Interpellés dans différentes affaires, les mis en cause font appel à leur pays d’adoption ou aux institutions internationales.
Le 04 février dernier, le collectif «Libérez Enoh» (Cle) adressait une correspondance au gouvernement français. A travers cette note, il comptait attirer l’attention dudit gouvernement sur la situation de celui qui fut recalé par Elecam à l’élection présidentielle d’octobre dernier et qui, croupit depuis quelques mois à la prison centrale de Yaoundé, à Kondengui. Enoh Meyomesse est accusé de «complicité de vol aggravé en coaction et vente illégale d'or». Des faits contenus dans l'ordonnance du juge d'instruction militaire, Mbundja Johannes, et pour lesquels il risque entre cinq et dix ans de prison.
Pour les membres du collectif libérez Enoh, il ne fait pas de doute: Enoh Meyomesse, dont le procès s’est ouvert vendredi dernier au tribunal militaire de Yaoundé, est victime de «manipulations orchestrées par le gouvernement pour influencer le cours de la Justice et préparer l’opinion à accepter le verdict inique que l’on devine déjà à travers les actes suivants». Un cri qui a du mal à se faire entendre au plan local et qui s’est déporté en, février dernier sur le plan international, notamment en France où ils espéraient obtenir du soutien.
Seulement, le directeur du cabinet du ministre français des Affaires étrangères et européenne Pierre Albiez, affirmait récemment, en réponse à cette correspondance: «que les autorités française ne sont pas compétentes pour inférer dans le fonctionnement de la justice d’un Etat étranger et souverain» Toutefois, poursuivait-il dans sa correspondance: «La France reste attachée à la défense des droits de l’Homme et aux droits fondamentaux de tout justiciable à travers le monde. Notre ambassade suit avec une grande attention la condition des détenus dans les prisons et évoque régulièrement cette question avec les autorités camerounaises». En somme, le collectif devra se trouver de nouveaux alliés alors que dans l’opinion, l’opportunité d’en appeler à l’arbitrage des puissances étrangères fait débat.
Echappatoire
Un peu comme ce fut le cas pour Michel Thierry Atangana qui, après 11 ans, a récemment bénéficié de l’assistance consulaire de l’ambassade de France au Cameroun dans le cadre de son procès contre l’Etat du Cameroun. Alors que l'essentiel du personnel de la représentation de l'Hexagone était en congé au mois de juillet, l'ambassadeur, Bruno Gain serait resté au Cameroun pour suivre le délibéré de l'affaire Michel Thierry Atangana, prévu mercredi 18 juillet. Déjà, affirment certaines sources, lors du traditionnel banquet offert le 14 juillet, à l'ambassade de France, le ministre de la Justice, Laurent Esso, aurait rassuré Bruno Gain, de ce que seul le droit sera dit. Le Garde des sceaux aurait affirmé, et ce devant l'ancien bâtonnier Me Tchoungang, que les juges sont libres dans ce procès, et ne jugeront que selon la loi camerounaise.
Pour ce dernier cas, au mois de juin 2012, Martin Belinga Eboutou, directeur du cabinet civil de la présidence, n’y est pas allé par quatre chemins : «[Me Lydienne Eyoum] entend user de tous les subterfuges pour échapper à la justice camerounaise», martelait-il dans un droit de réponse adressé au journal français Libération. Un avis que conteste le politologue Mathias Eric Owona Nguini pour qui il est tout à fait normal que des personnes françaises demandent assistance. «ça tombe d’ailleurs à pic, argue-t-il, car, la France est un Etat qui dispose d’une certaine influence sur le Cameroun. Toutefois, le fait que le Cameroun ne considère pas la double nationalité, on ne considère pas la nationalité étrangère. C’est d’ailleurs ce qui est à l’origine d’une forme de résistance lorsque la France interpelle le Cameroun sur le cas de ces personnes qui, sociologiquement ont gardé leurs origines camerounaises.»
Pour sa part, l’avocat Charles Nguini estime que: «Si on part du principe de droit, tout le monde doit répondre de ses actes devant la loi, à moins qu’il n’y ait des ajustements particuliers comme on le voit souvent dans des procès impliquant des personnes non camerounaises.» Toutefois, il faut attendre encore pour vivre des situations du genre «Arche de Zoé» au Tchad, estime Aboya Manasse Endong pour qui, tant que le Cameroun n’aura pas signé des conventions judiciaires avec cet état, il sera difficile pour la France de venir en aide à ses ressortissants impliqués dans des affaires judiciaires au Cameroun. «Bien que ce type de procédé rappelle le rapport de force entre les pays africains et européen, il n’est pas à négliger le fait qu’ils s’agit des accusés qui ne demandent qu’à bénéficier du système incarné par les démocraties avancées où l’individu est destinataire principal des actions publiques».