Kenya: Embarras de la communauté internationale face à la victoire d'Uhuru Kenyatta

PARIS - 10 MARS 2013
© RFI.fr

Uhuru Kenyatta, nouveau président du Kenya selon les résultats annoncés samedi, accède à la magistrature suprême 50 ans après son père. L'embarras est palpable au sein de la communauté internationale. Uhuru Kenyatta est inculpé par la Cour pénale internationale et a durant toute sa campagne dénoncé la partialité des pays occidentaux.

Il est jeune, riche, et dégage l’aisance des bien nantis. Sur l’estrade, devant un parterre d’officiels et de journalistes, Uhuru Kenyatta, sourit, sert des mains avec chaleur, mais prend soudain un air grave pour prononcer son premier discours de président. Il est ensuite rejoint par sa femme et ses trois enfants.

Cinquante ans après son père Jomo Kenyatta, il accède à la magistrature suprême après avoir tenté sa chance une première fois en 2002. A l’époque, il avait été adoubé unilatéralement par Daniel Arap Moi, provoquant des divisions durables au sein de l’ancien parti unique Kanu. Il n’avait pas pu le remporter face à Mwai Kibaki, un autre Kikuyu, qui à l’époque incarnait le changement promu par la coalition arc en ciel après les années de plomb. Mais cette élection a démarré sa carrière politique.

Nommé député en 2001, il choisit de soutenir Mwai Kibaki en 2007 et devient vice Premier ministre et ministres des Finances. Il quitte ce poste lorsqu’il est inculpé par la Cour pénale internationale et mène, avec son colistier William Ruto, une campagne extrêmement coûteuse, mais aussi moderne. Il tient d’ailleurs à dégager cette image de modernité en s’entourant de jeunes collaborateurs et en promouvant la place des femmes dans la politique.


Beaucoup de questions quant aux relations avec la communauté internationale

La Grande Bretagne a félicité le peuple kenyan pour une élection pacifique et déclaré qu’elle appréciait le partenariat historique avec le Kenya. Il n’est certes pas fait mention d'Uhuru Kenyatta, mais la tonalité va dans le même sens que celui de la communauté internationale, un peu embarrassée: Uhuru Kenyatta est certes inculpé par la CPI de crimes contre l’humanité, mais le Kenya est un partenaire stratégique. Comme le fait remarquer un diplomate, « nous avons plus besoin du Kenya que le contraire ».

Quant au nouveau président, qui joue depuis des mois la carte nationaliste, qui a dénoncé durant sa campagne un complot des pays occidentaux, son rapport à la communauté internationale est bien plus ambigu qu’il ne veut bien l’admettre. En effet, derrière lui, ce sont de riches hommes d’affaires, principalement Kikuyu, qui ne peuvent pas se permettre de tourner le dos à des investisseurs potentiels. Lorsqu'Uhuru Kenyatta dénonce la partialité de l’ambassadeur britannique, il paie parallèlement les services d’une société de relations publiques britannique justement chargée de redorer son image après son inculpation par la CPI. Et cette ambiguïté s’est à nouveau reflétée dans son discours :« Nous respecterons les accords internationaux, mais il faut qu’on respecte notre souveraineté ».


Une première pour la CPI


C'est la première fois qu'un homme poursuivi par la Cour pénale internationale est élu président. Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto devront comparaître bientôt pour leur participation présumée aux violences postélectorales de 2008. Et la nouvelle donne politique, semble-t-il, ne devrait rien changer.

Ils ont été élus président et vice-président en dépit des poursuites qui les visent. Et la CPI continuera de les poursuivre en dépit de leur élection. Le Kenya étant signataire du traité de Rome qui régit le fonctionnement de la CPI, les deux hommes sont tenus de collaborer avec elle.

Les deux parties ont d'ailleurs redit leur engagement. Uhuru Kenyatta le nouveau président a assuré avant le scrutin qu'il assisterait, même élu, à son procès. Après la proclamation des résultats, il a redit que le Kénya « reconnaissait ses obligations » vis-à-vis des institutions internationales.

Quant à la CPI, elle a répété ce samedi qu'il n'y avait pas d’immunité devant la Cour. Et si les procès initialement prévus lors de l'éventuel second tour avait été reportés, ce n'est certainement pas en raison de la situation politique mais des nombreuses demandes de la défense. Les avocats des deux prévenus demandent notamment que leurs clients puissent comparaître par visioconférence. Quelle que soit la décision des juges d'accéder à cette demande, les audiences doivent avoir lieu le 9 juillet prochain pour le nouveau président Uhuru Kenyatta. Et le 28 mai pour son vice-président William Ruto.


10/03/2013
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