya vêtu d’un tee-shirt éclatant de blancheur. Ses bras de déménageur sont croisés sur la poitrine, son regard est direct, son sourire malicieux. Le président de la République du Cameroun, présenté comme «Mr Propre », semble rajeuni et plus déterminé que jamais à balayer sa cour, dans le cadre de la lutte contre la corruption lancée en 2006.
La dernière proie de l’opération Epervier est l’ancien ministre de la Défense, Rémy Ze Meka, dit «Bad Boy ». Jeune Afrique écrit qu’il pèse sur lui «un soupçon de détournement lors d’une commande de deux hélicoptères de combat de fabrication française destinés à la lutte contre les pirates dans la zone de Bakassi (…) L’argent ne serait jamais parvenu au fournisseur ». Sur plus de 77 personnes impliquées dans le détournement de près de 215 milliards de Fcfa, le magazine propose un panorama de 18 visages : Haman Adama, Roger Ntongo Onguéné, Polycarpe Abah Abah, Alphonse Siyam Siwé … Même s’il n’a pas été cité dans l’article, Dieudonné Ambassa Zang, ancien ministre des Travaux publics, est bien présent dans ce panorama.
Jeune Afrique présente aussi les limites de cette opération d’épuration. « Le traitement de la corruption relève du règlement judiciaire personnalisé et de la sanction pénale. C’est une sorte de cure expiatoire (…) quasi religieux, spectaculaire et médiatique, mais qui ne s’accompagne pas d’un démantèlement des mécanismes profonds du mal, évite la question de la responsabilité éthique de l’Etat et n’implique donc pas une refondation politique», écrit François Soudan. Et d’ajouter, à propos de Paul Biya : « A un an ou presque de l’élection (présidentielles 2011), ce combat contre ceux qui ont trahi sa confiance lui donne une raison de rester au pouvoir et un programme de substitution face aux difficultés économiques et sociales, tout en maintenant ses dauphins putatifs sous pression».
L’hebdomadaire ne fait pas de révélations sur l’opération Epervier. Il reste même assez vague sur l’affaire Rémy Ze Meka, mais garde le mérite de remettre à l’ordre du jour une affaire qui a été occultée dans l’actualité par le décès en prison du journaliste Bibi Ngota.